L'une des conséquences de la colonisation japonaise de la Corée (1910-1945) a été le maintien, dans l'archipel nippon, d'une communauté coréenne issue de migrations volontaires ou forcées. Après la Libération, 600 000 Coréens restèrent au Japon où, de nos jours encore, ils continuent à subir différentes formes de discrimination, au quotidien, notamment dans l'accès à l'éducation, à l'emploi et au crédit. Dans le contexte de la division de leur patrie, les Coréens qui résident au Japon se sont organisés en deux associations, la Chongryon et la Mindan, favorables respectivement à la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) et à la République de Corée (du Sud).
A la fin des années 1950, dans un contexte d'industrialisation rapide de la Corée du Nord au lendemain de la guerre de la Corée, de nombreux Coréens du Japon expriment leur souhait d'être rapatriés en République populaire démocratique de Corée. Le 11 août 1958, au sein de la Chongryon, les membres de la branche de Nagatome du chapitre de Kawasaki dans la préfecture de Kanagawa, ont exprimé leur souhait de revenir en Corée, en adressant une lettre en ce sens au Président Kim Il-sung. Comme l'a observé le président fondateur de la Chongryon, M. Han Duk-su (à droite, avec le Président Kim Il-sung, en 1988, source), "la question du rapatriement des Coréens du Japon n'était pas seulement la question des citoyens d'outre-mer d'un pays qui reviendraient simplement dans leur patrie, mais celle de l'élimination de l'humiliation et du malheur dans lequel les militaristes japonais avaient jeté le peuple coréen, et c'était une question importante, pour les Coréens du Japon, de pouvoir exercer leurs droits légitimes comme citoyens d'outre-mer d'un Etat souverain" (source : Han Duk-su, Juche Thought and Practice in the Expatriate Movement, Institute of Social Science, Korea University, Tokyo, Japan, 1991, pp. 173-174).
Dans un discours prononcé le 8 septembre 1958, à l'occasion du dixième anniversaire de la fondation de la RPD de Corée, le président Kim Il-sung a accueilli favorablement la demande des Coréens du Japon, formalisée lors du 16ème plénum élargi du comité central de la Chongryon qui s'est réuni du 8 au 10 octobre 1958, en la considérant comme un "devoir national" pour la RPD de Corée qui fournirait les moyens matériels du retour et de l'installation en Corée. Il restait toutefois à lever les obstacles juridiques, notamment l'obtention d'un accord des autorités japonaises, alors que le Japon et la RPD de Corée n'ont pas de relations diplomatiques officielles, et que les autorités sud-coréennes mènèrent une violente campagne contre le rapatriement, relayée au Japon par la Mindan, jusqu'à tenter de s'opposer physiquement aux opérations de retour.
La Chongryon a alors initié une campagne nationale et internationale en faveur du retour en Corée : le 30 octobre 1958, appelé "jour pour exiger la rapatriation", plus de 73.000 Coréens du Japon se réunirent dans 586 lieux sur l'ensemble du territoire japonais, remettant leurs revendications aux autorités japonaises. La campagne fut relayée au Japon par des organisations non-coréennes, dans les médias et à l'étranger, notamment par la Croix-Rouge et l'Association internationale des juristes. Un accord de principe du gouvernement japonais fut donné le 13 février 1959. Mais face aux atermoiements, et à la campagne d'opposition des autorités sud-coréennes qui organisèrent une manifestation à Séoul, des rassemblements se tinrent à nouveau au Japon le 3 mars 1959. Les actions en faveur du rapatriement ont constitué, pendant plus d'un an, une des activités principales de la Chongryon. A elles seules, les manifestations menées du 18 septembre au 2 octobre 1959 ont réuni 250.000 personnes.
Les négociations concernant les modalités pratiques du rapatriement étant d'ordre humanitaires, elles incombèrent aux Croix-Rouges du Japon et de la RPD de Corée, qui signèrent un accord à Calcutta le 13 août 1959 puis éditèrent, le 3 septembre 1959, un guide pratique. Le 14 décembre 1959, le premier navire pour la RPD de Corée quitta le port japonais de Niigata, avec à son bord 975 rapatriés qui arrivèrent dans le port de Chongjin le 16 décembre, avant d'être reçus par le Président Kim Il-sung le 8 janvier 1959. Depuis un demi-siècle, quelque 100.000 Coréens du Japon, parfois accompagnés d'un conjoint japonais, sont revenus en RPD de Corée, principalement entre 1959 et 1962. Conformément à la promesse du Président Kim Il-sung, ils ont bénéficié de conditions favorables d'accueil, dans l'exercice notamment de leurs droits au logement et à l'emploi.
Source : Han Duk-su, Juche Thought and Practice in the Expatriate Movement, Institute of Social Science, Korea University, Tokyo, Japan, 1991.