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14 mars 2018 3 14 /03 /mars /2018 21:13

Le 12 mars 2018, le quotidien russe Nezavissimaïa Gazeta a publié un article d'Alexandre Zakharovitch Jebine, qui dirige le Centre des études coréennes de l'Institut  de l'Extrême-Orient de l'Académie des Sciences de la Fédération de Russie, intitulé "Trump et Kim sont prêts à se parler, mais sur des sujets différents", avec en sous-titre "Washington et Pyongyang vont enfin savoir l'un et l'autre qu'ils sont ouverts au dialogue".  Alors que les hypothèses sont nombreuses sur les modalités du dialogue à venir américano-nord-coréen, avant le sommet bilatéral attendu en mai 2018, l'Association d'amitié franco-coréenne publie ci-après, traduite du russe, l'analyse de l'un des meilleurs experts de la question coréenne, qui rend compte de la question cruciale des objectifs à atteindre (traduction YB).

"Trump et Kim sont prêts à se parler, mais sur des sujets différents" (Alexandre Jebine)

Alors candidat à l'élection présidentielle, Donald Trump avait dit qu'il était prêt à parler avec Kim Jong-un en mangeant un hamburger. Perçue comme une plaisanterie, cette phrase peut donner lieu, d'ici fin mai, à l’un des événements les plus significatifs de la politique internationale. Les membres de la délégation sud-coréenne venue visiter il y a quelques jours Pyongyang, et reçue par Kim, lui ont communiqué personnellement le désir du leader nord-coréen de le rencontrer "le plus vite possible" en qualité de président américain. Тrump a accepté cette invitation orale. Le lieu et la date de la rencontre restent à étudier.

Lors de la rencontre avec la délégation sud-coréenne, Kim, au dire des visiteurs, a confirmé sa volonté de négociation avec les États-Unis et a promis de s'abstenir de nouveaux tirs de missiles et d’essais nucléaires. Il a aussi déclaré que la RPDC n'aurait plus besoin de l'arme nucléaire quand disparaîtra la menace militaire contre elle et que l’on aura donné à son pays des garanties de sécurité.

On peut se demander si la solution à une telle menace sera trouvée ou non, et si les garanties, sur lesquelles il faudra se mettre d'accord, seront jugées assez sûres par Pyongyang . Ainsi, l'accord des Nord-Coréens sur la dénucléarisation (s'il a été réellement donné) n’est pas du tout inconditionnel ni irréversible, comme il est souligné à Washington. Il est significatif que Pyongyang a préféré de ne pas communiquer pour le moment sur le sommet prochain avec les États-Unis.

D'une manière ou d'une autre, Washington et Pyongyang ont signalé enfin l'un à l'autre qu’ils sont ouverts à des négociations. Mais si les Nord-Coréens déclarent qu'ils sont prêts à parler sans conditions préalables, les Américains continuent à insister pour que la RPDC fournisse "des preuves convaincantes" de son refus d'un arsenal nucléaire. Il n'est pas exclu que ceux qui à Washington trouvent que Trump a accepté trop facilement la rencontre avec Kim tâchent de faire de ce point une condition à sa tenue. De plus les Américains refusent toujours, au moins publiquement, de concrétiser les mesures qu'ils pourraient adopter pour prendre en compte les préoccupations de la RPDC en matière de sécurité.

À Pyongyang il y a un désaccord sur une telle approche. Un représentant du ministère des Affaires étrangères de la RPDC a déclaré que "le dialogue auquel nous aspirons est un dialogue dans lequel les parties examinent et résolvent les questions d'intérêt mutuel sur une base d’égalité". Le lendemain de la rencontre de Kim avec la délégation sud-coréenne, le principal journal du parti dirigeant de la RPDC Rodong Sinmun a écrit que le développement de l'arme nucléaire était "un choix juste", qui a permis "de façon certaine de garantir la paix dans la péninsule coréenne, en Asie du nord-est et dans le monde entier".

Les tweets de Trump, dans lesquels il partage sa joie que la RPDC s'abstiendra désormais de tirs de missiles, confirment que les Américains ne sont pas tant préoccupés par l'arme nucléaire nord-coréenne que par la possibilité qu'elle menace les villes américaines. Selon l’expression de Trump, c’est précisément le refus de cette situation qui peut devenir la raison d’une frappe préventive contre la République populaire et démocratique de Corée.

Dans de telles conditions, l’élaboration urgente d’un ordre du jour qui pourrait éliminer la menace de la guerre revêt une importance primordiale. La résolution en premier lieu du problème des missiles, comme l'une des principes sources de déstabilisation, pourrait devenir l’un des scénarios possibles.

Ainsi, en réponse à l’arrêt par Pyongyang de ses tirs de missiles balistiques intercontinentaux (ICMB) et des ogives qui leur sont associées, le Conseil de sécurité de l'ONU pourrait confirmer le droit de la RPDC de procéder à des lancement pacifiques de fusées spatiales, conformément à l'accord sur les principes de l’activité des États concernant l'étude et l'utilisation de l'espace spatial, y compris la Lune et les autres corps célestes (Accord sur l'espace). D’ailleurs, la RPDC est partie à cet accord.

Le renoncement par la RPDC à des tirs ultérieurs de missiles ICBM (intercontinentaux et balistiques) diminuerait immédiatement l'acuité du conflit avec les États-Unis, en supprimant la menace de frappe sur les villes américaines - un scénario sur lequel Trump s'est engagé ce qu'il ne devienne jamais une réalité. À son tour, Pyongyang recevrait la reconnaissance de son droit au lancement de satellites, droit auquel il ne renoncera jamais dans tous les cas, et en même temps la levée de l'interdiction de tous les tirs utilisant des technologies balistiques. En tenant compte de l’adhésion de la RPDC à l'accord mentionné, l'interdiction indiquée est très contestable du point de vue du droit international et a été introduite au Conseil de sécurité de l'ONU sur l'insistance des États-Unis, et seulement contre la RPDC.

La dissociation de la question des missiles et de celle des armes nucléaires pourrait résoudre encore un autre problème : la question du contrôle, si sensible pour la RPDC. Il est facile de déterminer n'importe quel tir de missile et ses caractéristiques avec l'aide des moyens nationaux de contrôle. C'est pourquoi des inspections sur place, au moins dans une première étape, ne sont pas nécessaires. Il est facile pour des spécialistes de déterminer si un tir donné a une orbite circumterrestre et porte une charge (celle d’un satellite) ou si la fusée vise un objectif conventionnel éloigné de plusieurs milliers de kilomètres.

Bien sûr on pourra objecter qu’une telle solution ne prend pas en considération les intérêts du Japon et de la Corée du Sud. Mais elle permet d'obtenir l'essentiel, à savoir réduire nettement ou même supprimer la menace d'un conflit de grande ampleur.

Quant aux fusées de la RPDC à moyenne et courte portées, en prenant en compte la rivalité constante de Pyongyang et Séoul et leur non-préparation à quelque concession mutuelle, les programmes de missiles du Nord et du Sud devront probablement être soumis à des restrictions identiques. C’est pourquoi il serait rationnel d’examiner la question de l’adhésion des deux pays au régime de contrôle international des technologies balistiques.

Les demandes de Tokyo envers le programme de missiles de RPDC, ainsi limité, n'auraient plus de fondements sérieux. Le lancement récent par le Japon d’un satellite-espion, qui 24 heures sur 24 est au-dessus de Pyongyang en orbite géostationnaire, ne crée pas moins de menaces pour la sécurité de la RPDC que le survol du Japon pendant quelques secondes par une fusée nord-coréenne dans l'espace extraterrestre.

Les accords indiqués pourraient être mis en forme dans une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l’ONU supprimant les sanctions, qui seraient devenues superflues avec de tels accords, et établissant un programme précis de retrait des restrictions qui demeureraient pour prendre en compte l'exécution par la RPDC de ses obligations en matière de missiles.

À présent, un plan large de résolution de la question complexe du nucléaire dans la péninsule coréenne n'est pas examiné en pratique. Mais il est extrêmement important de commencer à avancer dans cette direction. Un accord sur les missiles pourrait constituer un premier pas sur cette voie.

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