Le 30 juin 2017, à l'occasion de la première visite aux Etats-Unis de Moon Jae-in, nouvellement élu président de la République de Corée (Corée du Sud), un communiqué conjoint a été publié avec son homologue américain Donald Trump. Alors que le déplacement des chefs d'Etat sud-coréens aux Etats-Unis après leur élection est vu à Séoul comme un exercice obligé, cette rencontre au sommet était attendue et observée au regard des distances qu'avait prises Moon Jae-in avec les Etats-Unis au cours de sa campagne électorale. Si de l'aveu même des communicants de chaque partie il s'agissait pour les deux hommes d'apprendre à se connaître et que certains sujets ont donné lieu à des discussions "franches" (soit, en langage diplomatique, l'expression nette de divergences), le moment n'était pas à l'expression publique de désaccords - mais plutôt à l'affichage d'un "consensus de façade" (selon l'expression des journalistes du quotidien Le Monde Stéphanie Le Bars et Philippe Pons) - tandis que sur la forme Moon Jae-in n'a pas été reçu dans la résidence privée de Donald Trump à Mar-a-Lago, contrairement au Premier ministre japonais.
Surtout, éviter les sujets qui fâchent : le communiqué conjoint américano-sud-coréen exclut ainsi la délicate question du déploiement en Corée du Sud du bouclier de missiles américain THAAD, dont le nouveau chef d'Etat sud-coréen a obtenu qu'il soit suspendu.
Si le sujet de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) est a priori moins conflictuel - les deux pays partagent au moins l'objectif de mettre fin aux programmes balistiques et nucléaires de Pyongyang, tout en poursuivant leurs manoeuvres militaires conjointes de grande ampleur et en accroissant les sanctions internationales contre la Corée du Nord - la volonté sud-coréenne de dialoguer avec la Corée du Nord n'a guère de répondant à ce jour aux Etats-Unis, le président américain ayant commencé à mettre en place des sanctions contre les entreprises chinoises commerçant avec la RPD de Corée, et jugé utile de souligner que sa patience était à bout - même s'il ne fait que poursuivre dans ses grandes lignes la politique nord-coréenne de son prédécesseur, en augmentant toujours davantage les sanctions contre la RPDC. Néanmoins, en s'affirmant ouvert au dialogue, Donald Trump a apparemment modéré son approche et tenu compte du changement de majorité à Séoul - c'est du moins ce que veut accréditer l'agence officielle de presse sud-coréenne, en présentant le communiqué conjoint Washington-Séoul sous le titre : "Trump soutient l'initiative sud-coréenne de redémarrer le dialogue avec Pyongyang", tout en citant par ailleurs le communiqué conjoint selon lequel les deux partes "ont affirmé leur engagement à mettre en œuvre pleinement les sanctions actuelles et imposer de nouvelles mesures destinées à appliquer une pression maximale sur la Corée du Nord". Dans l'avion qui le conduisait à Washington, Moon Jae-in avait ainsi déclaré être pour la reprise inconditionnelle du dialogue avec la Corée du Nord :
Il ne s’agit pas de récompenser la Corée du Nord pour son comportement répréhensible, mais Séoul et Washington devraient examiner ensemble ce qu’ils pourraient lui offrir en échange d’un gel de son programme nucléaire (...) Nous devons engager un dialogue avec Pyongyang (...) Sans condition.
Autre sujet de discorde, l'accord de libre-échange Etats-Unis - République de Corée, entré en vigueur en 2012, dont Donald Trump a souligné pendant sa rencontre au sommet avec Moon Jae-in qu'il entendait le renégocier. Comme le souligne l'agence Yonhap, le communiqué conjoint mentionne seulement la nécessité de créer les conditions d'un commerce "équitable" :
A propos des questions économiques, Moon et Trump se sont mis d'accord pour créer des conditions du marché «équitables» pouvant aider à résoudre le déficit commercial des Etats-Unis.
Le communiqué n'a cependant pas fait allusion à une renégociation imminente de l'accord de libre-échange (ALE) entre les deux pays qui a été décrit dans le passé par le président américain comme un «accord horrible».
Enfin, alors que la Corée du Sud a réaffirmé son engagement à soutenir les Etats-Unis dans la lutte contre l'Etat islamique et, plus largement, contre le terrorisme, les Américains ont fait un geste en direction des Sud-Coréens en évoquant la possibilité de transférer à Séoul le commandement opérationnel des forces sud-coréennes en temps de guerre, qui avait été refusé par les conservateurs sud-coréens, mais sous certaines conditions également soulignées par l'agence Yonhap :
Le communiqué a aussi noté que les dirigeants ont également convenu de travailler en vue d'assurer dans les meilleurs délais le transfert à Séoul du contrôle opérationnel en temps de guerre des forces sud-coréennes, une mesure qui a été initialement convenue il y a plus d'une décennie mais qui a été reportée à une date indéterminée sous l'ancien gouvernement conservateur.
Le transfert dépendra toutefois des futures acquisitions de Séoul en matière de capacités de défense indépendantes, a-t-il indiqué.
Au final, le déplacement de Moon Jae-in aux Etats-Unis n'a certes pas levé tous les points de désaccord avec l'administration Trump, mais a permis de poser les conditions d'une poursuite et d'une éventuelle évolution des termes de l'alliance traditionnelle américano-sud-coréenne, au regard des attentes de chacune des deux parties.
Sources :
Washington et Séoul affichent un consensus de façade sur la Corée du Nord
Le nouveau président sud-coréen Moon Jae-in, qui a été reçu à la Maison Blanche, a éludé ses divergences avec Donald Trump à propos du régime de Pyongyang et des relations commerciales. L...
Trump soutient l'initiative sud-coréenne de redémarrer le dialogue avec Pyongyang
Le président américain Donald Trump a affiché son soutien à la politique du président Moon Jae-in qui consiste à chercher à relancer le dialogue avec la Corée du Nord dans un communiqué co...
http://french.yonhapnews.co.kr/national/2017/07/01/0300000000AFR20170701001500884.HTML
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