Ces derniers jours ont montré une nouvelle montée des tensions entre les deux Corée : après que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a révélé des images satellitaires de son voisin du Sud, la République de Corée (Corée du Sud) a rendu publiques des images satellitaires du Nord en arguant que les siennes étaient de bien meilleure qualité... Un vent de panique a ensuite soufflé au Sud quand des drones nord-coréens ont quitté l'espace aérien de la RPDC, Séoul appelant à un important renforcement de ses capacités de défense anti-aériennes. Mais ces événements s'inscrivent essentiellement dans une guerre des nerfs : que les deux Etats coréens se surveillent mutuellement n'est pas un fait nouveau, même si l'imagerie satellitaire et l'usage des drones ont évidemment fait des progrès très significatifs depuis la fin de la guerre froide - sauf peut-être que sur ce terrain la Corée du Sud est réputée disposer de moyens plus modernes et donc d'une certaine avance technologique qui pourrait être en partie remise en cause. Ce qui en revanche détonne est le discours particulièrement vif du président conservateur sud-coréen Yoon Seok-yeol, en fonctions depuis mai 2022 et élu sur une ligne de fermeté avec la Corée du Nord qui tranche avec les discours de son prédécesseur démocrate Moon Jae-in. Ce dernier, tout en défendant aussi vigoureusement que le président Yoon les intérêts stratégiques de son pays, maintenait également des appels au dialogue avec le Nord, tout en évitant de jeter de l'huile sur le feu d'une situation incandescente.
Le bon usage de la communication nécessite, pour un même acteur, de savoir faire s'exprimer des figures tenant des discours différents mais dont les expressions sont complémentaires : par exemple, dans la guerre en Ukraine, l'ancien président Dmitri Medvedev tient des propos plus haut en couleur que le président russe Vladimir Poutine.
S'agissant de la Corée du Nord, Kim Yo-jong a habitué l'opinion publique à des mises en garde sévères contre les Etats-Unis et la Corée du Sud - et à ce titre elle s'exprime ès qualité de directrice adjointe du département propagande et agitation du Pari du travail de Corée. Ainsi, le 20 décembre 2022, après le tir d'un missile balistique intercontinental (ICBM) nord-coréen dont la Corée du Sud mettait en doute les performances, elle annonçait le tir prochain d'un nouvel ICBM avec un angle normal qui montrerait pleinement les capacités de Pyongyang à atteindre des cibles éloignées. Ce faisant, elle s'exprimait ainsi, dans des propos retranscrits par l'agence officielle nord-coréenne KCNA (NdA : la traduction est celle de l'agence officielle sud-coréenne Yonhap) :
Les voyous des forces marionnettes et les experts marionnettes se sont acharnés à mordre la performance de notre missile balistique intercontinental (ICBM) en disant qu'il n'a pas été certifié et reconnu pour sa technique de rentrée atmosphérique. Mais je vois aujourd'hui que de sales mines se font des soucis qui ne méritent pas.
Mais si l'on veut apprécier en pleine connaissance de cause les risques d'escalade à l'initiative de l'une ou l'autre des deux parties coréennes il convient aussi et d'abord de s'attacher aux propos que tiennent les chefs d'Etat qui exercent les fonctions de commandant en chef.
Dans des propos retranscrits le 28 décembre 2022 par l'agence KCNA, le Président Kim Jong-un a annoncé - en termes laconiques - l'essor en cours et à venir des capacités militaires du pays, tout en soulignant que ce renforcement s'inscrivait dans une logique de "défense autonome" (sous-entendant que le Nord, contrairement au Sud, ne peut pas compter sur de puissants alliés) au regard de "la nouvelle situation difficile survenue dans la péninsule coréenne" :
Kim Jong-un a "défini de nouveaux objectifs-clés pour le renforcement de la capacité de défense autonome, qui sera mis en œuvre en 2023", a indiqué mercredi 28 décembre l'agence officielle nord-coréenne KCNA, sans donner de détails. Face aux responsables du Parti des travailleurs au pouvoir, le dirigeant nord-coréen a annoncé de nouveaux objectifs militaires pour l'an prochain, et a laissé entendre que des tests d'armes continueraient à être réalisés.
Dans ce même discours, toujours selon KCNA il a mis l'accent sur "l'orientation de la lutte contre l'ennemi à laquelle doit adhérer notre parti". Le dirigeant nord-coréen ne tend certes pas un rameau d'olivier, mais dans la rhétorique nord-coréenne le propos apparaît mesuré - tout en évitant de cibler la Corée du Sud comme l'ennemi, celle-ci ayant été dénoncée par Kim Yo-jong comme suiviste des Etats-Unis ( dont les dirigeants sud-coréens seraient des "marionnettes") pour jeter l'opprobre sur ces derniers. Le Sud n'a pas de telles préventions, la stratégie de défense de la présidence Yoon définissant explicitement le Nord comme l'ennemi de la République de Corée.
Lors d'une visite à l'Agence pour le développement de la défense (ADD), instaurée en 1970 par le Président Park Chung-hee, le Président Yoon Seok-yeol a tenu des propos enflammés après l'incursion au Sud de drones nord-coréens.
Il a mis l'accent sur une riposte qui doit, selon lui, être "écrasante" - ce qui définit très exactement une posture d'escalade des tensions :
C'est intolérable et il faut faire connaitre le prix sévère pour une provocation.
Il faut une posture écrasante pour une guerre si on souhaite la paix.
Yoon a noté que «la dissuasion contre les actes qui détruisent notre liberté sera possible par des répliques fermes et par la vengeance» en ajoutant que «si elle dispose du nucléaire ou d'armes de destruction massive, il faut donner un message clair à ceux qui font la provocation.»
Fermement attachée à la paix dans la péninsule coréenne, l'Association d'amitié franco-coréenne continuera pour sa part à promouvoir toute action de nature à engager une désescalade des tensions pour parvenir, à terme, à un monde sans armes nucléaires.
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