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15 avril 2014 2 15 /04 /avril /2014 12:58

kim-il-sung_kim-jong-suk_kim-jong-il.jpgAlors que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) célèbre ce 15 avril 2014 le 102ème anniversaire de la naissance de son fondateur, le Président Kim Il-sung, le pouvoir qu'il a établi s'est fondé non seulement sur ses activités dans la guérilla anti-japonaise, mais aussi sur sa capacité à gagner à la cause de la révolution coréenne après 1945 de nouvelles couches sociales jusqu'alors marginalisées, comme l'a notamment montré l'universitaire américain Charles K. Armstrong dans son ouvrage de référence sur cette période, qui utilise notamment d'abondantes sources d'archives nord-coréennes prises par l'armée américaine pendant la guerre de Corée. En favorisant la participation politique des Coréens plus jeunes et de ceux qui n'appartenaient pas à la noblesse, tout en s'appuyant sur la paysannerie alors dominante, Kim Il-sung (à gauche avec sa femme Kim Jong-suk et leur fils Kim Jong-il) s'est également démarqué d'autres leaders politiques, comme ceux du groupe de Yanan, plus proche de la Chine. Dans ce contexte, la loi du 30 juillet 1946 sur l'égalité hommes-femmes, largement impulsée par Kim Il-sung et ses partisans, a bousculé le vieil ordre confucéen traditionnel et été parmi les plus avancées d'Asie à cette époque, comme l'observe Charles K. Armstrong dans son ouvrage précité dont nous traduisons ci-après des extraits.
    
"Les femmes ont constitué la troisième cible majeure de la législation réformiste. La légalisation de l'égalité entre les sexes a été fortement influencée par le précédent soviétique, mais la libération des femmes faisait également partie du programme des bases de guérilla en Mandchourie (...). Les documents nord-coréens suggèrent que Kim Il-sung et son groupe de guérilla étaient plus favorables à l'égalité des sexes que le groupe de Yanan, qui était plus populiste dans d'autres domaines mais davantage conservateur quand on en venait aux questions de genre, peut-être en partie du fait de la différence d'âges entre les dirigeants des deux groupes (Kim Tu-bong, le leader du groupe de Yanan, était beaucoup plus âgé que Kim Il-sung et avait une formation universitaire plus comme il faut)1. Il est difficilement contestable que les discriminations contre les femmes dans la Corée traditionnelle étaient sévères, même en comparaison avec les autres pays d'Asie de l'Est, et que rechercher un soutien parmi les femmes coréennes opprimées de longue date correspondait tout à fait à la politique de Kim Il-sung et du Comité populaire provisoire de Corée du Nord (CPPCN)a de mobiliser les éléments marginalisés de la société nord-coréenne. Les femmes, comme les paysans pauvres, étaient une majorité opprimée dont le soutien et la participation modifieraient radicalement le paysage politique coréen. 

"La loi sur l'égalité des genres promulguée par le CPPCN et soutenue par les Soviétiquesb était extrêmement radicale au regard des critères de l'histoire coréenne récente, et sur le papier au moins donnait plus de droits aux femmes nord-coréennes que n'importe quelles autres femmes d'Asie à cette époque. La loi a été adoptée le 30 juillet [1946] afin de libérer les femmes, comme le soulignait la propagande autour de la loi, de la "triple subordination" dans la famille, la société et en matière politique2. La loi donnait les mêmes droits aux femmes pour la participation politique, les activités économiques, le droit à l'éducation, la liberté de choix pour le mariage et le divorce. Elle interdisait la polygamie et la vente des femmes comme veuves ou concubines, et abrogeait toutes les anciennes lois coréennes et japonaises relatives aux femmes. La réception par la population de la loi sur l'égalité des genres a été mitigée, et quelques membres du groupe de guérilla de Yanan ont exprimé leur inquiétude qu'il s'agissait d'une attaque trop radicale contre le patriarcat profondément ancré dans la société coréenne. Se fondant apparemment sur les comptes rendus de réfugiés mécontents du Nord, un rapport de renseignement américain en concluait que "en général, cette loi a eu pour effet de créer un sentiment d'irresponsabilité parmi les jeunes femmes et d'engendrer une amertume profonde parmi les hommes"3c.

"Les questions relatives aux femmes figuraient en bonne place dans les réformes sociales de la Corée du Nord parmi les objectifs révolutionnaires plus larges du régime. Outre la loi sur l'égalité des sexes elle-même, d'autres lois portaient sur les droits des femmes, dont celui de devenir propriétaires dans le cadre de la réforme agraire, le droit à l'interruption volontaire de grossesse et le droit à un salaire égal à celui des hommes dans le cadre de la loi sur le travail4".

Notes de Charles K. Armstrong
1 Pour une vue d'ensemble de la politique nord-coréenne envers les femmes pendant les deux premières années après la libération, lire Pak Hyonson, "La politique des femmes dans la période de la révolution démocratique antiféodale anti-impérialiste", HCI, vol. 5
2 Haebanghu Choson, 93.
3 Pak Choson pomnyongjip, 201-202, "North Korea Today", 16.
4 "North Korea Today", 16.

Notes du traducteur
a Avant la fondation de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) en 1948, le gouvernement provisoire a été exercé par le Comité populaire provisoire de Corée du Nord.
b Le Nord de la péninsule était alors occupé par les troupes soviétiques, et le Sud par les troupes américaines.
c Au Sud, où l'occupation militaire américaine était plus visible et s'ingérait davantage dans la vie politique que celle Soviétique au Nord, un des choix du commandement américain a été de freiner les réformes économiques et sociales, ce qui a grandement fragilisé le Gouvernement de Syngman Rhee, largement défait aux élections locales du printemps 1950 qui ont précédé le déclenchement de la guerre de Corée.

Source : Charles K. Armstrong, The North Korean Revolution, 1945-1950, Cornell University Press, New York, 2003, p. 91-92. Traduction de l'anglais : AAFC-SB.

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