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15 mai 2011 7 15 /05 /mai /2011 23:01

Pendant la plus grande partie de son histoire, la République de Corée (du Sud) a connu des régimes autoritaires de droite. Si la révolution d'avril 1960 a abattu le régime de Syngman Rhee, elle n'a ouvert qu'une courte parenthèse démocratique : à peine un an plus tard, le 16 mai 1961, un coup d'Etat militaire devait porter au pouvoir le général Park Chung-hee, ouvrant l'une des pages les plus sombres de l'histoire politique sud-coréenne. Soutien constant des mouvements démocratiques en Corée du Sud, l'Association d'amitié franco-coréenne revient sur le coup d'Etat militaire du 16 mai 1961.

   

Dans les premières heures de la journée du 16 mai 1961, quelque 3.500 soldats de l'armée sud-coréenne prirent le contrôle des points stratégiques de Séoul et des médias. Apprenant le coup d'Etat, le Premier ministre Chang Myon, de sensibilité conservatrice libérale, qui dormait dans sa suite de l'hôtel Bando - en face de l'ambassade américaine - se réfugia à l'archevêché de Séoul dès 2 heures du matin. Le commandant en chef des armées régulières sud-coréennes, le général Chang To-yong, demanda à Magruder, commandant des troupes américaines, d'intervenir, mais ce dernier refusa d'agir tout en affirmant que les Américains soutenaient le gouvernement légal. Magruder rencontra le président de la République, Yun Posun, qui se solidarisa de fait avec les mutins en déclarant à Magruder que "la Corée avait besoin d'un gouvernement fort". Dans un télégramme adressé dès le lendemain au gouvernement américain, Magruder déclara que tous les hommes influents à Séoul étaient selon lui au courant de ce qui se préparait et, à tout le moins, ne s'étaient pas opposés au coup d'Etat "qui n'était pas d'inspiration communiste". L'action des putschistes recevait ainsi le soutien de Washington, dont l'anticommunisme servait de seul guide en politique étrangère après les récents échecs subis par l'impérialisme américain, notamment à Cuba et au Vietnam.

 

Park Coup 1961Park Chung-hee (avec les lunettes noires) le 16 mai 1961

 

Selon l'historien américain Bruce Cumings, le représentant de la CIA à Séoul, Peer da Silva, maintint un temps un semblant d'équilibre entre le gouvernement Chang Myon et le chef des pustchistes, le général Park Chung-hee, en rencontrant les uns et les autres. Mais il n'apparaissait pas surpris du coup d'Etat, dont il est probable qu'il avait été informé préalablement. 

 

Face aux progrès de la gauche et des forces favorables à la réunification de la Corée, une partie de la droite sud-coréenne appelait de ses voeux un régime plus musclé que celui du gouvernement Chang Myon, qui s'était également aliéné le soutien des forces progressistes en restreignant la liberté de manifestation. Le 22 février, plus de 30.000 Sud-Coréens s'étaient réunis à Séoul dans une manifestation aux chandelles, sur des slogans anti-gouvernementaux, anti-américains et pro-réunification. Comme naguère le "18 Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte" en France, le coup d'Etat du 16 mai 1961 ne rencontra qu'une faible opposition.

 

Le 17 mai, la junte militaire - formée d'une trentaine de colonels et de généraux - dispersait l'Assemblée nationale et interdisait les activités politiques. Les nouveaux hommes forts de Séoul, avec à leur tête le général Park Chung-hee, mettaient en place un "comité révolutionnaire" fondé sur le resserrement des liens avec les Etats-Unis, l'anticommunisme et un discours de régénération économique et nationale. Dans leur inspiration idéologique, les putschistes étaient très marqués par le militarisme japonais des années 1930 et une des priorités du nouveau pouvoir sera l'établissement, en 1965, de relations diplomatiques complètes entre Tokyo et Séoul. La période qui s'ouvrait replongeait la Corée du Sud dans un régime réactionnaire autoritaire, consacrant le pouvoir du général Park Chung-hee jusqu'à son assassinat par son propre chef des services de renseignement en 1979.

 

Ancien officier de l'armée impériale japonaise, Park Chung-hee avait servi les occupants japonais de la Corée, ayant reçu une montre en or de l'empereur Hiro-Hito en récompense de ses services. Si en 1946 il avait rejoint des mouvements armés de protestation pro-démocratiques et anti-américains, ce qui lui avait valu d'être emprisonné comme "communiste", tout comme son frère, il aurait selon plusieurs sources aidé à arrêter les officiers rebelles, levant un débat sur ses opinions politiques réelles à cette époque. Cette réputation, vraie ou fausse, d'ancien communiste n'en avait pas moins quelque peu inquiété les services de renseignement américains en 1961.

 

Cinquante ans après le coup d'Etat du 16 mai 1961, la fille du général Park Chung-hee, Park Geun-hye, apparaît comme la favorite des sondages et pour l'heure la candidate la mieux placée du camp conservateur. Elle a officié comme première dame, après l'assassinat de sa mère en 1974 et avant le propre assassinat de son père en 1979. De fait, de nombreux Sud-Coréens ignorent leur histoire contemporaine, largement absente des manuels scolaires, tandis que le maintien dans les cercles du pouvoir des hommes de l'ère Park Chung-hee a favorisé l'éclosion d'une légende autour du "général-président", dont le pouvoir a correspondu à un important essor économique de la Corée du Sud - grâce notamment à des injections massives de capitaux américains et japonais, et à une surexploitation des travailleurs qui fait de la Corée du Sud, aujourd'hui encore, le pays où la protection sociale est la plus faible parmi les Etats membres de l'OCDE.  

 

Source principale : Bruce Cumings, Korea's Place in the Sun, W.W. Norton and Company, New York, 2005.

 

 

A lire aussi :  Paik Nak-chung, "Quelle appréciation sur l’époque de Park Chung-hee et le développement coréen", Japan Focus, 29 décembre 2005 (sur le site de l'association Korea-is-One)

 

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