Le président Kim Yong-nam, président du praesidium de l'Assemblée populaire suprême de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), faisait partie des chefs d'Etat présents à la cérémonie d'investitude du nouveau président sud-africain Jacob Zuma, contrairement à la plupart de ses homologues occidentaux. Cette présence n'était pas un hasard : si l'Afrique du Sud démocratique a conservé des liens importants avec la Corée du Sud, ses dirigeants restent unis à Pyongyang par une solidarité née du combat commun contre l'apartheid.
Algérie, Palestine, Zimbabwe, Namibie, Afrique du Sud... la liste est longue des Etats qu'a soutenus la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) dans leur lutte pour l'indépendance et les combats contre les régimes d'apartheid.
Ces positions constantes de Pyongyang expliquent que la RPDC ait été représentée au niveau de son chef d'Etat en titre, le président Kim Yong-nam, lors de la cérémonie d'investiture du nouveau président sud-africain, M. Jacob Zuma, le samedi 9 mai 2009.
Le soutien de Pyongyang à la lutte contre l'apartheid
Dans le contexte de la rivalité intercoréenne, la solidarité avec l'ANC avait été renforcée par le soutien des dirigeants sud-africains aux Etats-Unis et à la Corée du Sud lors de la guerre de Corée : l'Afrique du Sud faisait partie des nations engagées dans le corps expéditionnaire des Nations-Unies, sous commandement américain.
Pendant l'apartheid, la RPD de Corée avait vivement condamné le régime raciste de l'Afrique du Sud, notamment au sein du mouvement des non-alignés, dont Pyongyang a été un des membres les plus actifs. Dans un discours intitulé Pour le développement du mouvement non-aligné, prononcé le 20 juin 1986, en clôture d'une réunion conjointe du bureau politique du Comité Central du Parti du travail de Corée et du Comité central populaire de la République populaire démocratique de Corée, le président Kim Il-sung avait ainsi déclaré :
"L'Afrique du Sud est un bastion majeur du colonialisme. La racisme sud-africain est la forme la plus cruelle de colonialisme. C'est un obstacle majeur à la libération complète et à la démocratisation de l'Afrique. Il est clair que si l'on ne met pas un terme à la politique d'apartheid de l'Afrique du Sud il sera impossible d'accomplir la cause de la libération nationale, de stabiliser la situation dans cette région et de défendre la paix et la sécurité mondiale.
Les pays non-alignés doivent renforcer leurs efforts conjoints pour soutenir le combat du peuple sud-africain pour la liberté et sa libération, le combat du peuple namibien contre l'occupation par l'Afrique du Sud et pour l'auto-détermination et l'indépendance, et les luttes des peuples des pays de la ligne de front et leurs voisins contre l'intervention et l'invasion de l'Afrique du Sud, et pour la défense de leur indépendance nationale.
Les pays non-alignés doivent apporter un soutien politique, diplomatique, matériel, financier, militaire et sous toute autre forme aux peuples sud-africain et namibien et aux autres nations qui luttent dans le Sud de l'Afrique et adopter des mesures concrètes pour isoler complètement le régime raciste de l'Afrique du Sud sur la scène internationale. Le mouvement non-aligné doit s'assurer que tous ses membres ainsi que les organisations internationales rompent leurs relations avec le régime raciste sud-africain dans tous les domaines, politique, économique, culturel, diplomatique et militaire".
Des relations rééquilibrées entre le Nord et le Sud de la Corée depuis 1994
Après la chute du régime d'apartheid, l'Afrique du Sud n'a pas rompu ses relations avec la Corée du Sud, devenu le principal partenaire économique de Séoul sur le continent africain, comme l'a rappelé Nelson Mandela lors d'une visite en Corée du Sud en 1995. Prix Nobel de la paix, à l'instar du président sud-coréen Kim Dae-jung (en photo avec Nelson Mandela, source BBC News), il a apporté son soutien à la politique intercoréenne de rapprochement fondée sur la déclaration du 15 juin 2000.
L'Afrique du Sud post-apartheid a toutefois rééquilibré ses relations avec les deux Etats de la péninsule coréenne, des relations diplomatiques ayant été établies avec la République populaire démocratique de Corée en août 1998. La RPDC a une ambassade à Prétoria, alors que l'ambassadeur sud-africain en poste à Pékin est également accrédité à Pyongyang.
L'Afrique du Sud et la RPDC ont également développé leurs relations économiques : selon les données du ministère sud-africain du commerce et de l'industrie, les exportations sud-africaines vers la Corée du Nord ont atteint 110 millions de dollars américains en 2007 (contre 54 millions de dollars en 2006 et 5 millions de dollars en 2005, suivant le taux de change de 8,38 rand pour un dollar applicable en mai 2009), tandis que les exportations de la Corée du Nord vers l'Afrique du Sud d'élevaient à 2,5 millions de dollars en 2007 (contre un peu plus de 1 million de dollars en 2005 et en 2006).
Ainsi que l'avait rappelé le président Kim Yong-nam dans un message de félicitations au président Nelson Mandela à l'occasion de son anniversaire, le 26 avril 1999, la coopération bilatérale entre les deux pays peut s'appuyer sur un soutien commun aux principes d'indépendance et de non-alignement, alors que l'Afrique du Sud, candidat à un poste de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations-Unies, a apporté son soutien à des pays qui ont été les adversaires des Etats-Unis, comme la Libye et Cuba.
Dans l'immédiat, des éléments nouveaux dans les échanges bilatéraux pourraient toutefois provenir du sport... si la RPD de Corée se qualifie pour la phase finale de la coupe du monde de football, qui se tiendra en Afrique du Sud en 2010.
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