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20 février 2016 6 20 /02 /février /2016 19:58

Les Coréens du Japon, dont la présence dans l'archipel est un legs de la colonisation japonaise de la péninsule (1910-1945), sont pris malgré eux dans l'engrenage des relations nippo - coréennes, et plus particulièrement des relations entre le Japon et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) s'agissant de la communauté nord-coréenne du Japon, regroupée au sein de l'Association générale des résidents coréens au Japon (Chongryon). L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) milite de longue date pour la fin des discriminations, de droit et de fait, dont est victime la minorité coréenne au Japon - notamment dans un courrier recommandé adressé le 23 mai 2015 par Guy Dupré, Président de l'AAFC, au Premier ministre Shinzo Abe, et dont les services n'avaient même pas jugé utile d'accuser réception.

Une délégation de l'Alliance de la jeunesse coréenne en RPD de Corée (août 2014)

Une délégation de l'Alliance de la jeunesse coréenne en RPD de Corée (août 2014)

Le 10 février 2016, soit trois jours après le lancement du satellite nord-coréen "Kwangmyongsong-4", les autorités japonaises avaient annoncé l'adoption unilatérale de nouvelles sanctions contre la RPD de Corée. Ces mesures ont été approuvées par le gouvernement Shinzo Abe le 19 février 2016.

Ces sanctions comprennent l'interdiction d'entrée dans les ports japonais de tous les navires nord-coréens (y compris - ont précisé les autorités nippones - ceux ayant un caractère humanitaire), ainsi que des navires de pays tiers précédemment passés par la Corée du Nord. Sont par ailleurs interdits les transferts vers la RPDC d'un montant supérieur à 100 000 yens (soit 800 euros). Tout autant (sinon davantage que la RPDC), ces sanctions visent implicitement les Coréens du Japon affiliés à la Chongryon, dans la mesure où leurs liaisons avec la RPD de Corée s'effectuent essentiellement par voie maritime, et qu'ils transfèrent de l'argent à leurs familles en Corée du Nord. Ils sont ainsi les victimes collatérales de la dégradation des relations entre Tokyo et Pyongyang.

Dénonçant le non-respect par le Japon des engagements qu'il a conclus dans l'accord intergouvernemental de mai 2014, les autorités nord-coréennes ont réagi en annonçant la suspension des travaux de sa commission d'enquête sur les citoyens japonais portés disparus.

La situation internationale pèse enfin sur la vie quotidienne des Nord-Coréens du Japon. Ainsi, alors que la quasi-totalité des écoles coréennes de l'archipel sont gérées par la Chongryon, ces dernières restent exclues d'un programme d'exonérations fiscales dont bénéficient les autres écoles au Japon. Les perspectives de levée de cette discrimination, encore dénoncée lors d'un rassemblement des Coréens du Japon qui s'est tenue à Osaka le 13 février 2016, n'en apparaissent malheureusement qu'encore plus lointaines.

Lire aussi, sur les blogs de l'AAFC et de l'AAFC-Bourgogne :

Source :

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5 février 2016 5 05 /02 /février /2016 13:07

Le 31 décembre 2015, 50 étudiants sud-coréens et leurs accompagnateurs se sont rendus sur le site d'Oradour-sur-Glane, dans le cadre du quatrième tour d'Europe pour la paix. Comme lors des précédents tours d'Europe, ce déplacement sur un haut lieu symbolique de l'histoire de France a été soutenu et organisé par Liliane Boussel, correspondante régionale de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) en Limousin, que nous remercions pour sa grande disponibilité, avant - notamment - un rassemblement à Paris qui a eu lieu le 1er janvier 2016. Nous reproduisons ci-après (y compris les photos et leurs commentaires) un article de compte rendu de Gwennaelle Guedj publié dans L'Echo, intitulé "Peace Tour un Europe" ; Tour d'Europe pour la paix, suivant le message inscrit sur l'anorak que portaient les étudiants coréens.

Des mots porteurs d'espoir écrits en noir sur des anoraks jaunes

Des mots porteurs d'espoir écrits en noir sur des anoraks jaunes

Quelle émotion de voir réunis en ce jour, étudiants sud-coréens, militants de l'association amitié France-Corée, de la CGT et Camille Senon.
Rencontre entre la mémoire et les combats actuels ; rencontre entre des volontés de montrer et de dire l'horreur.
Pour visiter le village, Camille Senon, survivante du massacre du 10 juin 1944, les accompagne et témoigne. La quiétude et l'intérêt règnent. Tous ces jeunes "venus de si loin" prennent des notes, des photos, des vidéos et donnent l'impression de ne pas en perdre une goutte. La visite se termine au monument aux Morts. Tous réunis face à la stèle, les Sud-Coréens déposent les uns après les autres une rose blanche tout en se recueillant. Moment bouleversant de reconnaissance et d'empathie.
Leur visite en Europe se déroule en vingt jours sur les lieux vestiges de la Seconde guerre mondiale, tels que Champigny-sur-Marne, les camps de concentration en Allemagne, etc.
Ce 4e tour d'Europe pour la paix a été organisé par l'association "Les papillons de l'espoir" et le Conseil coréen pour les femmes de réconfort (collectif de 38 associations), et coordonné en France par l'AAFC (Association d'amitié franco-coréenne).

1945, une même année pour deux histoires

1945, c'est la fin de la seconde guerre mondiale et la fin de la colonisation de la Corée par le Japon. Quarante ans de colonialisme, plus de deux millions de Coréens réduits en esclavage pendant la Seconde guerre mondiale, et plus de 200 000 femmes de réconfort (esclaves sexuelles)...
Les pourparlers entre les gouvernements coréen et japonais font d'ailleurs l'actualité ce lundi 28 décembre : Fumio Kishia, ministre des Affaires étrangères du Japon, a conclu avec son homologue sud-coréen Yun Byung-se un accord tendant à résoudre "de manière finale et irréversible" la question des "femmes de réconfort" ; texte que les associations jugent clairement insuffisant et marque un recul sans précédent par rapport aux positions jusqu'alors défendues par la Corée du Sud - et a même été qualifié "d'humiliant" par la République populaire démocratique de Corée. Suites à cet accord, les jeunes du tour pour la paix se rassemblent ce 1er janvier, place du Trocadéro à Paris pour signifier leur mécontentement et montrer qu'ils continueront à être présents dans ce combat. "Nous, participants du voyage en Europe pour la paix, nous nous sommes lancés dans ce voyage afin d'exprimer notre opposition à la guerre, tout en espérant la résolution du problème de l'esclavage sexuel par l'armée japonaise pendant la Seconde guerre mondiale. Les blessures de la Seconde guerre mondiale ne pourront être cicatrisées tant qu'il ne sera pas mis fin au problème de l'exploitation sexuelle". Les étudiants s'intéressent d'ailleurs de près aux réactions des gouvernements français et allemand suite au massacre. Camille Senon explique que "le gouvernement français a reconstruit mais les SS sont restés impunis et le gouvernement allemand, via le Président de la République fédérale en visite à Oradour en 2013, a demandé pardon pour ce crime". L'espoir de paix en ressortira-t-il grandi de ce voyage ?

Une citation était par ailleurs en exergue dans l'article :

"La paix est précaire et fragile, les atteintes aux libertés, les injustices, les inégalités et les répressions sont de tous nos combats", Camille Senon. Ici comme ailleurs, nous aspirons à la paix, utopie ou réalité ?

Les étudiants coréens avec Camille Senon et Liliane Boussel

Les étudiants coréens avec Camille Senon et Liliane Boussel

Dépôt de rose blanche et recueillement

Dépôt de rose blanche et recueillement

Article reproduit de L'Echo :

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2 janvier 2016 6 02 /01 /janvier /2016 12:29

Le 28 décembre 2015 l'accord conclu entre les ministres des Affaires étrangères japonais et sud-coréen a profondément divisé l'opinion publique non seulement coréenne, mais également asiatique : dans tous les pays victimes de l'esclavage sexuel des "femmes de réconfort" organisé par l'armée japonaise avant et pendant la Seconde guerre mondiale, ce n'est pas une aumône que demandent les survivantes, mais bien des excuses des autorités japonaises au plus haut niveau où elles reconnaîtraient juridiquement leur implication dans ce crime de masse. Plus encore, des mesures doivent être prises pour que plus que jamais les femmes ne soient les victimes des guerres comme objet sexuel : sur tous ces points, l'accord conclu entre Tokyo et Séoul, en prétendant régler définitivement la question, ne résout rien et laisse béantes les plaies du passé. Des manifestations rassemblant les survivantes, à l'initiative notamment du Conseil coréen pour les femmes requises pour l'esclavage sexuel militaire du Japon, ont ainsi eu lieu en République de Corée (Corée du Sud). En France, un rassemblement s'est tenu à Paris, place du Trocadéro, à l'initiative d'étudiants coréens organisant un voyage pour la paix en Europe (France, Allemagne, Suisse, Autriche, République tchèque), du 28 décembre 2015 au 16 janvier 2016. Des rassemblements similaires auront lieu aux autres étapes de leur voyage pour affirmer haut et fort que, non, la question des femmes de réconfort n'est pas réglée par l'accord du 28 décembre 2015.

"La question des femmes de réconfort n'est pas réglée" : rassemblement à Paris le 1er janvier 2016

Le voyage pour la paix organisé en Europe par l'association "Papillons de l'espoir", réunissant cinquante étudiants sud-coréens, a pour but de sensibiliser aux questions liées à la paix, alors que la péninsule coréenne vit toujours à l'heure de la guerre froide qui a entraîné sa division et sa militarisation. L'exigence d'un monde de paix et de justice implique aussi que ne se reproduisent jamais les crimes du passé, et en particulier que soit réglée la question des "femmes de réconfort", euphémisme désignant les centaines de milliers d'esclaves sexuelles exploitées dans les bordels militaires japonais, il y a plus de soixante-dix ans, et dont les dernières survivantes exigent que justice soit rendue.

Dans ce contexte, le rassemblement qui s'est tenu place du Trocadéro à Paris le 1er janvier 2016, prévu de longue date avec le soutien du Conseil coréen des femmes de réconfort, a pris une importance particulière - alors que le jour même de leur arrivée en France les étudiants apprenaient la conclusion d'un accord entre les gouvernements sud-coréen et japonais. Cet accord témoigne de la volonté de la présidente sud-coréenne Mme Park Geun-hye, avec le soutien des Etats-Unis, de solder au moindre coût les crimes japonais du passé pour préparer les guerres de demain, en levant les obstacles au renforcement de l'alliance militaire entre Washington, Tokyo et Séoul.

Après un rappel du contexte politique et du contenu de cet accord par les Coréens en visite en France, des témoignages ont été donnés par des Japonais et Coréens vivant en France, des organisations pacifistes japonaises s'étant engagées de longue date, dans notre pays, pour la reconnaissance par Tokyo du crime de masse commis à l'encontre des esclaves sexuelles (lire sur le blog de l'AAFC le compte rendu de la projection du film documentaire Murmures, à l'initiative des associations Espace-Japon et Echo-Echanges, le 7 mars 2009, à l'occasion de la Journée internationale de la femme http://www.amitiefrancecoree.org/article-28590933.html).

Pour les Français, Benoît Quennedey, vice-président de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) chargé des actions de coopération, a pris la parole. Il a rappelé l'engagement constant de l'AAFC pour faire connaître en France - y compris dans les milieux parlementaires - la question des femmes de réconfort en vue de sa résolution par une mobilisation internationale. Cette campagne date notamment de la visite en France en septembre 2013 d'une survivante, Mme Kim Bok-dong, dont l'AAFC avait aidé à l'organisation matérielle de la visite. Lors du récent accord du 28 décembre 2015, alors que les gouvernements occidentaux se félicitaient de ce qui constitue à leurs yeux une avancée, l'AAFC a publié immédiatement un article où elle a adopté le point de vue des victimes et de toutes celles et de tous ceux qui militent pour mettre fin à l'esclavage militaire, hier comme aujourd'hui : par ses zones d'ombre, ses omissions et l'obligation en filigrane qu'il impose aux autorités sud-coréennes de ne plus évoquer ce sujet dans les relations internationales, cette déclaration conjointe constitue un recul sans précédent du gouvernement sud-coréen, ayant soulevé une émotion légitime dans l'opinion publique sud-coréenne et asiatique - alors même que la question des femmes de réconfort originaires d'autres pays que la Corée était ainsi passée sous silence.

"La question des femmes de réconfort n'est pas réglée" : rassemblement à Paris le 1er janvier 2016

Une résolution du Conseil coréen des femmes de réconfort a été lue par les participants. Elle a souligné que si le Premier ministre japonais Shinzo Abe avait exprimé des excuses en disant éprouver des responsabilités, il avait passé sous silence que le crime systématique commis à l'égard des femmes de réconfort avait été initié par les autorités japonaises elles-mêmes. Par ailleurs, Shinzo Abe a fait le choix de ne pas exprimer lui-même ces excuses, mais d'en laisser le soin à un représentant du gouvernement - ce qui soulève des doutes sur la sincérité de son geste.

L'accord prévoit par ailleurs la mise en place d'une fondation, pour aider les victimes coréennes - pour un montant de 1 milliard de yen, soit 7,6 millions d'euros ou encore une minute du produit intérieur brut japonais. Mais le Japon se contentera de verser l'argent, n'étant pas impliqué dans la gestion de la fondation qui relèvera des autorités sud-coréennes. En outre, l'accord ne prévoit pas de mesures sur la recherche de la vérité historique ni sur les programmes éducatifs en histoire des deux pays - mais, ajoutons-nous à l'AAFC, doit-on s'en étonner dès lors que tant Tokyo que Séoul sont engagées dans des processus de révisionnisme historique impliquant un contrôle des manuels scolaires, pour disculper dans un cas les crimes de guerre japonais, et dans l'autre cas réhabiliter le régime militaire ultra-autoritaire de Park Chung-hee, le père de l'actuelle présidente sud-coréenne Park Geun-hye ?

La résolution du Conseil coréen des femmes de réconfort dénonce surtout vivement l'attitude des autorités sud-coréennes, l'accord prétendant régler de façon "définitive et irréversible" la question des femmes de réconfort en évitant de critiquer le Japon sur cette question dans les enceintes diplomatiques internationales - tout en s'engageant à résoudre la question de la statue érigée devant l'ambassade du Japon à Séoul par les associations sud-coréennes de défense des victimes (en d'autres termes, à la déplacer). Exigeant du Japon une reconnaissance de sa responsabilité légale, dans la continuité des demandes qu'il a exprimées notamment en 2012 lors de la douzième conférence de solidarité asiatique pour la résolution de la question de l'esclavage militaire sexuel japonais, le Conseil coréen des femmes de réconfort a conclu que "l'accord est le fruit d'une collusion d'intérêts diplomatiques qui trahit toutes nos demandes".

"La question des femmes de réconfort n'est pas réglée" : rassemblement à Paris le 1er janvier 2016
"La question des femmes de réconfort n'est pas réglée" : rassemblement à Paris le 1er janvier 2016

Au total, ce sont 300 personnes qui ont assisté, à un moment ou à un autre, au rassemblement organisé pendant une heure et demie par les étudiants coréens ce 1er janvier 2016 place du Trocadéro - leurs expressions artistiques et festives (danses, chants, mosaïque animée formant des motifs à l'aide de fragments d'images dessinées sur des cahiers), particulièrement réussies, attirant un public nombreux - malgré un vent glacial en ce jour de fête. La distribution de tracts, les jours précédents, avait aussi permis de faire venir de nombreux Coréens vivant en France.

"La question des femmes de réconfort n'est pas réglée" : rassemblement à Paris le 1er janvier 2016
"La question des femmes de réconfort n'est pas réglée" : rassemblement à Paris le 1er janvier 2016
"La question des femmes de réconfort n'est pas réglée" : rassemblement à Paris le 1er janvier 2016
"La question des femmes de réconfort n'est pas réglée" : rassemblement à Paris le 1er janvier 2016

Les participants ont été appelés à signer la pétition visant à recueillir 100 millions de signatures pour la résolution de la question de l'esclavage sexuel infligé par l'armée japonaise.

 

"La question des femmes de réconfort n'est pas réglée" : rassemblement à Paris le 1er janvier 2016

Alors que le nombre de personnes présentes a atteint un niveau sans précédent en France sur la question des femmes de réconfort, ce rassemblement n'avait, à l'heure où nous publiions cet article, pas été couvert par les médias sud-coréens en France, dans leur écrasante majoritaire conservateurs ou à capitaux publics, donc pro-gouvernementaux - contrairement aux précédentes manifestations organisées dans notre pays à l'initiative ou avec le soutien du Conseil coréen des femmes de réconfort. Visiblement, dans la Corée du Sud de Mme Park Geun-hye, toute voix discordante tendant à relayer un point de vue qui ne sert pas sa politique n'est pas bonne à faire entendre. Pour les faucons au pouvoir à Séoul, les actions du Conseil coréen des femmes de réconfort méritaient d'être médiatisées lorsqu'elles pouvaient servir leurs objectifs politiques visant à se refaire une virginité dans une opinion publique échaudée par les atteintes de plus en plus flagrantes aux droits politiques et sociaux, l'abandon des promesses électorales (notamment vis-à-vis des femmes) et la gestion scandaleuse de crises - comme le naufrage du ferry Sewol, où ont péri plus de 300 personnes, majoritairement des lycées en voyage scolaire. Le rassemblement le 19 avril 2015 à Paris, en faveur des victimes et de leurs familles, avait d'ailleurs fait l'objet d'un boycott semblable par les médias sud-coréens en France (lire sur le blog de l'AAFC http://www.amitiefrancecoree.org/2015/04/300-manifestants-a-paris-pour-exiger-la-verite-sur-le-naufrage-du-sewol.html).

Ce sera à présent aux électeurs sud-coréens de trancher quant à l'avenir de leur pays, notamment lors des élections législatives prévues le 13 avril 2016, auxquelles les Sud-Coréens vivant à l'étranger pourront participer.

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29 décembre 2015 2 29 /12 /décembre /2015 21:22

Le 28 décembre 2015, Fumio Kishia, ministre des Affaires étrangères du Japon, a conclu avec son homologue sud-coréen Yun Byung-se un accord tendant à résoudre "de manière finale et irréversible" la question des "femmes de réconfort" - euphémisme désignant les centaines de milliers d'esclaves sexuelles, notamment coréennes, de l'armée impériale japonaise avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Si les autorités conservatrices sud-coréennes, le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon et les Etats-Unis ont salué un accord qu'ils ont considéré comme historique, l'opposition sud-coréenne et les principaux représentants des associations de soutien aux "femmes de réconfort" ont en revanche dénoncé un texte qu'ils jugent clairement insuffisant et qui marque un recul sans précédent par rapport aux positions jusqu'alors défendues par la Corée du Sud - et a même été qualifié d' "humiliant" par la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Engagée de longue date sur la question de la reconnaissance par le Japon des crimes commis à l'égard des anciennes esclaves sexuelles de l'armée japonaise, l'Association d'amitié franco-coréenne partage la déception, sinon la colère, des associations et de nombre de survivantes. 

Fumio Kishida et Yun Byung-se, lors d'une conférence de presse conjointe après la conclusion de l'accord

Fumio Kishida et Yun Byung-se, lors d'une conférence de presse conjointe après la conclusion de l'accord

Dire que l'accord ne marque pas un infléchissement des positions japonaises serait erroné : le gouvernement japonais du très nationaliste Shinzo Abe a accepté la création d'un fonds de dédommagement des victimes doté d'un milliard de yens (soit 7,6 millions d'euros), et le Premier ministre a exprimé "des regrets et des excuses à toutes les personnes ayant subi des dommages qui faisaient parti des femmes de réconfort". Lorsqu'on sait la puissance de l'extrême-droite nationaliste japonaise, qui n'hésite pas à affirmer que les victimes de l'esclavage sexuel auraient été consentantes car elles auraient ainsi gagné de l'argent (!), on mesure combien Shinzo Abe se démarque d'une partie de son électorat. Pour les tenants japonais du révisionnisme historique, l'accord nippo-sud-coréen de 1965 normalisant les relations entre les deux pays avait réglé la question des "femmes de réconfort". En fait, il ne l'évoquait pas.

Mais aucun de ces principes n'est nouveau, ni celui d'une indemnisation, ni les regrets du Japon, déjà formulés par le gouvernement japonais de Ryutaro Hashimoto en 1997. En outre, cet accord élude volontairement la question de la responsabilité morale de l'Etat japonais qui a mis en place un indigne système public d'esclavage sexuel via l'armée : les dernières victimes encore en vie attendaient cette reconnaissance de responsabilité, et non de l'argent. En acceptant un accord qui ne mentionne pas la responsabilité juridique  du Japon, Mme Park Geun-hye renie les positions défendues par tous ses prédécesseurs, qu'ils soient démocrates ou conservateurs.

Pis, les deux parties s'engagent à ne plus évoquer ces sujets dans les enceintes internationales, comme si le Japon avait acheté le silence de la Corée du Sud pour quelques millions d'euros et la réitération de formules de regrets dépourvues de portée juridique (à cet égard, qualifier un accord de définitif ignore les principes de base du droit international public). Enfin, en envisageant de déplacer la statue de la jeune fille située devant l'ambassade du Japon à Séoul et symbolisant le crime de l'esclavage sexuel, les autorités sud-coréennes - qui ont certes annoncé qu'elles conduiraient des discussions sur ce sujet avec les associations à l'origine de l'érection de cette statue - ont cédé à une demande hautement symbolique des autorités nippones, dont les victimes et les associations qui les soutiennent avaient fait savoir par avance qu'elle constituerait une concession inacceptable vis-à-vis de Tokyo.

 

Statue de la jeune fille, symbole des "femmes de réconfort", devant l'ambassade du Japon à Séoul

Statue de la jeune fille, symbole des "femmes de réconfort", devant l'ambassade du Japon à Séoul

Au fond, 50 ans après la normalisation des relations diplomatiques entre le Japon et la Corée du Sud menée à bien par son père et qui avait soulevé une vague de protestations dans la péninsule coréenne, Mme Park Geun-hye cède à son tour aux exigences japonaises contre une poignée de yens. Car l'accord est indéniablement favorable au Japon, en lui ouvrant des perspectives inespérées : celui de voir disparaître la question des femmes de réconfort comme contentieux bilatéral avec la Corée du Sud (même si Park Geun-hye a dit qu'elle serait vigilante à la mise en oeuvre de l'accord, rendant possible une éventuelle remise en cause). Est maintenant ouverte la voie à un approfondissement des relations entre Séoul et Tokyo, répondant au voeu des néoconservateurs américains de sceller une nouvelle alliance contre la Corée du Nord et surtout la Chine, et de l'extrême-droite sud-coréenne pro-japonaise depuis l'époque de la colonisation.

Sources :

 

Chronique de l'affaire des "femmes de réconfort"

Janvier 1990

Yun Chung-ok, professeur de l'Université féminine d'Ewha, Corée du Sud, publie un article sur l'affaire des "femmes de réconfort" dans le journal Hankyoreh.

Juin 1990

Un représentant du gouvernement japonais nie à l'Assemblée nationale l'implication de l'Etat dans le système d'esclavage sexuel.

Août 1991

Kim Hak-soon, citoyenne sud-coréenne âgée de 68 ans, déclare publiquement qu'elle a été "femme de réconfort" de l'armée japonaise, pour protester contre les déclarations fallacieuses du gouvernement japonais. De nombreuses survivantes du système d'esclavage sexuel mis en place par l'armée japonaise vont suivre son exemple.

Décembre 1991

Kim Hak-soon et deux autres survivantes coréennes intentent un procès réclamant des excuses et des réparations officielles de la part du gouvernement japonais.

Janvier 1992

Première "manifestation du mercredi" qui se tiendra, dès lors, chaque semaine devant l'ambassade du Japon à Séoul

Découverte à la bibliothèque du ministère de la Défense du Japon de documents prouvant l'implication de l'Etat dans la mise en place et la gestion des bordels militaires de campagne de l'armée japonaise

Le Premier ministre japonais Kiichi Miyazawa présente des excuses officielles à l'occasion d'une visite en Corée du Sud. Néanmoins, le gouvernement japonais maintient sa position quant à la question des indemnisations, déclarant que toutes ces questions ont été définitivement réglées par les traités conclus après la guerre, notamment le traité de 1965 normalisant les relations entre le Japon et la Corée du Sud.

Décembre 1992

Procès des survivantes de Pusan, Corée du Sud, et des membres du Women's Labor Corps

Avril 1993

Procès des survivantes philippines

Procès de Song Shin-do, résidente coréenne au Japon

Août 1993

Le secrétaire général du cabinet japonais, Yohei Kono, admet l'implication des autorités japonaises dans le système des bordels militaires de campagne.

Janvier 1994

Procès des survivantes néerlandaises

Juin 1995

Plutôt que d'assumer ses responsabilités juridiques et de procéder à des réparations officielles, le gouvernement japonais établit un fonds privé, l'Asian Women's Fund, qui allouera de l'argent aux survivantes en guise de réparations.

Août 1995

Procès des survivantes chinoises (1er groupe)

Février 1996

Procès des survivantes chinoises (2eme groupe)

Avril 1996

Le rapport de Radhika Coomarasawamy, rapporteure spéciale chargée de la question de la violence contre les femmes, est adopté par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies qui retient la notion de crime contre l'humanité.

Décembre 1997

Décès de Kim Hak-soon qui avait révélé son passé de "femme de réconfort" en aôut 1991.

Avril 1998

Le tribunal de première instance de Shimonoseki, Japon, reconnaît en partie la responsabilité du gouvernement japonais et lui ordonne d'indemniser les plaignantes. Cette seule victoire partielle parmi tous les procès intentés par les survivantes sera rejetée par la Cour suprême. 

Août 1998

La sous-commission pour la promotion et la protection des droits de l'homme de l'ONU adopte le rapport de Gay J. McDougall, rapporteure spéciale, exhortant le gouvernement japonais à indemniser les victimes.

Octobre 1998

Procès des survivantes de Shan-xi, Chine

Mars 1999

Le comité d'experts de l'Organisation internationales du travail (OIT) exhorte le gouvernement japonais à indemniser les victimes, estimant que l'établissement de l'Asian Women's Fundun fonds privé, n'est pas la bonne solution.

Juillet 1999

Procès de survivantes taïwanaises

Décembre 2000

Le "tribunal civil international des femmes contre l'esclavage sexuel de l'armée japonaise" se réunit à Tokyo, à l'initiative d'organisations non gouvernementales de plusieurs pays entendant protester contre l'impunité du crime

Janvier 2001

La chaîne de télévision publique japonaise NHK programme une émission consacrée au "tribunal civil international des femmes contre l'esclavage sexuel de l'armée japonaise". A la veille de sa diffusion, l'émission est largement censurée à la suite de pressions politiques, suscitant de nombreuses protestations contre NHK.

Juillet 2001

Procès des survivantes de l'île de Haïnan, Chine

Décembre 2001

Le "tribunal civil international des femmes contre l'esclavage sexuel de l'armée japonaise" rend son verdict à La Haye.

Mars 2007

Le Premier ministre japonais Shinzo Abe nie l'implication du gouvernement japonais dans l'enrôlement forcé des "femmes de réconfort".

Juillet 2007

La Chambre des représentants des Etats-Unis adopte une résolution exhortant le Japon à présenter des excuses officielles aux survivantes.

Décembre 2007

Le Parlement européen adopte une résolution concernant les anciennes "femmes de réconfort", survivantes de l'esclavage sexuel de l'armée japonaise.

Lire aussi, sur le blog de l'AAFC :

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12 octobre 2015 1 12 /10 /octobre /2015 21:45

En France comme au Japon, le mouvement d'opposition à la révision de l'article 9 de la Constitution japonaise - autorisant désormais l'envoi de troupes à l'étranger - ne faiblit pas. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a soutenu le nouveau rassemblement organisé place du Châtelet, à Paris, le 10 octobre 2015, à l'initiative du collectif Solidarité (Solidarité pour la Liberté et la Démocratie en Asie), avec la présence exceptionnelle d'hibakusha (victimes des bombardements nucléaires d'Hiroshima et Nagasaki), en visite en Europe à l'initiative, notamment, du Mouvement de la paix, ainsi que du militant pacifiste antinucléaire japonais Ryota Sono. L'AAFC a ainsi réaffirmé sa solidarité avec le mouvement international refusant l'arme nucléaire, pour un monde sans guerre, libéré des armes de destruction massive.

Hibakusha et Solida coude à coude à Paris

Pour la quatrième fois depuis le 29 août 2015, nos amis japonais, coréens, français et de toutes nationalités se sont rassemblés à Paris contre les projets de loi visant à valider le principe d'« autodéfense collective » du Japon, adopté définitivement par la chambre haute de la Diète nationale (le Parlement) le 19 septembre 2015. Ce rassemblement à l'appel du collectif Solida (SOlidarité LIberté Démocratie en Asie), le 10 octobre 2015 sur la place du Châtelet, confirme que « la mentalité de guerre froide du Japon, le renforcement de ses alliances militaires et ses tentatives visant à envoyer davantage de forces à l'étranger ont provoqué d'importantes préoccupations chez ses citoyens, ses voisins asiatiques et la société internationale » (agence Hsin-hua, 19 septembre 2015). Il faut souligner la présence remarquée d'une délégation japonaise contre l'arme atomique, accompagnée par le Mouvement de la paix, parmi les 100 opposants rassemblés. Cette délégation, de passage en France après l'Espagne et avant la Grande-Bretagne à l'occasion d'une tournée européenne, est composée de représentants des hibakusha (victimes de la bombe), de la confédération ouvrière Zenroren, et des Gensuikyo (Conseil japonais contre les bombes A et H).

Yuri Nagao, vice-présidente de Zenroren, a dit combien les 120 000 manifestants pour le retrait des projets de loi, le 30 août 2015 à Tokyo, ont été reconnaissants aux Japonais, Coréens, Bulgares, Luxembourgeois et Français qui s'étaient rassemblés la veille sur la place du Trocadéro pour la même revendication.

Masashi Ieshima (73 ans) et Kuniko Kimura (75 ans), survivants de la bombe d'Hiroshima, ont renouvelé le témoignage qu'ils avaient fait le 8 octobre 2015 au port du Fret devant la base nucléaire de l'Ile-Longue (Crozon, Finistère). Ils ont confirmé ce que la presse japonaise a déjà dénoncé : « il n'est reconnu officiellement qu'environ 0,8 % des Japonais dont l'exposition aux radiations pendant la guerre est confirmée, soient atteints du mal des rayons. » (The Japan Times, 15 mars 2006).

Ryota Sono, militant antinucléaire qui a déclaré : « Si nous voulons un monde sans centrales nucléaires, nous devons nous opposer au système capitaliste. » (Europe solidaire sans frontières, 23 avril 2011), nous a fait partager la bataille - épuisante - contre le déplacement de la base militaire US de Futenma à la baie de Henoko, sur l'île d'Okinawa. Pour la majorité de la population locale, la base doit tout bonnement être déplacée hors d'Okinawa, voire hors du pays.

Yeda Lee, objecteur de conscience en République de Corée et réfugié politique en France, nous a présenté les enjeux de la lutte contre la construction de la base navale de Gangjeong sur l'île de Jeju. Gageons que les haenyo (filles de la mer), qui plongent en apnée pour récolter les fruits de mer (conques et ormeaux) et les algues, soient plus sympathiques aux opposants à ce projet que les vigiles casqués qui surveillent le sarcophage de béton.

Benoît Quennedey, vice-président de l'AAFC chargé des actions de coopération, a rappelé la position de la République populaire démocratique de Corée : « L'entrée en vigueur de la loi de "sécurité nationale" permet au Japon de conduire des opérations militaires dans n'importe quelle partie du monde sous prétexte de défendre la paix et la sécurité, et l'autorise à assister les forces US et à déployer à l'étranger à tout moment les Forces d'Autodéfense [...] Les mouvements militaristes du Japon posent un grave problème pour la paix et la stabilité en Asie et dans le reste du monde. » (agence Hsin-hua, 20 septembre 2015).

Les participants à ce rassemblement, après avoir chanté (« A bas Abe ! » création de la chorale de Solida renforcée par la délégation japonaise et les amis du Mouvement de la paix, « Le déserteur », et « Imagine »), et lancé des slogans (« Qu'est-ce que nous voulons ? L'abrogation ! », « Nous irons jusqu'au bout ! », « Abe dégage ! », « Les yankees hors d'Okinawa ! »), se sont donnés à nouveau rendez-vous le samedi 14 novembre 2015 à 15 heures sur la place du Châtelet.

« Les êtres humains seront anéantis si une guerre nucléaire éclate. Les armes nucléaires sont devenues indépendantes de la volonté humaine. Les humains ne peuvent pas coexister avec les armes nucléaires. Même pour créer un monde vraiment pacifique, les armes nucléaires doivent être bannies et éliminées. Œuvrons ensemble pour parvenir à un monde sans armes nucléaires. » (Masashi Ieshima, 7seizh.info, 9 octobre 2015).

Hibakusha et Solida coude à coude à Paris
Hibakusha et Solida coude à coude à Paris
Hibakusha et Solida coude à coude à Paris
Hibakusha et Solida coude à coude à Paris
Hibakusha et Solida coude à coude à Paris



 

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30 septembre 2015 3 30 /09 /septembre /2015 22:34

Le 27 septembre 2015, le collectif Solidarité, Liberté, Démocratie en Asie (SOLIDA) Paris a manifesté place du Châtelet, à Paris, contre la révision de fait de l'article 9 de la Constitution japonaise, suite à l'adoption par le Parlement du projet de loi de sécurité nationale le 19 septembre 2015. Pour la première fois depuis 1945, le Japon pourra envoyer des troupes dans des guerres à l'étranger : le refus de ce coup de force, opéré par le gouvernement révisionniste de Shinzo Abe en totale méconnaissance des procédures de révision constitutionnelle et contre la volonté d'une majorité de Japonais, entraîne une mobilisation croissante, non seulement dans l'archipel nippon mais aussi en France, après les précédentes manifestations parisiennes du 29 août place du Trocadéro et du 12 septembre place de la République.

Après la révision de la Constitution japonaise, le combat continue pour la paix, et contre la résurgence du militarisme japonais !

Jamais le Japon n'avait connu une telle mobilisation depuis les années 1970, témoignant de l'attachement profond du peuple japonais à une culture pacifiste devenue majoritaire après la fin de la Seconde guerre mondiale, et l'effondrement du militarisme nippon.

Les différents intervenants de la manifestation place du Châtelet, parmi lesquels des représentants de l'AAFC engagés dans le collectif Solida (formé de Japonais, de Coréens, de Français...), ont tous souligné que le combat devait à présent s'engager pour l'abrogation de la loi de sécurité nationale, et qu'une nouvelle bataille était en tout état de cause à mener : c'est la mobilisation populaire la plus large, partout dans le monde, qui empêchera que des troupes japonaises soient effectivement engagées dans des guerres totalement étrangères à l'autodéfense du pays. Par ailleurs, la répression marquée par les arrestations policières témoigne du climat de remise en cause de la démocratie au Japon, dans un parallèle saisissant avec la République de Corée de Mme Park Geun-hye, fille du général Park Chung-hee ayant établi le régime le plus autoritaire qu'ait jamais connu la Corée du Sud. Militarisme et dérive autoritaire sont les deux faces d'une même pièce, celle de l'agonie des valeurs démocratiques et libérales.

Scandant des slogans hostiles au gouvernement Shinzo Abe, clamant leur attachement à la paix et aux droits de l'homme partout dans le monde, les participants ont affiché des pancartes et distribué des tracts quadrilingues (japonais, coréen, français, chinois) à un public ainsi sensibilisé à la cause de la paix et du refus de la course aux armements et aux armes de destruction massive. Ayant reçu le soutien d'un dirigeant du Mouvement de la paix qui a rappelé que l'organisation pacifiste est aussi engagée dans le combat pour le maintien de la Constitution japonaise, ils ont savouré un récital musical témoignant du besoin de couvrir les bruits et la fureur du fracas des armes.

L'AAFC, qui avait soutenu et relayé cette nouvelle manifestation du collectif Solida, appelle à prendre contact avec Solida (mél : solidaritepaixjapon@yahoo.fr) pour continuer à faire briller la flamme de l'espoir et de la paix, au Japon et dans toute l'Asie.

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19 septembre 2015 6 19 /09 /septembre /2015 23:11

Officiellement, ce n'est pas une révision de la Constitution qui a été entérinée par le vote de la Chambre des conseillers japonais ce 19 septembre 2015 dans le cadre d'un projet de loi ordinaire sur la sécurité nationale, mais seulement une nouvelle interprétation de l'article 9 qui autorise désormais en tout cas l'envoi de troupes japonaises à l'étranger dans le cadre d'une prétendue "légitime défense collective", aux côtés notamment des Américains. Ce coup d'Etat constitutionnel du Premier ministre Shinzo Abe a été vigoureusement dénoncé par l'opposition (démocrate et de gauche) et rejeté par une majorité de l'opinion publique japonaise. C'est pourquoi l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) appelle à poursuivre la mobilisation en France et à l'étranger, dans la continuité des manifestations organisées à Paris le 29 août et le 12 septembre derniers, avec les Japonais et les Coréens progressistes opposés à la renaissance du militarisme japonais : tout doit être mis en oeuvre pour refuser d'accroître les dangers de guerre en Asie du Nord-Est, l'une des régions les plus militarisées au monde.

Shinzo Abe

Shinzo Abe

Face à la menace japonaise, l'inquiétude gronde ainsi parmi l'ensemble des Coréens. La République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), la plus menacée par une coalition militaire qui serait formée autour des Etats-Unis, a réagi le plus vivement, notamment dans une déclaration du ministère des Affaires étrangères relayée par l'agence nord-coréenne KCNA :

L'entrée en vigueur de la loi de "sécurité nationale" permet au Japon de conduire des opérations militaires dans n'importe quelle partie du monde sous prétexte de défendre la paix et la sécurité, et l'autorise à assister les forces US et à déployer à l'étranger à tout moment les Forces d'Autodéfense (...) Les mouvements militaristes du Japon posent un grave problème pour la paix et la stabilité en Asie et dans le reste du monde.

Cette nouvelle expression du révisionnisme japonais va également dégrader les relations nippo - sud-coréennes, comme l'a observé notamment le quotidien sud-coréen progressiste Hankyoreh, alors que les questions des esclaves sexuelles de l'armée coréenne ("femmes de réconfort") et des manuels d'histoire révisionnistes restent en suspens, 70 ans après la fin de la Seconde guerre mondiale et 50 ans après la normalisation des relations entre le Japon et la République de Corée (du Sud).

Sources :

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12 septembre 2015 6 12 /09 /septembre /2015 22:54

Le 12 septembre 2015, le collectif Solida (Solidarité, Liberté, Démocratie en Asie) - Paris, constitué suite à une première manifestation le 29 août 2015 à Paris place du Trocadéro (voir notre édition du 29 août), a organisé un nouveau rassemblement à Paris, place de la République, pour exiger le retrait du projet de loi de sécurité nationale et le maintien de l'article 9 de la Constitution japonaise afin d'empêcher que, demain, des troupes japonaises combattent à l'étranger. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a à nouveau soutenu cette manifestation ; Benoît Quennedey, vice-président de l'AAFC, a pris la parole pour expliquer que le combat de l'AAFC pour la paix en Asie passe par le refus de la résurgence du militarisme japonais, la reconnaissance par le gouvernement japonais des crimes commis pendant la Seconde guerre mondiale (à l'encontre notamment des femmes de réconfort) et la résolution par la voie du dialogue des différends territoriaux qui opposent le Japon et ses voisins. L'AAFC souhaite plein succès au collectif Solida, formé notamment de Japonais, de Coréens et de Français, pour garantir la paix et les libertés en Asie.

Mobilisation grandissante à Paris pour exiger le maintien de l'article 9 de la Constitution japonaise

"Pour la paix en Asie, non à la loi pour la guerre" : cette exigence a été portée haut et fort non seulement par les Japonais de Paris, mais aussi par les pacifistes coréens et français tous membres du collectif Solida, lors du second rassemblement qui s'est tenu en France, ce 12 septembre 2015, afin d'obtenir le retrait du projet de loi de sécurité nationale. Sur le point d'être définitivement adopté au Japon (si la Chambre des conseillers ne s'est pas prononcée dans un délai de 2 mois suivant le vote favorable de la Chambre des représentants le 16 juillet 2015), ce projet de loi comporte une modification de l'interprétation de l'article 9 de la Constitution japonaise engagée suivant une procédure foulant aux pieds les règles de révision constitutionnelle, et rejetée par une majorité de citoyens japonais, qui permettrait l'envoi de troupes nippones à l'étranger au nom d'un prétendu "droit de défense collective".

Comme au Japon où la protestation va crescendo, la mobilisation a grandi en France entre la première manifestation à Paris, le 29 août, et celle du 12 septembre, face à la gravité du danger que comporte le "coup d'Etat constitutionnel" du Premier ministre japonais Shinzo Abe. Les participants ont distribué des tracts quadrilingues (japonais, coréen, chinois, français), marqués du logo Solida, et entonné le chant de lutte "A bas Abe" qui lie le combat pour la paix au Japon, la défense des libertés démocratiques (et en premier lieu de la procédure de révision constitutionnelle, qui requiert une majorité qualifiée des deux tiers dans chacune des deux chambres du Parlement et un accord des citoyens par référendum) et l'exigence d'une nouvelle politique passant par le départ de Shinzo Abe, héritier des courants militaristes les plus réactionnaires, nostalgiques des impérialistes japonais - qui ont dominé la politique nippone et la scène diplomatique extrême-orientale jusqu'à la capitulation japonaise du 15 août 1945.

Mobilisation grandissante à Paris pour exiger le maintien de l'article 9 de la Constitution japonaise

Les témoignages successifs - de Japonais, de Coréens, de Français - rassemblant des citoyens de tous âges et de toutes opinions, au cours d'une manifestation où l'on voyait également des représentants de l'association Okinawa France, ont tous témoigné d'une même volonté et d'une aspiration commune : que le Japon reste une puissance pacifique et que, plus jamais, les enfants des familles japonaises ne soient envoyés combattre et meurent pour des guerres qui ne sont pas les leurs. Cette exigence a retenti devant la statue monumentale de la place de la République où, symboliquement, une inscription manuscrite proclamait l'adage "Tu ne tueras pas".

Mobilisation grandissante à Paris pour exiger le maintien de l'article 9 de la Constitution japonaise
Mobilisation grandissante à Paris pour exiger le maintien de l'article 9 de la Constitution japonaise
Mobilisation grandissante à Paris pour exiger le maintien de l'article 9 de la Constitution japonaise

La conviction de toutes et de tous est qu'aucun gouvernement légitime ne peut gouverner en ignorant la volonté de l'immense majorité : le gouvernement Shinzo Abe, en ne recueillant plus que l'opinion favorable d'un Japonais sur trois, a creusé la tombe où seront enfouis les vieilles rengaines nostalgiques militaristes. La mobilisation doit continuer, au Japon, en France et partout dans le monde, pour faire reculer les faucons d'un ordre militariste dont les Japonais et les peuples épris de paix ne veulent plus.

Pour contacter le collectif Solida, écrire à solidaritepaixjapon@yahoo.fr

Mobilisation grandissante à Paris pour exiger le maintien de l'article 9 de la Constitution japonaise
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2 septembre 2015 3 02 /09 /septembre /2015 22:07

A l'occasion des cérémonies marquant le 70e anniversaire de la victoire en Asie lors de la Seconde guerre mondiale, la République populaire de Chine accueille (RPC) quelque trente chefs d'Etat et de gouvernement étrangers - dont le Russe Vladimir Poutine et la Sud-Coréenne Park Geun-hye. Cette dernière, présente à Pékin du 2 au 4 septembre 2015, se démarque des pays occidentaux, qui n'ont pas souhaité être représentés au plus haut niveau, notamment lors de la parade militaire dans la capitale chinoise le 3 septembre, tandis que le Japon est absent. Si l'actuelle diplomatie sud-coréenne entend ne pas choisir entre les Etats-Unis, principal allié politique et militaire, et la Chine, premier partenaire économique, ce choix  de Mme Park Geun-hye d'aller à Pékin traduit une marque d'indépendance vis-à-vis de Washington, qui tranche avec l'alignement systématique de son prédécesseur Lee Myung-bak. Cette évolution favorise un approfondissement des échanges intercoréens, alors que Pékin se pose en médiateur, encourageant le dialogue entre la République de Corée (Corée du Sud) et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord).

Rencontre au sommet entre Park Geun-hye et Xi Jinping

A l'occasion de leur sixième rencontre au sommet depuis 2013, la présidente sud-coréenne Mme Park Geun-hye et le président chinois M. Xi Jinping ont convenu, le 2 septembre 2015, d'approfondir leur coopération bilatérale, traditionnellement forte dans le domaine économique. En particulier, le Président Xi Jinping a rappelé la mise en place officielle de l'accord de libre échange et les progrès réalisés au sein de la Banque asiatique d'investissement et de développement des infrastructures (BAII).

S'agissant de la péninsule coréenne, si l'agence officielle sud-coréenne Yonhap a joué son rôle d'organisme pro-gouvernemental en titrant sur une prétendue "mise en garde" vis-à-vis de la RPDC "contre toute provocation", le texte précis émanant de la Maison Bleue sud-coréenne (et confirmé par le communiqué de l'agence officielle chinoise Xinhua) indique simplement que "les deux parties se sont opposées à tout acte pouvant attiser les tensions". Il s'agit de la reprise très exactement de la position chinoise, hostile tant aux essais nucléaires nord-coréens qu'aux manoeuvres militaires américano - sud-coréennes au large de la péninsule. Mais la formulation elliptique permet à Séoul d'en donner une interprétation conforme à sa position traditionnelle.

L'élément le plus significatif est en fait que les deux chefs d'Etat "s’accordent à penser que les pourparlers à six doivent reprendre rapidement", suite notamment au récent accord sur le nucléaire iranien. Ces pourparlers, visant à la dénucléarisation de toute la péninsule coréenne, impliquent les deux Corée, la Chine, les Etats-Unis, la Russie et le Japon et sont interrompus depuis 2008. Si la Chine est favorable à leur reprise sans conditions préalables, de telles conditions sont régulièrement rappelées par Washington et Séoul. Le fait que le communiqué ne mentionne plus ces préconditions peut être interprété comme un pas de Séoul en faveur de la reprise du dialogue multilatéral, même si cette position doit encore être exprimée plus explicitement par la République de Corée.

Par ailleurs, dans un contexte de tensions toujours vives entre Séoul et Tokyo à propos du révisionnisme historique japonais, il est significatif d'observer la représentation de la République de Corée à Pékin au plus haut niveau, à l'occasion de cérémonies qui, selon l'agence chinoise Xinhua, célèbrent la "victoire de la Guerre de résistance du Peuple chinois contre l'agression japonaise et de la Seconde Guerre mondiale". Les deux chefs d'Etat ont rappelé qu'ils avaient lutté ensemble contre le Japon. Ils n'en ont pas moins convenu d'organiser un sommet trilatéral avec le Japon, fin octobre ou début novembre, pour relancer le dialogue trilatéral, bloqué par les contentieux territoriaux et historiques, la dernière réunion datant de 2012, Mme Park Geun-hye remerciant par ailleurs Pékin pour son rôle joué dans l'apaisement des tensions régionales.

Sources :

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30 août 2015 7 30 /08 /août /2015 23:09

Le 30 août 2015, à l'appel du collectif Students Emergency Action for Liberal Democracy (SEALDs, Action d'urgence des étudiants pour la démocratie libérale), plus de 120 000 manifestants sont descendus dans les rues à Tokyo, pour refuser la révision de l'article 9 de la Constitution pacifiste japonaise, que le gouvernement de Shinzo Abe tente d'imposer contre la volonté d'une majorité de Japonais et suivant une procédure qui ne respecte pas le droit constitutionnel japonais. Alors que des rassemblements ont également eu lieu dans 300 villes japonaises, les Japonais de l'étranger ont aussi manifesté dans le monde, les 29 et 30 août 2015 : à Paris, ils se sont réunis le 29 août place du Trocadéro, de 19h à 21h. Parmi les participants originaires de six pays (Japon, France, Corée du Sud, Vietnam, Luxembourg, Bulgarie), Lee Yeda, premier Sud-Coréen à avoir obtenu l'asile politique en France en tant qu'objecteur de conscience, a souligné son refus de voir le Japon engagé dans des conflits à l'étranger, si la nouvelle interprétation de l'article 9 de la Constitution japonaise était adoptée dans le cadre du projet de loi de sécurité nationale qui créerait ainsi un "droit de légitime défense collective". La manifestation était soutenue par l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), qui a fait du combat pour la paix en Asie de l'Est l'une de ses priorités. Nous reproduisons ci-après le discours prononcé lors du rassemblement du Trocadéro par Benoît Quennedey, vice-président de l'AAFC chargé des actions de coopération.

Manifestation à Paris contre la révision de la Constitution pacifiste japonaise

Mesdames,
Messieurs,
Chers amis, japonais, français, coréens, vietnamiens, luxembourgeois, bulgares,

Je suis fier d'être présent aujourd'hui aux côtés de ceux qui représentent en France l'Action d'urgence des étudiants pour la démocratie libérale (Students Emergency Action for Liberal Democracy, SEALDs), au nom de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), dont je suis vice-président chargé des actions de coopération.

L'AAFC a pour but la paix et la réunification de la Corée. Agir pour la paix en Asie de l'Est, c'est refuser la course aux armements, conventionnels comme nucléaires. Agir pour la paix en Asie de l'Est, c'est refuser la révision de l'article 9 de la Constitution japonaise, que le gouvernement Shinzo Abe tente de faire passer en catimini, au mépris des procédures normales de révision constitutionnelle, dans le cadre du projet de loi de sécurité nationale actuellement en discussion au Parlement. Agir pour la paix en Asie de l'Est, c'est refuser la renaissance du militarisme japonais, combattre le révisionnisme historique qui a installé la droite et l'extrême-droite japonaises dans le déni de la défaite de 1945 : non, nous n'acceptons pas que des troupes japonaises soient demain les auxiliaires de l'impérialisme américain, pour des guerres de rapines menées hier en Irak, aujourd'hui en Syrie et au Proche-Orient.

Le Gouvernement Abe doit accepter d'écouter la voix de la sagesse, de la paix et de la liberté - celle d'une majorité de Japonais qui refusent le retour du militarisme nippon, avec son cortège de guerres, d'atteintes à la démocratie et aux droits de l'homme. Il doit aussi écouter le gouvernement chinois, les gouvernements coréens et tous les amis de la liberté et de la paix qui refusent que la formidable puissance économique du Japon devienne, demain, une force de guerre et d'agression.

Le combat des Japonais et de nous tous réunis ici, au Trocadéro, place du Parvis des Droits de l'Homme, dépasse l'enjeu du seul Japon : c'est la paix en Asie du Nord-Est, la paix en Asie et dans le monde, qui est en jeu. Puissent les lauriers de la paix ceindre vos fronts, jeunes et courageux militants pacifistes japonais, qui reprenez le glorieux flambeau porté par vos aînés, pour un monde sans guerre !

En tant que Français, en tant que militant pacifiste, j'exige le retrait de la loi de sécurité nationale. J'exige le maintien de l'article 9 de la Constitution japonaise. J'exige, enfin, que le gouvernement japonais joue désormais un rôle positif pour résoudre pacifiquement et par la voix du dialogue les conflits territoriaux qui l'opposent à tous ses voisins - Russie, Chine, Corée.

A Tokyo, à Paris et dans le monde, c'est l'aube d'une ère nouvelle dont nous préparons l'avènement, pour nous, pour nos enfants, et pour les générations futures !

Je vous remercie de votre attention.

Lire aussi (en japonais) : le compte rendu des manifestations au Japon et dans le monde (dont une photo de la manifestation à Paris), sur le site du quotidien du Parti communiste japonais Akahata

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