En juin 2016, François Hollande, Président de la République française, a reçu avec faste Mme Park Geun-hye, Présidente de la République de Corée, fortement critiquée pour ses atteintes constantes et systématiques aux droits de l'homme. Quelques mois plus tard, le chef de l'Etat français entendait rencontrer le Président russe Vladimir Poutine mais dans un format non officiel et pour lui dire que l'attitude russe en Syrie était "inacceptable" selon la diplomatie française. Le Kremlin a alors annoncé le report du déplacement en France du Président russe, qui devait à cete occasion inaugurer le nouveau centre spirituel et culturel orthodoxe russe de Paris ainsi qu'une exposition de la Fondation Vuitton consacrée au mécène russe Sergueï Chtouchkine. Le porte-parole du Kremlin a indiqué que Vladimir Poutine était disposé à se rendre à Paris "lorsque le président Hollande se sentira à l’aise". L'Association d'amitié franco-coréenne décrypte l'attitude française : complaisance vis-à-vis des autorités sud-coréennes dans un cas, critiques (et de surcroît à l'égard d'un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies) dans l'autre cas.
François Hollande tout sourire avec Mme Park Geun-hye : pas de sujets qui fâchent entre alliés des Etats-Unis
Est-ce que ce sont vraiment les choix de la diplomatie russe qui justifient la différence de traitement entre Vladimir Poutine et Mme Park Geun-hye ? Si la Russie est directement engagée dans le conflit syrien, la Corée du Sud a choisi l'escalade des tensions avec son voisin du Nord, jusqu'à menacer de réduire en cendres la capitale de la République populaire démocratique de Corée et d'assassiner le dirigeant nord-coréen. Mais le communiqué franco - sud-coréen publié à l'issue de la visite de Mme Park en juin avait au contraire justifié le bellicisme sud-coréen en invoquant l'attitude de la Corée du Nord : le pacifisme et les appels au dialogue de la diplomatie française sont décidément à géométrie variable.
S'agit-il pour la France de privilégier un cadre multilatéral respecteux des droits de l'homme ? Les autorités françaises veulent saisir la Cour pénale internationale pour les "crimes de guerre" commis en Syrie, comme l'a indiqué le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault :
Ça concerne tout le monde (…) Il y a des faits constitutifs de crimes de guerre (…). Après, il faut dégager les responsabilités (...) Nous allons prendre contact avec la procureure générale de la Cour internationale pour voir de quelle façon elle peut engager ces enquêtes.
Mais dans le cas sud-coréen les atteintes aux droits de l'homme, qui sont elles pleinement connues du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, sont superbement ignorées par le ministère des Affaires étrangères, comme celui-ci l'a indiqué dans une réponse lapidaire suite à la visite d'Etat de Mme Park Geun-hye en France, des parlementaires ayant voulu savoir si la question des droits de l'homme n'avait été, ne serait-ce qu'effleurée, lors de sa rencontre avec son homologue sud-coréenne, François Hollande allant même jusqu'à adopter le point de vue des autorités sud-coréennes justifiant l'inacceptable :
Les relations entre la France et la Corée sont fondées sur des valeurs partagées en matière de démocratie et de droits de l’Homme. La France est pleinement respectueuse de la souveraineté coréenne et de l’indépendance de son système judiciaire. Le gouvernement coréen actuel ne reconnait pas l’existence de prisonniers politiques en République de Corée. Six responsables du Parti progressiste unifié (PPU) ont été poursuivis pour violation de la loi sur la sécurité nationale et préparation d’une révolte armée, à la suite d’un appel à la sédition en cas de conflit armé avec la Corée du Nord. En 2015, la Cour suprême les a exonérés de ce dernier chef d’accusation mais les a déclarés coupables de violation de l’article 7 de la loi sur la sécurité nationale. La Cour constitutionnelle s’est par ailleurs prononcée en faveur de la dissolution du PPU, le 19 décembre 2014, estimant que les objectifs et les activités de ce parti visaient à effectuer un changement de régime et à renverser l’ordre démocratique (...).
La vérité est que ni la paix, ni les droits de l'homme ne sont des déterminants de la diplomatie française. Mme Park Geun-hye est l'alliée le plus fidèle des Etats-Unis en Extrême-Orient, et doit à ce titre être soutenue de manière inconditionnelle. Vladimir Poutine mène, lui, une diplomatie indépendante des Etats-Unis et de leurs alliés, ce qui est tout simplement inacceptable pour François Hollande : quand le Président français rencontre des chefs d'Etat étrangers, il les aime pro-américains. La politique gaullienne puis mitterrandienne d'indépendance de la diplomatie française est aujourd'hui bel et bien morte et enterrée.
commenter cet article …