L'achèvement des processus de désignation des candidats par des primaires internes à chaque principal camp politique a clarifié le paysage politique de l'élection présidentielle sud-coréenne du 19 décembre 2012, qui devra désigner un successeur au président sortant Lee Myung-bak (Parti Saenuri, conservateur), qui n'est pas habilité à se représenter immédiatement. Trois candidats pour un fauteuil, dans un contexte politique rendu incertain par l'érosion de l'avance de la conservatrice Park Geun-hye sur ses deux principaux rivaux.
Park Geun-hye, Moon Jae-in, Ahn Cheol-su (ci-contre, de gauche à droite) : les principales têtes d'affiche de la présidentielle sud-coréenne du 19 décembre 2012 sont désormais connues - car même si d'autres candidats concourront également, il est assez improbable qu'ils parviennent à se hisser en tête d'un scrutin à un seul tour.
Fille du général Park Chung-hee qui a gouverné la Corée du Sud d'une poigne de fer entre 1961 et 1979, la candidate conservatrice du Parti Saenuri au pouvoir, Park Geun-hye, est handicapée par cet héritage, en refusant de condamner clairement la politique de feu son père. N'a-t-elle pas justifié le coup d'Etat du 16 mai 1961, dont le général Park était l'un des principaux protagonistes, et qui a mis fin à l'expérience démocratique de 1960-1961 en Corée du Sud ? Cultivant une image de victime - ses deux parents ont été assassinés - et la nostalgie d'une partie des Coréens les plus âgés pour une époque de forte croissance économique et de modernisation, Park Geun-hye est avant tout une politicienne habile, qui se veut se présenter en candidate de la réconciliation de tous les Sud-Coréens. Elle s'est démarquée des aspects les plus impopulaires de la politique du président sortant Lee Myung-bak, notamment son intransigeance vis-à-vis de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Dès lors, peu importe qu'elle n'ait pas su donner le montant du salaire minimum lors d'un débat télévisé avec ses concurrents à la primaire interne du Parti Saenuri : elle est avant tout la figure de proue de tous ceux qui, ultralibéraux, anticommunistes, partisans de la grande entreprise ou nostalgiques des années de régime autoritaire, souhaitent que rien ne change. Elle a aussi pour elle le lobby de la presse conservatrice, en position dominante dans les médias, le soutien de l'appareil d'Etat et des puissantes églises protestantes.
Face à elle, Moon Jae-in et Ahn Cheol-su défendent souvent des positions proches, plus sociales et plus libérales sur les questions de société, mais leur rapprochement semble aujourd'hui d'autant plus improbable que leurs électorats ne sont pas les mêmes. Si Park Geun-hye accuse un retard de trois à six points en duel face à l'un ou l'autre des candidats de l'opposition (dans cette hypothèse, Ahn Cheol-su apparaît comme un rival sensiblement plus dangereux), c'est nettement moins que le cumul de leurs intentions de vote. Dans un scrutin à un seul tour, la division de l'opposition est toutefois un atout supplémentaire pour Park Geun-hye, même si elle doit affronter la progression d'un autre candidat de droite, Kang Ji-won (qui recueille autour de 4 % des suffrages dans les sondages).
Moon Jae-in a le programme le plus charpenté : l'ancien collaborateur du Président Roh Moo-hyun, aux affaires de 2003 à 2008, est le candidat du Parti démocrate unifié (centre-gauche), et ses appuis vont jusqu'à la gauche de l'échiquier politique. Il se prononce clairement pour une reprise du dialogue intercoréen, sérieusement mis à mal pendant le quinquennat du Président Lee Myung-bak. Entrepreneur en informatique et universitaire, populaire notamment auprès des plus jeunes, Ahn Cheol-su, qui a officialisé sa candidature en septembre, distille peu à peu son programme. Il se veut indépendant des partis politiques, ce qui est un atout dans une société où les partis sont déstabilisés par les scandales qui éclatent opportunément à l'approche des élections. Mais lui-même n'est pas à l'abri de telles campagnes, après des allégations de fraude fiscale et de soupçon de plagiat concernant un de ses articles scientifiques. Sa moindre expérience politique est de nature à le desservir, mais tout en lui donnant l'image d'un homme neuf.
Plusieurs sondages réalisés fin septembre par Real Meter et KM, donnaient des résultats très proches : de 36 % à 39 % pour Park Geun-hye, en recul face à Ahn Cheol-su (32 %) et Moon Jae-in (21 % à 23 %). A un peu plus de deux mois de l'élection, l'incertitude est d'autant plus grande que l'opinion n'est pas cristallisée - cet été, Ahn Cheol-su avait ainsi temporairement viré en tête, avant de redescendre nettement puis de voir ses intentions de vote se rapprocher à nouveau de celles de Park Geun-hye.
Sources : Real Meter, Yonhap (dont photo).
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