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3 février 2013 7 03 /02 /février /2013 21:00

La montée des tensions semble  apparemment inexorable en Asie du Nord-Est, étant marquée par un nouveau cycle de sanctions contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) et de réactions de la RPDC, qui s'apprêterait à procéder un troisième essai nucléaire. En signe de désapprobation, la Chine a annoncé qu'elle suspendrait ses livraisons de céréales et d'énergie à la RPDC. L'escalade tient aussi à l'attitude des Etats-Unis et de leur allié sud-coréen : après le lancement d'un satellite par la Corée du Sud, de nouveaux exercices militaires conjoints américano - sud-coréens dès la semaine prochaine - impliquant notamment un sous-marin nucléaire américain - ont logiquement conduit à la RPDC à réagir.

 

Selon une dépêche de l'agence nord-coréenne KCNA publiée le 3 février 2013, dans un discours prononcé lors d'une réunion de la Commission militaire centrale du Parti du travail de Corée, le dirigeant de la RPDC Kim Jong-un a donné des instructions pour renforcer les capacités d'autodéfense de l'Armée populaire de Corée afin de défendre la souveraineté nationale et la sécurité du pays, face aux "exercices de guerre" des Etats-Unis et de la Corée du Sud. Chaque partie fait ainsi sienne le proverbe si vis pacem, para bellum ("si tu veux la paix, prépare la guerre") pour protester de ses intentions pacifiques et défensives (Washington parle d'exercices de routine à caractère défensif, et Pyongyang de renforcement de sa force de dissuasion pour prévenir une attaque, conformément à ses droits d'Etat souverain). En réalité, c'est une autre partie - diplomatique - qui se joue en coulisses, y compris à l'intérieur de chaque pays, aucun gouvernement ne souhaitant que les tensions dégénèrent en conflit ouvert.

 

En particulier, au moment où John Kerry, déjà partisan du dialogue avec Pyongyang après l'essai nucléaire nord-coréen de 2009, prend ses fonctions de secrétaure d'Etat, de nombreux responsables de l'appareil d'Etat américain ont conscience de l'impasse où a conduit l'escalade des tensions, comme en témoigne la tribune ci-dessous, traduite de l'anglais par l'AAFC, de Joseph R DeTrani, ancien ambassadeur américain aux pourparlers à six (2003-2006) de l'administration George W.  Bush. Il souligne notamment la nécessité de ne pas rendre impossible une reprise future des négociations, en allant trop loin dans l'escalade. 

 

Pour l'AAFC, il convient aussi de se projeter au-delà des prochaines semaines et des prochains mois pour imaginer le futur scénario de sortie de crise. Selon nous, ce scénario devra se fonder sur la recherche d'une paix durable dans la péninsule, où chaque partie devra faire des concessions. Une telle capacité prospective représente notamment une impérieuse nécessité pour la diplomatie européenne et la diplomatie française, si les fonctionnaires français et européens ne veulent pas rester à la traîne des Etats-Unis et du Conseil de sécurité des Nations Unies sur le dossier coréen. Comme Joseph DeTrani, nous estimons que c'est maintenant qu'il faut agir : pour nous, la France doit tenir son rang diplomatique et reprendre l'initiative en étant porteuse de solutions basées sur le dialogue et le rétablissement d'une confiance mutuelle entre les parties, plutôt que de subir les événements.

 

joseph_r_detrani.jpgAnnexe - Résoudre la question nucléaire nord-coréenne, par Joseph R. DeTrani

 

Au regard des bouleversements en Moyen-Orient et en Asie du Sud et des tensions en Asie de l'Est, un succès dans la résolution de la question nucléaire nord-coréenne est nécessaire et est toujours à notre portée, malgré la dure réponse de la Corée du Nord à la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies condamnant son lancement de missile (sic, NdT : il s'agissait en réalité d'un lancement de satellite) en décembre.

 

La quatrième série de pourparlers à six avec la Corée du Nord, en septembre 2005, a produit une déclaration conjointe aux termes de laquelle la Corée du Nord est prête à démanteler ses programmes nucléaires existants en contrepartie d'une aide économique, de la normalisation in fine de ses relations avec les Etats-Unis et de la fourniture d'un réacteur à eau légère quand la Corée du Nord redeviendra membre du Traité de non prolifération.

 

L'ancien dirigeant nord-coréen Kim Jong-il avait approuvé la déclaration conjointe, en faisant savoir à de nombreuses reprises que la Corée du Nord était prête à démanteler tous ses programmes nucléaires, en contrepartie d'assurances de sécurité, d'une aide économique et de relations normales avec les Etats-Unis. Son fils et successeur, Kim Jong-un, n'a pas fait de commentaires à ce sujet et n'a pas - à la différence de son père - pris d'engagement sur la dénucléarisation. Obtenir de Kim Jong-un qu'il le fasse sera maintenant plus difficile, sinon impossible. 

La déclaration de Pyongyang du 24 janvier, en réponse à la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) du 22 janvier, a déclaré : "Dans ces conditions, la RPDC ne peut que déclarer que les pourparlers à six n'existent plus, tout comme la déclaration du 19 septembre [2005]". La Corée du Nord a fait des déclarations similaires à plusieurs reprises mais, par l'intermédiaire de la Chine et d'autres pays, elle est revenue aux négociations. Comme hier, il faut maintenant le persuader de reprendre le dialogue. 

Sur le fond, l'optimisme engendré par la Déclaration conjointe du 19 septembre 2005, après trois ans de négociations infructueuses qui avaient commencé en août 2003, a vécu. Quand en juillet 2006 la Corée du Nord a lancé sept missiles, puis procédé à un essai nucléaire en octobre, des sanctions ont été immédiatement imposées par les résolutions du CSNU 1695 et 1718. 

A l'époque, la Corée du Nord avait fait savoir que les missiles avaient été lancés à cause d'une rupture dans la confiance avec les Etats-Unis quand le Trésor américain, le jour même où la déclaration conjointe était signée, sanctionnait une banque de Macao [NdT : la Banco Delta Asia] accusée de blanchiment d'argent pour la Corée du Nord et forcée de geler 25 millions de dollars américains sur un compte détenu par la Corée du Nord. Quand la banque s'est conformée à la loi américaine, l'argent a été restitué à la Corée du Nord. 

Cela a conduit au retour de la Corée du Nord aux négociations à six, où des progrès ont été réalisés, avant que cet élan ne se brise quand la Corée du Nord n'a pas voulu satisfaire l'exigence américaine que l'accord oral soit mis par écrit. 

Nous avons été engagés dans des pourparlers à six et de nombreuses négociations bilatérales avec la Corée du Nord pendant près de dix ans. Ces dernières années, aucune discussion officielle à six n'a eu lieu et les résultats de ces contacts ont été effroyables. En fait, pendant ces dix années de négociations sporadiques, la Corée du Nord a construit, vendu et amélioré son stock de missiles balistiques et fabriqué davantage d'armes nucléaires à base de plutonium et d'uranium enrichi. Le lancement réussi de missile du 12 décembre 2012 qui a placé un satellite un orbite montre que Pyongyang a réalisé des progrès appréciables dans la technologie des missiles balistiques à longue portée.

Même si les cinq autres parties que la Corée du Nord engagées dans les pourparlers à six - la Chine, les Etats-Unis, la Corée du Sud, le Japon et la Russie - s'investissent autant dans ces négociations, c'est la Chine et les Etats-Unis qui ont le plus d'influence sur la Corée du Nord. La Chine apporte une aide alimentaire et énergétique significative à la Corée du Nord ; son commerce avec la Corée du Nord a fortement augmenté et le traité d'amitié, de coopération et d'assistance mutuelle avec la Corée du Nord de 1961 apporte les bases qui donnent à la Chine un clair pouvoir d'influence.

 

Les Etats-Unis ont un pouvoir considérable, dans la mesure où la Corée du Nord veut des garanties de sécurité et la normalisation de ses relations, ce qui ensuite permettrait à la Corée du Nord d'accéder aux institutions financières internationales et lui apporterait une légitimité internationale. Par conséquent, il est juste d'affirmer que la Chine et les Etats-Unis peuvent et devraient faire davantage, surtout maintenant, pour se réengager avec la Corée du Nord avant qu'une poursuite de l'escalade des tensions par Pyongyang ne rende inconcevable une reprise des discussions. 

La stratégie de l'insouciance n'a pas été un succès. L'engagement en ce moment avec la nouvelle direction à Pyongyang semble prudente, supposant que le jeune nouveau dirigeant nord-coréen s'abstienne de nouveaux lancements de missiles ou d'essais nucléaires et que, à l'instar de son père, il s'engage finalement sur la voie de la dénucléarisation, en conformité avec la déclaration conjointe du 19 septembre 2005. La Chine, en travaillant étroitement avec les Etats-Unis, peut engager ce processus en obtenant de Pyongyang un retour immédiat et inconditionnel aux pourparlers à six.

L'objectif devrait être que Kim Jong-un engage publiquement la Corée du Nord dans le sens de la déclaration conjointe du 19 septembre 2005, en déclarant que la Corée du Nord est prête à démanteler tous ses programmes nucléaires en contrepartie de garanties de sécurité, d'une aide économique et d'une normalisation in fine de ses relations avec les Etats-Unis. Il est maintenant temps d'agir.

Joseph R. DeTrani a été l'envoyé spécial [américain] aux pourparlers à six avec la Corée du Nord de 2003 à 2006, et le chef de la mission sur la Corée du Nord auprès du Directeur du renseignement national entre 2006 et 2010. Il a été le Directeur du Centre national de contre-prolifération jusqu'en janvier 2012. Les idées et les opinions exprimées dans cet article sont celles de son auteur et n'engagent pas le Gouvernement ni l'administration des Etats-Unis.

 

Sources : AAFC, USAToday. Tribune de Joseph R. DeTrani traduite de l'anglais par l'AAFC, publiée en anglais sur le site Asia Times online le 29 janvier 2013. Photo de l'ambassadeur Joseh DeTrani : source China Daily.

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