Le 13 mai 2016 s'est tenue à la Sorbonne, grâce au Professeur Jean Salem, une projection du film Etat féroce, qui retrace la première année du combat des familles des victimes pour obtenir la vérité sur le dramatique naufrage du ferry Sewol, survenu il y a deux ans et ayant causé 304 victimes - en majorité des lycéens en voyage scolaire. La projection a été suivie d'une conférence avec des représentants des familles des victimes, qui faisaient escale à Paris dans le cadre d'une tournée européenne à Berlin, Bochum, Munich, Bruxelles, Londres et Paris. Leur témoignage, sobre et émouvant, est aussi un message d'espoir, marqué par la volonté de connaître la vérité et de construire "une société où de tels drames ne se reproduiront plus". L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a soutenu et relayé l'organisation de cet événement, rendu possible par l'implication du collectif de citoyens coréens de Paris "416 Coalition Paris" ("416" pour "16 avril", jour du naufrage en 2014, suivant l'usage coréen d'indiquer en premier le numéro du mois).
L'amphithéâtre Bachelard de l'Université Paris-Sorbonne était plein pour accueillir la conférence-débat, un peu plus de deux ans après la tragédie du Sewol sur laquelle demeurent de trop nombreuses zones d'ombre : quelles sont les causes du naufrage ? comment expliquer une telle incurie des services de secours ? pourquoi autant de désinformations sur le naufrage ? enfin, quels sont les liens entre les services secrets sud-coréens (NIS) et les propriétaires du Sewol, très liés aux conservateurs sud-coréens au pouvoir à Séoul ?
La soirée a commencé avec la projection en VOST du film Etat féroce de Kim Jinyeol, dont la réalisation a été rendu possible par une opération de financement participatif, qui a exposé avec brio la lutte opiniâtre, faite d'espoirs et de larmes, des familles des victimes, qui ont initié une pétition ayant recueilli plus de 5,4 millions de signatures de par le monde - autour d'une demande fondamentale : obtenir le vote d'une loi spéciale et la conduite d'une enquête indépendante. Les tergiversations des responsables politiques et les manoeuvres du parti Saenuri (conservateur) au pouvoir, ainsi que de la Présidente Mme Park Geun-hye injoignable des heures durant, font ressortir la froideur de la raison d'Etat, les dissimulations et les mensonges - appuyés par des campagnes de calomnie vis-à-vis des familles des victimes, orchestrées par les médias conservateurs - préservant des intérêts manifestement supérieurs à ceux des victimes et de leurs familles. L'échec de la droite aux législatives sud-coréennes du 13 avril 2016 ouvre cependant la voie à ce que, peut-être, la vérité se fasse enfin jour.
Les participants ont chanté, en coréen et en français, La vérité ne sera pas noyée, écrite et composée par Yun Minseok.
Lors de leurs témoignages qui ont suivi la projection du film, les représentants des familles des victilmes ont apporté une leçon d'humanité. Ils ont souligné que l'indemnisation - à hauteur de 420 millions de won - ne signifiait en aucun cas un renoncement à leur combat pour obtenir la vérité sur le naufrage. Lors de leur séjour à Paris, ils ont donné une conférence de presse aux médias français et coréens, et rencontré des représentants d'autres associations de parents de victimes - notamment des attentats de Paris, survenus le 13 novembre 2015 - afin d'étendre leur lutte à l'échelle internationale. Ils ont annoncé organiser une conférence à Séoul, en octobre 2016, qui accueillera des victimes de catastrophes du monde entier.
Deux ans après le drame du Sewol, le pire serait l'oubli, alors que le naufrage reste entouré de trop nombreuses zones d'ombre : nous ne devons pas oublier et n'oublierons pas les victimes du Sewol, en appelant à poursuivre le combat jusqu'à la victoire finale.