Dans son édition du 27 septembre 2017, Le Canard Enchaîné a révélé que l'administration Trump négociait avec la République de Corée (Corée du Sud) l'introduction d'armes nucléaires tactiques, de type B61, dans le sud de la péninsule - officiellement bien sûr pour dissuader la RPDC, même si la Corée du Sud est déjà sous le "parapluie nucléaire" américain et n'a donc nullement besoin d'une protection supplémentaire en armes nucléaires. Cette course aux armements nucléaires hypothéquerait encore davantage la paix, au moment où l'administration Trump multiplie tant les propos bellicistes et les attaques personnelles contre la direction de la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord) que les mesures provocatrices.
Le bas de la page 3 du Canard enchaîné est un rendez-vous hebdomadaire pour tous ceux qui s'intéressent aux questions stratégiques : grâce à des indiscrétions du ministère français de la Défense, notamment des services de renseignement, on y apprend les coulisses des conflits et des crises internationales. En révélant que Donald Trump envisageait la réintroduction d'armes nucléaires tactiques américaines en Corée du Sud, l'hebdomadaire satirique tient un scoop - car il s'agit bien d'une "réintroduction", puisque des documents déclassifiés avaient révélé que les Etats-Unis avaient disposé des centaines de têtes nucléaires en Corée du Sud de 1958 à 1991. Un tel retour en arrière dans le désarmement nucléaire conforte l'idée que les Etats-Unis ont une conception décidément très particulière de l'arme nucléaire : seuls eux (et les alliés qu'ils tolèrent) auraient le droit de disposer à leur guise de l'arme la plus effroyable jamais créée par l'homme, et dont ils détiennent à ce jour le monopole de l'utilisation effective en 1945 - rendant chimérique un désarmement nucléaire de la Corée du Nord.
Mais ce schéma catastrophe n'est pas encore réalisé : si les généraux américains poussent fortement à l'introduction de bombes B61 en Corée du Sud, et trouvent un écho non défavorable chez le ministre sud-coréen de la Défense Song Young-moo, les diplomates américains et sud-coréens sont inquiets et le président sud-coréen Moon Jae-in n'est pas chaud - certainement conscient qu'une telle mesure non seulement ruinerait les espoirs d'un retour au dialogue pour sortir de la crise, mais exposerait également les populations sud-coréennes. Mais que valent les vies sud-coréennes aux yeux de l'administration Trump et de leurs acolytes ? D'ores et déjà, les généraux américains ont jugé utile de faire approcher leurs bombardiers des côtes nord-coréennes - les mêmes bombardiers qui pourraient larguer les bombes nucléaires de type B61.
Outre l'accord sud-coréen, les Etats-Unis butent sur deux obstacles : un délai d'installation estimé à deux ou trois ans et - tant qu'à faire - faire prendre en charge financièrement par la Corée du Sud des dépenses militaires qui servent plus les intérêts américains que les siens propres. Une alternative est ainsi envisagée : l'installation permanente en Corée du Sud, par rotation des appareils, de bombardiers B1, B2 et B52 actuellement stationnés à Guam. Il s'agit bien de l'île de Guam près de laquelle les Nord-Coréens avaient envisagé d'effectuer des tirs (avant d'y renoncer) : ce serait une belle provocation, qui générerait de forts risques d'escalade militaire, et représenterait aussi une forte dépense militaire financée par le contribuable américain. Mais rien n'est trop beau pour satisfaire l'ego du Président Trump qui, impuissant à empêcher la Corée du Nord de se doter d'une force de dissuasion nucléaire, a besoin de montrer qu'il est le grand commandant en chef toujours victorieux des forces armées américaines, quel qu'en soit le prix. L'apaiser, comme s'y évertuent la Chine ou encore la France, est probablement le pari le plus dangereux, car une telle attitude l'encourage sur une pente belliciste dont les conséquences catastrophiques ne sont malheureusement que trop connues.
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