En mars 1946, le Comité populaire provisoire de Corée du Nord mettait en oeuvre une des réformes agraires les plus complètes et les plus audacieuses en Asie. Dans le cadre de la commémoration du soixantième anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), l'AAFC a souhaité revenir sur une des réformes emblématiques du passage d'un régime féodal à un Etat socialiste en Corée.
Comme en Russie une génération plus tôt, au lendemain de la Révolution d'octobre, la réforme agraire a été l'une des exigences les plus pressantes de la paysannerie, qui dominait numériquement la société coréenne au lendemain de la Libération le 15 août 1945, après trente-cinq années de colonisation japonaise.
Pendant l'occupation japonaise, les récoltes de riz, largement exportées au Japon, avait soutenu l'effort de guerre de l'empire nippon, selon une politique d'exploitation rappelant celle de l'Allemagne nazie pendant la Seconde guerre mondiale, mais la Corée avait souffert de ces rapports économiques inégaux pendant une période beaucoup plus longue.
Dans le Nord de la péninsule coréenne, alors sous occupation soviétique et où dominent les partis politiques de gauche - au premier rang desquels le Parti du travail de Corée, issu de la fusion du Parti communiste avec d'autres formations politiques nées de la résistance à l'occupation japonaise - le Comité populaire provisoire a conduit, en mars 1946, une des réformes agraires les plus complètes en Asie.
L'ensemble des terres appartenant aux anciens propriétaires japonais et à leurs collaborateurs ont été confisquées, de même que l'ensemble des parcelles d'une superficie supérieure à 5 jeongbo (soit 12,25 acres). Les terres ont ensuite été redistribuées gratuitement aux paysans, sous la supervision d'un comité mis en place dans chaque village. Les paysans pauvres et les agriculteurs dominaient les comités, qui en un peu plus de 20 jours ont redistribué 981.390 jeongbo, représentant près de la moitié de l'ensemble des terres cultivées, à 724.522 familles paysannes, soit 70 % de la population agricole totale.
A la même période, le Sud de la Corée sous occupation américaine souffrait de pénuries alimentaires : au printemps 1946, des réquisitions étaient conduites par les troupes d'occupation, affectant en premier lieu les paysans pauvres et non les riches propriétaires et marchands.
La réforme agraire a ainsi été l'une des mesures les plus emblématiques de la Corée socialiste, fondée le 9 septembre 1948. La RPD de Corée a ensuite atteint l'autosuffisance alimentaire, alors même que le Nord de la Corée, plus montagneux, était traditionnellement dépendant des récoltes du Sud de la péninsule. Depuis l'effondrement de l'URSS et les catastrophes climatiques des années 1990, la RPDC lutte à nouveau pour son autosuffisance alimentaire, mais la structure économique - fondée, pour obtenir des économies d'échelle, sur de vastes fermes collectives et des lopins individuels - reste héritée de la réforme agraire de 1946. (Sources : AAFC et Korea Historical Association Research, A History of Korea, Saffron Korea Library, Seoul, 2005, pp. 271-272).