Dans le cadre de ses études autour du soixantième anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée, l'AAFC souhaite mettre en lumière quelques figures moins connues de la révolution coréenne : parmi elles, Kim Won-bong, anarchiste coréen qui rejoignit la Corée du Nord.
Dès ses origines, l'anarchisme coréen a été étroitement lié à la lutte pour la libération de la Corée de l'occupation japonaise, comme l'a notamment montré la thèse de doctorat de Oh Jang-whan "L'histoire du mouvement anarchiste coréen des origines à 1931". Sin Chai-ho est l'auteur du manifeste révolutionnaire coréen, anti-impérialiste, où est exposé le principe de l'anarchisme national, après la formation de la Fédération anarchiste coréenne en Chine, en avril 1924.
Un des anarchistes coréens les plus connus est Kim Won-bong, né en 1898 à Milyang (au sud-est de la Corée), membre d'un groupe terroriste, la Euiyul Dan (Société des Braves), fondée en mai 1919 en Mandchourie et qui évolua du nationalisme à l'anarchisme. Sous le nom de combattant de Kim Yak-san, il tenta notamment d'assassiner le vicomte Saito Makoto, gouverneur général de la Corée, le 12 septembre 1921.
La Société des Braves, présente en Corée, au Japon et en Chine, accomplit plus de trois cents actions contre les Japonais entre 1919 et 1924, dont une tentative d'assassinat de l'empereur du Japon le 4 janvier 1924. Plus de 300 de ses membres furent arrêtés et exécutés.
S'étant toujours dissocié de la résistance communiste, Kim Won-bong devint ministre de la défense du gouvernement de la République populaire de Corée, présidé par Syngman Rhee, formé le 14 septembre 1945. Il se retrouva toutefois bientôt dans la même situation que de nombreux patriotes coréens à la Libération : après être retourné en héros en Corée du Sud aux côtés de Kim Ku, Kim Won-bong fut menacé par les anciens collaborateurs des Japonais, réintégrés au plus haut niveau de l'Etat par Syngman Rhee. En particulier, Roh Duk-sul, bourreau notoire de la police coloniale japonaise intégré dans la nouvelle police sud-coréenne, avait juré de retrouver et de faire condamner à mort Kim Won-bong au nom de la répression anticommuniste. Traqué, Kim Won-bong choisit de passer au Nord en 1948, où il occupera plusieurs postes de responsabilités jusqu'à sa mort en 1958.
Le destin des anarchistes coréens, comme Kim Won-bong, n'est pas sans rappeler celui des anarchistes russes : ayant dû choisir leur camp durant la guerre civile, de nombreux anarchistes russes rejoignirent alors les Bolchéviques.