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5 mars 2012 1 05 /03 /mars /2012 12:49

banqueRPDCEn la quasi-absence de statistiques  économiques officielles  de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), les données de la Banque de Corée (du Sud) sont devenues la source la plus utilisée par les spécialistes étrangers pour connaître l'évolution de l'économie de la RPDC. Pourtant, comme nous l'avions montré pour les données relatives à l'année 2010, dans un contexte de montée des tensions intercoréennes ces statistiques, totalement liées aux services de renseignement sud-coréens, n'apparaissent aujourd'hui ni fiables, ni crédibles, et de surcroît en totale contradiction avec les observations des spécialistes ayant visité le pays, ces derniers faisant état de progrès économiques réels. Parmi les autres sources disponibles, l'Institut de recherche du groupe Hyundai, bien implanté dans le Nord de la péninsule où une de ses filiales (Hyundai Asan) gère notamment la zone industrielle de Kaesong, vient de publier une estimation de croissance de 4,7 % du produit intérieur brut (PIB) nominal par habitant de la Corée du Nord en 2011, correspondant à une croissance annuelle globale du PIB de la RPD de Corée de 5,2 %.

 

Aujourd'hui l'un des meilleurs journalistes français spécialistes de la Corée du Nord, dans l'édition 2012 du Bilan du Monde (publié par le quotidien du soir, dont il est le correspondant pour la Corée depuis plus de trente ans), Philippe Pons n'y va pas pas quatre chemins pour expliquer que les statistiques de la Banque de Corée (du Sud) sur l'évolution de l'économie nord-coréenne ne sont ni fiables, ni crédibles : "pour la seconde année consécutive, la République populaire démocratique de Corée (RPDC a été en récession) en 2010 avec un produit intérieur brut qui s'est contracté de 0,5 % (- 0,9 % en 2009). (...) Ce sont là les conclusions du rapport annuel de la Banque de Corée (Séoul), élaboré à partir des données des services de renseignement sur l'année précédente, en l'absence de toute statistique officielle fiable (...) ce sont les seules disponibles" (op. cit., p. 197).

 

Philippe Pons a raison de souligner que les données sur l'économie nord-coréenne pour les années 2009 et 2010 ne proviennent pas d'observations de spécialistes indépendants, mais qu'elles sont le fruit du travail des services de renseignement sud-coréens : ces derniers, pour conforter la politique hostile aux échanges intercoréens du Président conservateur Lee Myung-bak, cherchent à accréditer l'idée d'un déclin économique de la RPD de Corée, que ne corroborent pourtant pas les observations des spécialistes étrangers ayant récemment visité la Corée du Nord. Le boom de la construction, l'essor de la téléphonie mobile, l'augmentation de la production d'électricité par la mise en place de nouvelles centrales, le niveau record des échanges extérieurs (après un tassement en 2009) et le développement de nouvelles productions agricoles et piscicoles, tout montre que l'économie nord-coréenne est en expansion, n'en déplaise au gouvernement Lee Myung-bak. Publiées tardivement, de plus en plus lacunaires, les données de la Banque de Corée du Sud sur l'économie nord-coréenne en 2010 portent la marque de ce qu'elles sont devenues au fur et à mesure de la dégradation des relations intercoréennes : un simple instrument au service de la politique nord-coréenne aujourd'hui conduite à Séoul.

 

Mais Philippe Pons se trompe en affirmant qu'il n'existe pas d'autres sources disponibles sur l'économie nord-coréenne, indépendantes du pouvoir politique à Séoul. En particulier, les grands groupes sud-coréens ont mis en place des instituts de recherche, qui visent notamment à donner une information plus fiable sur l'évolution de l'économie nord-coréenne, qui constitue un facteur externe non négligeable pour l'économie sud-coréenne. En particulier, les données de l'Institut de recherche du groupe Hyundai sont particulièrement intéressantes, dans la mesure où la filiale Hyundai Asan de Hyundai a fortement investi au Nord de la péninsule et dispose d'un accès à l'information largement comparable à celui des services de renseignement sud-coréens.

 

Pour l'année 2011, selon Hyundai, le PIB nominal par habitant de la Corée du Nord aurait progressé de 4,65 %, de 688 dollars à 720 dollars (attention : il s'agit de données nominales, non corrigées en parité de pouvoir d'achat, ou PPA ; en termes de PPA, le PIB par habitant de la Corée du Nord doit être multiplié entre 2,5, selon la CIA et 6, selon l'institut de recherche Global Insight). Pour obtenir une évolution du PIB global, suivant les usages retenus dans les comparaisons en économie internationale, il faut toutefois aussi tenir compte de l'évolution démographique de la Corée du Nord, qui suivrait une croissance annuelle de 0,535 % en 2012. Au total, l'économie nord-coréenne aurait ainsi progressé de 5,2 % en 2011. Par comparaison, toujours selon l'édition 2012 du Bilan du Monde, la croissance prévue de l'économie sud-coréenne en 2011 n'était que de 4 %. L'an passé, l'économie nord-coréenne a ainsi crû plus rapidement que l'économie sud-coréenne.

 

Toujours selon Hyundai, cette progression de l'économie de la RPD de Corée s'est traduite par une forte hausse des récoltes de céréales (4,74 millions de tonnes, en hausse de 7,2 % sur un an selon l'Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation), et un boom (+ 62,4 %) des échanges commerciaux avec la Chine, pour s'établir à 5,63 milliards de dollars. La Corée du Nord apparaît aujourd'hui bel et bien engagée sur le chemin d'une croissance rapide.

 

Sources : AAFC, L'économie de la Corée du Nord (à paraître aux Indes Savantes, en prévente notamment à la FNAC), Yonhap (article publié par The Korea Times).

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