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23 septembre 2019 1 23 /09 /septembre /2019 19:18

Après que le président des Etats-Unis Donald Trump a limogé le 10 septembre 2019 son conseiller à la sécurité nationale, le « super faucon » John Bolton, les perspectives semblent meilleures pour une reprise des négociations entre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) et les Etats-Unis, susceptibles cette fois d'aboutir à un accord sur le programme nucléaire de la RPDC, acceptable par les deux parties. Ces perspectives de dialogue ne sont même pas compromises par les trois nouveaux essais balistiques de la RPDC (16 août, 24 août et 10 septembre), en réaction aux manœuvres militaires conjointes des armées américaine et sud-coréenne. Ces essais n'auront pas non plus dissuadé la Corée du Sud de mettre fin à un accord de partage des renseignements militaires avec le Japon, pourtant un élément essentiel de l'alliance entre la Corée du Sud, le Japon et les Etats-Unis.

Après les séries d'essais de missiles à courte portée et de lance-roquettes mutliples effectués en mai 2019 et en juillet-août 2019, la RPDC a procédé une série de trois nouveaux essais du 16 août au 10 septembre 2019 :

Le 16 août, la RPDC a testé sur sa côte orientale ce qu'elle a présenté comme une « nouvelle arme », sans donner davantage de renseignements sur l'arme en question. Selon l'armée sud-coréenne, il s'agirait de deux missiles balistiques de courte-portée similaires, au moins par leur aspect, au Army Tactical Missile System (ATACMS) de l'armée américaine. Les projectiles testés auraient parcouru 230 km à une altitude maximale de 30 km.

Essai ballistique mené par la RPD de Corée le 16 août 2019 (photo : KCNA)

 

Le 24 août, la RPDC a testé, toujours depuis sa côte orientale un « lance-roquettes multiple de très grande taille nouvellement développé » d'une portée présumée d'au moins 400 km.

Enfin, le 10 septembre, la RPDC a procédé à l'essai d'un autre « lance-roquettes multiple de très grande taille », cette fois depuis sa région occidentale, dont deux projectiles ont parcouru environ 330 kilomètres selon l'armée sud-coréenne.

L'essai du 10 septembre constituait le dixième de l'année 2019 et les armes testées, qu'il s'agisse de missiles à courte portée ou de lance-roquette multiples sont capables d'atteindre les forces que déploient les Etats-Unis dans la péninsule coréenne et ses alentours.

C'est néanmoins le 10 septembre que le président américain Donald Trump a choisi de se séparer de son conseiller à la sécurité nationale, le très belliciste John Bolton, ensuite remplacé par Robert O'Brien.

Bolton est considéré comme le principal responsable de l'échec du sommet de Hanoï des 27 et 28 février 2019. A Hanoï, Les deux parties avait échoué à s'entendre sur les étapes de la dénucléarisation de la RPDC et de la levée des sanctions frappant cette dernière, Bolton plaidant pour l'application du « modèle libyen », soit la renonciation par la Corée du Nord à son programme d'armement nucléaire comme préalable à d'hypothétiques concessions de la part des Etats-Unis.

John Bolton, ancien conseiller à la sécurité nationale des Etats-Unis

 

« [John Bolton] a fait de très grosses erreurs. Quand il a parlé du modèle libyen pour Kim Jong-un, ce n'était pas une bonne déclaration à faire », a déclaré Donald Trump le 11 septembre aux journalistes à la Maison-Blanche. « Voyez ce qui s'est passé avec Kadhafi. Ce n'était pas une bonne déclaration à faire, et cela nous a retardés. »

Pour mémoire, la Libye a abandonné son programme d'armement nucléaire en 2003, huit ans avant le renversement et l'assassinat du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi par des forces rebelles soutenues par l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN).

« Voyez ce qui est arrivé à Kadhafi avec le modèle libyen. Et il se sert de cela pour conclure un accord avec la Corée du Nord ? », a déclaré Donald Trump. « Je ne blâme pas Kim Jong-un pour ce qu'il a dit après cela. Et il ne voulait rien avoir à faire avec John Bolton. Dire quelque chose comme ça, ce n'est pas une question d'être dur, c'est une question de ne pas être intelligent. »

Ces déclarations sont plutôt de nature à rassurer la RPDC sur les intentions des Etats-Unis. De fait, le départ du « super faucon » Bolton a coïncidé avec la proposition de la Corée du Nord de reprendre à la fin du mois de septembre les négociations sur la dénucléarisation, dans l'impasse depuis le sommet sans accord de février entre les dirigeants nord-coréen et américain.

Ainsi, le 10 septembre, la vice-ministre nord-coréenne des Affaires étrangères, Choe Son-hui, a déclaré dans un communiqué que la RPDC souhaitait reprendre les négociations sur la dénucléarisation avec les Etats-Unis à la fin de septembre, en demandant que Washington vienne avec une nouvelle proposition acceptable.

« Nous sommes disposés à nous asseoir avec la partie américaine pour des discussions complètes sur les enjeux que nous avons abordés à une date et un endroit à déterminer à la fin de septembre », a dit la vice-ministre Choe.

Choe Son-hui, vice-ministre des Affaires étrangères de la RPD de Corée

 

Pour la vice-ministre, les Etats-Unis ont eu « suffisamment de temps » pour réviser leur méthode de calcul, conformément au souhait exprimé par le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un dans son discours du 12 avril 2019 lors de la première session de la 14ème législature de l'Assemblée populaire suprême de RPDC.

« Je pense que les Etats-Unis viendront avec une proposition adaptée aux intérêts de la RPDC et des Etats-Unis et basée sur une méthode de calcul acceptable pour nous », a déclaré Choe Son-hui.

La position nord-coréenne a été réaffirmée par Kim Myong-gil, ancien ambassadeur nord-coréen au Vietnam et nouveau représentant de la RPDC pour les négociations avec les Etats-Unis.

Dans un communiqué publié le 21 septembre, l'ambassadeur Kim a favorablement accueilli les propos du président américain qui a suggéré une « nouvelle méthode » pour sortir les négociations de dénucléarisation de l'impasse.

« En tant que chef de la délégation de la partie de la RPDC aux négociations de travail RPDC-Etats-Unis, j'aimerais saluer la décision politique judicieuse du président Trump d'aborder les relations RPDC-Etats-Unis d'un point de vue plus pratique », a déclaré Kim Myong-gil.

« Pour le moment, je ne suis pas tout à fait certain de ce que [le président Trump] sous-entend dans sa proposition de "nouvelle méthode" mais il me semble qu'il veut dire qu'une solution par étape en commençant d'abord par les choses faisables, tout en construisant une confiance mutuelle, serait la meilleure option », a-t-il dit.

« J'aimerais rester moi-même optimiste quant aux résultats des prochaines négociations RPDC-Etats-Unis en prévoyant que la partie américaine viendra aux négociations avec une méthode de calcul correcte », a-t-il encore ajouté.

La position de la RPDC constitue un grand changement par rapport aux critiques émises à l'égard des Etats-Unis au cours de l'été 2019. Ainsi, en août, le ministre nord-coréen des Affaires étrangères, Ri Yong-ho, avait qualifié son homologue américain Mike Pompeo de « toxine conservatrice de la diplomatie américaine », Pompeo ayant déclaré que toutes les sanctions imposées contre la RPDC seraient maintenues jusqu'à sa dénucléarisation. Pour sa part, la vice-ministre nord-coréenne des affaires étrangères Choe Son-hui avait déclaré fin août que les attentes pour le dialogue avec les Etats-Unis étaient « en train de disparaître progressivement ».

La mise à l'écart de John Bolton, champion des néoconservateurs adeptes de « changements de régime » dans les pays considérés comme hostiles, aura donc permis de sortir de l'impasse les négociations entre la RPDC et les Etats-Unis. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, les essais balistiques menés par la RPDC en juillet et août n'ont pas empêché la Corée du Sud de mettre un terme à l'accord de partage de renseignements militaires avec le Japon, élément essentiel de l'alliance entre la Corée du Sud, le Japon et les Etats-Unis tant désirée par ces derniers pour affronter la Chine avec la prétendue menace nord-coréenne comme prétexte.

En effet, le 22 août 2019, la Corée du Sud a annoncé sa décision de ne pas renouveler l'Accord de sécurité générale d'informations militaires (General Security of Military Information Agreement, GSOMIA) avec le Japon, accord arrivant à échéance en novembre et considéré comme l'une des rares plates-formes de sécurité pour promouvoir la coopération trilatérale en matière de défense entre les deux pays et leur allié commun, les Etats-Unis.

La décision sud-coréenne est intervenue sur fond de conflit commercial avec le Japon. Début août, le Japon a décidé de supprimer la Corée du Sud de sa liste des partenaires commerciaux dignes de confiance, justifiant cette décision par des « problèmes sécuritaires », après avoir imposé le 4 juillet des restrictions d'exportation vers la Corée du Sud de trois matériaux clés dans le cadre de représailles apparentes contre les verdicts rendus par la Cour suprême sud-coréenne quant au travail forcé en temps de guerre.

Dans un rapport préparé pour une réunion parlementaire, le ministère sud-coréen des Affaires étrangères a indiqué : « Nous avons déterminé qu'il n'était plus dans l'intérêt national de maintenir un pacte conclu pour partager des informations militaires sensibles avec le gouvernement japonais qui a soulevé des questions sur la confiance endommagée et les préoccupations sécuritaires. »

Le département d'Etat américain a quant à lui fait part de sa « profonde inquiétude et déception sur le fait que l'administration Moon a refusé le renouvellement » du GSOMIA, et le secrétaire américain à la Défense Mark Esper a manifesté ses préoccupations sur la décision de la Corée du Sud de mettre fin à l'Accord dans un entretien téléphonique avec son homologue sud-coréen.

Le prétexte de la « menace nord-coréenne » a donc fait long feu. Les négociations entre la RPDC et les Etats-Unis en vue de la signature d'un accord de dénucléarisation mutuellement acceptable sont à nouveau sur les rails, et la Corée du Sud n'hésite plus à mettre en avant les intérêts coréens, communs aux Coréens du Sud, du Nord et d'outre-mer, quitte à s'opposer aux intérêts stratégiques des Etats-Unis.

Tout cela fait émerger en Corée un nouveau contexte - un nouveau monde? - et il n'y a plus guère que la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne pour condamner les mesures prises par la RPDC pour sa propre défense, comme ils l'ont encore fait le 27 août en convoquant une session, à huis clos, du Conseil de sécurité des Nations unies, et en faisant une déclaration par laquelle, tels la mouche du coche de la fable, ils appellent la Corée du Nord à « s'engager dans des négociations significatives avec les Etats-Unis »Mais, aussi significatif, si ce n'est plus, que les négociations réclamées par Paris, Londres et Berlin, les Etats-Unis ne se sont pas associés à cette déclaration, sans doute pour ne pas nuire aux efforts visant la reprise des négociations avec la RPDC.

La nouvelle modération de l'administration américaine en Corée l'éloigne de la rhétorique habituelle des néoconservateurs dans le style de John Bolton, lequel aura au moins la satisfaction de savoir qu'il est un peu regretté dans certaines capitales européennes.

 

Sources :

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