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3 décembre 2014 3 03 /12 /décembre /2014 23:22

Du 26 novembre au 2 décembre 2014 un ensemble exceptionnel de manifestations publiques ont eu lieu en France à l'occasion de la visite dans notre pays d'une délégation du Conseil coréen pour les femmes requises pour l’esclavage sexuel militaire japonais (dites "femmes de réconfort"). La délégation était accompagnée, de la présidente du Conseil coréen, Mme Yoon Mee-hyang, et d'une survivante, Mme Kil Won-ok, ainsi que du professeur d'histoire japonais Hirofumi Hayashi et de Mme Yang Jing-ja, Coréenne du Japon, responsable de l'ONG Action au Japon pour la résolution de la question des "femmes de réconfort". A l'occasion de la troisième visite en France depuis un peu plus d'un an d'anciennes "femmes de réconfort" coréennes (les précédents déplacements avaient eu lieu en septembre 2013 et juin 2014), avec l'entier soutien une nouvelle fois de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), la sensibilisation de l'opinion publique internationale apparaît comme un enjeu majeur pour que les autorités japonaises reconnaissent leur responsabilité dans la réduction en esclavage de centaines de milliers de femmes et que, plus jamais, les conflits dans le monde ne s'accompagnent de violations aussi brutales des droits fondamentaux de la personne humaine. La visite de la délégation coréano-japonaise lui a également permis de rencontrer des parlementaires français et des représentants du ministère des Affaires étrangères et de la Ville de Paris, sept ans jour par jour après l'adoption d'une résolution par le Parlement européen, le 3 décembre 2007, visant à rendre justice à toutes les anciennes victimes de l'esclavage sexuel japonais.

Ce 26 novembre, la traditionnelle "manifestation du mercredi", organisée chaque semaine depuis le 8 janvier 1992 pour exiger une reconnaissance officielle par l'Etat japonais des crimes qu'il a commis à l'encontre des "femmes de réconfort", avait eu lieu à Paris, place du Trocadéro, sur le parvis des droits de l'homme. Mme Yoon Mee-hyang a pris la parole en sa qualité de présidente du Conseil coréen pour les "femmes de réconfort", en présence de Mme Kil Won-ok. Parmi les orateurs, Patrick Kuentzmann, secrétaire général de l'AAFC, a exprimé la pleine solidarité de l'Association d'amitié franco-coréenne avec le combat pour la justice et la dignité en faveur des anciennes esclaves sexuelles de l'armée impériale japonaise. La manifestation a continué avec une cérémonie aux chandelles, très émouvante, en face de la Tour Eiffel.

A  l'issue d'une visite exceptionnelle à Paris : justice pour les "femmes de réconfort"
Manifestation aux chandelles, le 26 novembre 2014, place du Trocadéro, en présence de Mme Kil Won-ok

Manifestation aux chandelles, le 26 novembre 2014, place du Trocadéro, en présence de Mme Kil Won-ok

Le 27 novembre, une projection au Forum des images, aux Halles, du film Murmures, témoignage poignant des anciennes "femmes de réconfort", a été suivie d'une rencontre et d'un débat avec la délégation internationale en visite en France.

Une conférence de presse a été organisée le vendredi 28 novembre, à la sortie du métro Bir Hakeim. Elle s'est tenue symboliquement à quelques pas du centre culturel japonais. Présents aux côtés d'autres membres de l'AAFC, Benoît Quennedey et Nguyen Dac Nhumai ont exprimé leur soutien au combat des femmes coréennes au micro de la télévision sud-coréenne.

Le 28 novembre 2014, à la sortie du métro Bir Hakeim

Le 28 novembre 2014, à la sortie du métro Bir Hakeim

Un moment clé des manifestations en France a été la tenue de la conférence internationale, pendant une journée, le samedi 29 novembre, dans les locaux de l'Université Paris-Diderot, en présence de plusieurs personnalités. Notamment, Hirofumi Hayashi, professeur d'histoire à l'Université de Kanto Gakuin, au Japon, a fait part de ses travaux sur la question des "femmes de réconfort", lesquels ont permis de révéler que des Françaises ont aussi été victimes des pratiques de l'armée japonaise à la fin de la Seconde Guerre mondiale en Indochine. Après les témoignages et exposés des membres de la délégation coréenne et japonaise, Brigitte van Halder, de la Fondation des anciennes dettes japonaises, a évoqué le cas des Pays-Bas dans les crimes de guerre du Japon et les actions menées pour leur résolution. Patricia Sellers, conseillère spéciale à la Cour pénale internationale et professeur à l'Université d'Oxford, a exposé l'illégalité de l’esclavage sexuel militaire japonais. Enfin, Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France, a dénoncé la permanence des violences sexuelles en temps de guerre et l'exigence de solidarité vis-à-vis des femmes qui en sont victimes. 


Les participants ont signé et fait signer la pétition en vue de réunir 100 millions de signatures pour la reconnaissance par les autorités japonaises du crime de guerre commis à l'égard des victimes d'esclavage sexuel, et pour que ces dernières obtiennent une juste réparation du préjudice qu'elles ont subi.

A  l'issue d'une visite exceptionnelle à Paris : justice pour les "femmes de réconfort"
A  l'issue d'une visite exceptionnelle à Paris : justice pour les "femmes de réconfort"
Conférence internationale, organisée à l'Université Paris Diderot le 29 novembre 2014

Conférence internationale, organisée à l'Université Paris Diderot le 29 novembre 2014

Sur l'initiative du Professeur Jean Salem, une rencontre-débat à l'Université de la Sorbonne, le lundi 1er décembre, a réuni près de 100 personnes. Le témoignage de Mme Kil Won-ok a été écouté avec respect et émotion par l'assistance, souhaitant ardemment garantir que les femmes ne soient plus les victimes d'une exploitation sexuelle indigne en temps de guerre.

Enfin, le 2 décembre, les membres de l'Association d'amitié franco-coréenne ont rencontré Mme Kil Won-ok et les membres de la délégation du Conseil coréen pour les femmes requises pour l’esclavage sexuel militaire japonais. Ils ont été touchés par le destin de Mme Kil Won-ok, née à Pyongyang, abandonnée à son sort à la fin de la guerre avant de gagner le port d'Incheon sans jamais pouvoir vivre à nouveau dans sa région natale. N'ayant pas pu avoir d'enfant, Mme Kil Won-ok a adopté un fils, dont elle est fier qu'il soit devenu pasteur. La division de la péninsule a créé un second drame pour les femmes qui, originaires du Nord ou du Sud de la Corée, ont été séparées du reste de leur famille depuis près de sept décennies. Si tous les Coréens sont unis dans le combat pour les "femmes de réconfort", c'est aussi la responsabilité des associations qui, telles que l'AAFC, luttent pour la réunification de la Corée, de permettre que les survivantes restées de l'autre côté de la DMZ puissent nourrir l'espoir de revoir leur pays natal.

A  l'issue d'une visite exceptionnelle à Paris : justice pour les "femmes de réconfort"
A  l'issue d'une visite exceptionnelle à Paris : justice pour les "femmes de réconfort"
Madame Kil Won-ok entourée de la délégation du Conseil coréen et des membres de l'Association d'amitié franco-coréenne, le 2 décembre 2014

Madame Kil Won-ok entourée de la délégation du Conseil coréen et des membres de l'Association d'amitié franco-coréenne, le 2 décembre 2014

Site Internet du Conseil coréen pour les femmes requises pour l'esclavage sexuel militaire japonais ("femmes de réconfort") : www.womenandwar.net (anglais et coréen)

 

Photos :

 

Chronique de l'affaire des "femmes de réconfort"

Janvier 1990

Yun Chung-ok, professeur de l'Université féminine d'Ewha, Corée du Sud, publie un article sur l'affaire des "femmes de réconfort" dans le journal Hankyoreh.

Juin 1990

Un représentant du gouvernement japonais nie à l'Assemblée nationale l'implication de l'Etat dans le système d'esclavage sexuel.

Août 1991

Kim Hak-soon, citoyenne sud-coréenne âgée de 68 ans, déclare publiquement qu'elle a été "femme de réconfort" de l'armée japonaise, pour protester contre les déclarations fallacieuses du gouvernement japonais. De nombreuses survivantes du système d'esclavage sexuel mis en place par l'armée japonaise vont suivre son exemple.

Décembre 1991

Kim Hak-soon et deux autres survivantes coréennes intentent un procès réclamant des excuses et des réparations officielles de la part du gouvernement japonais.

Janvier 1992

Première "manifestation du mercredi" qui se tiendra, dès lors, chaque semaine devant l'ambassade du Japon à Séoul

Découverte à la bibliothèque du ministère de la Défense du Japon de documents prouvant l'implication de l'Etat dans la mise en place et la gestion des bordels militaires de campagne de l'armée japonaise

Le Premier ministre japonais Kiichi Miyazawa présente des excuses officielles à l'occasion d'une visite en Corée du Sud. Néanmoins, le gouvernement japonais maintient sa position quant à la question des indemnisations, déclarant que toutes ces questions ont été définitivement réglées par les traités conclus après la guerre, notamment le traité de 1965 normalisant les relations entre le Japon et la Corée du Sud.

Décembre 1992

Procès des survivantes de Pusan, Corée du Sud, et des membres du Women's Labor Corps

Avril 1993

Procès des survivantes philippines

Procès de Song Shin-do, résidente coréenne au Japon

Août 1993

Le secrétaire général du cabinet japonais, Yohei Kono, admet l'implication des autorités japonaises dans le système des bordels militaires de campagne.

Janvier 1994

Procès des survivantes néerlandaises

Juin 1995

Plutôt que d'assumer ses responsabilités juridiques et de procéder à des réparations officielles, le gouvernement japonais établit un fonds privé, l'Asian Women's Fund, qui allouera de l'argent aux survivantes en guise de réparations.

Août 1995

Procès des survivantes chinoises (1er groupe)

Février 1996

Procès des survivantes chinoises (2eme groupe)

Avril 1996

Le rapport de Radhika Coomarasawamy, rapporteure spéciale chargée de la question de la violence contre les femmes, est adopté par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies qui retient la notion de crime contre l'humanité.

Décembre 1997

Décès de Kim Hak-soon qui avait révélé son passé de "femme de réconfort" en aôut 1991.

Avril 1998

Le tribunal de première instance de Shimonoseki, Japon, reconnaît en partie la responsabilité du gouvernement japonais et lui ordonne d'indemniser les plaignantes. Cette seule victoire partielle parmi tous les procès intentés par les survivantes sera rejetée par la Cour suprême. 

Août 1998

La sous-commission pour la promotion et la protection des droits de l'homme de l'ONU adopte le rapport de Gay J. McDougall, rapporteure spéciale, exhortant le gouvernement japonais à indemniser les victimes.

Octobre 1998

Procès des survivantes de Shan-xi, Chine

Mars 1999

Le comité d'experts de l'Organisation internationales du travail (OIT) exhorte le gouvernement japonais à indemniser les victimes, estimant que l'établissement de l'Asian Women's Fundun fonds privé, n'est pas la bonne solution.

Juillet 1999

Procès de survivantes taïwanaises

Décembre 2000

Le "tribunal civil international des femmes contre l'esclavage sexuel de l'armée japonaise" se réunit à Tokyo, à l'initiative d'organisations non gouvernementales de plusieurs pays entendant protester contre l'impunité du crime

Janvier 2001

La chaîne de télévision publique japonaise NHK programme une émission consacrée au "tribunal civil international des femmes contre l'esclavage sexuel de l'armée japonaise". A la veille de sa diffusion, l'émission est largement censurée à la suite de pressions politiques, suscitant de nombreuses protestations contre NHK.

Juillet 2001

Procès des survivantes de l'île de Haïnan, Chine

Décembre 2001

Le "tribunal civil international des femmes contre l'esclavage sexuel de l'armée japonaise" rend son verdict à La Haye.

Mars 2007

Le Premier ministre japonais Shinzo Abe nie l'implication du gouvernement japonais dans l'enrôlement forcé des "femmes de réconfort".

Juillet 2007

La Chambre des représentants des Etats-Unis adopte une résolution exhortant le Japon à présenter des excuses officielles aux survivantes.

Décembre 2007

Le Parlement européen adopte une résolution concernant les anciennes "femmes de réconfort", survivantes de l'esclavage sexuel de l'armée japonaise.

Le combat continue...

 

Médias régionaux français 

logo Eclaireur

"Découvrir la cuisine... coréenne", compte rendu du stage de cuisine coréenne organisé par le foyer rural de Tousson (77)dans l'hebdomadaire L'Eclaireur du Gâtinais et du Centre, 28 février 2013

LePopulaire logo

"Des étudiants sud-coréens face à l'histoire", article paru dans le quotidien régional Le Populaire du Centre, 6 juillet 2012

"Mondial 2010 : le nord, l'autre Corée", entretien avec Benoît Quennedey, président du comité Bourgogne de l'AAFC, dans le quotidien régional Le Bien Public, 5 juin 2010

"300 000 sans abris en Corée du Nord à cause des inondations", entretien avec Benoît Quennedey, AAFC, dans le quotidien régional Le Bien Public, 21 août 2007

"Secours populaire : un pont entre Fives et la Corée du Nord", article paru dans le quotidien régional La Voix du Nord, 26 juin 2008

"Secours populaire : un container part pour la Corée du Nord", article paru dans le quotidien régional Nord Eclair, 26 juin 2008

 
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29 août 2014 5 29 /08 /août /2014 23:11

L'ancien lutteur japonais Kanji "Antonio" Inoki (qui a choisi le surnom Antonio en hommage à Antonino Rocca), aujourd'hui sénateur (membre de l'Association pour la restauration du Japon, droite nationaliste), est un interlocuteur bien connu des Nord-Coréens, s'étant rendu en République populaire démocratique de Corée à vingt-neuf reprises depuis 1974. Plaidant pour une amélioration des relations bilatérales, alors qu'un accord conclu fin mai ouvre des perspectives nouvelles de normalisation, Kanji Inoki est à l'origine d'un tournoi international qui réunit à Pyongyang, les 30 et 31 août 2014, des lutteurs originaires de Corée, du Japon, des Etats-Unis, de France, du Brésil et de la Chine. Comme l'explique Inoki, il s'agit de créer un environnement favorable à la paix et à l'essor des relations bilatérales nippo-nord-coréennes. L'ancien catcheur n'en est pas à son coup d'essai, tant en ce qui concerne la RPDC (en 1995, il avait été à l'origine d'un festival sportif et culturel pour la paix, qui avait réuni des lutteurs américains et japonais en Corée du Nord) que dans le reste du monde : par la diplomatie du sport, il avait obtenu en 1990, lors d'un tournoi en Irak, la libération de 41 otages japonais retenus pendant la guerre du Golfe.

Kanji Inoki, à droite, avec Kim Yong-il, secrétaire du Parti du travail de Corée en charge des relations internationales, à Pyongyang en janvier 2014

Kanji Inoki, à droite, avec Kim Yong-il, secrétaire du Parti du travail de Corée en charge des relations internationales, à Pyongyang en janvier 2014

Bob Sapp aux prises avec un adolescent nord-coréen

Bob Sapp aux prises avec un adolescent nord-coréen

Le 28 août 2014, une conférence de presse a été organisée à l'hôtel Koryo, à Pyongyang, pour présenter le tournoi international de lutte de Pyongyang (Pyongyang International Pro-Westling Contest) organisé dans la capitale nord-coréenne les 30 et 31 août. Ont participé à la conférence de presse les deux co-présidents du tournoi, l'ancien lutteur Kanji Inoki, en qualité de directeur de l'Association japonaise de la communauté sportive pour la paix, et Jang Ung, président du Comité international des jeux d'arts martiaux - et par ailleurs président de la Fédération internationale de Taekwon-Do, ainsi que des représentants des ambassades étrangères et de l'Association générale des résidents coréens au Japon (Chongryon).

Kanji Inoki a exprimé sa conviction que le sport et la culture sont un vecteur pour la paix mondiale, alors que des judokas et des lutteurs nord-coréens ont l'opportunité de se confronter à quelques-uns des plus grands noms mondiaux.

Parmi les 21 vedettes étrangères qui participent au tournoi figurent notamment l'Américain Bob "The Beast" Sapp - l'ancienne star du ring, spécialiste des rôles de méchant, devenu également acteur - et les Français Jérôme Le Banner et Heddi Karaoui (Heddi French).

 

Avocat de l'amélioration des relations bilérales entre son pays et la RPD de Corée, Kanji Inoki a exprimé son souhait que le Premier ministre japonais Shinzo Abe visite la RPDC, alors que la rumeur a couru sur l'éventualité prochaine d'un tel déplacement.

L'ancien lutteur Kanji Inoki organise un tournoi à Pyongyang
L'ancien lutteur Kanji Inoki organise un tournoi à Pyongyang
L'ancien lutteur Kanji Inoki organise un tournoi à Pyongyang

Sources :

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19 juillet 2014 6 19 /07 /juillet /2014 22:19

Après la conclusion à Stockholm, le 29 mai 2014, d'un accord entre le Japon et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), Pyongyang a mis en place au plus haut niveau un comité chargé de réouvrir la question des personnes disparues, et qui auraient ainsi pu être enlevées par les Nord-Coréens selon les autorités japonaises  ; en contrepartie et comme convenu, le gouvernement japonais a levé, le 3 juillet, certaines des sanctions sur les échanges économiques et de personnes avec la Corée du Nord, tandis que par ailleurs la procédure de vente du bâtiment de l'Association générale des résidents (nord-)coréens au Japon a été interrompue. Dans ce contexte qui ouvre des perspectives nouvelles d'amélioration des relations bilatérales, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a repris la vieille politique américaine du "big stick" ("gros bâton") en indiquant, lors d'un entretien téléphonique le 7 juillet 2014 avec son homologue japonais Fumio Kishida, que Washington verrait d'un mauvais oeil une visite du Premier ministre japonais Shinzo Abe en RPD de Corée et que, plus généralement, les Etats-Unis voulaient des "discussions" (et pas seulement une information préalable) si une telle visite devait se concrétiser. De fait, le dialogue nippo - nord-coréen fissure le front du refus qu'ont mis en place les Américains vis-à-vis de la Corée du Nord (pas de dialogue, pas d'échanges avant que Pyongyang n'ait accepté préalablement et sans contreparties de renoncer à ses armes nucléaires et à son programme balistique) : sous couvert de prétendue "coopération" avec Séoul et Tokyo sur la question nucléaire nord-coréenne, les Etats-Unis veulent conduire la politique nord-coréenne du gouvernement japonais - alors qu'eux-mêmes se sont bien gardés d'associer Tokyo aux contacts informels qu'ils ont eu avec les Nord-Coréens. Sous des dehors de remise au pas, l'avertissement américain vis-à-vis du Japon apparaît comme un aveu de faiblesse : n'ayant à aucun moment trouvé à redire à la diplomatie nationaliste du gouvernement Abe, les Etats-Unis paient aujourd'hui le prix de la liberté qu'ils ont laissée à leur allié japonais pour réaffirmer sa volonté de puissance et mener une politique étrangère indépendante - au grand dam de ses voisins sud-coréen et chinois, qui peuvent ainsi apprécier le peu de considération des Etats-Unis pour leurs propres revendications nationales. 

Comment le Japon est devenu le maillon faible du front du refus américain du dialogue avec Pyongyang

Jusqu'à présent, le nationalisme du gouvernement japonais de Shinzo Abe n'avait guère suscité de réactions des autorités américaines - de fait, n'avaient-elles pas tout lieu de se féliciter de pouvoir compter sur la remilitarisation de leur allié japonais, qui a renié de façon incroyable, par une simple déclaration, le pacifisme résultant des dispositions de l'article 9 de sa Constitution - en affirmant que le Japon pourrait désormais intervenir non plus seulement pour assurer sa propre sécurité, mais aussi sur des théâtres d'opérations extérieures dans le cadre de ses alliances militaires ?

De même, quand le Président Barack Obama, lors de sa récente tournée est-asiatique, a soutenu les positions vietnamiennes dans leurs revendications territoriales contre la Chine en mer du Sud, il s'est bien gardé de prendre en revanche position sur les différends territoriaux entre le Japon et la Corée du Sud d'une part, le Japon et la Chine d'autre part. La Chine a compris le message qu'elle était bien devenue le rival stratégique des Etats-Unis, et la République de Corée (Corée du Sud) qu'elle n'avait rien à attendre d'un quelconque soutien américain dans ses différends avec le Japon. Dès lors, les Chinois et les Sud-Coréens se sont rapprochés face à la résurgence du nationalisme japonais, en condamnant à la fois le refus par Tokyo de reconnaître les crimes commis pendant la Seconde guerre mondiale à l'encontre des "femmes de réconfort", et la réinterprétation unilatérale, lourde de menaces pour la paix, de l'article 9 de la Constitution japonaise.

Constatant l'inertie américaine, le gouvernement japonais a pour sa part pleinement pu avancer ses pions pour développer une diplomatie indépendante, alors que la détérioration de ses relations avec Pékin et Séoul l'avait isolé sur la scène extrême-orientale.

Ainsi isolé, Shinzo Abe a cherché, à l'instar de son prédécesseur Junichiro Koizumi et après l'échec sur le même sujet de la précédente administration démocrate, à marquer des points sur le dossier, extrêmement sensible pour l'opinion publique, des Japonais en Corée du Nord, enlevés contre leur gré selon les autorités nippones, et dont le sort a été au coeur de l'accord conclu à Stockholm, le 29 mai 2014, entre Pyongyang et Tokyo. Un mois après, cet accord a commencé à porter ses premiers fruits selon la méthode, dont le succès a été éprouvé, du dialogue par étapes, action par action, chacune des parties s'engageant selon les progrès accomplis par l'autre partie.

A la différence des Etats-Unis et (depuis le retour au pouvoir des conservateurs à Séoul) de la Corée du Sud, le Japon ne met pas la question nucléaire nord-coréenne au centre de ses relations avec la RPD de Corée. Dès lors, face au front de refus du dialogue que lui opposent Washington et Séoul, Pyongyang a disposé d'un levier de négociation avec Tokyo sur une question distincte de celle du nucléaire.

Tout en se félicitant officiellement des progrès sur la question des citoyens japonais "portés disparus", les Etats-Unis et la Corée du Sud ont observé avec inquiétude la rapidité des avancées du dialogue nippo-nord-coréen, d'autant plus inattendues pour leurs chancelleries que les échanges étaient depuis longtemps bloqués. L'exigence américaine, exprimée par le secrétaire d'Etat John Kerry le 7 juillet dans un entretien téléphonique avec le ministre des Affaires étrangères japonais, d'être désormais partie prenante de tout nouveau pas en avant dans les relations bilatérales entre Tokyo et Pyongyang sonne comme un aveu que les Etats-Unis ont été mis devant le fait accompli, et qu'en tant que puissance dominante du Japon ils veulent désormais reprendre la main. Il n'est cependant pas certain que ces propos peu diplomatiques soient du goût des nationalistes japonais au pouvoir à Tokyo... Par comparaison, les récents échanges diplomatiques entre Séoul et Tokyo - à l'issue desquels le Japon a réaffirmé sa solidarité avec les Etats-Unis et la Corée du Sud dans leur front du refus sur le nucléaire nord-coréen - ont été plus habilement menés.

Mais quel est l'objet du soudain affolement américain et sud-coréen ? Le 3 juin 2014, Fumio Kishida, ministre des Affaires étrangères japonais, avait déclaré, devant la commission des affaires étrangères et de la défense de la Chambre des conseillers, qu'une des options sur la table était une visite à Pyongyang. Dès lors, l'hypothèse d'un déplacement en RPD de Corée du Premier ministre Shinzo Abe, à l'instar de son prédécesseur Junichiro Koizumi, était clairement évoquée - la date de septembre ayant été avancée par les médias.

Après le coup de téléphone américain, Fumio Kishida a dû rétropédaler et déclarer qu'un tel déplacement n'était - certes - pas à l'ordre du jour des discussions avec Pyongyang. Pour les Etats-Unis, le scénario catastrophe où le Japon briserait le front du refus du dialogue avec la RPDC a ainsi pu être évité. Mais si Washington continue de pratiquer la politique de l'esquive et de la reconnaissance du fait accompli par Tokyo, il n'y a aucune raison objective que le Japon se conforme davantage aux desiderata états-uniens.

Sources :

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29 juin 2014 7 29 /06 /juin /2014 00:18

Il y a soixante-dix ans, des centaines de milliers de femmes asiatiques, coréennes, chinoises ou originaires d'autres pays d'Asie envahis par le Japon, ont été réduites en esclavage sexuel par le gouvernement japonais dans les bordels militaires de l'armée nippone. La venue en France et en Europe de l'une des anciennes "femmes de réconfort", Mme Kil Won-ok, avec la présidente du Conseil coréen pour les "femmes de réconfort", Mme Yun Mi-hyang, a donné lieu à un ensemble de manifestations à Paris pour exiger que le Japon reconnaisse les crimes de guerre qu'il a commis et apporte une juste indemnisation aux victimes de l'esclavage sexuel - car le combat en faveur des "femmes de réconfort" a une portée universelle, afin que plus jamais les femmes ne soient des armes de guerre. Comme en septembre 2013 à l'occasion de la visite en France de Mme Kim Bok-dong, puis lors des actions conduites en janvier et en avril 2014 à Paris dans le cadre de la campagne de pétition internationale, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a pleinement soutenu les initiatives menées par le Conseil coréen des femmes de réconfort, en relayant l'information auprès de ses contacts, en aidant matériellement à l'organisation de manifestations - c'est sous l'égide de l'AAFC qu'une salle a été mise à disposition à Paris le 24 juin 2014 - et en continuant à sensibiliser l'opinion publique. Pour les droits des femmes et pour que justice soit enfin rendue aux anciennes victimes de l'esclavage sexuel japonais, poursuivons le combat jusqu'à la victoire !

Mme Kil Won-ok, ancienne "femme de réconfort" victime de l'esclavage sexuel par l'armée japonaise, le 25 juin 2014 place du Trocadéro à Paris

Mme Kil Won-ok, ancienne "femme de réconfort" victime de l'esclavage sexuel par l'armée japonaise, le 25 juin 2014 place du Trocadéro à Paris

Kil Won-ok n'avait que 12 ans quand elle est devenue, en 1940, une esclave sexuelle de l'armée japonaise. Soixante-dix ans plus tard, la blessure est toujours vive, à l'instar de ces centaines de milliers de femmes dont la vie a été défintivement brisée. Mais dans les témoignages qu'elle donne, la gravité le dispute aussi à une capacité à prendre de la distance : sans doute est-ce aussi cette forme d'optimisme indéfectible qui lui a permis de tenir bon, pendant toutes ces années, puis de surmonter l'opprobre pendant les décennies au cours desquelles on préférait, en Corée, taire le crime qui avait été commis à l'encontre des "femmes de réconfort" - avant que le Conseil coréen pour les "femmes de réconfort" ne rende pleinement compte, depuis 1992, de cette violation inacceptable des droits humains fondamentaux.

La visite en Europe de Mme Kil Won-ok, accompagnée de Mme Yun Mi-hyang, président du Conseil coréen pour les "femmes de réconfort" a donné lieu à un ensemble de manifestations à Paris qu'a soutenues l'AAFC et auxquelles nous avons participé.


Un premier témoignage a eu lieu le lundi 23 juin à la Sorbonne, à l'invitation du professeur Jean Salem, en présence de quelque 70 invités, coréens, français mais aussi japonais, chinois, originaires d'autres pays asiatiques, arabes ou africains, tant la question de l'esclavage sexuel des femmes reste d'une brûlante actualité, trop souvent liée aux crimes de guerre commis dans les zones en conflit.

Campagne à Paris et en Europe pour refuser les crimes sexuels commis contre les "femmes de réconfort"
Campagne à Paris et en Europe pour refuser les crimes sexuels commis contre les "femmes de réconfort"
Campagne à Paris et en Europe pour refuser les crimes sexuels commis contre les "femmes de réconfort"
Campagne à Paris et en Europe pour refuser les crimes sexuels commis contre les "femmes de réconfort"

Le mardi 24 juin, une rencontre très émouvante a eu lieu avec, notamment, des jeunes Sud-Coréens en visite en France et en Europe dans le cadre de la campagne pour la paix "Papillons de l'espoir" - coïncidant avec le centième anniversaire du début de la Première guerre mondiale.

Le mercredi 25 juin, Mme Kil Won-ok a livré son témoignage à la Maison du barreau, en présence de et grâce à Roland Weyl, de l'Association internationale des juristes démocrates. En effet, refuser la guerre et les crimes commis sous le prétexte des conflits exige de porter un regard lucide sur l'histoire : telle est l'une des missions qui incombent aux juristes, et qui justifient que les militants coréens ont porté la question des "femmes de réconfort" aux Nations Unies, pour obtenir une reconnaissance par le Japon.

A cette fin, la visite de Mme Kil Won-ok a aussi été l'occasion de rencontres avec des personnalités françaises, notamment la sénatrice Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, et la sénatrice Mme Michèle André, ancienne ministre des droits des femmes. Le dépôt, la discussion et l'adoption en France d'une résolution parlementaire relative aux "femmes de réconfort", à l'instar des démarches accomplies par les Parlements d'autres pays, permettraient de faire reculer les violences ainsi faites aux femmes, par la reconnaissance officielle du préjudice subi par les anciennes esclaves sexuelles de l'armée japonaise. Une des questions abordées a aussi été la création d'un monument commémoratif, en France, pour ne pas oublier ce qui s'est passé.

Enfin, l'un des points d'orgue des manifestations a été le rassemblement place du Trocadéro, sur le parvis des droits de l'homme, le 25 juin 2014. Il coïncidait avec les manifestations du mercredi, organisées chaque semaine par les anciennes victimes de l'esclavage sexuel. Mme Kil Won-ok et Mme Yun Mi-hyang y ont pris la parole, de même que, parmi d'autres orateurs, Benoît Quennedey et Patrick Kuentzmann, respectivement vice-président chargé des actions de coopération et secrétaire général de l'AAFC. 

 L'AAFC a souligné que le rassemblement coïncidait avec le 64ème anniversaire du début de la guerre de Corée, et montrait la nécessité de la signature d'un traité de paix dans la péninsule coréenne, le conflit s'étant terminé par un simple accord d'armistice. Enfin, la question de l'esclavage sexuel et le combat pour la paix sont liés, les guerres coïncidant avec les pires violences perpétrées contre les femmes. Cette situation de "ni guerre ni paix" conduit à une militarisation de la société coréenne tout entière ; la reconnaissance, qu'exigent les militants pacifistes sud-coréens, de l'objection de conscience et de formes civiles de service national s'inscrivent dans le combat pour les droits de l'homme que mène l'AAFC avec les militants sud-coréens.

Les jeunes Coréens en visite en Europe dans le cadre de la campagne 2014 pour la paix ont pris une place très active dans le rassemblement au Trocadéro ce 25 juin 2014. Le spectacle dansé qu'ils ont donné, révélant une synchronisation parfaite, a retenu l'attention de la foule. Des chants et les banderoles déployées ont donné une ambiance festive à cette "manifestation du mercredi" d'un genre inédit, tandis que les papillons dessinés sur une toile posée à même le sol ont symbolisé l'espoir d'une envolée vers la paix : les jeunes militants pacifistes poursuivent à présent  vers d'autres contrées européennes leur rêve des papillons pour un monde sans guerre.

Campagne à Paris et en Europe pour refuser les crimes sexuels commis contre les "femmes de réconfort"
Campagne à Paris et en Europe pour refuser les crimes sexuels commis contre les "femmes de réconfort"
Campagne à Paris et en Europe pour refuser les crimes sexuels commis contre les "femmes de réconfort"
Campagne à Paris et en Europe pour refuser les crimes sexuels commis contre les "femmes de réconfort"

Photos Alain Noguès

 

Site du Conseil coréen pour les "femmes de réconfort" : www.womenandwar.net

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30 mai 2014 5 30 /05 /mai /2014 08:30

A l'issue de discussions conduites à Stockholm du 26 au 28 mai 2014 entre le gouvernement japonais, représenté par Junichi Ihara, directeur d'Asie et d'Océanie du ministère des Affaires étrangères, et la délégation de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) conduite par S.E. Song Il-ho, ambassadeur chargé des relations avec le Japon, les deux parties ont conclu un accord intergouvernemental prévoyant, notamment, un allègement des sanctions japonaises à l'encontre de la RPDC, et une réouverture du dossier des "enlèvements" de citoyens japonais (selon le terme utilisé par Tokyo, et figurant dans la déclaration conjointement avec l'expression "personnes disparues" utilisée principalement par Pyongyang). Le Premier ministre Shinzo Abe s'est félicité de cet accord - le premier entre les deux pays depuis de nombreuses années - dont le contenu a également été rendu public par l'agence nord-coréenne KCNA (et dont nous reprenons des extraits ci-après). De précédents échanges de haut niveau n'avaient pas abouti, notamment en 2012. Alors que les relations bilatérales sont marquées par de lourds contentieux historiques, qui ont déjà conduit par le passé à ce que des accords restent lettre morte, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) se félicite de la reprise du dialogue, ouvrant la voie, à terme, à une possible normalisation des relations diplomatiques. Ayant choisi un langage de fermeté vis-à-vis de la RPD de Corée, les autorités conservatrices sud-coréennes ont accueilli froidement la nouvelle de l'accord - alors qu'elles cherchent à ériger, jusqu'à présent en vain, un "front du refus" (pas de négociations bilatérales, pas de reprise des pourparlers multilatéraux ni d'allègement des sanctions internationales sans des concessions initiales de la RPDC) pour faire pression sur Pyongyang.

Un accord intergouvernemental conclu entre le Japon et la RPD de Corée

Aux termes de la dépêche de KCNA, le Japon a réaffirmé sa volonté de régler les questions pendantes d'un passé "qui n'est pas glorieux" et de normaliser les relations entre Tokyo et Pyongyang, conformément à la déclaration de Pyongyang (du nom de l'accord signé en septembre 2002 entre le Premier ministre japonais Junichiro Koizumi, alors en visite à Pyongyang, et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il).

La partie japonaise s'est engagée à une levée des sanctions contre la RPD de Corée concernant les visites de personnes, les transferts d'argent et l'entrée dans les ports japonais des navires nord-coréens accomplissant une mission humanitaire - sous réserve de la mise en place de la commission spéciale (cf. infra).

La partie japonaise s'est engagée à examiner la question de l'aide humanitaire à la RPD de Corée "le moment venu", ainsi que d'engager un dialogue sincère sur le statut des résidents coréens au Japon en accord avec la déclaration de Pyongyang de septembre 2002. Elle a également déclarer apprécier les efforts conduits par la RPDC pour permettre aux citoyens japonais de visiter les tombes de leurs ancêtres dans le Nord de la péninsule coréenne, en prévoyant d'autres échanges pour l'entretien des sépultures.

Enfin, la partie japonaise s'est engagée à poursuivre les recherches sur les Coréens portés disparus, comme demandé par la partie coréenne.

La partie coréenne s'est engagée à conduire simultanément une enquête approfondie sur "les dépouilles et les tombes des Japonais, les Japonais qui restent vivants, les épouses japonaises, les victimes d'enlèvements et les personnes disparues" (NdA : des Japonaises ont notamment accompagné leur conjoint lors du rapatriement de Coréens du Japon en RPDC après 1959 ; des Japonais auraient pu rester en Corée après la fin de la colonisation japonaise en 1945 ; avant le détail des engagements réciproques de chaque partie, l'accord a signalé que la partie coréenne appréciait "la reconnaissance par la partie japonaise des efforts conduits par la RPDC pour le règlement de la question des enlèvements par le passé").

A cette fin, la partie coréenne a accepté la mise en place d'une "commission spéciale d'enquête", dont la partie japonaise serait informée des résultats des travaux autant que de besoin. Quand des survivants - ou les dépouilles de Japonais - seront retrouvés, la partie coréenne discutera des mesures à prendre en vue d'un rapatriement au Japon.

La partie coréenne a convenu de conduire une enquête rapide et de parvenir à un accord sur les questions en suspens, suivant des formes et selon des méthodes à discuter avec la partie japonaise.

S'agissant également de l'enquête approfondie sur les personnes disparues, les deux parties se sont engagées à permettre des visites dans les lieux concernés ainsi que des rencontres entre les personnes souhaitant entrer en contact. 

Principale source :

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14 avril 2014 1 14 /04 /avril /2014 22:59

Le 14 avril 2014, le Conseil coréen pour les femmes requises pour l'esclavage sexuel militaire du Japon a organisé un nouveau rassemblement place du Trocadéro, à Paris, pour continuer à faire signer la pétition internationale exigeant une reconnaissance par le gouvernement japonais des crimes de guerre commis contre les "femmes de réconfort". Plusieurs membres de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) étaient présents à cette manifestation, avant la visite en Europe (France, Allemagne, République tchèque, Belgique), du 23 juin au 7 septembre 2014, d'une délégation du Conseil coréen pour les femmes de réconfort et de l'ONG "Rêves de papillons", dans le cadre de l'opération "Papillons de l'espoir" - pour que plus jamais les femmes ne soient les victimes sexuelles des conflits.

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Photos : Conseil coréen pour les femmes de réconfort

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31 janvier 2014 5 31 /01 /janvier /2014 21:57

Engagé dans une surenchère nationaliste, le gouvernement conservateur japonais s'est engouffré dans une vision révisionniste de l'histoire de l'archipel : après la visite en décembre du Premier ministre Shinzo Abe au sanctuaire de Yasukuni où sont honorés des criminels de guerre nippons, la première d'un chef d'Etat japonais en sept ans, le gouvernement vient de décider d'enseigner que les îles Dokdo font partie du territoire japonais. Face à ces démarches tendant à déformer l'histoire de l'Asie de l'Est, la Chine et les deux Corée font front commun pour dénoncer Tokyo comme le principal fauteur de troubles dans cette partie du monde en niant les crimes commis par l'impérialisme japonais.

Imagine-t-on la chancelière allemande rendre hommage aux dirigeants nazis ou affirmer que les Sudètes, jadis annexés par le Troisième Reich, sont partie intégrante du territoire allemand ? Evidemment non. Pourtant telle est, toutes choses égales par ailleurs, la position adoptée par le gouvernement conservateur japonais de Shinzo Abe, à l'origine de provocations révisionnistes qui ont soulevé un tollé de protestations dans toute l'Asie de l'Est, de Pékin à Séoul en passant par Pyongyang.

hakubun_shimomura-31-01-2014.jpgAprès la visite en décembre 2013 du chef du gouvernement nippon au sanctuaire de Yasukuni, qui honore la mémoire de 2,5 millions de Japonais morts pendant la Seconde guerre mondiale, parmi lesquels 14 criminels de guerre de classe A, la droite nippone a récidivé : le 28 janvier 2014, le ministère de l'Education a annoncé que les îles Dokdo seraient décrites comme des territoires japonais dans les manuels scolaires. Rajoutant une couche dans la provocation, Hakubun Shimomura (photo à gauche), ministre de l’Education japonais, a déclaré lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 31 janvier 2014 : « il est complètement normal pour une nation d’enseigner correctement [quels sont] ses propres territoires », gommant ainsi tout débat même sur l'appartenance des îles Dokdo (appelées Takeshima au Japon). Publiées de manière étonnament anticipée (en moyenne une fois par décennie, alors que les dernières modifications des manuels de premier et de deuxième cycles datent seulement de 2008 et 2009), les instructions ont pour but d'éduquer les plus jeunes générations dans un esprit propice à la renaissance du militarisme et à préparer une revanche sur des territoires aujourd'hui contrôlés par les garde-côte sud-coréens, après avoir été les premiers à être occupés lors de la colonisation japonaise de la Corée. Les revendications japonaises sur Dokdo avaient déjà été réaffirmées par Fumio Kishida, ministre japonais des Affaires étrangères, lors d'un débat au Parlement, et un site Internet gouvernemental a été spécialement créé pour appuyer ces prétentions territoriales japonaises.

Le révisionnisme japonais a de multiples facettes : il comporte plus largement une réécriture des manuels d'histoire dans un sens tendant à la réhabilitation des crimes de guerre commis par l'empire japonais pendant la Seconde guerre mondiale. Il nie notamment l'esclavage sexuel des "femmes de réconfort".

Le 29 janvier 2013, Pyongyang et Séoul ont affiché leur unité face au révisionnisme japonais à l'Organisation des Nations Unies. Lors d'un débat sur la guerre et la paix organisé au Conseil de sécurité, S.E. Oh Joon, représentant permanent de la République de Corée (du Sud) à l'ONU, a accusé le gouvernement japonais d'avoir "une vision faussée de ce qui s'est passé durant l'impérialisme" japonais, en ajoutant que "le Japon n'a pas été capable (...) de se détacher de son passé militariste". Selon l'ambassadeur Oh, "c'est la raison sous-jacente" aux conflits récurrents sur les questions historiques dans cette partie du monde. Pour sa part, S.E. Ri Tong-il, représentant permanent de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), a déclaré que le souvenir des crimes japonais était indélébile et il a exhorté les autorités japonaises à s'abstenir de toute visite au sanctuaire de Yasukuni.

Dans un commentaire publié le 28 janvier 2013, l'agence nord-coréenne KCNA a déploré que "les réactionnaires japonais instillent dans l'esprit des nouvelles générations la domination du Japon sur les îles Dokdo dans le but de les inciter au militarisme".

Face aux tentatives japonaises de réviser l'histoire, la Chine a également vivement protesté, témoignant ainsi que le révisionnisme japonais dépasse largement le conflit historique entre Japonais et Coréens. L'agence de presse chinoise Xinhua a observé que "cette [révision des manuels] est tenue responsable des relations tendues entre le Japon et ses pays voisins, du fait qu'elle réflète l'attitude du Japon face à son passé militariste".

Convaincue que seule la vérité historique peut permettre de dépasser les différends historiques et favoriser l'avènement d'un monde plus juste et plus fraternel, l'Association d'amitié franco-coréenne plaide pour que le Japon regarde son passé en face et permette ainsi de jeter les bases d'une réconciliation dans cette partie du monde. Dans les conflits territoriaux en Asie de l'Est, le Japon porte aujourd'hui une lourde part de responsabilités en multipliant les actions provocatrices sur son passé militariste. Il est à cet égard symptomatique que le Japon soit au coeur de multiples conflits territoriaux en Asie de l'Est, tant avec la Corée qu'avec la Chine et la Russie.

Sources : KCNA (dépêche du 28 janvier 2014), Xinhua (dépêche du 28 janvier 2014), Yonhap (dépêches des 2429 et 31 janvier 2014, dont photo).

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26 janvier 2014 7 26 /01 /janvier /2014 11:51

Le 25 janvier 2014, le Conseil coréen pour les femmes requises pour l'esclavage sexuel militaire du Japon a organisé un rassemblement public place du Trocadéro, à Paris, pour faire signer la pétition internationale exigeant une reconnaissance par le gouvernement japonais des crimes de guerre commis contre les "femmes de réconfort", à la veille de et pendant la Seconde guerre mondiale. Esclaves sexuelles de l'armée nippone, elles doivent aussi bénéficier d'une réparation à la hauteur des souffrances qui leur ont été infligées.

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En septembre 2013, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) s'était jointe à l'ensemble des manifestations organisées en France à l'occasion de la visite en France de Mme Kim Bok-dong, ancienne esclave sexuelle ("femme de réconfort") de l'armée japonaise, pour que plus jamais les femmes ne soient utilisées comme des armes de guerre. C'est donc tout naturellement que l'AAFC a répondu présente à l'appel du Conseil coréen pour les "femmes de réconfort", lors de l'organisation à Paris, le 25 janvier 2014, d'un rassemblement public pour signer et faire signer la pétition internationale exigeant du Japon des excuses et une indemnisation des victimes. Les Coréens de France, mais également d'Allemagne, ont été le fer de lance de cette manifestation, couverte par les médias sud-coréens (chaîne de télévision et de radio KBS, agence de presse Yonhap). Benoît Quennedey, vice-président de l'AAFC en charge des actions de coopération, a répondu aux questions de KBS, insistant sur la nécessité pour Tokyo de reconnaître les crimes de guerre commis, et qui ont brisé à jamais la vie de 200 000 femmes asiatiques.

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Organisateur de manifestations chaque mercredi depuis le 8 janvier 1992, dispensant des services sociaux, notamment médicaux, aux survivantes, le Conseil coréen mène aussi des travaux de recherche à partir des témoignages des victimes et tient depuis 2001 des ateliers ayant permis l'inauguration du Musée de la guerre et des droits humains des femmes le 5 mai 2012, célébré comme le jour des enfants au Sud de la péninsule. Sensibilisant l'opinion internationale sur l'ensemble des violences faites aux femmes de par le monde, il a noué un réseau de contacts internationaux dans les pays dont sont originaires les anciennes esclaves sexuelles de l'armée japonaise - notamment la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), la République populaire de Chine, Taïwan, l'Indonésie et les Philippines. Du 7 au 12 décembre 2000, le Tribunal international sur les crimes de guerre commis à l'encontre des "femmes de réconfort" s'est tenu à Tokyo, en présence des représentants de dix pays.

La manifestation de la place du Trocadéro prenait place avant l'organisation, dans le cadre de la 41e édition du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême et sous l’impulsion du ministère de l’Egalité des genres et de la Famille de Corée, de l’exposition « Les fleurs qui ne se fanent pas », du 30 janvier au 2 février 2014. La ministre se déplacera officiellement en France à l'occasion de cette exposition, qui reviendra sur la tragédie vécue par les victimes de l'esclavage sexuel de l'armée japonaise, à partir d'une oeuvre composée de 100 planches réalisées à l’encre de Chine sur un papier coréen traditionnel, fruit de la collaboration entre le scénariste Jeong Ki-young et le dessinateur Kim Gwang-sung, et de la projection du film d’animation Une histoire pas encore finie et du court métrage Herstory de Kim Jun-ki.

L'AAFC appelle à poursuivre et à amplifier les actions menées, en France et dans le monde, pour faire connaître le drame des "femmes de réconfort", et obtenir des excuses et des réparations des autorités japonaises.

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Photos Alain Noguès 
Plus d'informations concernant l’exposition « Les fleurs qui ne se fanent pas »sur le site de la revue Muze.

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22 septembre 2013 7 22 /09 /septembre /2013 16:42

KimBokdong 20sept2013 1Du 14 au 21 septembre 2013, Mme Kim Bok-dong était à Paris et a témoigné dans les médias, français et sud-coréens. Ancienne victime de l'esclavage sexuel mis en place par l'armée japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale, cette femme âgée de 87 ans se bat pour la reconnaissance du crime alors commis par le Japon contre des centaines de milliers de femmes coréennes, chinoises et d'autres pays d'Asie, et pour que, plus jamais, le viol ne soit utilisé comme une arme de guerre. La visite en France de Mme Kim Bok-dong était organisée par le Conseil coréen pour les femmes enrôlées de force comme esclaves sexuelles par le Japon, les "femmes de réconfort" selon l'euphémisme employé par l'armée nippone. La présidente du Conseil, Mme Yun Mi-hyang, est également venue dans notre pays. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a été pleinement solidaire de cet événement, en participant à l'ensemble des manifestations qui ont été organisées et en aidant également à des rencontres avec des responsables français.

C'est d'une voix digne et claire que Mme Kim Bok-dong décrit son calvaire. Retirée à sa famille à l'âge de 14 ans, elle a été envoyée dans les bordels militaires japonais du Pacifique. Pendant huit ans, elle a connu les violences sexuelles, la torture et l'humiliation. Dans la société coréenne traditionnelle de l'après-guerre, la condamnation était telle qu'elle n'a jamais eu ni mari, ni enfants. Mais elle ne pouvait pas mentir plus longtemps, en essayant de faire croire qu'elle aurait été réquisitionnée comme ouvrière pour l'armée japonaise.

Comme elle, ce sont 200 000 à 400 000 femmes asiatiques dont la vie a été brisée. Beaucoup d'entre elles ont été torturées à mort. D'autres ont subi des grossesses et des avortements forcés.

Le 8 janvier 1992, la première manifestation du mercredi a eu lieu devant l'ambassade du Japon, en République de Corée (du Sud), à l'occasion de la visite du Premier ministre japonais. A l'époque, les anciennes victimes de l'esclavage sexuel n'osaient pas montrer leur visage. Puis, grâce au Conseil coréen pour les "femmes de réconfort", les langues se sont déliées et de plus en plus de voix se sont élevées pour réclamer justice et réparations au gouvernement japonais, lequel ose prétendre que les esclaves sexuelles étaient des prostituées "volontaires" et que l'armée nippone n'aurait pris aucune part à l'un des pires crimes de guerre commis par les militaristes japonais. Le révisionnisme japonais a fait de la négation de l'esclavage sexuel un de ses chevaux de bataille, relayé par des autorités aussi haut placées que l'actuel maire d'Osaka. La lutte pour faire éclater la vérité doit être menée par chacune et chacun d'entre nous.

Car les preuves se sont accumulées, accablantes, montrant l'implication évidente de l'armée et du gouvernement japonais. Du 7 au 12 décembre 2000, un tribunal international à Tokyo a dénoncé les crimes de guerre commis hier au Japon, et qui se perpétuent dans le monde. Car c'est toujours un combat d'actualité, le viol comme arme de guerre ayant été perpétré au Rwanda, au Kosovo et dans d'autres territoires en conflit.  Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a été saisi et la question des "femmes de réconfort" sera à nouveau à l'ordre du jour de la prochaine Assemblée générale des Nations Unies, fin septembre.  

Le mercredi 18 septembre 2013, de 14h à 16h, Mme Kim Bok-dong participait à la manifestation du mercredi non pas à Séoul, mais à Paris, place du Trocadéro, sur le Parvis des Droits de l'Homme. Une averse n'a pas découragé les militants qui avaient préparé des panneaux et sont restés, stoïques, sous la pluie battante, à l'image de celles et ceux qui, en Corée, ont manifesté plus de mille fois le mercredi, par tous les temps et quelles que soient les circonstances. Les médias sud-coréens en France, comme la chaîne de télévision KBSont couvert l'événement auquel participait l'AAFC. Benoît Quennedey, vice-président de l'AAFC chargé des actions de coopération, a pris la parole, aux côtés d'organisations féministes, de la présidente du comité pour l'Europe du Parti progressiste unifié de Corée du Sud et de l'Association internationale des juristes démocrates dont le représentant, Walid Okais, a lu une déclaration de soutien. Puis Mme Kim Bok-dong a livré son témoignage à l'Université de la Sorbonne, en présence du philosophe Jean Salem.

Des manifestations comportant la signature d'une pétition ont eu lieu le jeudi 19 septembre à 15h, fontaine Saint-Michel, et le samedi 21 septembre à 15h, devant le Musée Beaubourg.

Un des moments les plus émouvants a été la projection d'un film documentaire sur le combat des anciennes "femmes de réconfort", suivie du témoignage de Mme Kim Bok-dong, le vendredi 20 septembre à la Maison des associations (MDA) du 16ème arrondissement de Paris. Hébergée à la MDA, l'Association d'amitié franco-coréenne avait invité le Conseil coréen pour les "femmes de réconfort". Plusieurs représentants de l'AAFC sont intervenus, notamment Patrick Kuentzmann, secrétaire général, et Maurice Cukierman, membre du bureau, qui a dénoncé le négationnisme japonais - devant les caméras de la chaîne de télévision sud-coréenne KBS également présente.

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Pour que le Japon présente ses excuses et apporte une réparation, et que plus jamais des femmes ne soient victimes de tels crimes de guerre, la mobilisation doit continuer. Plusieurs grands médias français, notamment Radio France Internationale et Le Journal du dimanche, ont interviewé Mme Kim Bok-dong. La délégation coréenne composée de Mme Kim Bok-dong et de Mme Yun Mi-hyang, présidente du Conseil coréen pour les "femmes de réconfort", a rencontré la sénatrice Michèle André, ancienne ministre des Droits des femmes, et un représentant du ministère français des Affaires étrangères. L'adoption d'une résolution parlementaire représenterait un pas décisif pour la justice et les droits des femmes. L'Association d'amitié franco-coréenne prendra toute sa place dans ce combat.

 

Photos : Alain Noguès

 

Site du Conseil coréen pour les femmes enrôlées de force comme esclaves sexuelles par le Japon (en coréen et anglais)

 

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12 août 2012 7 12 /08 /août /2012 11:06

La brutalité de la colonisation japonaise de la péninsule coréenne, entre 1910 et 1945, détermine encore largement aujourd'hui les relations entre la Corée et le Japon. Alors que les relations avec la République de Corée (du Sud) ont été normalisées en 1965, sans toutefois que Tokyo ne présente d'excuses pour la colonisation de la péninsule coréenne, le Japon restant l'un des derniers Etats à ne pas avoir établi de relations diplomatiques complètes avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Dans ce contexte, les récentes initiatives prises dans le domaine des relations nippo-coréennes méritent d'être analysées en détail.

 

Reprise du dialogue humanitaire entre les Croix-Rouge du Japon et de la RPD de Corée pour la première fois depuis dix ans

 

Les 9 et 10 août 2012, des discussions ont eu lieu à Pékin entre les Croix-Rouge japonaise et de la République populaire démocratique de Corée, ainsi que l'a indiqué l'agence nord-coréenne KCNA dans un communiqué publié le 10 août, à l'issue de la rencontre. Toujours selon KCNA, "les deux parties ont eu une discussion approfondie sur la question des restes des Japonais se trouvant sur le territoire de la RPDC, soulevée par la partie japonaise, et ont approfondi leur compréhension mutuelle d'un point de vue humanitaire". Les Croix-Rouge des deux Etats ont convenu de poursuivre les discussions, après en avoir référé à leurs gouvernements respectifs.

 

Cialo_Polaka_wrocilo_3286142_rapatriement_soldats.jpgSi les discussions bilatérales ont un objet strictement humanitaire, elles marquent cependant la première rencontre bilatérale entre les Croix-Rouge du Japon et de la RPD de Corée depuis 2002, et elles ne peuvent être disjointes du contexte général des relations bilatérales. Ainsi, en début d'année les Etats-Unis avaient relancé le dialogue engagé depuis 1996 avec leurs homologues nord-coréens sur la question du rapatriement des restes des soldats américains, morts pendant la guerre de Corée et se trouvant au Nord de la péninsule (et ayant conduit au rapatriement de centaines de corps, photo à gauche) - avant que les échanges ne soient interrompus le 21 mars, à l'initiative du Pentagone, dans un contexte de dégradation des relations bilatérales plusieurs jours après l'annonce par la RPDC du lancement d'un satellite artificiel.

 

Dans le cas d'espèce, l'initiative du dialogue entre le Japon et la RPD de Corée provient de la partie japonaise, selon KCNA. Elle tend à densifier des échanges maintenus dans quelques domaines d'intérêt mutuel, ne relevant pas directement du champ politique, comme en médecine où sont conduits des travaux conjoints sur l'étude des conséquences des bombardements nucléaires d'Hiroshima et de Nagasaki. Par ailleurs, sur le plan diplomatique, alors que l'arrivée au pouvoir des démocrates à Tokyo en août 2009 avait pu laisser entrevoir une amélioration des relations entre le Japon et la RPD de Corée - qui n'ont toujours pas établi de relations diplomatiques - les révélations par le site WikiLeaks de la tentative par le Japon de mettre en place un service de renseignements dirigé contre Pékin et Pyongyang a montré que le Parti du démocrate du Japon était partisan d'une ligne ultranationaliste, excluant tout dialogue sincère avec la RPD de Corée. Le Japon s'est ainsi retrouvé marginalisé vis-à-vis de la RPDC et aurait intérêt à renouer des canaux de dialogue directs avec Pyongyang, qui pourraient utiliser les réseaux humanitaires.

 

La visite du Président sud-coréen Lee Myung-bak à Dokdo : un froid dans les relations entre Séoul et Tokyo

 

Peuplées seulement par un couple âgé, les îles Dokdo, contrôlées par les garde-côte sud-coréens, sont l'objet d'un contentieux territorial ancien entre la Corée du Sud et le Japon, à propos duquel la Corée du Nord a par ailleurs toujours fermement rejeté les prétentions japonaises.

 

Une autre pomme de discorde dans les relations nippo-coréennes concernent la toponymie, décidée à une période où le Japon avait pu imposer ses vues à la communauté internationale sans que la Corée n'ait voix au chapitre. Ainsi, lors de la 10ème Conférence des Nations unies sur la normalisation des noms géographiques qui s'est tenue en juillet-août 2012, les deux gouvernements coréens ont à nouveau plaidé pour l'utilisation du nom "mer de l'Est", au moins conjointement avec celui de "mer du Japon". Une utilisation conjointe a été jugée souhaitable par la France lors de la récente conférence des Nations unies, mais sans qu'une décision n'ait été formellement prise - le sujet n'étant pas inscrit à l'ordre du jour.

  

Lee_myung_bak_dokdo_10_aout_2012.jpgEn étant, le 10 août 2012, le premier chef d'Etat sud-coréen à se rendre dans les îles Dokdo, le Président Lee Myung-bak savait qu'il toucherait une corde sensible du sentiment national coréen. Il faisait aussi coup double, en essayant de faire oublier les conséquences désastreuses pour sa propre image dans l'opinion publique de la négociation secrète d'un accord de coopération militaire entre le Japon et la Corée du Sud, fondé notamment sur la coopération entre les services de renseignement sud-coréens et japonais sur la Corée du Nord. Woo Won-shik, porte-parole du Parti démocrate unifié (PDU, centre-gauche, principale formation d'opposition), a déclaré que si le Président Lee Myung-bak était réellement attaché à la souveraineté des îles Dokdo, il devrait appeler le Japon à se conformer à sa Constitution pacifiste en abrogeant le traité militaire nippo - sud-coréen.

 

La parution du nouveau Livre blanc japonais sur la défense est prévue dans une semaine : elle devrait réaffirmer les prétentions japonaises sur les îles Dokdo, appelées Takeshima par le Japon.

 

La réaction japonaise a été vive : dès l'annonce de la visite du Président Lee Myung-bak, le Japon a convoqué l'ambassadeur sud-coréen à Tokyo et a rappelé l'ambassadeur japonais à Séoul. Le ministre des Affaires étrangères japonais Koichiro Gemba a déclaré que le déplacement aurait "un grand impact sur les relations" bilatérales, et que le Japon réagirait "fermement".

 

Le gouvernement démocrate du Japon est engagé dans une surenchère nationaliste pour retrouver un plus grand crédit dans l'électorat japonais : ainsi, deux ministres ont annoncé le 10 août qu'ils se rendraient "à titre privé", la semaine prochaine, au sanctuaire de Yasukuni, où figurent les noms de quatorze criminels de guerre japonais condamnés par les Alliés en 1945. Ce serait une première pour des membres du gouvernement japonais depuis l'arrivée au pouvoir des démocrates en 2009.

 

Le 11 août, Koichiro Gemba a déclaré que le gouvernement japonais examinerait les "mesures visant à résoudre pacifiquement les différends sur la base du droit international, dont le recours à la Cour internationale de justice (CIJ)". La perspective d'internationaliser le différend territorial a été rejetée par un responsable sud-coréen sous couvert d'anonymat, observant qu'il n'était pas acceptable de remettre en cause la souveraineté coréenne sur les îles - qui de surcroît sont contrôlées par les gardes-côtes sud-coréens.

 

La date de la visite du Président Lee Myung-bak aux îles Dokdo coïncidait par ailleurs opportunément avec un match de football entre le Japon et la Corée du Sud, pour la médaille de bronze aux Jeux olympiques de Londres.

 

La médaille de bronze en football des guerriers Taeguk aux JO de Londres : une rencontre sportive à forte symbolique politique

 

En l'emportant (2-0) sur leurs rivaux japonais le 10 août 2012 à Londres, les footballeurs sud-coréens ont remporté une victoire historique en décrochant leur première médaille olympique - en bronze - en football.

 

L'accession des guerriers Taeguk à la troisième marche du podium signe la fin d'un parcours parfaitement maîtrisé. Dans le groupe B, après un match nul (0-0) contre les futurs vainqueurs mexicains, deux buts de Park Chu-young (57e) et Kim Bo-kyung (64e, ci-dessous félicité par Park Chu-young après son but) eurent raison de la Suisse (2-1), revenue au score à la score à la 60ème minute sur un but d'Emeghara. Le résultat conduisit à un message raciste d'un joueur suisse sur son compte Twitter, Michel Morganella, ayant entraîné son exclusion de la compétition. Enfin, le match nul contre le Gabon (0-0), lors de la dernière rencontre du groupe B, porta la Corée du Sud à la deuxième place du groupe, assurant sa qualification aux phases ultérieures de la compétition.

 

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En quarts de finale, si un but de Ji Dong-won ouvrit le score pour les guerriers Taeguk à la 29ème minute, les Britanniques revinrent au score (1-1) sept minutes plus tard grâce à un but sur pénalty de Ramsey. La séance de tirs au but tourna à l'avantage des Coréens (5-4).

 

En demi-finale, si les guerriers Taeguk résistèrent efficacement aux Brésiliens pendant la première demi-heure de jeu, ratant même de peu l'ouverture du score, ils durent s'incliner (3-0) face à la redoutable sélection brésilienne (un but de Romulo à la 38e, deux buts de Damiao à la 57e et à la 64e).

 

Face au Japon, le match pour la 3ème place fut âprement disputé : une fois encore, Park Chu-young ouvrit le score à la 38ème minute, avant que Koo Ja-cheol ne double la mise à la 57ème minute. La médaille de bronze est aussi synonyme d'exemption du service militaire pour les joueurs. Kim Bo-kyung, qui joue à Cardiff, a déclaré que l'exemption du service militaire "lui fait autant plaisir que gagner la médaille de bronze", en observant que l'obligation de service militaire constitue un important handicap dans la carrière des joueurs sud-coréens.

 

Mais dans le contexte historique des relations entre la Corée et le Japon, les considérations politiques étaient fortement présentes, alors que l'équipe nippone avait déjà dû essuyer une défaite face au Cheollima nord-coréen en novembre 2011 lors des matchs de qualification de la Coupe du monde 2014. Le milieu de terrain Park Jong-woo est apparu déployant une banderole où il a proclamé la souveraineté coréenne sur les îles Dokdo (photo ci-dessous). Lors de la cérémonie de remise des médailles, il a été privé de podium et son nom n'a pas été annoncé, les organisateurs des Jeux estimant qu'un message politique était contraire à l'esprit de l'olympisme, tandis qu'une procédure a été ouverte par la FIFA.

 

park_jong-woo_dokdo_Olympic-Games-London.jpg

 

Il convient de rappeler que le Comité international olympique  (CIO) n'a guère de leçons à donner en matière de neutralité politique, au regard notamment de sa compromission avec le nazisme : le président du CIO lors des Jeux de 1936, Henri Baillet-Latour, admirateur de l'Allemagne nazie, était obsédé par le "péril" juif et communiste, et sera encore honoré par le président du CIO Jacques Rogge en 2010, avant que le CIO ne placer à sa tête pendant trois décennies un franquiste, le marquis de Samaranch. A présent, il importe que le cas de Park Jong-woo ne donne pas lieu à une nouvelle et détestable illustration de la règle du "deux poids deux mesures".

 

Principales sources :

- AAFC ;

- Chris Brummitt, "South Korean footballers to skip military service", article publié le 11 août 2012 sur le site néo-zélandais 3.news (dont photo) ;

- KBS, "Séoul obtient le plus large soutien international pour la nomination de la mer de l'Est", dépêche publiée le 7 août 2012 ;

- KBS, "La classe politique divisée sur la visite de Lee Myung-bak sur les îlots Dokdo", dépêche du 10 août 2012 ;

- KBS, "Visite historique de Lee Myung-bak à Dokdo", dépêche du 10 août 2012 (dont photo);

- KCNA, "Talks between Japan and DPRK Red Cross societies held in Beijing", dépêche du 10 août 2012 ;

- "Tensions nippo-coréennes autour des îles Dokdo-Takeshima", article publié par Le Monde le 10 août 2012 ;

- Reuters, "Controversy ! S.Korean told to miss medal ceremony", article publié sur le site India Times le 12 août 2012 ;

- Daniel Salvatore Schiffer, "JO - La sombre histoire du CIO : fascisme, nazisme et antisémitisme", article publié dans Le Point le 5 août 2012;

- "Pentagon suspends effort to recover remains of troops in North Korea", article publié par The Washington Post le 21 mars 2012 ;

- Wikipédia, "Football at the 2012 Summer's Olympics - Men's Tournament", article consulté le 12 août 2012.

- Xinhua, "Séoul rejette la démarche de Tokyo d'internationaliser la question des îles disputées", dépêche publiée le 12 août 2012.

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