Depuis de longs mois, les habitants de l'île de Jeju sont engagés dans un combat contre le gouvernement sud-coréen du Président Lee Myung-bak pour empêcher la création d'une base navale sur leur île, laquelle menacerait gravement leur communauté, leur mode de vie et un riche écosystème marin. L'AAFC est solidaire de leur lutte, appelant à signer et faire signer la pétition des habitants du village de Gangjeong contre la base navale de Jeju. Les habitants de Jeju ne sont pas seuls dans ce combat pour la paix, alors que des dizaines de milliers de ses habitants ont été massacrés, en 1948, par le régime autoritaire de Syngman Rhee, allié aux forces américaines d'occupation de la Corée du Sud. Comme lors des manifestations, naguère, pour la démocratisation de la Corée, de nombreux catholiques sont en effet engagés dans un mouvement d'opposition pacifique, réprimé par le gouvernement sud-coréen qui n'hésite pas à remettre en cause la liberté d'expression religieuse. Il est vrai que ce même gouvernement mène, par ailleurs, une politique d'asphyxie financière des églises bouddhistes pour satisfaire l'extrême-droite protestante, désireuse de s'assurer le monopole de l'expression religieuse. L'Association d'amitié franco-coréenne reproduit ci-après une dépêche de l'agence Eglises d'Asie (agence d'information des missions étrangères de Paris), intitulée "L'opposition des catholiques à la construction d'une base navale sur l'île de Jeju se durcit", en date du 17 janvier 2012, et publiée par ailleurs sur le site du quotidien français La Croix, présentant le combat des catholiques sud-coréens contre la base navale de Jeju.
Tandis que les travaux vont bon train sur le site qui verra, en 2014, l’inauguration d’une importante base navale sur l’île méridionale de Jeju (Cheju), les protestations des opposants au projet, au nombre desquels figurent les catholiques, ne cessent de croître.
Le 16 janvier, des religieuses en pleurs ont tenu une conférence de presse pour dénoncer l’interpellation qui avait concerné plusieurs d’entre elles quelques jours auparavant. Le 10 janvier dernier, devant le chantier de construction de la future base navale de Gangjeong, des opposants au projet s’étaient réunis pour une veillée de prière. Ils ont été dispersés par la police qui a procédé à une trentaine d’interpellations, dont 19 religieuses et religieux. Tous ont été remis en liberté 48 heures plus tard.
Selon des responsables de la Conférence des supérieures majeures de Corée ainsi que de l’ONG ‘Solidarité catholique pour la paix à Jeju’, les autorités sud-coréennes, en choisissant de faire intervenir la police contre des religieuses et des religieux catholiques, se sont comportées comme n’auraient pas osé le faire les régimes militaires autrefois au pouvoir à Séoul. Présidente de la Conférence des supérieures majeures, Sr Marie Aquina Yoon Jung-ok a déclaré que « les régimes militaires n’avaient jamais exercé de contrainte physique à l’encontre de religieuses catholiques en prière et ne les avaient jamais non plus emmenées au poste de police ». « Nous ne pouvons passer sous silence de tels agissements », a-t-elle affirmé, ajoutant que la police devait s’excuser sans délai auprès de l’Eglise catholique et de la nation sud-coréenne pour « avoir détenu des personnes qui ne faisaient que danser et chanter pacifiquement depuis deux jours ».
Vice-président du Comité spécial du diocèse de Jeju pour « la paix à Jeju », le P. John Go Byeong-soo a pour sa part dénoncé « une action inconsidérée de l’Etat visant à limiter la liberté de religion ». A Hongkong enfin, l’association Asian Human Rights Commission a publié un communiqué critiquant l’incident et dénonçant la volonté du gouvernement sud-coréen d’arrêter « toute personne manifestant son opposition à la base navale ». Il s’agit là d’une « défaillance grave en matière de gouvernance et d’une atteinte sérieuse à l’Etat de droit », a encore ajouté l’association.
Sur le fond, l’opposition manifestée par les religieuses catholiques à la construction de la base de Gangjeong ne semble pas de nature à pouvoir empêcher le projet gouvernemental d’aller à son terme. Envisagé dès 2007, commencé en janvier 2011, le chantier de la base navale doit s’achever en 2014. D’une superficie de 40 hectares, la base navale deviendra le port d’attache d’une vingtaine de bâtiments militaires sud-coréens, dont des sous-marins et des destroyers de classe Aegis destinés à patrouiller les eaux de la mer du Japon – ou mer de l’Est – ainsi que celles de la mer de Chine orientale (1). Le gouvernement a budgété près d’un milliard de dollars pour la construction de cette base, essentielle à ses yeux afin de protéger les lignes commerciales d’une économie tournée vers les exportations et dépendante de ses importations de pétrole par voie de mer. La base permettra également à la marine sud-coréenne de répondre sans délai à tout incident au sujet du rocher de Socotra (Ieodo pour les Coréens, Suyan pour les Chinois), un récif à semi-submergé que se disputent la Chine et la Corée du Sud (2).
Pour les membres de l’Eglise catholique engagés dans ce combat contre la base navale, la cause est entendue : une implantation militaire à cet endroit est un mauvais signal envoyé à la Chine et une future menace pour la paix (3). Outre Mgr Peter Kang U-il, évêque de Cheju, la totalité des Commissions ‘Justice et Paix’ des 16 diocèses catholiques de Corée du Sud ont fait connaître leur opposition au projet. Un millier de prêtres et plus de 2 600 religieuses catholiques ont signé un document en octobre 2011 annonçant « au nom de Jésus-Christ et de la foi chrétienne » leur refus de voir construire une base navale sur « l’île de la paix ». Ils rappellent que Jeju a ainsi été désignée en 2005 par le président Roh Moo-hyun en mémoire du douloureux incident du 3 avril 1948 et des massacres qui suivirent. Craignant que des habitants de Jeju ne sympathisent avec les communistes, les forces armées sud-coréennes avaient alors investi l’île pour la dévaster : 30 000 personnes furent massacrées, soit un dixième de la population d’alors. Pour les militants catholiques, il y a quelque ironie aujourd’hui à vouloir construire une base militaire sur une île dédiée à la paix.
Sur place, à Gangjeong, les habitants sont très partagés quant à l’opportunité de la base navale. On rapporte que les familles elles-mêmes sont divisées, des pères n’adressent plus la parole à leurs fils et réciproquement. Certains font valoir que Jeju connaît déjà les limites d’un développement tourné vers le tourisme de masse et qu’il n’est pas nécessaire de lui infliger de nouvelles atteintes à l’environnement. Les autres estiment que les retombées économiques du chantier et de la base elle-même contrebalanceront les éventuels désagréments.
Notes
(1) Selon l’Organisation hydrographique internationale (OHI), la mer qui sépare le Japon de la péninsule coréenne est appelée « Mer du Japon ». Donné par les Occidentaux, ce nom est le nom officiel retenu par l’OHI depuis 1928, à une époque où la Corée était sous domination japonaise. Le nom « Mer de l’Est » est le nom sud-coréen de cette même mer et Séoul fait pression sur l’organisation internationale pour qu’il soit officiellement accolé à celui de « Mer du Japon ».
(2) L’île de Jeju est très bien située pour surveiller la mer de Chine orientale, qui baigne les côtes occidentales de la péninsule coréenne. En Chine, cette mer est appelée « Mer de l’Est », en Corée on l’appelle « Mer du Sud ».
(3) Voir dépêche EDA du 1er juin 2007 : http://eglasie.mepasie.org/asie-du-nord-est/coree-du-sud/sur-l2019ile-de-jeju-des-pretres-catholiques-ont
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