Coup sur coup, le Président Donald Trump vient de remplacer deux de ses plus proches collaborateurs : Mike Pompeo, jusqu'alors directeur de la CIA, succède à Rex Tillerson comme secrétaire d'Etat, et John Bolton devient conseiller à la sécurité nationale en remplacement du général H. R. McMaster. Les deux hommes ont la réputation de "faucons" et leur nomination soulève des interrogations sur la volonté de négociation de l'administration Trump vis-à-vis de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), alors que Donald Trump a accepté la proposition du Président Kim Jong-un de le rencontrer.
Nul ne sait pourquoi Donald Trump s'est séparé de Rex Tillerson et H.R. McMaster maintenant : l'un et l'autre auraient-ils fait part trop ouvertement de leurs réticences à répondre aussi rapidement positivement à une invitation à le rencontrer du Maréchal Kim Jong-un ? Les relations de Rex Tillerson avec Donald Trump étaient notoirement mauvaises, le président américain n'hésitant pas à railler publiquement les efforts diplomatiques de son secrétaire d'Etat sur la question nord-coréenne. En revanche, le général H.R. McMaster n'était pas spécialement un modéré partisan du dialogue.
Ce qui est certain est que Donald Trump a choisi, avec Mike Pompeo et John Bolton, deux hommes très proches de ses idées (notamment dans la critique de l'accord sur le nucléaire iranien de la précédente administration démocrate), qui n'appartiennent pas au sérail administratif alors que le président américain veut s'affranchir de la tutelle de l'appareil d'Etat. Ce sont des hommes à sa main, dont il sait qu'ils lui seront fidèles.
John Bolton est une vieille connaissance de l'AAFC, qui a souligné combien ce partisan de la guerre en Irak en 2003 a été un des grands promoteurs du refus de tout dialogue avec la Corée du Nord et de son étranglement économique par des sanctions toujours accrues, afin de privilégier le rapport de forces en envisageant l'option militaire.
Après l'annonce de la rencontre Donald Trump-Kim Jong-un, il a toutefois appuyé la décision américaine, en intervenant sur la chaîne Fox News dont il est l'un des analystes :
Cette vidéo mérite d'être analysée en détail : elle montre tout d'abord que John Bolton justifie une rencontre au sommet par le fait que les missiles nord-coréens sont sur le point de pouvoir atteindre le territoire américain et qu'il fallait donc empêcher un tel scénario de se produire. Ces déclarations sont intéressantes en ce qu'elles témoignent qu'un dialogue pourrait finalement n'être que la dernière alternative, du point de vue de Donald Trump, après la prise de conscience que les sanctions n'ont pas empêché les progrès des programmes nucléaires et balistiques de la RPD de Corée. En son temps, déjà, l'administration Bush avait dû se résoudre aux pourparlers à six après avoir initialement placé la Corée du Nord parmi les pays de l'Axe du mal... ce changement de ligne avait alors été dénoncé par John Bolton, entre autres.
Surtout, John Bolton sur Fox News ne semble montrer ni optimisme, ni enthousiasme quant à la rencontre à venir, comme s'il anticipait (et désirait) un échec.
Si les Américains demandent aux Nord-Coréens de désarmer unilatéralement et sans conditions, avant même la levée partielle des sanctions, et sans aucune contrepartie immédiate en termes de sécurité pour la RPDC, une telle proposition ne pourrait qu'être rejetée par Pyongyang. La RPDC, prudente, n'a toujours pas communiqué publiquement sur le sommet à venir avec Donald Trump, semblant ainsi prendre en considération la possibilité d'un scénario où cette rencontre n'aurait jamais lieu, faute d'accord sur des principes de base - lieu, date et termes de l'accord. Dans tous les cas, mieux vaudrait reporter la rencontre avec Donald Trump (aujourd'hui envisagée d'ici fin mai 2018) que parvenir à un accord mal ficelé, dans lequel les deux parties ne s'entendraient pas sur ses termes mêmes - notamment ce qu'il faut entendre par dénucléarisation de la Corée du Nord.
Il faut que l'équipe dont s'est entouré Donald Trump apprenne à faire preuve de patience dans un processus diplomatique par nature long et complexe, et dans lequel les attentes de l'autre partie doivent être prises en compte. Nul doute que Séoul et Pékin, voire Moscou, le rappelleront à Washington par les canaux les plus appropriés. Alors seulement Donald Trump pourra espérer entrer dans l'histoire comme le président américain ayant mis fin à un contentieux avec la Corée du Nord vieux de plus de deux générations, à l'image de son prédécesseur Richard Nixon qui avait été l'un des artisans de la fin de la guerre au Vietnam, après avoir lui aussi commencé par intensifier l'effort de guerre et la présence militaire américaine dans cette partie du monde.
Sources :
Mike Pompeo, un fidèle parmi les fidèles de Trump au secrétariat d'Etat
Le président américain Donald Trump a annoncé tôt ce mardi matin sur les réseaux sociaux le remplacement à la tête du département d’Etat ...
http://www.rfi.fr/ameriques/20180313-mike-pompeo-fidele-trump-secretariat-etat
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