Alors que trois députés japonais du Parti libéral-démocrate ont été interdits d'entrée en Corée du Sud pour un voyage visant à réaffirmer les revendications territoriales nippones sur les îles Dok (Dokdo), la protestation a été unamime dans toute la péninsule coréenne. Les Nord-Coréens ont vivement dénoncé la provocation des parlementaires japonais, appelant à former un front uni et faisant ainsi passer l'intérêt national au-dessus des divergences idéologiques et politiques.
Inhabitées, les îles Dok (Dokdo ; en japonais, Takeshima ; nom international, rochers de Liancourt), dont la superficie est de 0,18 km2, représentent un enjeu important dans les relations coréano - japonaises. Au plan économique, pour la délimitation des zones économiques exclusives et les droits sur la pêche en mer, les Dokdo sont ainsi placées depuis 1954 sous le contrôle des garde-côtes sud-coréens. Mais elles constituent plus encore un enjeu politique : ce n'est qu'en 1905 que Tokyo prend le contrôle des îles, qui ont ainsi été le premier territoire coréen à être annexé par le Japon à l'aube de la brutale colonisation du Pays du matin calme (1910-1945), et les Coréens rappellent que tant la déclaration de Potsdam du 26 juin 1945 que les directives du Commandement Suprême Allié du 29 janvier 1946 ont explicitement exclu les Dokdo du territoire japonais. Mais Tokyo se fonde sur leur absence de mention dans le traité de paix de 1951 pour appuyer sa revendication territoriale.
Au printemps 2008, les instructions gouvernementales japonaises pour les manuels scolaires présentant les Dokdo comme faisant partie du territoire nippon avaient déjà généré une crise entre Séoul et Tokyo, entraînant le rappel de l'ambassadeur sud-coréen en poste à Tokyo. L'arrivée au pouvoir d'une majorité démocrate à Tokyo n'a pas calmé les ardeurs nationalistes : au printemps 2011, le gouvernement japonais a donné son feu vert à l'édition de manuels scolaires soutenant les revendications territoriales japonaises sur les Dokdo et le rapport diplomatique annuel pour 2011 a également appuyé une telle position, ce qui n'était plus arrivé depuis 2007. Ce tournant droitier des démocrates se nourrit de la pression de l'extrême-droite japonaise, qui a réclamé l'instauration d'une journée dédiée aux îlots contestés et exprimé des positions aussi radicales que le refus de l'aide coréenne aux victimes du récent séisme.
Le 16 juin 2011, un A380 de la Korean Air a survolé les Dokdo, entraînant des réactions de protestation au Japon et des appels au boycott de la compagnie sud-coréenne.
Dans ce contexte, le déplacement de trois députés nationalistes japonais du Parti libéral-démocrate apparaît comme l'ultime provocation ayant soulevé une levée de boucliers en Corée, majorité et opposition confondues. Le 1er août 2011, une interdiction d'entrée sur le territoire sud-coréen a été opposée à Yoshitaka Shindo, Tomomi Inada et Masahisa Sato, tous membres du Parti libéral-démocrate (droite, opposition), à leur arrivée à l'aéroport international de Gimpo. Leur objectif était de gagner Ulleung, située à environ 90 kilomètres à l’ouest des Dokdo, dans la mer de l’Est, pour réaffirmer la souveraineté japonaise sur les Dokdo. Le gouvernement coréen a invoqué des dispositions de la législation sur l'immigration, permettant d'interdire l'entrée de personnes susceptibles de nuire aux intérêts du pays ou à la sécurité publique.
Non seulement la classe politique sud-coréenne, mais aussi le gouvernement nord-coréen ont vivement dénoncé les revendications japonaises sur les Dokdo, suivant une position constante de Pyongyang.
En février 2011, l'agence KCNA de la République populaire démocratique de Corée avait rappelé l'ancienneté des mentions des Dokdo par les historiens coréens comme d'une partie du territoire national, en accusant également Tokyo de vouloir utiliser ses revendications sur les Dokdo en tant que base arrière pour agresser la RPDC.
Réagissant au projet des députés nationalistes japonais, dans un article publié le 20 juillet dernier, le site nord-coréen Uriminzokkiri a désigné ces derniers comme un "groupe sans scrupule" et appelé tous les Coréens à former une force unie contre les revendications territoriales japonaises. Dénonçant une provocation des députés nippons, Uriminzokkiri a rappelé que les Dokdo étaient un trésor du peuple coréen transmis de génération en génération, en déclarant : "Nous sommes déterminés à venger 1.000 fois notre peuple pour les gestes réactionnaires du Japon qui, loin de s'excuser pour et compenser les malheurs incommensurables et les peines infligées à notre peuple, n'a comme objectif que de nous prendre notre terre".
Toujours selon le site nord-coréen, "le peuple entier doit s'unir pour détruire résolument le projet de capturer les Dokdo, afin que les réactionnaires japonais ne mettent jamais la main sur notre terre. C'est l'exigence de notre génération et l'appel du peuple".
Face aux revendications japonaises sur les Dokdo, cette position commune des deux Corée en tant que nation, transcendant les clivages politiques, a été réaffirmée au même moment lors du 18ème forum régional de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (ASEAN), qui s'est tenu à Bali en Indonésie - où a eu lieu par ailleurs une rencontre entre les négociateurs des deux Corée sur la dénucléarisation de la péninsule, en marge du forum.
Sources : Korea Times, Uriminzokkiri, Xinhua, Les Yeux du Monde, Yonhap (dépêches du 20 juillet et du 1er août 2011).
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