Dans tous les pays du monde, les déclarations du plus haut dirigeant à l'occasion de la nouvelle année constituent un moment solennel. La Corée ne fait pas exception à la règle : après la cérémonie de voeux de la Présidente Park Geun-hye de la République de Corée (Corée du Sud), le Dirigeant Kim Jong-un de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) s'est à son tour adressé à ses concitoyens et au monde, le 1er janvier 2015, dans un discours de trente minutes. De part et d'autre, la volonté a été clairement exprimée de reprendre le dialogue intercoréen à un haut niveau, alors que cette année marque le soixante-dixième anniversaire de la libération de la Corée de l'occupation japonaise. Fidèle à ses engagements constants depuis 1969, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) accompagne pleinement la RPD de Corée sur la voie des échanges économiques et culturels, et soutient fermement toute initiative de nature à favoriser le dialogue, la paix et la réunification dans la péninsule - après que le retour au pouvoir des conservateurs à Séoul, en 2008, a malheureusement ruiné les efforts accomplis en ce sens pendant la décennie de la "politique du rayon de soleil" (1998-2008) d'ouverture du Sud au Nord, et réciproquement.
Suivant un exercice rodé, dans ses voeux de nouvel an diffusés le 1er janvier 2015, le Maréchal Kim Jong-un s'est inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs, le Président Kim Il-sung et le Dirigeant Kim Jong-il, pour l'édification d'un pays socialiste puissant et prospère, sous la conduite du Parti du travail de Corée (PTC), alors que le 10 octobre 2015 marquera le soixante-dixième anniversaire de la fondation du PTC, dont le message de nouvel an a souligné qu'il donnerait lieu à d'importantes célébrations.
Le dirigeant Kim Jong-un a fait le bilan de l'année écoulée et fixé les priorités pour 2015, en mettant l'accent, comme les années précédentes, sur la poursuite et l'accélération du développement économique ainsi que l'élévation du niveau de vie de la population. A cet égard, la récolte céréalière a atteint, en 2014, son plus haut niveau depuis les graves catastrophes climatiques des années 1990, lesquelles avaient engendré une sévère pénurie alimentaire. La mise en place continue d'une nouvelle infrastructure de loisirs marque la volonté de garantir l'accès le plus large à la consommation de biens et de services. Enfin, la modernisation technologique et la mise en exergue de l'importance accordée au progrès scientifique rendent compte de l'engagement de la RPD de Corée dans un nouveau cycle de croissance économique, se fondant sur l'effort réalisé en matière d'investissements en recherche-développement - y compris par un recours accru aux investissements étrangers. L'intervention mentionne également la nécessaire accélération de l'ouverture au tourisme international.
Le développement économique et social a été décrit comme indissociable du renforcement des capacités militaires, fondé notamment - comme en France - sur une force de dissuasion nucléaire, la RPD de Corée restant soumise au plus vieil embargo au monde.
Un des moments les plus attendus des voeux état de savoir si le Nord répondrait à la proposition formulée par le Sud quelques jours plus tôt, de relancer le dialogue et les échanges intercoréens, mis à mal par l'alternance politique qui a vu le retour au pouvoir à Séoul, en 2008, des conservateurs, parmi lesquels beaucoup privilégient au contraire le renforcement des sanctions en vue d'un effondrement de la RPD de Corée. En 2014, la présidente sud-coréenne Park Geun-hye a mis en place un comité de préparation de l'unification, qui avait proposé au Nord, dans les derniers jours de décembre, de reprendre le dialogue interministériel dès janvier 2015 pour discuter de sujets d'intérêt mutuel, dont de nouvelles réunions de familles coréennes séparées par la division.
Le compte rendu de l'allocution de nouvel an publié par l'agence de presse nord-coréenne KCNA a souligné que la nation coréenne tout entière - du Nord, du Sud et de la diaspora - devait se retrouver derrière le mot d'ordre "Que l'ensemble de la nation fasse des efforts conjoints pour ouvrir un boulevard vers la réunification indépendante, en cette année du soixante-dixième anniversaire de la libération nationale !". En effet, si le 15 août a vu la libération de la Corée de l'occupation japonaise, l'indépendance s'est accompagnée de la division de la nation coréenne avec la mise en place d'institutions séparées de part et d'autre du 38e parallèle.
Plus précisément, le Maréchal Kim Jong-un a déclaré qu'il n'avait "pas de raison" de refuser la main tendue par le Sud, en apportant les précisions suivantes :
"Si les autorités sud-coréennes veulent sincèrement améliorer les relations entre la Corée du Nord et du Sud par le dialogue, nous pouvons reprendre les rencontres à haut niveau qui ont été suspendues. [...] Si l'atmosphère et l'environnement sont favorables, il n'y a pas de raison de ne pas tenir un sommet à haut niveau [avec la Corée du Sud]."
Si les autorités sud-coréennes ont raison de souligner qu'il s'agit d'une réponse positive, la RPD de Corée a rappelé qu'il faut que soient réunies les conditions d'un dialogue de haut niveau - un peu hâtivement interprété comme la possibilité d'un sommet Nord-Sud, dans la continuité de ceux de juin 2000 et octobre 2007. En effet, les canaux du dialogue existent déjà : le Nord avait pris l'initiative de l'envoi d'une délégation de très haut niveau lors de la cérémonie de clôture des Jeux asiatiques d'Incheon, au Sud, le 4 octobre 2014, qui coïncidait jour pour jour avec le septième anniversaire de la seconde déclaration conjointe Nord-Sud. Il s'agit donc déjà de reprendre les discussions, à l'occasion de l'anniversaire de la libération qui sera commémoré avec faste tant au nord qu'au sud de la péninsule, alors que la fin d'année 2014 avait été marquée par des initiatives du Sud qui avaient éloigné la perspective de renouer les fils du dialogue : les envois depuis le Sud de tracts de propagande contre la RPD de Corée, le rôle actif joué par Séoul dans la condamnation de la situation des droits de l'homme au Nord, enfin (et peut-être surtout) la répression exercée par les autorités sud-coréennes vis-à-vis des militants pro-réunification, dans la foulée de l'interdiction du Parti progressiste unifié (PPU), décrié comme "pro-Nord", qui s'inscrit dans une évolution autoritaire du régime du Sud. Tant que cette répression continuera, il est très improbable que le Nord accepte de servir de caution à la présidente sud-coréenne, dont la popularité vient de tomber en-dessous de la barre des 40 %.
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