Lors des Jeux olympiques de Berlin, deux Coréens montèrent sur le podium de l'épreuve de marathon, il y a 76 ans, le 9 août 1936 : Sohn Ki-jung décrocha la médaille d'or, et Nam Sung-yong la médaille de bronze. Toutefois, la Corée étant alors occupée par le Japon, les deux athlètes furent enregistrés comme membres de l'équipe japonaise - et Sohn Ki-jung dut ainsi utiliser le nom japonais Son Kitei. Pendant la cérémonie de remise de sa médaille d'or, Sohn Ki-jung eut le courage de cacher par un chêne le drapeau japonais figurant sur son maillot (photo à gauche) et répéta aux journalistes présents qu'il n'était pas japonais mais coréen, tandis que Nam Sung-yong baissait également la tête. Sohn Ki-jung est devenu une figure de la résistance coréenne à l'occupation japonaise.
Né à Sinuiju dans le Nord de la Corée le 29 août 1912, deux ans après le début de la colonisation de la péninsule par l'empire nippon, Sohn Ki-jung a été un athlète prodige : il a remporté dix des treize marathons qu'il a courus entre 1933 et 1936, enregistrant un record du monde le 3 novembre 1935 à Tokyo dans un temps de 2h26:42. Douze ans plus tard, en 1947, son élève et compatriote Suh Yun-bok devait battre ce record en remportant le marathon de Boston.
Mais Sohn Ki-jung est aussi entré dans l'histoire de la Corée après sa médaille d'or aux Jeux olympiques de Berlin en 1936 où il a établi un nouveau record olympique du marathon (2h29:19), en cachant le drapeau japonais qui figurait sur son maillot lors de la cérémonie de remise des médailles, et en répétant aux journalistes présents qu'il n'était pas japonais, mais coréen en signant de son véritable nom et en adjoignant une petite carte de la Corée - en vain. Son compatriote Nam Sung-yong, médaille de bronze, déclara plus tard qu'il enviait Sohn Ki-jung non pour sa première place, mais pour avoir ainsi affirmé son identité coréenne sur la plus haute marche du podium. Après les Jeux de 1936, Sohn Ki-jung refusa désormais de courir sur les couleurs japonaises.
Un quotidien coréen, le Dong-a Ilbo, suscita la fureur des autorités d'occupation en publiant une photo retouchée faisant disparaître le drapeau japonais, sous le titre "Victoire coréenne à Berlin" : la police militaire japonaise arrêta huit responsables du journal, dont la publication fut suspendue pendant neuf mois.
Les entraîneurs japonais bloquèrent la remise d'un prix qui devait revenir à Sohn Ki-jung en tant que vainqueur du marathon : un casque grec découvert à Olympie en 1875 par l'archéologue allemand Ernst Curtius, et qui ne sera finalement remis au champion olympique coréen qu'en 1986 (photo à droite), après une campagne de presse en Grèce.
Après la Libération, Sohn Ki-jung devint président de l'Association sportive (sud-)coréenne et forma plusieurs champions de marathon, dont Suh Yun-bok et Ham Kee-yong, vainqueurs du marathon de Boston respectivement en 1947 et 1950, ainsi que Hwang Young-cho, médaillé d'or aux Jeux olympiques de 1992. Il a allumé la flamme olympique lors des Jeux de Séoul en 1988.
Sohn Ki-jung est décédé le 15 novembre 2002, à l'âge de 90 ans.
Sources :
- Andy Bull, "The Forgotten Story of Sohn Kee-chung, Korea's Olympic Hero", article publié le 27 août 1911 dans The Guardian ;
- Andrei Lankov, "Sohn Kee-chung : 1936 Berlin Olympic Marathon Winner", article publié le 8 août 2010 dans The Korea Times ;
- wikipedia (dont photos) ;
- youtube (dont vidéo).
PS : deux dates sont données pour la date de naissance (1912 ou 1914), l'année 1912 étant la plus souvent retenue par les sources coréennes.