Selon un rapport du ministère de la Santé et de la protection sociale de la République de Corée (du Sud), le suicide est devenu la quatrième cause de mortalité dans le pays, ayant atteint le taux de 31 pour 100.000 en 2009, en hausse pour la troisième année consécutive. L'AAFC revient sur ce fléau moderne des pays industrialisés, qui touche encore plus fortement la Corée du Sud. Le problème de santé publique qu'il constitue a été longtemps tabou, avant de retenir l'attention de l'opinion publique suite au suicide récent de plusieurs personnalités du monde social et politique et des milieux culturels.
Un grave problème de santé publique
Dans un rapport au Parlement rendu public le 3 octobre 2010 avant une audition parlementaire, le ministère de la Santé et de la protection sociale sud-coréen a fait apparaître une nouvelle hausse des suicides dans le pays : avec un taux de 31 pour 100.000 personnes, le suicide est devenu la quatrième cause de mortalité en Corée du Sud, après le cancer (140,5 pour 100.000), les maladies mentales (52 pour 100.000) et les maladies cardiaques (45 pour 100.000), devant le diabète (19,6 pour 100.000).
En 2009, le taux annuel de suicide, qui s'élevait à 26,1 pour 100.000 personnes en 2005, a été en hausse pour la troisième année consécutive (23 pour 100.000 en 2006, 26 pour 100.000 en 2008, 31 pour 100.000 en 2009).
Le taux de suicide en Corée du Sud a récemment dépassé celui du Japon pour devenir l'un des plus élevés au monde (juste après le Guyana, la Hongrie et les pays de l'ancienne Union Soviétique), et le premier parmi les pays industrialisés membres de l'OCDE.
Des causes sociales complexes
L'échec scolaire dans un pays où l'investissement éducatif est très élevé, ainsi que le faible niveau de protection sociale, peuvent être des facteurs explicatifs spécifiques des suicides en Corée du Sud, où la réprobation sociale du suicide est forte : ainsi, la mort par pendaison à Manhattan, en 2005, de Lee Yoon-hyung, de la famille du groupe Samsung, avait d'abord été présentée dans les journaux sud-coréens et américains comme résultant d'un accident de voiture.
Le suicide est ainsi un révélateur de la société. Par exemple, le 6 octobre 2008, le mannequin et acteur Kim Ji-hoon s'est suicidé après avoir rendu publique son homosexualité, en butte à des agressions homophobes et à la décision de son employeur de ne pas renouveler son contrat après l'annulation de sa participation à des défilés de mode et à des émissions de télévision.
Sacrifice individuel et prise de conscience collective
Dans le domaine politique et l'histoire des luttes sociales, le suicide en Corée du Sud a souvent représenté un sacrifice individuel pour la collectivité : le 13 novembre 1970, un jeune ouvrier du textile âgé de 22 ans, Jeon Tae-il, s'immolait par le feu pour dénoncer les conditions de travail des travailleurs sud-coréens. Dans son secteur d'activité, les cas de tuberculose n'étaient pas rares en raison du manque de ventilation dans les usines, et les employeurs procédaient à des injections forcées d'amphétamines pour maintenir à l'état d'éveil les ouvriers privés de sommeil. Ayant donné lieu à la réalisation d'un documentaire, "A Single Spark", récompensé du prix du meilleur film aux Blue Dragon Awards en 1995, nominé au festival international du film de Berlin en 1996, la mort de Jeon Tae-il encouragea les mobilisations pour le droit du travail en Corée du Sud.
La période récente a été marquée par plusieurs suicides de personnalités sud-coréennes qui ont conduit à une attention accrue de l'opinion publique sur ce phénomène, dans ses différentes dimensions, politiques et sociales :
- le syndicaliste Park Jong-tae, pour alerter l'opinion sur la situation des travailleurs des transports ;
- l'ancien président démocrate Roh Moo-hyun, le 23 mai 2009 ;
- le pasteur Kang Hui-nam, le 6 juin 2009, pour protester contre la répression des mouvements pro-réunification ;
- l'actrice et mannequin Kim Daul, le 19 novembre 2009 à Paris ;
- l'acteur et chanteur Park Yong-ha, le 30 juin 2010.
Si le suicide récent de stars de cinéma a sans doute plus ému une partie des jeunes Sud-Coréens, souvent dépolitisés, que celle de figures politiques et syndicales, il a éveillé la prise de conscience globale d'un phénomène social longtemps resté tabou. Il faut aussi reconsidérer les suicides de certaines personnalités dans l'analyse du rôle des médias sud-coréens qui disposent d'un pouvoir de fabrication de l'image et de la réputation des célébrités - que celles-ci relèvent des sphères économique, politique ou du showbiz.
Ainsi, le 4 août 2003, Chung Mong-hun, fils de Chung Ju-yung, fondateur du groupe Hyundai, s'était suicidé alors qu'il dirigeait le groupe Hyundai Asan. Très engagé dans la réconciliation intercoréenne, le groupe Hyundai Asan ayant massivement investi dans les complexes intercoréens de Kaesong et des monts Kumgang, Chung Mong-hun était poursuivi pour un financement occulte présumé du sommet intercoréen du 15 juin 2000. Il était devenu une cible de la presse conservatrice sud-coréenne, hostile à la politique du rayon de soleil du président Kim Dae-jung que le groupe Hyundai appuyait totalement au plan économique. Comme pour l'ancien président Roh Moo-hyun, cette campagne de presse a conduit au suicide de Chung Mong-hun et à l'extinction des poursuites, sans qu'un jugement n'ait jamais permis de connaître la vérité.
Principales sources : AAFC, The Korea Times, Wikipedia