C'est la loi du genre dans le domaine des médias : les réactions à chaud mettent en avant l'information inédite ou sensationnelle (le "scoop") pour "créer l'événement", le terme même de "créer" étant en lui-même significatif puisqu'il ne s'agit pas seulement de relayer une information, mais de l'interpréter et de la mettre en contexte afin d'amener l'opinion publique, sinon les décideurs politiques eux-mêmes, à agir et réagir. En ce sens, mise à part une minorité de lecteurs, d'auditeurs ou de téléspectateurs avertis, l'opinion peut facilement être orientée dans un sens donné. Pour notre part, au sein de l'Association d'amitié franco-coréenne, nous avons toujours préféré l'analyse, laquelle s'inscrit dans la durée et exige un recoupement des sources, aux réactions à vif. C'est le sens des articles que nous écrivons depuis des mois sur la montée actuelle des tensions dans la péninsule coréenne, où nous montrons que l'escalade ne peut pas, par nature, être le fait d'une seule des parties - alors que les opinions occidentales sont préparées à l'idée d'une réaction ferme des Etats-Unis aux "provocations" de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), selon la terminologie utilisée par les armées américaines et sud-coréennes. Les communicants de ces deux armées, en investissant largement le champ des médias, parviennent ainsi à influencer l'opinion dans un sens favorable aux intérêts de Washington et de Séoul. Dans ce contexte, une nouvelle a défrayé la chronique des médias le samedi 30 mars 2013 : la RPDC serait en état de guerre, et aurait donc déclaré la guerre à la Corée du Sud et aux Etats-Unis. Une telle nouvelle a été accueillie comme pain bénit par les faucons américains et sud-coréens dans leur entreprise de diabolisation de la Corée du Nord. Las, le tuyau était percé : non seulement l'agence officielle nord-coréenne n'a jamais parlé de déclaration de guerre, mais une erreur de traduction serait intervenue... Explication de texte et mise au point.
La nouvelle est tombée ce samedi 30 mars 2013 par une dépêche de l'agence russe Ria Novosti, une des meilleures sources d'informations sur la Corée du Nord qui soit indépendante des gouvernements des pays occidentaux et de la Corée du Sud : "la déclaration faite samedi par Pyongyang selon laquelle la Corée du Nord était en 'état de guerre' avec le Sud résulte d'une erreur de traduction, ont affirmé les autorités nord-coréennes, précisant qu'il s'agissait seulement de la volonté de Pyongyang de réagir ''selon les lois applicables en temps de guerre' à toute agression étrangère."
Il n'y a donc pas d' "état de guerre", ni a fortiori de "déclaration de guerre", comme l'ont interprété un peu hâtivement plusieurs médias. Au demeurant, d'un point de vue juridique, si des actes engageant les Etats comme les déclarations de guerre obéissent à des procédures formelles (en France, une déclaration de guerre requiert une autorisation du Parlement), dans la pratique les déclarations de guerre sont tombées en désuétude, l'exécutif décidant seul des actions militaires, entreprises dans des délais jugés incompatibles avec ceux, plus lents, des travaux parlementaires. Aujourd'hui, on constate seulement des situations, pouvant être qualifiée de "tensions", de "guerre" ou encore d' "opérations", selon une terminologie choisie à dessein par l'émetteur d'informations afin d'influencer l'opinion. Pour reprendre l'exemple de la France, l'engagement actuel des forces militaires au Mali a été suivi d'un débat dans les deux chambres du Parlement, mais il n'y a pas eu de délibération préalable, ni de déclaration de guerre.
Dans l'escalade actuelle autour de la péninsule, les autorités nord-coréennes s'étaient de même déjà placées dans une position de constat d'une situation donnée, en observant que l'accord d'armistice avait de facto pris fin au regard des actions engagées par les Etats-Unis. De ce point de vue, il ne pouvait donc pas s'agir d'une rupture unilatérale de l'accord d'armistice de 1953, comme le leur avait reproché le gouvernement américain.
Dans la nuit du 29 mars, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un avait déjà donné l'ordre de placer les missiles de la RPDC en position de combat afin de pouvoir frapper, en cas de provocations américaines, les bases des Etats-Unis situées sur le continent américain, dans le Pacifique et en Corée du Sud. Une semaine plus tôt, le commandement des troupes américaines en Corée du Sud et le chef d'état-major sud-coréen avaient rendu publique l'existence d'un nouvel accord militaire avec la Corée du Sud comportant un plan d'attaque contre la Corée du Nord, en évoquant l'hypothèse, bien sûr inverse à celle des Nord-Coréens, de provocations de la Corée du Nord... Mais dans ce conflit d'interprétations et de points de vue, les faits sont têtus : ce sont aujourd'hui les Américains qui manoeuvrent à proximité immédiate de la Corée du Nord, et pas l'inverse.
Scénario d'attaque contre la Corée du Nord (source : Solidarity for Peace and Reunification of Korea)
En tout état de cause, la RPDC s'estime gravement menacée. Publiée par l'agence officielle nord-coréenne KCNA le 30 mars 2013 (voir ci-dessous), la déclaration conjointe "du Gouvernement, des partis politiques et des organisations de la RPDC" a adopté un ton martial - même si l'on retire les propos liminaires et le titre de la dépêche d'agence selon lesquels les relations intercoréennes sont dans un "état de guerre", puisqu'il s'agit d'une erreur de traduction, comme l'a indiqué Ria Novosti :
- le premier point, qui a fait coulé le plus d'encre, concerne les conséquences de la situation actuelle sur les relations intercoréennes : alors que l'armistice ayant mis fin aux combats de la guerre de Corée a entraîné une situation ambiguë (ni guerre, ni paix), la RPDC estime que les Etats-Unis et leurs alliés sud-coréens ont rendu caduc l'accord d'armistice et que, à présent, "les relations entre le Nord et le Sud seront régies selon les lois du temps de guerre. [...] En conséquence, la RPDC punira immédiatement la moindre provocation blessant sa dignité et sa souveraineté par des actions résolues et sans merci sans avertissement préalable" ; il s'agit, dans un style propre à la RPD de Corée, de dispositions analogues à celles annoncées il y a une semaine par les Etats-Unis dans le nouvel accord de défense avec la Corée du Sud ;
- le deuxième point précise le champ de la mise en garde au regard des potentielles provocations américaines (de ce point de vue, la RPDC est plus transparente que les Etats-Unis puisqu'elle définit la nature de ce qu'elle considère être une provocation, alors que les Etats-Unis entretiennent le flou sur ce que serait selon eux, a contrario, une provocation nord-coréenne qui légitimerait une action de leur part) : "si les Etats-Unis et le groupe fantoche sud-coréen commettent une provocation militaire pour déclencher une guerre contre la RPDC en tout lieu y compris les cinq îles de la mer de Corée occidentale ou le long de la ligne militaire de démarcation, le conflit ne serait pas limité, mais conduirait à une guerre totale et une guerre nucléaire" ; ce point vise à prévenir toute violation du territoire nord-coréen en mettant en garde contre les risques, dans cette hypothèse, d'un conflit généralisé ; ce n'est pas la première fois que la RPDC déclare qu'elle n'acceptera pas le moindre empiètement sur son territoire national, mais il est intéressant de noter que cette déclaration intervient au lendemain du survol de la Corée par des bombardiers américains furtifs B-2, qui a laissé planer la menace de frappes aériennes ; par ailleurs, contrairement à ce que veulent faire accroire les communicants de l'armée américaine et leurs relais dans les médias, la Corée du Nord ne se place pas en position d'agresseur, mais dans la situation d'un Etat exerçant son droit de légitime défense et qui riposterait à une agression extérieure ; c'est dans cette seule hypothèse que la RPDC précise qu'une agression impliquerait une riposte nord-coréenne contre n'importe quelle base des Etats-Unis, qu'elle soit située sur le territoire américain, dans le Pacifique ou en Corée du Sud ;
- dans le troisième et dernier point, la RPD de Corée précise qu'elle serait alors engagée "dans une grande guerre pour la réunification nationale", et qu'elle ne laisserait pas échapper une "occasion en or de remporter la victoire finale" ; la déclaration décrit alors le scénario d'une "guerre éclair", dans les faits très proche de l'offensive nord-coréenne qui l'avait conduit, dans les premiers jours de la guerre de Corée en 1950, à occuper presque toute la péninsule, avant la contre-offensive des troupes des Nations Unies sous commandement américain, menée jusqu'à la frontière chinoise, suivie d'une intervention de la Chine dans le conflit puis du reflux des Américains et de leurs alliés avant, in fine, la stabilisation du front autour de l'actuelle zone démilitarisée séparant les deux Corée.
Alors que cette déclaration est généralement interprétée par les médias occidentaux comme une simple escalade verbale, il serait erroné de sous-estimer le sentiment d'insécurité réel des Nord-Coréens et la volonté d'affermir l'unité nationale autour du Parti et des dirigeants. Par ailleurs, vis-à-vis du monde extérieur, la détermination des Nord-Coréens est de nature à dissuader les Etats-Unis de toute aventure militaire et, finalement, prévenir des risques de dérapage vers un nouveau conflit. Selon l'adage romain, "Si vis pacem, para bellum", "Si tu veux la paix, prépare la guerre".
Sources : AAFC, KCNA, Ria Novosti
Texte en anglais de la dépêche du 30 mars 2013, tel que publié sur le site de l'agence KCNA
North-South Relations Have Been Put at State of War : Special Statement of DPRK
Pyongyang, March 30 (KCNA) -- The government, political parties and organizations of the DPRK released the following special statement on Saturday:
The moves of the U.S. imperialists to violate the sovereignty of the DPRK and encroach upon its supreme interests have entered an extremely grave phase. Under this situation, the dear respected Marshal
The important decision made by him is the declaration of a do-or-die battle to provide an epochal occasion for putting an end to the history of the long-standing showdown with the U.S. and opening a new era. It is also a last warning of justice served to the U.S., south Korean puppet group and other anti-reunification hostile forces. The decision reflects the strong will of the army and people of the DPRK to annihilate the enemies.
Now the heroic service personnel and all other people of the DPRK are full of surging anger at the U.S. imperialists' reckless war provocation moves, and the strong will to turn out as one in the death-defying battle with the enemies and achieve a final victory of the great war for national reunification, true to the important decision made by
The Supreme Command of the KPA in its recent statement solemnly declared at home and abroad the will of the army and people of the DPRK to take decisive military counteraction to defend the sovereignty of the country and the dignity of its supreme leadership, as regards the war moves of the U.S. and south Korean puppets that have reached the most extreme phase.
Not content with letting B-52 make sorties into the sky over south Korea in succession despite the repeated warnings of the DPRK, the U.S. made B-2A stealth strategic bomber and other ultra-modern strategic strike means fly from the U.S. mainland to south Korea to stage a bombing drill targeting the DPRK. This is an unpardonable and heinous provocation and an open challenge.
By taking advantage of the U.S. reckless campaign for a nuclear war against the DPRK, the south Korean puppets vociferated about "preemptive attack" and "strong counteraction" and even "strike at the commanding forces", openly revealing the attempt to destroy monuments symbolic of the dignity of the DPRK's supreme leadership.
This clearly shows that the U.S. brigandish ambition for aggression and the puppets' attempt to invade the DPRK have gone beyond the limit and their threats have entered the reckless phase of an actual war from the phase of threat and blackmail.
The prevailing grim situation more clearly proves that the Supreme Command of the KPA was just when it made the judgment and decision to decisively settle accounts with the U.S. imperialists and south Korean puppets by dint of the arms of Songun, because time when words could work has passed.
Now they are openly claiming that the B-2A stealth strategic bombers' drill of dropping nuclear bombs was "not to irritate the north" but for "defense". The U.S. also says the drill is "to defend the interests of its ally". However, it is nothing but a lame pretext to cover up its aggressive nature, evade the denunciation at home and abroad and escape from the DPRK's retaliatory blows.
The era when the U.S. resorted to the policy of strength by brandishing nuclear weapons has gone.
It is the resolute answer of the DPRK and its steadfast stand to counter the nuclear blackmail of the U.S. imperialists with merciless nuclear attack and their war of aggression with just all-out war.
They should clearly know that in the era of Marshal
The hostile forces will clearly realize the iron will, matchless grit and extraordinary mettle of the brilliant commander of Mt. Paektu to the effect that the earth cannot exist without Songun Korea.
Time has come to stage a do-or-die final battle.
The government, political parties and organizations of the DPRK solemnly declare as follows reflecting the final decision made by
1. From this moment, the north-south relations will be put at the state of war and all the issues arousing between the north and the south will be dealt with according to the wartime regulations.
The state of neither peace nor war has ended on the Korean Peninsula.
Now that the revolutionary armed forces of the DPRK have entered into an actual military action, the inter-Korean relations have naturally entered the state of war. Accordingly, the DPRK will immediately punish any slightest provocation hurting its dignity and sovereignty with resolute and merciless physical actions without any prior notice.
2. If the U.S. and the south Korean puppet group perpetrate a military provocation for igniting a war against the DPRK in any area including the five islands in the West Sea of Korea or in the area along the Military Demarcation Line, it will not be limited to a local war, but develop into an all-out war, a nuclear war.
It is evident that any military conflict on the Korean Peninsula is bound to lead to an all-out war, a nuclear war now that even U.S. nuclear strategic bombers in its military bases in the Pacific including Hawaii and Guam and in its mainland are flying into the sky above south Korea to participate in the madcap DPRK-targeted nuclear war moves.
The first strike of the revolutionary armed forces of the DPRK will blow up the U.S. mainland and its bases for aggression in the Pacific operational theatres including Hawaii and Guam and reduce not only its military bases in south Korea but the puppets' ruling institutions including Chongwadae and military bases to ashes at once, to say nothing of the aggressors and the provokers.
3. The DPRK will never miss the golden chance to win a final victory in a great war for national reunification.
This war will not be a three-day-war but it will be a blitz war through which the KPA will occupy all areas of south Korea including Jeju Island at one strike, not giving the U.S. and the south Korean warmongers time to come to their senses, and a three-dimensional war to be fought in the air, land and seas and on the front line and in the rear.
This sacred war of justice will be a nation-wide, all-people resistance involving all Koreans in the north and the south and overseas in which the traitors to the nation including heinous confrontation maniacs, warmongers and human scum will be mercilessly swept away.
No force on earth can break the will of the service personnel and people of the DPRK all out in the just great war for national reunification and of all other Koreans and overpower their might.
Holding in high esteem the peerlessly great men of Mt. Paektu, the Korean people will give vent to the pent-up grudge and realize their cherished desire and thus bring a bright day of national reunification and build the best power on this land without fail.
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