L'élection présidentielle sud-coréenne du 19 décembre prochain, pour laquelle le président sortant Lee Myung-bak (Parti Saenuri, conservateur) ne peut pas être candidat à sa succession, prend la forme d'un match à trois. Alors que les spéculations se poursuivent autour d'une candidature unique entre Ahn Cheol-su et Moon Jae-in - réclamée par le Parti démocrate, qui a investi Moon Jae-in - l'entourage de l'indépendant Ahn Cheol-su a renvoyé cette perspective à la présentation complète des programmes politiques, attendue vers le 10 novembre. Cette réponse a été interprétée comme semblant indiquer que Ahn Cheol-su ne serait pas fermé à cette hypothèse - même si l'on peut également considérer qu'il s'agit de gagner du temps en évitant d'apparaître comme le diviseur de l'opposition au pouvoir conservateur. En tout état de cause, il ne restera alors qu'un peu plus de deux semaines avant l'enregistrement officiel des candidatures, et les modalités d'une éventuelle primaire pour départager les deux candidats ne sont même pas encore discutées. Toutefois, dans un scrutin uninominal à un tour, le maintien d'une double candidature signifierait la victoire presque certaine de la candidate conservatrice Park Geun-hye, ce qui peut inciter puissamment à une entente. Par ailleurs, Moon Jae-in a progressé dans les intentions de vote, étant désormais au coude-à-coude avec Ahn Cheol-su. Dans ce contexte extrêmement incertain, les regards se tournent aussi vers les autres candidats qui, s'ils sont aujourd'hui marginalisés dans les intentions de vote, pourraient peser de manière décisive sur l'issue du scrutin, en cas de duel serré entre Park Geun-hye et celui de ses deux principaux adversaires qui resterait seul en lice.
Sur le côté gauche de l'échiquier politique, un scandale sur la désignation interne des candidats aux dernières élections législatives a entraîné l'éclatement du Parti progressiste unifié (PPU), qui avait pourtant réussi à unifier pratiquement toute la gauche, traditionnellement très divisée en Corée du Sud. Le score des législatives du 11 avril 2012 (13 députés et 10,3 % des voix au scrutin de liste), par ailleurs remportées d'une courte tête par la droite, n'apparaît plus que comme un lointain souvenir, même s'il ne faut négliger la persistance d'un courant d'opinion favorable au dialogue avec la Corée du Nord et à des réformes sociales. Le mode de scrutin présidentiel est par ailleurs particulièrement défavorable à la gauche : son candidat historique, Kwon Young-ghil, n'avait obtenu que 1,2 % en 1997, 3,9 % en 2002 et 3 % en 2007, la déception du résultat en 2007 ayant d'ailleurs entraîné la division de ce qui était alors le Parti démocratique du travail (PDT). L'ostracisme des grands médias sud-coréens (conservateurs ou pro-occidentaux) handicape encore davantage la gauche : par exemple, à la date du 2 novembre 2012, le site francophone de l'agence officielle Yonhap, dans sa rubrique consacrée à l'élection présidentielle du 19 décembre, oubliait opportunément tous les tiers candidats du camp progressiste, ne mentionnant que le très droitier Kang Ji-won en plus des trois favoris des sondages...
Le PPU, qui ne conserve plus que 6 parlementaires, a investi une ancienne députée, Lee Jung-hee (photo à gauche), qui après avoir recueilli jusqu'à 3 % des intentions de vote plafonne désormais en-dessous de 1 %, comme tous les autres "petits" candidats, dont elle reste toutefois celui qui obtient les meilleurs résultats dans les sondages. Elle a annoncé sa candidature en face de l'ambassade américaine, pour souligner le besoin que la Corée du Sud soit indépendante des Etats-Unis. Elle se prononce également pour une politique progressiste favorable aux travailleurs, ouvriers et paysans. Lors de la primaire interne au PPU, conduite du 15 au 19 octobre derniers, Mme Lee, âgée de 43 ans, l'a emporté sur un ancien dirigeant du PPU, Min Byung-rul.
Les dissidents du PPU, qui comptent toutefois davantage de députés (sept sièges de parlementaires), ont fondé le Parti progressiste pour la justice (PPJ). Ils ont également investi une candidate, Sim Sang-jeong (photo ci-dessous, source). Initialement distancée dans les sondages par Lee Jung-hee, Sim Sang-jeong s'est rapprochée de sa rivale dans les intentions de vote. Toujours à gauche, il ne faut pas exclure une éventuelle candidature issue des rangs du Nouveau parti progressiste (NPP), dont les militants s'étaient séparés du PDT en 2008. N'ayant obtenu que 1,1 % des voix aux législatives d'avril 2012, le NPP n'est plus officiellement enregistré comme parti politique. En mars 2012, le NPP avait fusionné avec le Parti socialiste, dont le candidat Geum Min avait obtenu 0,1 % des voix à la dernière élection présidentielle, en décembre 2007.
A droite, une candidature issue du très droitier Parti pour l'avancement de l'unification (ex-Parti pour l'avancement de la liberté, 3,2 % des voix et 5 sièges aux élections législatives du 11 avril 2012) aurait représenté une menace pour Mme Park Geun-hye. Mais la formation politique conservatrice a choisi de s'allier, cette fois, avec le Parti Saenuri au pouvoir, tirant vers la droite la candidature Park Geun-hye qui cherche pourtant à séduire au centre de l'échiquier politique. Le Parti pour l'avancement de la liberté s'était constitué en 2008 autour de Lee Hoi-chang, qui avait été par deux fois le principal candidat de droite, battu, aux élections présidentielles (en 1997 : 38,7 % contre 40,3 % à Kim Dae-jung et 19,2 % à Lee In-jae, et 2002 : 46,6 % contre 48,9 % à Roh Moo-hyun). En 2007, il avait présenté une candidature autonome à la présidentielle face au candidat de droite Lee Myung-bak, qui l'avait facilement emporté (48,7 % contre 26,1 % au démocrate Chung Dong-young et 15,1 % à Lee Hoi-chang). Lee Hoi-chang avait mené une campagne très à droite, marquée par une forte opposition à la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord).
Mais la région de Chungcheong, qui regroupe la plus grande partie des forces du Parti pour l'avancement de l'unification, sera représentée à la présidentielle du 19 décembre 2012 par un autre candidat situé à la droite du Parti Saenuri : l'entrepreneur Lee Kun-kae est un ancien député des Libéraux-démocrate unifiés, une formation fondée par Kim Jong-pil qui était principalement implantée dans la région de Chungcheong. Un des co-auteurs du coup d'Etat de 1961 (avec le général Park Chung-hee, le père de la candidate de droite en 2012 Mme Park Geun-hye), Kim Jong-pil s'était allié avec Kim Dae-jung lors de l'élection présidentielle de 1997, ce qui lui avait permis de redevenir Premier ministre entre 1998 et 2000.
Toujours à droite, Kang Ji-won (photo à gauche, source) a connu une éphémère percée dans les sondages (obtenant jusqu'à 4 % des intentions de vote), avant de retomber à moins de 1 %. Ancien procureur, Kang Ji-won défend la loi et l'ordre, et sa candidature n'est pas sans rappeler celle de Jean Royer à l'élection présidentielle française de 1974. Célèbre surtout pour son activité de juriste prônant la défense de la jeunesse, Kang Ji-won a fondé le Centre du manifeste de Corée, appelant le personnel politique à se prononcer sur un tel manifeste entendu comme une plate-forme de revendications. A l'annonce de la candidature de Kang Ji-won, son épouse Kim Young-ran a remis sa démission au Premier ministre sud-coréen de son poste de chef de la commission pour les droits civils et contre la corruption.
Parmi les autres candidatures, l'ancien député Park Chan-jong (photo ci-dessous, source Yonhap) a été un des militants du combat pour la démocratisation de la Corée. Elu en 1973 député de la majorité conservatrice du général Park Chung-hee, qui avait établi un régime militaire, il prend ensuite la défense des militants étudiants pour la démocratie dans les années 1980. Sa dénonciation de la mort par la torture de l'étudiant Park Jeong-chol a été un des déclencheurs du soulèvement démocratique de juin 1987. Candidat à l'élection présidentielle de 1992, Park Chan-jong avait obtenu 6,4 % des voix.
Enfin, une nouvelle candidature a été annoncée par Huh Kyung-young (photo ci-dessous, source), qui concourra pour la quatrième fois à l'élection présidentielle après avoir obtenu 0,4 % en 2007. Le leader du Parti républicain démocrate revendique un quotient intellectuel (QI) de 430. Il prétend aussi pouvoir soigner miraculeusement les malades et recevoir plusieurs appels par seconde de ses admirateurs. Huh Kyung-young a été condamné en 2009 quand il a déclaré que Mme Park Geun-hye allait l'épouser. Il met également l'accent sur le déménagement du siège des Nations Unies à Panmunjeom, dans la zone démilitarisée entre les deux Corée, pour prévenir le déclenchement d'un nouveau conflit
Sources : AAFC, KBS, Reuters, The Korea Times (articles du 25 septembre 2012 et du 27 septembre 2012), The Korea Herald (articles en date du 4 septembre 2012 et du 3 octobre 2012). Fiches de cinq candidats sur le site anglophone de l'agence Yonhap.
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