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26 mars 2018 1 26 /03 /mars /2018 13:04

Le 26 mars 2018, Moon Jae-in, président de la République de Corée (Corée du Sud), a signé le projet de loi de révision constitutionnelle qui devra faire l'objet d'une adoption par le Parlement à la majorité qualifiée des deux tiers avant, dans ce cas, d'être soumis à un référendum en même temps que les élections locales du 13 juin prochain : un pari audacieux compte tenu du poids au Parlement des conservateurs, par ailleurs très offensifs sur la question des relations Nord-Sud, et en dépit d'une image dégradée par les déboires judiciaires des deux derniers chefs de l'Etat, issus de leurs rangs : Lee Myung-bak et Park Geun-hye.

Le secrétaire du président de la République pour les affaires civiles Cho Kuk présente le projet de loi de révision constitutionnelle, lors d'une conférence de presse, le 21 mars 2018.

Le secrétaire du président de la République pour les affaires civiles Cho Kuk présente le projet de loi de révision constitutionnelle, lors d'une conférence de presse, le 21 mars 2018.

La révision constitutionnelle est populaire dans l'opinion publique. Elle comporte un ensemble varié de mesures, dont l'une des plus connues est le passage d'un mandat présidentiel unique non renouvelable immédiatement de 5 ans (suivant un dispositif mis en place après la chute du régime militaire, pour éviter le phénomène des généraux présidents qui se maintenaient pendant - trop - longtemps au pouvoir) par un mandat de 4 ans (calqué sur la durée de la législature parlementaire) renouvelable une fois - cette mesure ne s'appliquant pas pour le président sortant Moon Jae-in.

Mais d'autres mesures sont tout aussi importantes : abaissement de 19 à 18 ans de l'âge de la majorité électorale, pouvoir accrue des collectivités territoriales dans le cadre d'un processus de décentralisation, consécration dans la Constitution de nouveaux droits et libertés pour les citoyens... y compris la possibilité de restreindre la propriété privée de la terre pour des motifs d'intérêt public, ce que les conservateurs considèrent comme une atteinte intolérable aux libertés individuelles et une mesure "socialiste". Ces derniers, à l'instar des centristes, veulent pour leur part renforcer les pouvoirs du Premier ministre. La discussion sera tendue, la Corée du Sud ayant une tradition de recherche de consensus transpartisan qui sera en l'espèce une obligation compte tenu du seuil de majorité qualifiée (deux tiers) à atteindre. Le parti démocrate, au pouvoir, est ouvert à des propositions sur des questions telles que le renforcement des pouvoirs de l'opposition parlementaire.

Ce débat constitutionnel intervient à un moment où la politique intercoréenne de Moon Jae-in, soutenue dans l'opinion publique, se heurte aux critiques de l'opposition conservatrice traditionnellement hostile aux mesures de rapprochement avec le Nord, et qui souligne la nécessité selon elle de maintenir le cap de l'alliance avec les Etats-Unis. Les conservateurs, nettement distancés dans les sondages d'opinion, souffrent d'une image dégradée : l'ancienne chef de l'Etat Park Geun-hye, issue de leurs rangs, a été destituée après des manifestations de plusieurs millions de personnes et avoir engagé la Corée du Sud sur la voie d'une dérive autoritaire, et 30 ans de prison ont été requis contre elle fin février dans une affaire de corruption et de concussion. Son prédécesseur également conservateur, Lee Myung-bak, vient d'être arrêté dans une autre affaire de corruption organisée en famille et a refusé de se soumettre à l'interrogatoire du Parquet. Les accusations contre lui sont très lourdes, comme l'a rappelé l'agence sud-coréenne Yonhap :


 

L’ancien président, âgé de 76 ans, est accusé entre autres d’avoir détourné près de 35 milliards de wons (32 millions de dollars) à des fins personnelles et d’avoir échappé au fisc.

Il est aussi accusé d’abus de pouvoir, d’abus de confiance et de violation des lois électorales.

Le succès de la révision constitutionnelle dépendra aussi des équilibres qui seront trouvés au Parlement, dans un contexte de réorganisation de l'opposition : le Parti du peuple d'An Cheol-soo, "troisième homme" de la présidentielle de mai 2017, jusqu'alors plutôt plus proche des démocrates que des conservateurs, a fusionné en février 2018 avec des dissidents du parti conservateur qui avaient formé le parti Bareun après avoir voté la destitution de la présidente Park Geun-hye : la nouvelle formation, le Parti Bareun du futur, a subi des défections sur sa gauche (14 députés du Parti du peuple ont fondé le Parti pour la paix et la démocratie) et sur sa droite (des députés du parti Bareun ont rejoint le Parti de la Liberté de la Corée, conservateur).

A l'issue de ce processus de recomposition, et comme l'illustre le graphique ci-dessous, le Parti démocratique, au pouvoir, occupe 121 des 300 sièges (en bleu sur le graphique) du Parlement (dont 7 sièges sont actuellement vacants), devant le Parti de la Liberté de la Corée (116 sièges, en rouge), le Parti Bareun du futur (30 sièges, en bleu clair), le Parti pour la paix et la démocratie (14 sièges, en vert), le Parti de la Justice (social-démocrate, 6 sièges, en jaune), le parti Minjung (gauche, 1 siège, en orange) et le Parti des patriotes coréens (scission d'extrême-droite du parti conservateur, 1 siège, en bleu foncé).

Le nouveau paysage politique sud-coréen à l'heure de la révision constitutionnelle et du prochain sommet intercoréen

Sources :

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