Une nouvelle manifestation fleuve a eu lieu le 19 novembre 2016 en République de Corée (Corée du Sud) pour exiger le départ de la Présidente Mme Park Geun-hye, alors que se poursuivent les révélations sur l'affaire Choi Soon-sil : selon les organisateurs, plus de 600 000 personnes se sont réunies à Séoul à l'appel de 1 500 organisations et groupes civiques, tandis que les manifestations dans le reste du pays auraient réuni 350 000 personnes, toujours selon les organisateurs - une semaine après le rassemblement d'un million de citoyens à Séoul. Si l'opposition s'est désormais entièrement ralliée au mot d'ordre de départ de Mme Park, rien n'indique que celui-ci interviendra nécessairement d'ici la prochaine élection présidentielle en décembre 2017 si l'on s'en tient aux seules procédures juridiques, verrouillées, alors que la chef de l'Etat ne manifeste aucun volonté de vouloir quitter le pouvoir.
A défaut de la Présidente elle-même (dont l'administration a confirmé qu'elle participerait à un sommet trilatéral avec la Chine et le Japon les 19 et 20 décembre prochains à Tokyo), les députés et les membres de la Cour constitutionnelle entendront-ils la voix du peuple qui exige le départ de Mme Park Geun-hye, dont l'influence qu'exerçait sur elle sa gourou Mme Choi Soon-sil a révélé l'incapacité à exercer les fonctions de chef d'Etat ? A côté de la manifestation anti-Park à Séoul, une manifestation pro-Park (à l'initiative de Parksamo, littéralement l'Association des personnes qui aiment Park) a réuni le même jour dix fois moins de participants selon ses organisateurs (soit 65 000 personnes) devant la gare de Séoul. Ce ratio de un à dix reflète d'ailleurs la cote de popularité de Mme Park qui, selon les instituts de sondages, ne recueille plus la confiance que de 5 % à 10 % de ses concitoyens.
Les révélations de l'affaire Choi Soon-sil se poursuivent, révélant l'ampleur de la corruption économique et politique au Sud de la péninsule : le 18 novembre, a comparu devant le Parquet central du district de Séoul Chang Choong-ki, adjoint au chef du bureau de la stratégie du futur du groupe Samsung, soit un des plus hauts postes au sein du conglomérat. En charge de la politique extérieure de Samsung, Chang Choong-ki est soupçonné d'avoir été directement impliqué dans le versement par Samsung de 2,8 millions d'euros pour l'entraînement de la fille de Choi Soon-sil, Chung Yoo-ra, qui visait une médaille d'or en équitation aux Jeux olympiques de Tokyo en 2020. Cette somme aurait donné lieu à un contrat entre Samsung et Core Sports (actuellement Widec Sports), société établie en Allemagne et créée par Choi Soon-sil et sa fille à l'automne 2015. Ces sommes auraient donné lieu à l'octroi en contrepartie d'avantages pour Samsung.
Un autre scandale, portant sur le sujet des diplômes très sensible dans la société sud-coréenne, a aussi impliqué Mme Chung Yoo-ra : les notes à l'examen d'entrée à l'université de la fille de Choi Soon-sil auraient été truquées pour lui permettre d'accéder à l'Université Ewha, et les tricheries auraient continué après l'admission de la jeune fille, un professeur étant ainsi soupçonné d'avoir fait ses devoirs à sa place. Le ministère de l'Education nationale a demandé d'annuler l'admission de Chung Yoo-ra à l'Université Ewha suite à un audit, une enquête et des poursuites administratives ayant été engagées à l'encontre de 18 responsables de l'Université, dont l'ancienne Présidente de l'Université, Mme Choi Kyung-hee. A titre de rétorsion, le ministère a annoncé revoir à la baisse certains financements publics de l'Université Ewha, et fait part d'un plan de mesures contre la corruption dans les examens d'entrée à l'université.
Selon plusieurs médias, Mme Park Geun-hye aurait aussi reçu gratuitement, sous un nom d'emprunt, des actes de chirurgie esthétique dans une clinique liée à Mme Choi Soon-sil. L'administration présidentielle a dû nier publiquement, le 11 novembre, que Mme Park n'aurait pas pu être jointe lors du dramatique naufrage du ferry Sewol en 2014 parce qu'elle aurait reçu le même jour des actes de chirurgie esthétique. La clinique dont le nom a ainsi été cité, très active à l'étranger pour la vente de cosmétiques, a depuis fermé ses portes, mais plusieurs de ses responsables auraient accompagné Mme Park lors de ses visites à l'étranger (y compris en France). Un de ses responsables, le docteur Kim, aurait été nommé en juillet dernier à l'Institut national universitaire de Séoul (acronyme anglais : SNUH), suite à l'intervention de Choi Soon-sil. Le SNUH a indiqué qu'il était revenu sur la décision d'embaucher le docteur Kim mi-juillet.
Alors que Mme Park Geun-hye avait souligné dans une intervention télévisée qu'elle permettrait que toute la lumière soit faite sur l'affaire Choi Soon-sil, la décision de ses avocats de reporter à la semaine prochaine l'audition de la chef de l'Etat par le Parquet a suscité de l'incompréhension et de la colère. Mais plus que le report de cette audition, c'est l'annonce par les avocats de Mme Park qu'elle serait auditionnée une seule fois (pour lui permettre, disent-ils, d'exercer ses fonctions présidentielles...) qui jette le trouble : la chef de l'Etat a-t-elle vraiment l'intention de se soumettre pleinement à l'autorité judiciaire ?
Etant donné que la Présidente de la République n'entend visiblement pas démissionner, tous les regards se tournent vers le Parlement, qui a par ailleurs décidé le 17 novembre de conduire une enquête spéciale sur le scandale Choi Soon-il. L'équipe d'enquête spéciale travaillera pendant quatre mois et sera formée de 60 personnes dont 20 procureurs. Elle sera dirigée par un député d'opposition : Mme Park aura à choisir entre deux candidats proposés respectivement par le parti Minjoo (démocrate) et le parti du Peuple (également démocrate).
Une procédure de destitution par le Parlement doit être approuvée par deux tiers des députés : l'opposition, qui dispose d'une majorité simple au Parlement, devrait alors recevoir le soutien de députés de la majorité, ce qui semble un seuil atteignable puisqu'un certain nombre d'entre eux sont clairement opposés à Mme Park (lors de la désignation des candidats aux législatives, Mme Park Geun-hye était intervenue pour éliminer nombre de ses opposants internes de la course à la candidature au nom du parti Saenuri, mais la plupart des sortants ainsi écartés avaient ensuite été réélus comme indépendants). Cependant, la procédure de destitution doit également être approuvée par au moins six des neuf juges de la Cour constitutionnelle, aujourd'hui très conservateurs, suite aux nominations sous les mandatures Lee Myung-bak (2008-2013) et Park Geun-hye (depuis 2013). Deux postes au sein de la Cour constitutionnelle doivent par ailleurs être renouvelés début 2017 : il est attendu que Mme Park fasse le choix d'affidés, ou que ces postes restent vacants et ne pouvant pas être pris en compte pour la validation de la procédure de destitution - auquel cas il faudrait que six des sept autres juges constitutionnels confirment la destitution par le Parlement, pour laquelle les conditions de procédure sont par ailleurs réunies selon plusieurs juristes sud-coréens.
Bref, même si les trois partis d'opposition représentés au Parlement sont désormais favorables au départ immédiat de Mme Park, les conditions juridiques sont loin d'être réunies pour la destitution de la chef de l'Etat, dont les affidés continuent d'agiter la question nord-coréenne pour s'accrocher au pouvoir. Ainsi, le 16 novembre 2016 une manifestation anti-Pyongyang, comme toujours étroitement organisée par l'ambassade de Corée du Sud en France qui a utilisé comme prête-nom l'Association des résidents coréens en France, a réuni, place du Trocadéro à Paris, cent fois moins de participants que le rassemblement au même endroit quatre jours plus tôt pour obtenir le départ de Mme Park Geun-hye. C'est donc bien la volonté populaire qui peut seule conduire à un tel scénario, que l'on ne peut que souhaiter pour l'avenir des Coréens et la stabilité politique et économique du pays. A cet égard, le fait que le parti Saenuri au pouvoir soit tombé à 15 % dans les intentions de vote aux législatives (contre plus du double pour le parti Minjoo), talonné par le second parti d'opposition (parti du Peuple), ne peut qu'accélérer un processus qui n'aurait rien d'inédit dans l'histoire de la Corée. En effet, en 1960 le vieil autocrate Syngman Rhee avait dû quitter le pouvoir suite à une élection présidentielle qui avait tourné à la mascarade électorale, et dû se réfugier aux Etats-Unis, à Hawaï, où il était mort en 1965.
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