Après l'annonce par Pyongyang de la suspension de ses essais nucléaires et de missiles balistiques intercontinentaux, Benoît Quennedey, président de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), a donné son point de vue sur la chaîne RT France, le samedi 21 avril 2018, au journal télévisé de 12h, en répondant aux questions de la présentatrice pendant plus de six minutes.
La fin des essais nucléaires et des tirs de missiles, concrètement cela veut dire quoi ?
Concrètement cet arrêt intervient à une semaine de la rencontre prévue entre les deux dirigeants du Sud et du Nord. Il est probable que Mike Pompeo, ancien directeur de la CIA et actuel secrétaire d'Etat, lors de son récent voyage à Pyongyang, a demandé un geste de bonne volonté explicite, et cette demande a donc été exaucée. Du côté de la RPDC il s’agit d’une décision approuvée par le Comité central du Parti, dans le cadre d'un processus collectif. Ce geste montre que la préparation de la rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un avance bien.
Il ne s’agit pas d’un bluff ?
Non, les Nord-Coréens depuis leurs décisions de janvier sont dans une séquence diplomatique. Il ne s’agit certes que de la suspension de leur programme, une suspension mais pas forcément un arrêt définitif. C’est cependant un premier geste qui s’inscrit dans une séquence diplomatique qui est le fait des deux parties de la Corée, comme on l’a vu au moment des Jeux olympiques, avec ces images des athlètes défilant ensemble, et qui reprend en main son destin. Sur une question aussi sensible pour la Corée du Nord, qui considère l’arme nucléaire comme son assurance vie, il y a une volonté d’aller de l’avant.
On parlait jusqu’à présent d’apaisement mais est-ce qu’on se dirige vers une vraie réconciliation ?
Le président Moon-Jae-in en a parlé lors d'une conférence de presse il y a deux jours, donc peu avant la rencontre avec Kim Jong-un. Chaque partie doit faire des efforts et pour le moment c’est le Nord qui en fait. On doit donc espérer des gestes de l’autre partie dans la levée des sanctions et l’établissement de relations diplomatiques avec Washington.
Washington, Séoul, l’Union européenne ont réagi à cette annonce du Nord, mais quelles sont les conséquences pour la péninsule coréenne ?
Le plus important est de revenir à la paix et de permettre la prospérité. La Corée du Nord est soumise à un régime de sanctions draconien sans équivalent au monde. L’UNICEF a déclaré en janvier que 60 000 enfants allaient mourir si les sanctions n’étaient pas levées. Lors de la récente réunion du Comité central du Parti, Kim Jong-un a ainsi mis l’accent sur l’économie.
La Corée du Nord veut donc sortir de son isolement et revenir sur la scène internationale ?
C’est clair et cette volonté s’est déjà manifestée avec la rencontre du leader coréen avec Xi Jinping. Le Nord considère que, ayant atteint ses objectifs de défense qui lui permettent de discuter d’égal à égal avec les Etats-Unis, il n’y a pas de raison de conserver un armement nucléaire si sa sécurité est assurée. Mais la dénucléarisation est un processus long qui nécessitera des étapes, la suspension en étant une. Il y a la question des garanties de sécurité, d’où l’idée d’un traité de paix qui remplacerait enfin l’accord d’armistice de 1953. Enfin, pour la première fois va se dérouler un sommet intercoréen qui va précéder un sommet Etats-Unis et Corée du Nord. Ainsi, les diplomaties sont coordonnées, ce qui n’était pas le cas dans les années 2000 où la diplomatie du Sud ne coïncidait pas toujours avec la diplomatie américaine. On peut espérer un régime de paix permanent et de prospérité.
Vous avez quand même le Japon qui émet beaucoup de réserves. Pourquoi cette méfiance ?
Il y a un très vieil antagonisme entre le Japon et la Corée qui remonte à la colonisation japonaise de 1910 à 1945 et l’enrôlement des Coréens de force dans l’armée impériale japonaise et les Coréennes devenues des esclaves sexuelles. Dans ce contexte le Japon a toujours joué le rôle de « Monsieur plus ». Le Japon ne veut pas être l’oublié et l’abandonné de ces négociations, d'autant qu'il sait qu’en cas de conflit, après les Etats-Unis, la cible nord-coréenne serait le Japon. Ce n’est donc pas très surprenant que le Japon soit dans une situation de surenchère. On verra par la suite si le Japon propose aussi un sommet avec le dirigeant nord-coréen, ce qui a déjà eu lieu avec Junichiro Koizumi dans les années 2000.
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