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20 décembre 2015 7 20 /12 /décembre /2015 22:46

Le 19 décembre 2015, une nouvelle manifestation à Séoul a rassemblé des milliers de participants - à l'appel notamment du syndicat KCTU, dont l'arrestation du président Han Sang-gyun, à la veille de cette nouvelle journée d'action, pour le grief de "sédition" (inusité depuis  1986, à l'époque du régime militaire à Séoul) témoigne d'un nouveau tour de vis dans la répression antisyndicale en cours à Séoul. Plus que jamais, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) est solidaire des militants qui luttent pour la démocratie politique et syndicale en Corée du Sud.

Nouveau rassemblement pro-démocratie à Séoul, pour faire entendre la voix de la liberté et de la justice

Si les motifs des précédentes manifestations n'avaient pas suffi - refus de l'imprimatur gouvernemental sur les futurs livres scolaires d'histoire, condamnation de la répression antisyndicale - l'arrestation pour "sédition" du président de la Confédération coréenne des syndicats (acronyme anglais, KCTU) Han Sang-gyun aurait suffi à galvaniser les participants pour la troisième journée d'action depuis celle du 14 novembre 2015, qui avait réuni un nombre record de manifestants - ce qui avait entraîné un raid policier sans précédent dans les locaux de la KCTU. Visiblement, après le Parti progressiste unifié banni il y a un an, la très autoritaire Park Geun-hye semble décidée à interdire à présent la KCTU.

A l'annonce de l'arrestation de son principal dirigeant, la KCTU a d'ailleurs publié, le 18 décembre 2015, un communiqué où elle a dénoncé les manoeuvres en cours visant in fine à l'interdire :

 

La police essaie de présenter toute la KCTU comme une organisation violente et illégale, afin retirer comme des voleurs les fondements de notre existence légale.

Par dérision, les organisateurs ont appelé la manifestation du 19 décembre "fête de la sédition" - un délit passible de dix ans de prison. Ils ont également déclarer espérer le prompt rétablissement de Baek Nam-gi, leader paysan toujours entre la vie et la mort après les affrontements lors de la manifestation du 14 novembre : si des échauffourées ont bien eu lieu, le sort de Baek nam-gi suffit à rappeler qui disposait de la capacité de tuer, entre les forces de l'ordre et les manifestants.

Plus sensibles que leurs confrères européens à l'évolution de la situation politique en Corée du Sud, les journalistes américains s'alarment de la dérive autoritaire en cours au Sud de la Corée, en rappelant que Park Geun-hye est la fille du général Park Chung-hee dont le régime avait assassiné des milliers d'opposants.

Soulignant que les conservateurs au pouvoir à Séoul n'aiment pas les divergences d'opinion ("distate for dissent"), l'agence Associated Press souligne que la répression antisyndicale s'inscrit dans le cadre plus général d'un recul de la liberté d'opinion :

Des poursuites ont été engagées ces derniers mois, pour crime de diffamation, à l'encontre de journalistes et de militants qui ont publiquement critiqué Park [Geun-hye].

De fait, au milieu des tambours et des cornes de brume, les participants ont appelé une nouvelle fois, le 19 décembre, à la démission de la chef de l'Etat.

Alors que les élections législatives se tiendront en Corée du Sud au printemps prochain, la volonté de faire taire l'opposition la plus déterminée témoigne de la volonté des autorités sud-coréennes de tout faire pour conserver un pouvoir gagné, en 2012, sur fond de manipulation de l'opinion, sinon des votes.

Sources :

Lire également, sur le blog de l'AAFC :

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22 novembre 2015 7 22 /11 /novembre /2015 18:17

Une semaine après les manifestations d'envergure exceptionnelle du 14 novembre 2015, la présidente sud-coréenne Park Geun-hye a décidé de frapper vite et fort, comme elle l'avait menacé avant même que ne commence la journée d'action : le siège de la Confédération coréenne des syndicats (Korean Confederation of Trade Unions, KCTU), principal organisateur des manifestations du 14 novembre, a été la cible d'un raid policier sans précédent depuis sa fondation en 1995, sous la présidence de Kim Young-sam - qui était devenu en 1993 le premier président civil de la République de Corée (Corée du Sud) depuis plus de trente ans, et vient par ailleurs de décéder. Le raid policier a duré six heures : 700 agents de police ont pénétré à l'intérieur du siège de la KCTU pour saisir documents et matériels informatiques, quand 1.840 de leurs collègues étaient positionnés autour du bâtiment. Leur but ? Trouver les preuves d'une implication de la KCTU dans les incidents violents qui ont émaillé - comme trop souvent, hélas, en Corée du Sud - les manifestations du 14 novembre. La répression policière a causé quelque 30 blessés dans les rangs des manifestants (dont l'un est toujours entre la vie et la mort) - sur le sort desquels les médias conservateurs et pro-gouvernementaux sud-coréens éviteront soigneusement de faire allusion dans leurs comptes rendus d'une des plus spectaculaires descentes de police contre une organisation forte de centaines de milliers de membres, et ayant toujours agi dans la légalité.

Raid policier sans précédent au siège du syndicat KCTU

La descente de police opérée ce week-end en Corée du Sud a un air de déjà vu : de même, le principal parti de gauche, le Parti progressiste unifié (PPU), avait fait l'objet d'un raid des forces de l'ordre avant d'être interdit et ses députés déchus de leur mandat, sur la base de preuves fabriquées et d'un amalgame effectué à dessein entre l'action d'une partie de ses membres et l'ensemble de l'organisation.

Car Mme Park Geun-hye a besoin de preuves si elle veut détruire la KCTU, comme elle a fait auparavant interdire le PPU par une décision de la Cour constitutionnelle qui a été une farce juridique : les forces de l'ordre n'ont trouvé qu'un talkie-walkie et un casque au siège de la KCTU ? C'est bien maigre pour prouver qu'il s'agit d'une organisation poursuivant des objectifs insurrectionnels... Qu'à cela ne tienne : il suffit de rajouter dans la liste des documents saisis des haches, des marteaux et des cordes. Les dirigeants de la KCTU auront beau affirmer que lorsqu'ils organisent des rassemblements à la campagne ils ont besoin de haches pour couper du bois, et que les marteaux servent à briser la glace, l'essentiel est ailleurs : en communiquant opportunément sur la liste des objets saisis (ce qui, par ailleurs, n'est absolument pas l'usage), le gouvernement sud-coréen cherche à distiller l'idée que la KCTU, fondée il y a 20 ans, serait subitement devenue une organisation violente, dont la répression s'impose.

Car s'il est exact que des échauffourées ont eu lieu avec les forces de l'ordre sud-coréennes, ces dernières ne sont pas spécialement réputées pour leur faiblesse - le syndicaliste paysan toujours dans le coma suffirait à nous le rappeler... Voix fidèles du gouvernement conservateur, les médias de droite ou à capitaux publics ne manquent pas de souligner à satiété que certains manifestants avaient, le 14 novembre, des barres de fer et que des véhicules de police ont été détruits. Des véhicles de police dont ils se gardent de rappeler qu'ils étaient utilisés, au nombre de 700, comme éléments de barrage, dans une stratégie d'aiguisement des tensions savamment organisée par le pouvoir sud-coréen... Et que les barres de fer deviennent des haches dans l'imaginaire répressif de la droite sud-coréenne est une incohérence qui n'effleure pas davantage les partisans de Mme Park.

Dans leur offensive policière et juridique contre la KCTU, les autorités sud-coréennes cherchent aussi toujours à faire arrêter le leader de la centrale syndicale, Han Sang-gyun, qu'elles avaient déjà tenté de faire enlever à l'occasion des manifestations du 14 novembre lors d'une piteuse opération menée par des policiers en civil. Son crime ? Avoir activement permis l'organisation, ce 1er mai, des plus importantes manifestations jamais vues en Corée du Sud pour une fête du travail - lors desquelles des affrontements ont eu lieu entre la police et les manifestants. Au nom du principe de culpabilité par association (si un membre de la KCTU a agi en dehors du cadre légal pacifique, toute la KCTU est responsable), déjà utilisé pour interdire un syndicat enseignant trop critique vis-à-vis du pouvoir (le syndicat a été dissous car certains de ses membres n'étaient plus enseignants), Han Sang-gyun a écopé d'un mandat d'arrêt. Depuis, il se cacherait dans un temple bouddhiste de l'ordre Jogye.

Et si les disques durs saisis au siège de la KCTU ne disent rien ? C'est qu'ils auront été purgés, forcément, ont déjà prévenu par avance les autorités sud-coréennes : le même artifice avait déjà été utilisé en juillet pour emprisonner le militant des droits de l'homme Park Rae-gun ("si nous n'avons trouvé aucunes preuves à son domicile, c'est qu'il les a détruites"), placé depuis en liberté conditionnelle après le versement d'une caution. Des preuves ? Vous êtes coupable. Pas de preuves ? Vous êtes aussi coupable. L'argument est imparable.

A l'approche des élections législatives du printemps 2016 le pouvoir sud-coréen a besoin de criminaliser ses opposants, hier le PPU, aujourd'hui la KCTU - avant de chercher à impliquer les démocrates dans les combats du PPU et de la KCTU, en pratiquant l'amalgame. Avant, demain, de frapper cette même opposition libérale ? Si un tel scénario se produisait, il serait la réplique de ce qu'a ourdi le père de l'actuelle chef de l'Etat, le général Park Chung-hee, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat militaire, en 1961, avec le soutien au moins tacite des Etats-Unis. Son régime était devenu de plus en plus autoritaire jusqu'à ce qu'il soit assassiné en 1979 par son chef des services de renseignement, dans des conditions qui n'ont jamais été élucidées. 

Face aux menaces grandissantes qui pèsent sur les libertés politiques et syndicales en Corée du Sud, la vigilance et la solidarité avec les démocrates s'imposent : demain comme hier, l'AAFC répondra toujours présente dans le combat pour la démocratie en Corée du Sud.

Source :

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3 mai 2015 7 03 /05 /mai /2015 10:48

L'affluence à Séoul a été exceptionnelle pour un 1er mai : 150 000 personnes (ayant fait face à un déploiement de 62 000 policiers) se sont réunies dans la capitale sud-coréenne pour refuser les projets gouvernementaux de déréglementation du droit du travail. Une exaspération sociale sur fond de mécontentement politique, alors qu'un nouveau scandale de corruption a conduit à la démission du Premier ministre, et que le Gouvernement refuse de céder aux demandes des familles des victimes du naufrage du ferry "Sewol" - qui, il y a un an, a entraîné la mort de 304 personnes, dont 250 élèves d'un même lycée. Ce 1er mai 2015, les autorités sud-coréennes ont à nouveau frappé fort, en procédant à 12 arrestations.

1er mai : nombre record de manifestants à Séoul

Le rassemblement organisé à 15 heures place de Séoul par la Confédération coréenne des syndicats (acronyme anglais : KCTU), la plus revendicative des deux principales centrales syndicales, a réuni 50 000 personnes. Han Sang-gyun, président de la KCTU, a souligné son refus des modifications unilatérales du marché du travail, qui consiste à faciliter les licenciements et à encourager les recrutements en contrat à durée déterminée, et demandé le retrait des projets de diminution des retraites des fonctionnaires. Il a aussi demandé au Gouvernement d'assumer toutes ses responsabilités dans la tragédie du "Sewol", en retirant le décret d'application de la loi sur le "Sewol". La KCTU a également mis en avant sa demande de revalorisation du salaire minimum horaire, pour qu'il soit porté de 5 580 won (soir 4,61 euros) à 10,000 won (soit 8,27 euros).

La police a fait un barrage avec des bus et des camions et utilisé de l'eau et du gaz lacrymogène contre les manifestants qui protestaient à propos du "Sewol", et voulaient se rapprocher de la Maison bleue, siège de la présidence.

La police a fait un barrage avec des bus et des camions et utilisé de l'eau et du gaz lacrymogène contre les manifestants qui protestaient à propos du "Sewol", et voulaient se rapprocher de la Maison bleue, siège de la présidence.

La Fédération coréenne des syndicats (acronyme anglais : KFTU), l'autre principale centrale syndicale, a réuni 100 000 de ses membres au parc Yeouido, à Séoul, à partir de 14 heures. Kim Dong-man, président de la KFTU, a également dénoncé le projet gouvernemental de déréglementation du marché du travail, en estimant qu'il allait accroître sa segmentation en un secteur plus protégé et un secteur précaire. Il a envisagé le lancement d'une grève générale contre le projet de réforme, rejoignant ainsi les revendications de la KCTU avec laquelle des initiatives communes deviennent ainsi envisageables.

Quand des membres de la KCTU ont tenté de s'approcher des quartiers d'Insa et Anguk, qui ne faisaient pas partie du trajet déclaré de la manifestation, la police a immédiatement bloqué les accès et lancé du gaz lacrymogène. Certains syndicalistes ont tenté de forcer le barrage, entraînant l'arrestation de 12 personnes (selon un bilan effectué à 20 heures) à l'issue d'échaffourées avec les forces de l'ordre qui avaient mobilisé 190 compagnies et 15 000 hommes.

Une centaine de membres des familles des victimes du "Sewol" ont également rejoint les manifestants, tenant un rassemblement pendant toute la nuit pour exiger du Gouvernement qu'il cesse les entraves à la révélation de la vérité.

1er mai : nombre record de manifestants à Séoul

Principale source :

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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 23:55

En République de Corée (Corée du Sud), le syndicat des travailleurs à temps partiel a décidé d'occuper, le 7 février 2015, deux McDonald's à Séoul : dans le quartier de Sinchon et à l'Université Yonsei. Dans un entretien au quotidien Hankyoreh, Lee Hye-jeong, secrétaire générale du syndicat, a déclaré souhaité dénoncer les pratiques du groupe américain qui méconnaissent les droits des travailleurs depuis son implantation en Corée en 1988. Retour sur un mouvement social qui vient de loin.

Manifestation en novembre 2014 à l'extérieur du restaurant McDonald's de Yeokgok, à Bucheon, après le non-renouvellement du contrat de Lee Ga-hyun, qui était syndiquée

Manifestation en novembre 2014 à l'extérieur du restaurant McDonald's de Yeokgok, à Bucheon, après le non-renouvellement du contrat de Lee Ga-hyun, qui était syndiquée

Les syndiqués sud-coréens ne mâchent pas leurs mots : pour eux, la multinationale américaine est devenue un symbole du travail précaire qui, en Corée du Sud, prend la forme du travail à temps partiel subi. Et un événement est devenu un symbole : en novembre 2014, Lee Ga-hyun, une employée de 21 ans, a vu son contrat non renouvelé, au prétexte qu'elle ne respectait pas ses horaires de travail... alors qu'elle était forcée d'arriver plus tard et de partir plus tôt. Par ailleurs, son employeur lui a reproché, en étant syndiquée, de mettre "mal à l'aise" ses collègues de travail... une discrimination à l'encontre des syndiqués hélas monnaie courante en Corée du Sud, où la pratique de refus de création de syndicats est pratiquée dans de nombreuses sociétés, y compris parmi les plus importantes.

Le groupe a répondu en mettant en avant la promotion sociale de nombre de ses employés. Mais aussi en dissimulant les vraies raisons du non-renouvellement du contrat de Mme Lee, qui selon lui serait partie de son plein gré... Car les faits sont têtus : selon une enquête conduite par le syndicat des travailleurs à temps partiel, respectivement 65 % et 22 % d'entre eux ont déclaré que leurs horaires de travail n'étaient pas respectés et qu'ils subissaient des retards dans le versement de leurs salaires, souvent très proches du minimum légal.

Sollicité par le Hankyoreh, McDonald's n'a pas souhaité repondre : il est des silences éloquents.

Source :

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24 juillet 2014 4 24 /07 /juillet /2014 08:47

Le dimanche 13 juillet 2014, la coupe du monde de football au Brésil s'est terminée sur la victoire de l'équipe allemande face à l'Argentine. Bien organisée, sans réels débordements, cette coupe du monde peut être considérée comme une réussite du point de vue de l'organisation et du spectacle offert. Pourtant, avant l'ouverture d'un des événements sportifs les plus rentables et les plus regardés au monde, de nombreuses voix se sont élevées au Brésil contre son organisation dans un Etat souvent considéré comme le pays du football. Les opposants ont trouvé des relais à l'étranger, notamment en Corée du Sud.

Soutien en Corée du Sud aux manifestants brésiliens contre la coupe du monde

De nombreux Brésiliens sont descendus dans la rue dès le mois de mai. D'abord des manifestations pacifiques, les rassemblements ont ensuite donné lieu à des affrontements avec la police et l'armée qui ont conduit une répression sévère. Parties de Porto Alegre suite à l'annonce de la hausse des tarifs d'autobus, les manifestations se sont étendues à l'ensemble du Brésil et ont débouché sur un mouvement aux revendications plus larges, critiquant la politique du Gouvernement et en particulier les dépenses liées à l'organisation de la coupe du monde de football de 2014, jugées dispendieuses : les opposants ont considéré que ces sommes auraient été plus utilement consacrées à l'action sociale, à la santé et à l'éducation. 

Ces actions ont rencontré un soutien international, notamment du mouvement sud-coréen  세월 호 몰살 에 분노 하는 노동자 행동 (Travailleurs en colère contre le meurtre du Sewol, créé suite au naufrage de ce ferry).

Le groupe, créé par des membres du syndicat coréen KCTU, a vivement critiqué la répression des autorités brésiliennes contre les manifestants. Dans une conférence de presse qui s'est tenue le 16 juin 2014, il a dénoncé le recours par les forces de l'ordre à des pistolets avec des balles en caoutchouc, 200.000 soldats ayant été déployés, ainsi qu'une hausse des prix des biens de consommation courante de plus de 6 % en un mois -  quand dans le même temps les bénéfices de la FIFA tirés de la vente des billets d'entrée aux matchs de la coupe du monde auraient atteint 4,5 milliards de dollars. Le collectif a aussi dénoncé les menaces de sanctions administratives du gouvernement sud-coréen contre les diffuseurs des chaînes de télévision et de radio si les matchs n'étaient pas retransmis - alors que le secteur sud-coréen des médias a connu de nombreux mouvements sociaux.  Les militants sud-coréens se sont ainsi déclarés solidaires de la lutte et de la résistance des travailleurs et des citoyens sud-coréens contre la coupe du monde, événement mercantile.


Les militants sud-coréens ont également entendu dénoncer les relations entre le pouvoir et les médias, dont rend compte la note du gouvernement sud-coréen aux chaînes de télévision et de radio. Déjà, en 2002, lors de la co-organisation de la coupe du monde par le Japon et la Corée du Sud, des scandales de manipulation des médias et de corruption avaient éclaté.

 

Le début des matchs a entraîné une nette baisse d'intensité des manifestations, à laquelle ont contribué tant le renforcement du dispositif militaire et policier qu'une forme d'union sacrée des Brésiliens autour de leur équipe nationale. Mais la contestation sociale devrait reprendre après le mondial raté de la sélection brésilienne suite à sa débâcle en demi-finale (défaite 1-7 contre l'Allemagne).

Sources :

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12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 12:25

Depuis 2008, les habitants de Miryang, dans la province de Gyeongsang du Sud en République de Corée (du Sud), refusent l'implantation de tours à haute tension de 765 kV le long des lignes électriques desservant Ulsan au District de Changnyeong dans la province de Gyeongsang du Sud. La motivation de ces habitants - majoritairement des personnes âgées, et parmi elles de nombreux agriculteurs - est double : les risques que font peser ces tours sur leur santé, et les pertes de terres agricoles mal indemnisées. Le sujet a pris une ampleur nationale en Corée du Sud depuis le suicide d'un habitant, M. Lee Chi-woo, qui s'est incendié le 16 janvier 2012. Une autre habitante, Mme Yoo Han-sook, s'est à son tour suicidée le 6 décembre 2013, en buvant des pesticides - et une autre tentative de suicide a eu lieu le 13 décembre 2013. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) est solidaire du combat des habitants de Miryang, rejoints par des militants politiques : il n'est que trop temps que leurs revendications soient entendues et qu'un dialogue puisse enfin s'instaurer.

La lutte des habitants de Miryang est symptomatique des maux politiques et sociaux dont souffre la Corée du Sud : une entreprise (en l'occurrence, Korea Electric Power Corporation, ou KEPCO) qui refuse le dialogue ; un gouvernement qui recourt à la méthode forte en assimilant la légitime contestation démocratique à des formes de désobéissance, voire de subversion ; enfin, des habitants qui, désespérés, choisissent de faire le sacrifice de leur vie pour réveiller les consciences de leurs concitoyens.

Car depuis la décision gouvernementale de l'implantation des tours à haute tension en 2007, les protestations continues des habitants - depuis juillet 2008 - n'ont, semble-t-il, que conduit à un durcissement des positions gouvernementales. la suspension de la construction en 2012 est apparue a posteriori comme une manoeuvre dilatoire, après qu'un premier suicide avait soulevé l'indignation dans l'ensemble du pays.

Plus grave encore, alors que la Corée du Sud souffre d'un très fort exode rural, les études conduites en 2009, et concluant que les seuls risques sur la santé pèseraient sur les villageois de Miryang et des environs, est révélatrice d'un mépris pour les populations rurales. Le développement industriel forcé - qui, en Corée du Sud, a pris la forme du choix de l'électricité nucléaire, comme dans le cas d'espèce - a accentué les déséquilibres régionaux et réduit les zones rurales à une lente mort économique, corrélative à un dépeuplement sans perspective de retournement de tendance.

La répression s'est accentuée ces derniers jours. Le 9 juin 2014, les autorités locales de Miryang ont annoncé l'exécution de la décision d'expulser de force les protestataires. Ce sont au total 2 000 policiers qui ont été déployés le 11 juin, et ont délogé les contestataires dans un accès de violence inacceptable, en détruisant les tentes mises en place.

Il est temps de connaître et faire connaître, en France, le juste combat des habitants de Miryang, dans un mouvement de solidarité internationale.

Le combat des habitants de Miryang : une lutte exemplaire
Le combat des habitants de Miryang : une lutte exemplaire
Les contestataires de Miryang ont été délogés de force par la police le 11 juin 2014

Les contestataires de Miryang ont été délogés de force par la police le 11 juin 2014

Source :

Source des images et sur l'intervention des forces de police le 11 juin 2014 :

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25 février 2014 2 25 /02 /février /2014 00:37

Another-Promise_poster_Kim-Tae-Yun_Korea.jpgDans son édition du 20 février 2014, le site américain The Verge a publié un article racontant comment un journal sud-coréen en ligne, NewDaily Biz, avait retiré de son site un article relatif au film Another Promise de Kim Tae-yun - une fiction adaptée d'un cas réel : la mort, suite à une leucémie, d'une jeune ouvrière de Samsung, Hwang Yu-mi, après son exposition à des substances toxiques dans une usine de semi-conducteurs - et dont avait rendu compte l'Association d'amitié franco-coréenne. Les excuses du président du journal sud-coréen éclairent d'un jour très cru les relations de dépendance des médias sud-coréens vis-à-vis des grands groupes privés, illustrant une autre lacune de la démocratie en Corée du Sud.  Nous publions ci-après une traduction d'un article paru dans The Verge, en appelant chacune et chacun à continuer la mobilisation pour que Samsung reconnaisse la réalité des morts au travail dans ses usines, et que le film Another Promise reçoive toute l'audience qu'il mérite.
   
Le président d’un journal sud-coréen en ligne aurait ordonné à ses rédacteurs en chef de retirer un article sur un film hostile à Samsung, Another Promise, puis envoyé des messages d’excuse aux dirigeants de Samsung qui se seraient plaints de la couverture médiatique par le journal. Mais les messages du président de NewDaily Biz, Park Jung-kyu, ont été envoyés par erreur aux journalistes d’une publication sud-coréenne qui lui est associée, Pressian, qui les a alors publiés mais sans les noms des personnes concernées. Ces messages suggèrent que NewDaily Biz aurait fait disparaître l’article sur Another Promise sous la pression de Samsung. Samsung nie avoir exercé la moindre pression.
   
L’article, publié le 5 février, rapporte que des célébrités ont fait des dons personnels pour financer la diffusion du film. Another Promise est une fiction qui dépeint Hwang Sang-ki, dont la fille de 23 ans est décédée d’une leucémie aiguë en 2007. Hwang Yu-mi est tombée malade après avoir été exposée à des produits chimiques dangereux dans une usine de Samsung à Suwon. Elle fait partie des nombreux travailleurs tombés malades après avoir travaillé dans des usines de semi-conducteurs. Un tribunal de Séoul a donné raison au père de Hwang en 2011, en déclarant qu’il y avait une forte probabilité que la leucémie provienne de son exposition à des substances dangereuses.  


Des détails changés dans le film pour éviter une action en justice


Dans Another Promise, l’entreprise où travaille Hwang Yu-mi s’appelle « Jinsung ». Les réalisateurs ont déclaré au Guardian qu’ils avaient modifié certains détails du film pour éviter une action légale de Samsung. Le film, qui est sorti en salles en Corée du Sud le 6 février, a retenu l’attention en étant le premier film coréen entièrement financée par des dons privés et des appels à la générosité publique.


Ces donations ont été partiellement motivées par des inquiétudes croissantes sur les conditions de travail des employés des usines de semi-conducteurs. Un groupe d’activistes, les partisans de la santé et des droits des personnes de l’industrie des semi-conducteurs, a déclaré au Guardian que 200 employés produisant des puces électroniques étaient tombés malades après une exposition prolongée aux produits chimiques. Mais ils sont peu nombreux à avoir réussi à obtenir des dédommagements.

Par ailleurs, l’entreprise a connu une série de fuites de gaz toxiques ou d’acides dans ses usines coréennes. Les fuites ont entraîné la mort d’un travailleur et blessé quatre autres personnes.

 

Dans les messages adressés à Samsung, Park a déclaré qu’il avait eu des problèmes de sommeil et dans son travail depuis qu’il avait pris ses fonctions de président de NewDaily Biz, plus tôt dans le mois. Compte tenu des pratiques journalistiques en Corée, Pressian a censuré les noms dans son compte rendu originel, y compris en ce qui concerne NewDaily Biz. Tous les détails ont été ensuite publiés dans un article du journal coréen Mediatoday. Park a écrit en coréen qu’ « il avait fait de son mieux pour créer des relations de confiance entre Samsung et Newdaily (…). J’ai parlé à Park Jong-moon, qui m’a fait part de la déception de Samsung quant à l’article que nous avions publié le mois précédent sur Another Promise. Après un examen détaillé, j’ai directement donné l’ordre de retirer l’article. L’éditorialiste n’avait aucune mauvaise intention, et les responsables seniors n’avaient rien remarqué ».  

 

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Park a déclaré que l’article était un « doublon »  

 

Interrogé sur ses messages par les journalistes de Pressian, Park a déclaré que l’article avait été retiré le 18 février parce qu’il constituait un « doublon » reprenant les informations d’un précédent article. Il a ainsi nié que Samsung ait pu exercer des pressions sur lui.  

 

L’influence de Samsung pèse fortement en Corée, et les médias du pays se sont longtemps abstenus d’écrire des articles qui pourraient avoir des effets négatifs sur le conglomérat. Quand un livre critique sur le président de Samsung, Lee Kun-hee, a été publié en 2010, la plupart des grands médias ont refusé d’en rendre compte. Les messages de Park montrent combien la presse coréenne s’efforce de préserver des bonnes relations avec les grands groupes – et donne une idée de l’agressivité avec laquelle Samsung gère son image dans les médias coréens.  

 

Mise à jour : après la publication de cet article, Samsung a publié le droit de réponse ci-après :  

 

Nous nions catégoriquement les allégations selon lesquelles Samsung aurait essayé d’user de son influence sur la couverture par les médias, y compris en ce qui concerne ce film, qui avait déjà largement été couvert par les médias nationaux et internationaux, avant même sa sortie en salles début février. Les allégations concernant l’article en question sont clairement sans fondements.  

 

Hyunhu Jang a contribué à cet article.

Source : The Verge (dont photos des messages en coréen). Traduction AAFC 

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13 février 2014 4 13 /02 /février /2014 01:15

Le 10 février 2014, des travailleurs migrants du Musée africain d'art premier (Africa Museum of Original Art, AMOA) de Pocheon ont manifesté devant le siège du Parti Saenuri (conservateur, au pouvoir à Séoul) pour protester contre leurs conditions de travail inhumaines. Le Président du musée, Hong Moon-jong, est le secrétaire général du Parti Saenuri.

Africa-Museum-of-Original-Art_protestors.jpg
C'est une histoire d'esclavage moderne, touchant des travailleurs migrants sans droits dans un pays - la République de Corée (du Sud) - qui se targue de faire partie du club des pays industrialisés membres de l'OCDE, mais qui ne respecte toujours pas les standards minimums du droit international du travail. La République de Corée reste, pour des millions de travailleurs, un enfer du capitalisme, où l'élévation  spectaculaire du niveau de vie depuis les années 1960 a été obtenue au prix d'une exploitation féroce, et où un racisme toujours présent place les travailleurs migrants au ban de la société.

Il a fallu une manifestation publique de 12 des victimes pour comprendre le calvaire qu'ont vécu depuis des années 24 travailleurs migrants - originaires du Burkina Faso, du Zimbabwe... - embauchés par le Musée africain d'art premier (AMOA) de Pocheon, pour réaliser des performances, créer des sculptures ou accomplir d'autres tâches. Les atteintes aux droits fondamentaux des travailleurs sont multiples : non-respect de la législation sur le salaire minimum (les sommes reçues étaient inférieures d'au moins la moitié au minimum légal, fixé à 1.269.000 won ou 1.154 dollars américains par mois) ; versement de sommes insuffisantes pour subvenir aux besoins alimentaires ; non-respect des termes des contrats de travail (les trois performances quotidiennes étaient au nombre de six ou sept) ; méconnaissance des droits à congés... enfin confiscation des passeports lorsque la mobilisation a commencé. Les explications apportées par l'AMOA sont humiliantes, qui feint d'imaginer un statut des intermittents du spectacle ("ils ne travaillaient que 40 minutes par jour") qui n'existe pas en Corée du Sud, et ose prétendre qu'il n'avait pas d'autre choix que de confisquer les passeports pour éviter que les travailleurs ne partent... les passeurs exploitant la détresse des immigrants illégaux ne se comportent pas autrement.
 

Faina-sculptor-from-Zimbabwe.jpg
Les artistes et les autres travailleurs africains employés par l'AMOA en étaient réduits à se loger dans des logements insalubres infestés de souris, dans certains cas sans chauffage ni isolation. Enfin, leurs visas de travail n'ont pas été renouvelés après avoir expiré le 9 février dernier, et ils sont ainsi tenus de quitter le territoire coréen d'ici le 27 février. Non seulement ils ont été traités dans des conditions inhumaines, mais ils sont à présent considérés par les autorités sud-coréennes comme indésirables !

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Si, dans tous les pays du monde, l'exploitation des migrants prend des proportions hors du commun, le scandale est de taille en Corée du Sud : il ne s'agit pas de travailleurs clandestins, et leur employeur a pignon sur rue, tant par la renommée de l'institution qu'est l'AMOA que par le statut de son directeur, député, secrétaire général du Parti Saenuri (conservateur, au pouvoir), ce qui témoigne du peu de cas que le Parti Saenuri fait des droits des travailleurs. La manifestation devant le siège du parti a retenti du son des instruments traditionnels.


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Aux conditions de travail et de vie indignes s'ajoute l'ignominie du discours raciste : un des administrateurs du musée a fait savoir qu'il imaginait que, dans le pays d'origine des travailleurs africains, les salaires versés correspondaient à des revenus importants. Sans doute ce brave administrateur ignorait-il que le coût de la vie n'est pas le même en Corée et dans l'Afrique subsaharienne ? Les promesses d'un logement décent, avec une télévision et un ordinateur, rappellent celles faites aux victimes des réseaux de prostitution, à qui l'on fait miroiter la promesse d'être des mannequins. Les formes modernes de la traite humaine emploient décidément des chemins bien connus.


Il est plus que temps que la Corée du Sud cesse sa course vers une dérive libérale autoritaire. L'AAFC sera, aujourd'hui comme hier, aux côtés des travailleurs sud-coréens pour la défense de leurs droits. Elle continuera d'interpeller le Gouvernement français pour qu'il ouvre enfin les yeux sur la réalité sud-coréenne et ne soit plus atteint d'hémiplégie lorsqu'il prétend faire des droits de l'homme une ligne directrice de sa diplomatie dans la péninsule.

Source : Hankyoreh (articles des 11 et 12 février 2014, dont photos)

 

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31 décembre 2013 2 31 /12 /décembre /2013 16:18

greve_chemins-de-fer_coree_accord.jpgLe 30 décembre 2013 le syndicat des cheminots de la République de Corée (du Sud) et les parlementaires de la majorité et de l'opposition sont parvenus à un accord (annoncé par le syndicat, cf. photo à gauche), qui a conduit à la suspension du mouvement. Mais le combat contre la privatisation de KORAIL continue.

Au vingt-deuxième jour de la grève des cheminots de la Korea Railroad Corporation (KORAIL), le syndicat a annoncé l'arrêt de la grève, dans la matinée du 30 décembre. La veille au soir, les parlementaires de la majorité et de l'opposition étaient parvenus à un accord, signé vers minuit, prévoyant la création d'un sous-comité pour le développement du chemin de fer.

La grève avait été déclenchée suite à l'annonce par KORAIL de la création - devenue effective depuis, avec la délivrance d'une licence le 27 décembre 2013 - d'une filiale KTX Suseo, chargée de la nouvelle ligne du train à grande vitesse (KTX) au départ de la gare de Suseo, au Sud-Est de la capitale, ouvrant ainsi la voie à une possible privatisation et à des licenciements. La direction de l'entreprise publique et le gouvernement sud-coréen avaient alors joué le pourrissement du conflit - juge "illégal" - et des sanctions (mises à pied, mandats d'arrêt) avaient été décrétées, jusqu'à une intrusion spectaculaire de 4 000 policiers dans les locaux du syndicat KCTU qui avait conduit ce dernier à lancer un appel à la grève générale le 28 décembre. 

Selon le secrétaire général du Parti démocrate (PD, principal parti d'opposition, centre-gauche), Park Ki-choon, "deux membres du syndicat de KORAIL sont entrés à l’intérieur du siège du PD à Yeouido en demandant une médiation du milieu politique et une protection contre l’arrestation de la police. La négociation avait ensuite repris sur l’ordre du chef du parti, Kim Han-gil, le 28 décembre". Le Parti démocrate avait déjà proposé une médiation, en souhaitant un aboutissement avant la fin de l'année. Les négociations avaient été menées tambour battant au cours du dernier week-end. L'accord, conclu entre la majorité et l'opposition parlementaires, avait ensuite été soumis au syndicat des cheminots, dirigé par M. Kim Myung-hwan, au siège de la KCTU.

Le sous-comité parlementaire pour le développement du chemin de fer devrait garantir l'absence de privatisation et jouer un rôle de dialogue social, face au risque non seulement de sanctions, mais également de restructurations et de licenciements. Le sous-comité comporte des députés du PD et du Parti Saenuri (conservateur, majoritaire). Son président, M. Kang Seok-ho, appartient au parti conservateur. Le sous-comité s'est réuni pour la première fois le 31 décembre 2013, en présence de M. Choi Yeon-hye, président de KORAIL.

Avant la reprise du travail, les cheminots ont conduit des manifestations dans tout le pays en indiquant qu'ils continueraient le combat contre la privatisation, y compris par des actions menées sur le terrain judiciaire. De fait, dix représentants du syndicat ont engagé une action à l'encontre du ministère du Territoire et du Transport, en charge des lignes de chemins de fer, pour invalider le permis accordé par le gouvernement à la société KTX Suseo. Bref, la lutte continue, mais sous d'autres formes.

Sources :
- Yonhap, "Grève des cheminots : arrêt de la grève avec création d'un sous-comité parlementaire", dépêche en date du 30 décembre 2013 (dont photo) ;
- Yonhap, "Retour au travail des cheminots après la grève", dépêche en date du 31 décembre 2013.

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25 décembre 2013 3 25 /12 /décembre /2013 17:59

Le 22 décembre 2013, les forces de police sud-coréennes ont violemment investi les locaux du syndicat KCTU, à la recherche de syndicalistes de l'Union coréenne des chemins de fer (acronyme anglais : KRWU) contre lesquels le Gouvernement a lancé un mandat d'arrêt. L'irruption de la police dans les locaux de la KCTU, sans précédent depuis la légalisation de la KCTU en 1999, montre clairement la volonté des autorités de Séoul d'aller à l'affrontement pour faire cesser une grève qu'elles jugent "illégale", de concert avec la direction de l'entreprise. En réaction, la KCTU a lancé un appel à la grève générale à compter du 28 décembre prochain, se déclarant en campagne pour "faire tomber l'administration Park".
   

greve_cheminots_coree-du-sud_21-decembre-2013.jpg

Le 9 décembre 2013 à 9 heures du matin, après l'échec des négociations avec la direction, le syndicat des cheminots lançait une grève contre la décision - actée le lendemain - de la société Korail de créer une filiale KTX Suseo, chargée de la nouvelle ligne du train à grande vitesse (KTX) au départ de la gare de Suseo, au Sud-Est de la capitale. Le capital de KTX Suseo, public, serait détenu à 41 % par Korail. Si la direction de Korail et le gouvernement de la présidente Park Geun-hye ont affirmé qu'il ne s'agissait, selon eux, en aucun cas d'une privatisation, de fait la mise en place d'une société distincte jette les bases pour une évolution en ce sens, puisqu'il suffira ensuite de céder les parts que détiennent les personnes publiques dans le capital de KTX Suseo. Le syndicat KRWU dénonce également une première étape vers des licenciements massifs et exige également, l'engagement de discussions sociales, que refuse Korail (à gauche, manifestation sur la place de Cheonggye, source).

Cette grève, la première dans les chemins de fer depuis quatre ans, est considérée comme illégale par Korail. La direction a ainsi décider de sanctionner et de suspendre les 8 000 grévistes ayant rejoint le mouvement. Elle a également porté plainte contre 190 dirigeants du syndicat, en arguant des pertes financières engendrées par la grève.

Répondant aux voeux de la direction de Korail, la police a opéré une descente dans les locaux du syndicat des cheminots KRWU. Les policiers étaient munis de mandats d'arrêt, suite au refus des dirigeants du mouvement de se présenter aux convocations des procureurs.

Dans la nuit du 17 au 18 décembre, un accord a été conclu entre la société Séoul Métro, exploitatrice de quatre des neuf lignes de métro de la capitale, et le syndicat, qui avait lancé un préavis de grève à compter du 18 décembre et aurait donc rejoint le mouvement de protestation.

Le 22 décembre, ce sont 4 000 policiers qui ont occupé, pendant douze heures, les locaux de la centrale KCTU, dans une chasse à l'homme contre neuf dirigeants syndicaux de KRWU soupçonnés d'avoir trouvé refuge au siège u syndicat (depuis, il a été annoncé qu'au moins plusieurs d'entre eux seraient abrités dans un temple bouddhiste de l'ordre Jogye). Scandalisé par une action sans précédent depuis sa légalisation en 1999 et ayant conduit à 136 arrestations (photo ci-dessous : arrestation d'un syndicaliste de la KRWU au siège de la KCTU, le 22 décembre 2013), le syndicat KCTU a dénoncé "une violente action dictatoriale" et lancé un mot d'ordre de grève générale à compter du 28 décembre.
   

descente-de-police_coree-du-sud_KCTU_22-decembre-2013.jpg
Le quotidien progressiste Kyunghyang Shinmun, dont les locaux sont situés dans le même immeuble que la KCTU, a rendu compte de la violence inouïe de l'attaque des forces de police (photo ci-dessous, source) : "la principale porte vitrée a été brisée par un marteau lancée par la police, l'odeur âcre du gaz lacrymogène imprègne encore chaque coin du bâtiment et des morceaux de verre et d'autres débris jonchent le sol. C'était tout simplement un acte de violence qui a ramené la société sud-coréenne des dizaines d'années en arrière et constitue une sérieuse remise en cause de la liberté de la presse et de la démocratie. C'est pourquoi nous faisons fortement pression sur le Gouvernement pour identifier clairement comment les dernières actions de violence contre la presse et la démocratie ont été préparées et menées, afin d'en punir les responsables".

attaque_police_contre-la-KCTU_22-12-2013.jpg
La criminalisation des grévistes a un but clair : comme naguère Mme Thatcher, la présidente sud-coréenne Mme Park Geun-hye s'enorgueillit de ne pas céder aux revendications sociales et elle escompte une radicalisation du mouvement qui mettrait à genoux les grévistes et lui profiterait, en atteignant la popularité d'une grève qui bénéficie d'un large soutien dans l'opinion. Comme l'a observé le professeur Cho Hee-yeon de l'Université Sungkonghoe dans un entretien au quotidien Hankyoreh, "il semble qu'il s'agit d'une décision stratégique de la ligne dure des bureaucrates de la Maison bleue [note de l'éditeur : siège de la présidence sud-coréenne] (...) Ecraser la grève contre la privatisation est le seul moyen de maintenir les syndicats sous contrôle, et ils pourraient aussi engager la prochaine étape de leur politique".

La mobilisation de l'appareil d'Etat policier et judiciaire aux côtés du Gouvernement et de la direction de Korail est symptomatique de la profonde régression des libertés politiques et sociales en Corée du Sud, un an après l'élection - lourdement controversée - de Mme Park Geun-hye à la présidence de la République. Il est manifeste que cette dernière, qui avait déjà exercé les fonctions de "première dame" pendant le régime militaire instauré par son père, n'a, à l'instar des émigrés d'Ancien régime revenus en France en 1814, rien appris ni rien oublié. Car dans quel autre pays démocratique une grève serait-elle considérée par nature comme illégale ? Dans quel autre pays démocratique les locaux d'un syndicat donneraient-ils lieu à une occupation de type militaire, dans une terrifiante chasse à l'homme qui n'a d'autre but que de faire des exemples et d'étouffer toute velléité contestatrice ? La direction de Korail et le gouvernement de Mme Park affirment qu'ils n'ont pas l'intention de privatiser. Alors, pourquoi refusent-ils le dialogue social proposé par la KRWU, de même que la médiation offerte par les députés du Parti démocrate (centre-gauche, principal parti d'opposition) ?

En réalité, comme pour l'interdiction du principal syndicat enseignant et du Parti progressiste unifié, le pouvoir sud-coréen est engagé dans un bras-de-fer dont l'objectif est bien d'étouffer toute voix critique. A cet égard, la grève de la KRWU est une opportunité qu'exploite Mme Park Geun-hye pour faire triompher sa vision d'un Etat corporatiste, dans lequel les syndicats intégrés ne serviraient plus que de courroie de transmission des mesures d'accompagnement de la marche forcée à la privatisation, à la dérégulation et aux licenciements. Les gouvernements occidentaux, en fermant les yeux sur ces atteintes de plus en plus patentes aux règles basiques d'un Etat de droit, sont aujourd'hui les complices des fossoyeurs de la démocratie sud-coréenne.

Sources :
- KBS, "Grève des cheminots sud-coréens inquiets d'une éventuelle privatisation de Korail", dépêche en date du 9 décembre 2013 ;
- KBS, "La police perquisitionne les bureaux du syndicat de Korail en raison de la grève des cheminots", dépêche du 17 décembre 2013 ;
- KBS, "Le syndicat et la direction de Séoul Métro trouvent un terrain d'entente et évitent la grève", dépêche du 18 décembre 2013 ;
- KBS, "Le ministre des finances promet qu'il n'y aura pas de privatisation des chemins de fer", dépêche en date du 20 décembre 2013 ;
- KBS, "Les cheminots syndiqués continuent à manifester", dépêche du 21 décembre 2013 ;
- KBS, "La police tente sans succès d'arrêter les leaders syndicaux des cheminots", dépêche du 22 décembre 2013 ;
- Hankyoreh, "To cling to power, Park's administration resorts to force", article du 23 décembre 2013 ;
- Kyunghyang Shinmun, "Breaking into the Kyunghyang Shinmun was violence against the press", éditorial du 24 décembre 2013.  

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