Le samedi 18 avril 2015, place du Trocadéro, s'est tenu l'un des 18 rassemblements organisés dans le monde pour exiger la vérité sur le naufrage du ferry Sewol qui, il y a un an, le 16 avril 2014, a causé la mort de 304 personnes, majoritairement des lycéens. A l'initiative de Coréens de France, réunis notamment dans le collectif Paris Copain, la manifestation de Paris a réuni 300 participants qui, unanimement, ont exigé du gouvernement sud-coréen de "renflouer le ferry Sewol, renflouer la vérité", en dénonçant "un crime d'Etat" sur lequel toute la lumière doit être faite. En effet, le pouvoir a multiplié les entraves à la conduite d'une enquête indépendante par une commission qui ne dispose pas, à ce jour, des moyens financiers et juridiques nécessaires, étant dépourvue de pouvoirs d'enquête policière et de moyens d'action pénale. La loi spéciale sur le Sewol, réclamée par 6 millions de citoyens sud-coréens, a ainsi été vidée de son contenu. Enfin, le rétablissement d'une législation protectrice de la sécurité des Coréens répond plus que jamais à un besoin urgent, le drame du Sewol étant aussi celui d'une déréglementation libérale qui, le 16 avril 2014, a sacrifié 304 vies sur l'autel du profit.
Emus et dignes, les participants ont tout d'abord observé une minute de silence, en hommage aux victimes disparues. La manifestation a ensuite alterné programme musical, interventions et témoignages, en français et en coréen. Les extraits musicaux retenus, interprétés par des artistes coréens qui ont tenu à exprimer leur solidarité avec les victimes et les participants au rassemblement, ont rappelé que les victimes étaient, dans leur majorité, des lycéens partis en voyage scolaire. Aucun des passagers ayant répondu aux ordres de l'équipage de ne pas quitter les cabines n'a survécu, pendant que le capitaine et ses hommes, eux, fuyaient le navire. S'ils ont été ensuite lourdement condamnés, les circonstances du drame restent entourées de trop nombreuses zones d'ombre.
La colère l'a disputé à l'émotion quant a été rappelée la chronologie du drame, marqué par la désinformation des médias sud-coréens, les insuffisances des opérations de secours, le refus des autorités gouvernementales d'endosser leurs responsabilités tout en chargeant le propriétaire du navire, lui-même lié de longue date au parti au pouvoir. Les mêmes médias pro-gouvernementaux, qu'ils soient à capitaux publics ou acquis à la cause des conservateurs, avaient d'ailleurs choisi d'ignorer la plus importante manifestation jamais organisée à ce jour par les Coréens de France. La censure veille et, dans une Corée du Sud où les méthodes autoritaires sont de retour, le pouvoir a choisi de longue date de multiplier les opérations d'intimidation et les arrestations : le même jour à Séoul, le 18 avril, il a annoncé que des poursuites seraient engagées contre "les manifestants violents", à l'issue d'accrochages avec la police, ayant conduit, selon cette dernière, à ce que 71 agents de police soient légèrement blessées et 3 grièvement - le nombre de victimes parmi les manifestants étant, lui, passé sous silence.
Dans son intervention, Benoît Quennedey, vice-président de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) chargé des actions de coopération, a insisté sur le devoir, pour les autorités françaises, de rappeler les exigences des familles des victimes et de l'opinion publique sud-coréenne, alors que commencera en septembre 2015 l'année croisée France-Corée, et que le Président de la République François Hollande a annoncé qu'il visiterait la Corée du Sud cette année.
Le 3 avril 2015, 52 survivants du Sewol et parents de victimes se sont rasé la tête pour exiger du Gouvernement qu'il annule le projet de décret d'application, qui réduit encore la portée déjà limitée de la loi spéciale sur le Sewol. Ils ont aussi demandé que soit renfloué le navire. La colère a encore grandi quand les autorités sud-coréennes ont proposé aux familles, le 5 avril, de renoncer à leurs demandes concernant l'enquête sur la vérité du naufrage, en contrepartie d'une indemnisation qui serait en partie versée par l'Etat.
L'onde de choc qui secoue la société et le pouvoir au Sud de la Corée a maintenant gagné le monde entier, à l'initiative d'expatriés sud-coréens indignés. Demain comme hier, l'AAFC soutient résolument toutes celles et tous ceux qui combattent pour faire triompher la liberté et la justice en Corée du Sud, en refusant qu'une chape de plomb étouffe l'exigence de vérité et l'expression de la liberté.
Photos :
commenter cet article …