Japonophile, le président sud-coréen Lee Myung-bak (Parti Saenuri, droite) avait inauguré son mandat, le jour même de son investiture le 25 février 2008, par un accord avec le Premier ministre japonais Yasuo Fukuda. Poursuivant dans cette voie, un accord de défense était en préparation entre les deux pays, malgré le lourd contentieux historique qui les oppose, après la colonisation de la Corée par le Japon militariste de 1910 à 1945. Ce projet militaire, sans précédent entre l'ancien colonisateur nippon et une nation qu'il a colonisée, a cependant été reporté sous la pression de l'opinion publique et de l'opposition. Rien n'indique à ce stade que le Président Lee Myung-bak parvienne à achever son mandat en obtenant l'approbation d'un accord négocié dans la plus grande discrétion.
En 1965, la normalisation des relations entre la Corée du Sud et le Japon soulevait une tempête de protestations dans la péninsule coréenne, la population étant choquée de la conclusion d'un accord au terme duquel l'ancien colonisateur ne s'excusait pas pour la brutalité avec laquelle il avait occupé la Corée. Parmi les manifestants, un étudiant, Lee Myung-bak, était emprisonné. Le même, devenu Président de la République en 2008, s'est-il souvenu du risque déjà encouru en 1965 par son prédécesseur, le général Park Chung-hee, dont la fille, Park Geun-hye, s'apprête aujourd'hui à briguer la présidence de la République, au nom de son parti, en décembre prochain ?
Quels que soient les motifs du recul du chef de l'Etat, le 29 juin 2012 le ministère sud-coréen des Affaires étrangères a annoncé le report de la signature de l'accord de sécurité générale d'informations militaires (GSOMIA) qui était prévue à Tokyo le même jour, moins d'une heure plus tard. Il aurait constitué le premier pacte militaire entre les deux pays depuis la fin de la colonisation japonaise de la Corée en 1945.
Le secret dans lequel le gouvernement sud-coréen avait engagé les négociations en vue de l'accord avait soulevé un tollé de protestations dès que la nouvelle avait été rendue publique. En effet, le Japon ne s'est toujours pas excusé pour l'occupation de la Corée. Il n'a pas mis une sourdine à ses revendications sur les îles Dokdo (contrôlées par les garde-côtes japonais), ni même assoupli ses positions révisionnistes sur les manuels scolaires.
L'opposition a été à l'avant-garde de la demande d'information du Parlement préalablement à la ratification de tout l'accord. Le GSOMIA était censé procéder à des échanges d'informations militaires et de renseignement sur la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Ce motif officiel suscite toutefois des interrogations, puisque l'armée et les services secrets sud-coréens n'ont guère d'informations à recevoir en la matière du Japon, qui doit compter sur les Etats-Unis qui partagent eux-mêmes avec la Corée du Sud les données dont ils disposent. La Corée du Nord apparaît ainsi plus comme un prétexte au rapprochement militaire nippo - sud-coréen, alors que la droite au pouvoir à Séoul regroupe historiquement les partisans d'une alliance avec le Japon.
Lee Hae-chan, président du Parti démocrate unifié (PDU, principale formation d'opposition, centre-gauche), a déclaré, lors d’une réunion à l’Assemblée nationale avec le chef du cabinet présidentiel Ha Kum-loul (photo ci-dessous) : "Il s’agit d’un sujet pour lequel le Premier ministre devrait assumer ses responsabilités, et si le président ne le démet pas de ses fonctions, le Parlement n’a pas d’autre choix que de demander un vote de non-confiance", ajoutant qu'il y avait selon lui un problème de principe à "reconnaître les Forces d’autodéfense japonaises en tant qu'armée et conclure un traité (avec elles) qui leur permet d'avoir accès aux (renseignements militaires)". C'est le Parti Saenuri au pouvoir qui est intervenu pour demander un examen préalable par le Parlement.
Le Premier ministre a présenté ses excuses à l'opinion publique. Tout en reconnaissant un non-respect des procédures, Ha Kum-loul a fait état de contacts pris préalablement avec les groupes parlementaires, sans en préciser la portée, pour réfuter la critique selon laquelle les négociations auraient été conduites en secret. De fait, alors que le Parti Saenuri dispose d'une majorité parlementaire étroite depuis les élections législatives d'avril, il n'est pas certain que la ratification de l'accord militaire avec le Japon eût recueilli le soutien d'une majorité de députés. La proximité de l'élection présidentielle de décembre incite également à la prudence sur un sujet extrêmement sensible, de nature à faire perdre ce scrutin à la droite de Mme Park Geun-hye.
Sources : Radio Chine Internationale, Yonhap (dont photo).
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