Dans une interview donnée au journal suisse 24 heures et publiée dans son édition du 10 janvier 2009, l'ancien footballeur suisse Karl Messerli racontait comment il avait négocié le transfert, trois mois plus tôt, des deux premiers footballeurs nord-coréens dans un club de l'ouest de l'Europe, un an avant le grand retour du Cheollima sur la scène mondiale du football à l'occasion de sa sélection en phase finale de la coupe du monde de football en Afrique du Sud - une première en quarante-quatre ans. Un article du Monde, publié le 4 mars 2011, donne la parole à Karl Messerli : deux ans après, le transfert de joueurs nord-coréens vers la Suisse s'est poursuivi.
C'était en 1992. L'ancien footballeur professionnel suisse Karl Messerli (à gauche avec l'ancien entraîneur Kim Jong-hun, source Deustche Welle), reconverti dans la sous-traitance de peluches, T-shirts et autres objets promotionnels après sa retraite sportive, arrive en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), à la recherche de coûts de production plus compétitifs que ceux de la Corée du Sud : l'homme devait non seulement choisir de produire en Corée du Nord, mais aussi découvrir le football nord-coréen et s'engager dans ce qui allait aboutir, seize ans plus tard, au premier transfert de joueurs nord-coréens dans un club occidental.
Karl Messerli a rapidement été convaincu du potentiel des joueurs nord-coréens, mais aussi de la nécessité d'échanges plus nombreux avec les clubs occidentaux pour renforcer leur expérience : "Je me suis tout de suite dit que les Nord-Coréens étaient des joueurs de football parfaits car ils peuvent faire ce qu'ils veulent avec un ballon. Mais ce n'est pas suffisant : il faut aussi avoir le sens du jeu. Et les Nord-Coréens n'ont aucune expérience. Ils ne jouent qu'entre eux, dans un système tactique unique. Mon idée, c'était de faire venir de jeunes footballeurs de là-bas en Suisse. Ce fut un travail terrible de convaincre la Fédé, il a fallu les persuader que c'était la meilleure façon de renforcer l'équipe nationale."
Karl Messerli détaille ensuite les modalités de transfert : "La circulation des footballeurs ne peut se faire que si ceux-ci n'ont plus de contrat en Corée et peuvent venir en Europe gratuitement. Mais, si le joueur est transféré dans un autre club à l'issue de sa première expérience, la Corée du Nord touchera une part des indemnités de transfert au titre de la formation."
Kim Kuk-jin et Pak Chol-ryong sont devenus en 2008 les premiers licenciés d'un club occidental, en l'occurrence le FC Concordia Bâle, qui a ensuite fait faillite. Le relais a été pris par le club suisse de Wil, avec Kim Kuk-jin et un nouveau joueur, Cha Jong-hyok, défenseur droit titulaire lors de la dernière coupe du Monde. Pour la plus grande satisfaction d'Axel Thoma, entraîneur de Wil : "Ce pays est un vivier dans lequel un club modeste comme le nôtre peut puiser. Ces joueurs ne vont pas aller au Bayern Munich ou au PSG ! Et ils ne nous coûtent presque rien." (respectivement 2.700 et 3.500 euros pour Kim Kuk-jin et Cha Jong-hyok). Depuis le Mondial sud-africain, un autre club occidental a depuis puisé dans le "vivier" nord-coréen, particulièrement prometteur pour les clubs ouest-européens de deuxième division aux budgets plus limités : Bochum, qui a recruté en 2010 l'attaquant vedette Jong Tae-se, Nord-Coréen du Japon.
Devenu agent de joueurs nord-coréens, Karl Messerli n'apparaît pas motivé par l'argent : il ne percevra de rémunération qu'en cas de transfert à un autre club de Kim Kuk-jin et Cha Jong-hyok, dont il facilite par ailleurs la vie quotidienne en Suisse. Touché par la beauté des paysages de la RPDC qui lui ont rappelé la Suisse, et impressionné par la force de travail des Nord-Coréens, il s'interroge sur la présence américaine dans le Sud de la péninsule, vingt ans encore après la fin de la guerre froide : "J'essaie de comprendre (...) Pourquoi sont-ils là ? Ce sont toujours les Etats-Unis qui débutent les guerres."
Source : Imanol Corcostegui, "Football : Messerli, l'agent suisse de Pyongyang", in Le Monde, 4 mars 2011.