Du 20 au 22 août 2018 puis du 24 au 26 août, des centaines de membres de familles coréennes séparées de part et d'autre du trente-huitième parallèle se retrouvent dans les monts Kumgang, au nord de la péninsule. La déclaration de Panmunjom, signée lors du sommet inter-coréen du 27 avril 2018 entre les présidents Kim Jong-un et Moon Jae-in, avait prévu ces nouvelles rencontres - riches en émotions - entre des parents et des enfants, des frères et des sœurs, ou entre des cousins sans aucune possibilité de communiquer ou d'échanger entre eux depuis plus de 65 ans. Les autorités sud-coréennes envisagent la possibilité d'organiser ces rencontres sur une base régulière, alors que beaucoup des personnes qui s'étaient inscrites pour revoir une dernière fois leurs proches sont hélas aujourd'hui décédées. Benoît Quennedey, président de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), a été invité aux journaux télévisés de France 24, le 20 août 2018, pour évoquer ces réunions, sur la chaîne francophone (à 20h) puis sur la chaîne anglophone (20h30). Nous rendons compte ci-après de son entretien sur le canal francophone de la chaîne internationale.
Le journaliste Mathieu Cavada (MC) commence l'entretien en demandant si cette séparation des familles est un traumatisme profond.
Benoît Quennedey (BQ) : C’est la 20e rencontre depuis le début des années 2000 et la première depuis octobre 2015. Pendant près de sept décennies ces familles ont été complètement séparées, aucun moyen de communication n’étant possible entre leurs membres
MC : Combien de personnes sont séparées ?
BQ : Au sud on comptait plus de 100 000 personnes concernées par la séparation ayant demandé à revoir un membre direct de leur famille dans le cadre des réunions de familles séparées, mais si l'on inclut toutes les familles ayant un proche direct de l'autre côté de la zone démilitarisée (parents/enfants, frères/sœurs) cela représente au bas mot des millions de personnes, sans parler évidemment des relations amicales ou des voisins. L’absence totale de communications amène à des surprises, ainsi une femme pasteur sud-coréenne vivant en France a découvert que sa sœur, vivant au Nord, était l'équivalent chez nous d’Edith Piaf.
MC : Il n’y a pas beaucoup d’intimité dans ces retrouvailles, tout se passe devant des caméras.
BQ : Il y a aussi, pendants ces retrouvailles de deux fois trois jours, des moments de rencontre dans des salons ou des chambres d'hôtel de façon plus intime et sans la présence des caméras. Auparavant il s'agissait plutôt de rencontres entre frères et sœurs et entre parents et enfants, maintenant c'est souvent entre cousins. Bien sûr que c’est un choc de se retrouver ainsi et cela même peut être douloureux. Il faut aussi éviter d’aborder des sujets polémiques tels que la politique.
MC : Est-ce qu’ils reconnaissent leurs proches ?
BQ : La presse rapporte le cas d’une mère de 92 ans séparée de son enfant qui avait 5 ans… En plus de cette difficulté il y a les distances physiques, ou encore vestimentaires, créées par la division du pays. Par contre les mots restent les mêmes avec quelques anglicismes au Sud et russismes au Nord, nonobstant le sentiment d’avoir conservé la pureté de la langue au Nord.
MC : Cette rencontre n’est-elle pas pour Kim Jong-un un moyen de faire diversion alors que la dénucléarisation n’avance pas ?
BQ : Le processus de dénucléarisation est un processus de longue durée, où tant les Etats-Unis que la Corée du Nord attendent des gestes de l'autre partie. Ces rencontres entre familles séparées marquent déjà la force du rapprochement en cours Nord-Sud et sont vécues par les deux parties divisées de la Corée comme un processus d'abord humanitaire.
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