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7 août 2014 4 07 /08 /août /2014 22:29

Le 5 août 2014, le chef d'état-major de l'armée de terre Kwon Oh-sung a remis sa démission après les révélations sur la mort d'un conscrit suite à des sévices, en avril dernier, que l'armée sud-coréenne avait alors tenté de maquiller en accident. L'opposition a mis en cause la responsabilité du ministre de la Défense de l'époque, Kim Kwan-jin, aujourd'hui conseiller en charge des affaires de défense de la Présidente Park Geun-hye. Alors que ce drame n'est pas isolé, il est temps que l'armée sud-coréenne abandonne ses pratiques héritées de l'époque où la junte militaire était au pouvoir à Séoul. Mais qui peut croire que l'actuelle chef de l'Etat aura la volonté de mener à bien la démocratisation de l'appareil militaire sud-coréen, alors qu'elle porte l'héritage du général Park Chung-hee qui a mis en place le régime le plus autoritaire qu'ait jamais connu la Corée du Sud, et qu'elle-même a imprimé un tournant autoritaire aux institutions de son pays ? L'opinion publique et les médias internationaux doivent faire pression sur les gouvernements occidentaux pour qu'ils usent de leur influence sur Séoul afin de stopper la dérive autoritaire au Sud de la péninsule. Telle est l'une des tâches majeures de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) qui, aujourd'hui comme hier, est pleinement engagée pour la défense de la démocratie et des droits des travailleurs en Corée du Sud.

Pour l'opposition sud-coréenne, le chef d'état major de l'armée de terre Kwon Oh-jun qui a remis sa démission sert de fusible...

Pour l'opposition sud-coréenne, le chef d'état major de l'armée de terre Kwon Oh-jun qui a remis sa démission sert de fusible...

... pour protéger le puissant Kim Kwan-jin, qui fait partie de la garde rapprochée de la Présidente Park Geun-hye, ministre de la Défense au moment des faits.

... pour protéger le puissant Kim Kwan-jin, qui fait partie de la garde rapprochée de la Présidente Park Geun-hye, ministre de la Défense au moment des faits.

Un homme est mort le 7 avril 2014. Le première classe Yoon (pour reprendre le surnom qui lui a été donné) est mort des suites d'actes de barbarie - la cause immédiate de son décès étant les coups qu'il avait reçus. Et l'affaire, d'abord présentée par l'armée comme une mort accidentelle, serait restée à jamais étouffée sans la vigilance du Centre pour les droits de l'homme des militaires en Corée, qui a révélé le 31 juillet les sévices dont avait été victime Yoon. En juin, c'était un sergent qui, victime de harcèlements, ouvrait le feu sur ses camarades - en en tuant cinq et en en blessant sept, avant d'être arrêté à l'issue d'une chasse à l'homme ayant mobilisé des dizaines de milliers de soldats. Enfin, ces derniers jours, ce sont deux nouveaux suicides de soldats également jugés fragiles psychologiquement - et donc non protégés - qui se sont ajoutés à la longue liste, pour l'essentiel cachée et inconnue, des victimes d'un système militaire opaque, fonctionnant en vase clos et disposant de ses propres juridictions pour étouffer les morts suspectes et le scandale de mauvais traitements qui sont monnaie courante - selon les résultats d'une enquête réalisée par le Centre pour les droits de l'homme des militaires en Corée, 8,5 % des soldats interrogés reconnaissent avoir été battus.

Informé de la mort du conscrit Yoon, Kim Kwan-jin, alors ministre de la Défense et aujourd'hui le plus proche conseiller à la sécurité et à la défense de la Présidente Park Geun-hye, affirme n'avoir ensuite plus été tenu au courant de l'enquête interne... Peut-on réellement croire que l'armée sud-coréenne fonctionnerait en unités closes, dissimulant la réalité au gouvernement qu'elle est censée servir ? L'opposition demande logiquement la démission de Kim Kwan-jin, protégé et défendu au titre qu' "il ne savait pas" - contre l'évidence - par la présidence de la République, le parti Saenuri au pouvoir et les médias qui lui sont affidés. Car l'institution militaire est trop précieuse aux yeux des conservateurs pour pouvoir être mise en cause, qui plus est à travers un homme-lige de la droite qui incarne l'institution militaire après en avoir occupé toutes les fonctions : Kim Kwan-jin a été chef d'état major des armées, puis ministre de la Défense et est maintenant directeur du bureau de la sécurité de la Présidente. En effet, c'est l'armée comme institution et son corollaire - le service militaire de deux ans, auquel n'échappe aucun Sud-Coréen - qui sert de colonne vertébrale pour inculquer une solide culture anticommuniste contre le Nord, en prétextant l'absence de traité de paix depuis la fin de la guerre de Corée pour justifier le pouvoir exorbitant de l'appareil militaire et de sa branche de renseignement, le National Intelligence Service (NIS), de sinistre réputation. L'armée est l'un des piliers de contrôle des populations dans le système social et politique sud-coréen.

Mais rien ne saurait justifier la place et le statut exorbitants de l'armée en Corée du Sud, qui en font une anomalie parmi les démocraties. Car dans quelle autre démocratie libérale serait-il considéré comme normal que n'existe aucune forme civile de service national, alternative au service militaire ? La Corée du Sud dispose toujours de tribunaux militaires (abolis en France depuis 1981) qui sont utilisés comme un instrument pour protéger l'appareil bureaucratico-militaire. Alors que son armée est l'une des plus violentes au monde, la Corée du Sud refuse obstinément de reconnaître l'objection de conscience - ce qui a d'ailleurs entraîné la reconnaissance du statut de réfugié politique pour des objecteurs de conscience sud-coréens dans plusieurs pays occidentaux. Enfin, le poste de ministre de la Défense est systématiquement occupé par un militaire, l'armée pouvant ainsi rester un Etat dans l'Etat, n'ayant de compte à rendre à aucune autorité civile, comme l'a prouvé l'affaire du première classe Yoon.

 

En France, dans un contexte quelque peu similaire à celui de la Corée quant au rôle éminent assigné à l'armée pour préparer la "revanche" contre l'Allemagne, l'affaire Dreyfus avait - il y a déjà plus d'un siècle - réveillé les consciences, les Français n'acceptant plus que l'armée soit une zone de non-droit. L'Allemagne, elle aussi divisée dans un contexte de guerre froide, avait accepté de reconnaître l'objection de conscience. Les exemples abondent qui montrent que les autorités sud-coréennes ne peuvent pas s'abriter derrière le prétexte nord-coréen pour continuer à ne pas appliquer dans l'armée les droits humains fondamentaux.

Sources :

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