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28 mars 2008 5 28 /03 /mars /2008 15:13

Le vendredi 28 mars 2008, la Corée du Nord a procédé à des tirs de missile de courte portée en Mer Jaune (ouest de la Corée). Ces exercices interviennent alors que Pyongyang a mis en garde Washington contre les conséquences que pourraient avoir, pour la mise en oeuvre de l'accord de Pékin du 13 février 2007, les allégations américaines sur un programme nucléaire nord-coréen d'enrichissement de l'uranium.

Le 13 février 2007, un accord était signé à Pékin entre six pays (la Corée du Nord, la Corée du Sud, les Etats-Unis, la Chine, la Russie et le Japon) en vue de la dénucléarisation de la péninsule coréenne. Plus d'un an plus tard, la mise en oeuvre de cet accord reste incertaine. Si la Corée du Nord a procédé à la désactivation de la centrale nucléaire de Yongbyon, les Etats-Unis n'ont pas procédé à l'ensemble des livraisons d'énergie prévues par l'accord de Pékin. Par ailleurs, la liste de l'ensemble de ses activités nucléaires, que Pyongyang déclare avoir remise en novembre 2007, est jugée incomplète par Washington.

Le 28 mars 2008, la Corée du Nord a accusé les Etats-Unis d'empêcher à présent la mise en oeuvre de l'accord de Pékin en continuant d'alléguer, d'une part, que la Corée du Nord poursuivrait un programme clandestin d'enrichissement de l'uranium et, d'autre part, qu'elle aiderait la Syrie à se doter de l'arme nucléaire. Dans une déclaration à l'agence officielle nord-coréenne KCNA, un responsable du ministère nord-coréen des Affaires étrangères a fait savoir que "si les Etats-Unis continuent de retarder la résolution du problème nucléaire en exigeant ce qui n'existe pas, cela aura des conséquences sérieuses sur la désactivation souhaitée des installations nucléaires."

L'audition par le Congrès américain du responsable des renseignements américains pour la Corée du Nord, M. Joseph deTrani, en février 2007, avait déjà sérieusement remis en question l'existence d'un programme clandestin nord-coréen d'enrichissement de l'uranium. David Albright, président de l'Institut pour la science et la sécurité internationale (ISSI) et ancien inspecteur de l'ONU, avait fait la comparaison avec la prétendue détention par les Irakiens d'armes de destruction massive pour justifier le déclenchement de la guerre par les Américains.


Dans ce contexte tendu, la Corée du Sud et les Etats-Unis ont procédé début mars à des exercices militaires conjoints vivement dénoncés par Pyongyang, mais considérés par Séoul et Washington comme des exercices habituels entre ces deux alliés. Le vendredi 28 mars, la Corée du Nord a annoncé avoir procédé  en Mer Jaune à sept tirs de missile mer-mer Styx de courte portée, des tirs "de routine". Si la présidence sud-coréenne a déclaré qu'il s'agissait "simplement d'une partie de l'entraînement militaire habituel" de la Corée du Nord, les Etats-Unis ont dénoncé une attitude "non constructive".


La question nucléaire a également des conséquences sur les relations intercoréennes dont l'évolution a été rendue incertaine par l'élection en Corée du Sud, le 19 décembre 2007, du président Lee Myung-bak. Ce dernier a fait campagne en dénonçant la politique nord-coréenne de son prédécesseur, selon lui trop conciliante. Le jeudi 27 mars, onze Sud-Coréens ont été expulsés de la zone industrielle de Kaesong, en Corée du Nord, où sont installées des entreprises sud-coréennes, après que le président sud-coréen ait réaffirmé sa volonté de conditionner la poursuite de la politique d'ouverture économique aux progrès sur le dossier nucléaire nord-coréen.


L'AAFC déplore vivement que la coopération économique intercoréenne soit ainsi instrumentalisée à des fins politiques et subordonnée à la tactique des stratèges néoconservateurs de la Maison-Blanche. D'autant plus que les procédés utilisés rappellent le triste précédent de l'Irak. (sources : Ria Novosti, Le Monde).

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14 mars 2008 5 14 /03 /mars /2008 11:17

Alors que la mise en oeuvre de l'accord de Pékin sur le nucléaire nord-coréen reste bloquée, la rencontre à Genève entre les négociateurs américain et nord-coréen, le jeudi 13 mars 2008, n'a pas donné de résultats immédiats. Dans le même temps, les déclarations du vice-président américain Dick Cheney sur les exportations supposées de missiles balistiques par la Corée du Nord alimentent les tensions bilatérales. 

Une issue est-elle en vue pour débloquer la mise en oeuvre de l'accord signé à Pékin, le 13 février 2007, en vue de la dénucléarisation de la péninsule coréenne ? Si le dialogue se poursuit, les tensions alimentées par l'administration américaine tendent à éloigner un nouvel accord.

Les différends entre les deux parties sont connues : pour les Etats-Unis, la liste fournie par la Corée du Nord sur ses activités nucléaires est incomplète. Pour sa part, la Corée du Nord pointe que les Etats-Unis n'ont pas procédé à l'ensemble des livraisons d'énergie prévues par l'accord de Pékin.

Dans ce contexte, les négociateurs nord-coréen Kim Kye-gwan et américain Christopher Hill se sont rencontrés à Genève le jeudi 13 mars 2008. Lors d’une conférence de presse à l’issue de ces échanges, Christopher Hill a déclaré que les deux parties étaient dans "une meilleure position" à la fin de ces discussions, qui n'ont toutefois pas donné de résultats immédiats. Le négociateur américain a par ailleurs rappelé l'objectif du gouvernement américain d'arriver à un accord avant la fin de cette année.

Toutefois, les signaux donnés par l'administration américaine alimentent les tensions. le vice-président américain Dick Cheney dénonce la Corée du Nord comme "le pays le plus actif en matière de proliférations de technologies balistiques". Mais ces propos sont en contradiction directe avec le rapport au Sénat, le 11 mars 2008, du général Burwell Baxter Bell, commandant des troupes américaines en Corée du Sud. En effet, selon le général Bell, les dernières exportations de savoir-faire nord-coréen en la matière remontent à 2005.

Doit-on interpréter les propos du vice-président Cheney comme une volonté unilatérale de rompre les discussions américano-nord-coréennes ? Plus fondamentalement, ils reflètent les contradictions internes à l'administration américaine : quand les néo-conservateurs alimentent volontairement les tensions, les partisans de l’engagement avec la Corée du Nord continuent manifestement de rechercher un accord. Les suites de la remise du rapport de Christopher Hill à son gouvernement donneront peut-être une orientation décisive, mais en partie dépendante de rapports de forces malheureusement extérieurs à la situation réelle dans la péninsule coréenne.

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11 mars 2008 2 11 /03 /mars /2008 15:20

L'ancien président américain George H. W. Bush vient d'arriver à Jeju, en Corée du Sud. Ce déplacement intervient dans un contexte de blocage des négociations sur le nucléaire nord-coréen : il nourrit les spéculations sur une possible visite en Corée du Nord de l'ex-n° 1 américain.

George_H.W._Bush.jpgC'est dans la plus grande discrétion que l'ancien président George H. W. Bush, père de l'actuel chef d'Etat américain, a débarqué le 11 mars 2008 dans l'île sud-coréenne de Jeju, selon les informations livrées sous couvert d'anonymat par un fonctionnaire du ministère sud-coréen des affaires étrangères. La visite durerait trois jours.

Ce déplacement impromptu nourrit les spéculations sur un possible déplacement en Corée du Nord de George H. W. Bush, alors que l'accord de Pékin du 13 février 2007, tendant à la dénucléarisation de la péninsule coréenne, connaît actuellement des difficultés de mise en œuvre. Si les Nord-Coréens ont procédé comme convenu à la désactivation de leur principal centre de production de plutonium, les Américains tardent à respecter leurs engagements, en particulier la livraison de fioul lourd. Les deux parties sont également en désaccord sur la déclaration de l'ensemble de ses activités nucléaires par la Corée du Nord : les Américains prétendent que la liste remise par Pyongyang serait incomplète.

Confronté à des impasses en Irak et au Proche-Orient, l'administration américaine du président George W. Bush recherche un succès diplomatique avant les élections présidentielles de novembre. La péninsule coréenne, toujours techniquement en guerre depuis 1953, a pu apparaître d'autant plus propice à une avancée diplomatique majeure que la déclaration conjointe des présidents nord et sud-coréens, à Pyongyang le 4 octobre 2007, a réaffirmé leur engagement en faveur d'un traité de paix.


Mais les Etats-Unis y sont-ils prêts ? Pour que la Corée du Nord renonce à ses armes nucléaires, dont elle a toujours affirmé qu'elles s'inscrivaient, comme la France, dans une logique défensive, il faudrait qu'elle dispose de contrepartie en termes de sécurité et qu'elle obtienne des contreparties à caractère économique. Or les Américains n'ont pas procédé à la totalité des livraisons d'énergie prévues il y a déjà plus d'un an par l'accord de Pékin.


Quelle que soit l'objectif final du déplacement de l'ancien président George H. W. Bush en Corée du Sud, il est patent que Washington recherche de nouveaux canaux de dialogue. L'hypothèse d'une visite de l'ancien président Bush à Pyongyang est renforcée par un précédent : en 1994, l'ancien président Jimmy Carter avait été dépêché  à Pyongyang, en vue déjà de résoudre la question nucléaire. Tandis que l'agence sud-coréenne Yonhap vient d'annoncer une prochaine rencontre à Genève, jeudi ou vendredi, entre les négociateurs nord-coréen Kim Kye-gwan et américain Christopher Hill.

CarterPyongyang.JPGEn juin 1994, rencontre à Pyongyang (RPDC)
 entre le président Kim Il Sung et l'ancien président américain Carter
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5 mars 2008 3 05 /03 /mars /2008 21:55
La République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) menace de renforcer son arsenal de défense en réponse aux exercices militaires américano-sud-coréens.

L'agence Associated Press rapporte que la Corée du Nord s'en est violemment pris le lundi 3 mars 2008 aux exercices militaires, baptisés "Foal Eagle" et "Key Resolve", menés conjointement du 2 au 7 mars par les Etats-Unis et la Corée du Sud, et a menacé de riposter en renforçant son système de défense. 

Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères de la RPDC estime que ces manoeuvres militaires démontrent que Washington "se livre à une politique hostile pour réprimer notre république par la force".
Minuteman.jpgMissile intercontinental américain Minuteman dans son silo de lancement.
Les Etats-Unis possèdent environ 500 missiles Minuteman, équipés d'ogives nucléaires, d'une portée de 9 600 km
(source : Federation of American Scientists)

"Le chantage nucléaire ne marchera pas avec nous et ne fera que mettre un frein à la dénucléarisation de la péninsule coréenne", affirme le communiqué. "Nous allons réfléchir aux mesures qui s'imposent et notamment au renforcement de toutes les mesures dissuasives", déclare encore le ministère.

Ces déclarations constituent l'avertissement officiel le plus sérieux du gouvernement nord-coréen après les premières mises en garde de l'armée nord-coréenne contre les exercices militaires américano-sud-coréens.

essai_nuc-copie-1.jpgLe terme de "mesures dissuasives" est utilisé pour évoquer le programme d'armement nucléaire de la RPDC. Il s'agirait ici d'une dissuasion du "faible au fort", ou de la "suffisance", à l'instar de la dissuasion pratiquée, dans un contexte géopolitique très différent, par la France. Robert Charvin, professeur de droit international à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, et vice-président de l'Association d'amitié franco-coréenne, observe ainsi que, "face à la montée de l’atlantisme, la France sous de Gaulle a connu autrefois l’union sacrée et a développé l’arme atomique. On pourrait dire que la Corée a une position gaulliste en se dotant d’une force de dissuasion. L’acquisition d’une force de dissuasion à titre de mesure de légitime défense est d’ailleurs conforme au sens de l’article 10 du Traité de non-prolifération nucléaire." [propos tenus lors d'une rencontre organisée le 4 mars 2005 par l'association Korea is One]

Dans la dissuasion du "faible au fort" il n'est pas nécessaire que la force de frappe d'un pays se situe au même niveau que celle de son adversaire. Il suffit que cette force lui permette d'occasionner chez l'ennemi des dégats au moins équivalents à ceux que ce dernier a opéré sur son territoire. Le prix à payer par l'ennemi qui veut attaquer devient donc exorbitant.

Nombre d'essais nucléaires effectués dans le monde entre 1945 et 2006

L'Afrique du Sud et Israël auraient conduit au moins un essai en commun en 1979.
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3 mars 2008 1 03 /03 /mars /2008 19:43

Du 2 au 7 mars 2008, les Etats-Unis et la Corée du Sud organisent des exercices militaires conjoints. Une semaine après le concert donné en Corée du Nord par l'Orchestre philharmonique de New York, et les espoirs qu'il a suscités, et en plein processus de dénucléarisation, ces manoeuvres destinées à contrer la "menace nord-coréenne" jettent un froid dans la péninsule.

Pour le gouvernement nord-coréen s'exprimant à travers son organe, le Minju Choson, cité par l'agence de presse officielle KCNA, les exercices militaires américano-sud-coréens
Foal Eagle et Key Resolve sont dirigés contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) puisqu'ils "visent à acheminer rapidement et en grande quantité des renforts et du matériel sur le front coréen en cas de crise dans la péninsule coréenne et à envahir la RPDC par des opérations coordonnées et à grande échelle" des forces américaines et sud-coréennes.

NimitzSohnWonil_Pusan-copie-1.jpgLe porte-avions nucléaire américain USS Nimitz et le sous-marin sud-coréen Sohn Won-il
dans le port de Pusan (Corée du Sud) au cours des exercices Key Resolve/Foal Eagle 2008.

Il est avéré que le Département de la Défense des Etats-Unis envisage sérieusement, au moins depuis 2003, des actions préventives contre la RPDC. L'hebdomadaire américan U.S. News & World Report révélait ainsi en juillet 2003 qu'un plan opérationnel, le OPLAN 5030, avait été élaboré contre la Corée du Nord à la demande du secrétaire à la Défense de l'époque, Donald Rumsfeld. [1] Le OPLAN 5030 prévoit notamment des vols de surveillance à la limite de l'espace aérien nord-coréen et des exercices militaires pour mettre les forces armées nord-coréennes "sous pression". Le OPLAN 5030 prévoit aussi explicitement de poursuivre "une série d’opérations tactiques ne figurant pas habituellement dans les plans de guerre, comme désorganiser les circuits financiers et semer la désinformation."


[1] Bruce B. Auster et Kevin Whitelaw, "Upping the Ante for Kim Jong Il : Pentagon Plan 5030, a new blueprint for facing down North Korea", U.S. News & World Report21 juillet 2003.


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26 février 2008 2 26 /02 /février /2008 23:09
Le 26 février 2008, au Grand théâtre de Pyongyang-Est, l'Orchestre philharmonique de New York a donné un concert historique dans les relations entre la Corée du Nord et les États-Unis et diffusé dans le monde entier.

undefinedDirigé par Lorin Maazel, l'orchestre a d'abord joué l'hymne national de la République populaire démocratique de Corée puis celui des États-Unis d'Amérique. Au programme du concert figuraient ensuite, entre autres, le Prélude à l'Acte III de l'opéra Lohengrin de Richard Wagner, la Neuvième Symphonie, dite "Du Nouveau Monde", d'Antonin Dvorak et Un Américain à Paris de George Gershwin.

Cette représentation unique du plus vieil orchestre symphonique américain constitue une première, alors que les États-Unis et Corée du Nord sont toujours virtuellement en guerre, faute de traité de paix après la guerre de Corée (1950-1953), et que les deux pays sont engagés dans une délicate négociation sur le programme nucléaire nord-coréen.

Même si aucun haut responsable américain n'assistait à la représentation, la dimension politique du concert était évidente.


L'annonce du concert, en décembre 2007, avait été faite à New York en présence du négociateur américain chargé du nucléaire nord-coréen, Christopher Hill, ainsi que du chef de la mission de la République populaire démocratique de Corée aux Nations Unies, Pak Gil Yon. (source : AFP)


 L'hymne coréen, Le Chant patriotique, et l'hymne américain, The Star-Spangled Banner,
interprétés par l'Orchestre philharmonique de New York le 26 février 2008 à Pyongyang.


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19 février 2008 2 19 /02 /février /2008 21:25

Une dépêche de l'agence officielle nord-coréenne KCNA, citant l'édition du 9 février 2008 du quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, rapporte que les accusations lancées depuis 2004 par les Etats-Unis à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), et concernant une prétendue fabrication de faux dollars par la RPDC, reposent sur des éléments de moins en moins fiables.

Selon la Frankfurter Allgemeine Zeitung citée par KCNA, un "transfuge nord-coréen" témoin clef de l'accusation dans l'affaire de la fabrication de fausse monnaie imputée par les Etats-Unis à la Corée du Nord, s'est avéré être un escroc avant de disparaître. De leur côté, les milieux économiques et judiciaires européens croient de plus en plus à une responsabilité américaine dans la fabrication de ces faux dollars. Ces derniers développements sont pour l'AAFC l'occasion de revenir sur ce que révélait dès janvier 2007 la FAZ au sujet de ces accusations américaines, et de rappeler les implications de l'affaire des "superbillets" pour les négociations en cours sur le nucléaire nord-coréen.

Les bases bancales des accusations américaines

Dans l'édition dominicale du 7 janvier 2007 du grand quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, le journaliste financier Klaus Bender révélait la fragilité des bases sur lesquelles reposent les accusations américaines de contrefaçon monétaire lancées contre la Corée du Nord. [1]

Rappelons que, selon les Etats-Unis, la RPDC est coupable, au moins depuis la fin des années 1980, de la fabrication de faux billets de 100 dollars. Ces faux billets sont si bien faits que même les experts sont incapables de les différencier des billets authentiques, ce qui a valu à ces contrefaçons le nom de "superbillets". Or, écrivait Klaus Bender dès 2007, "le bruit court depuis des années parmi les représentants du secteur de l’impression sécurisée et chez ceux qui enquêtent sur la contrefaçon, que c’est la CIA américaine qui fabrique les superbillets".

Pour soutenir une telle affirmation, Bender commençait par rappeler dans son article la complexité technique extrême de l'impression de billets de banque, une complexité qui n'a pourtant pas arrêté les faussaires. Un autre élément étrange est que chaque changement introduit par la Réserve fédérale américaine dans l’impression du dollar depuis 1996 a été immédiatement reproduit par les faussaires. Ainsi, le papier utilisé pour les faux billets de 100 dollars est fabriqué sur une machine de type "Fourdrinier" avec 75% de coton et 25% de lin. Seuls les Américains sont censés fabriquer leur monnaie de cette façon. En outre, une analyse du papier révèle que le coton utilisé provient du sud des Etats-Unis.

Bender signalait aussi que tous les dispositifs de sécurité (micro-impressions, filigrane, etc...) présents sur les vrais billets de 100 dollars figurent également sur les superbillets attribués à la Corée du Nord. Les analyses pratiquées en laboratoire avaient montré que les encres de sécurité utilisées pour les superbillets sont identiques à celles utilisées pour les billets authentiques, jusqu'à la fameuse encre OVI (Optical Variable Ink), dont l’apparence change en fonction de l’angle d’inclinaison par rapport à la lumière. Le journaliste rappelait que l'encre OVI est fabriquée par une seule entreprise, en Suisse, et exclusivement utilisée par la Réserve fédérale américaine, un système de traçage secret permettant de retrouver la date exacte de fabrication de l’encre. Pour conclure sur ce point, Klaus Bender écrivait que "l'entreprise n'a pas voulu faire de commentaire, les Etats-Unis étant son plus gros client".

Bender révélait ensuite que les superbillets sont les premiers faux à être imprimés selon la méthode dite Intaglio. Comme pour l'encre, la machine à imprimer requise est fabriquée par une seule entreprise, en Allemagne, et c'est la même machine qui est utilisée depuis plusieurs années aux Etats-Unis par la Réserve fédérale et le Bureau des gravures et impressions. La vente ou la revente d'une telle machine d'imprimerie n'est pas libre et doit être signalée à l'organisation de police internationale Interpol.

Les presses standard que possède la Corée du Nord depuis les années 1970 ne peuvent pas imprimer un superbillet sans équipement supplémentaire. Or, d'après Klaus Bender, les machines nord-coréennes sont probablement hors service en raison d'un manque de pièces de rechange, le pays faisant imprimer sa monnaie en Chine.

Le dernier argument avancé par Bender était d'ordre économique : si les Nord-Coréens recherchaient un avantage économique dans la fabrication de ces faux billets, ce serait un mauvais investissement. En effet, d’après les données du Secret Service américain, en charge de la lutte contre la fausse monnaie, seulement 50 millions de dollars en superbillets ont été saisis depuis 1989, date de leur apparition, une somme bien inférieure au coût d'une seule machine.

Ainsi, beaucoup ne croient pas aux thèses de Washington sur une "Pyongyang Connection" ou une "guerre économique contre l’Amérique". Bizarrement, bien que les faussaires maîtrisent la technologie des encres de sécurité sensibles aux infrarouges, les superbillets sont fabriqués de telle façon que les systèmes de vérification automatisés les détectent immédiatement.

Tous ces éléments alimentent aujourd'hui une rumeur qui circule parmi les experts en contrefaçon, et dont a fait état Klaus Bender, selon laquelle c’est la CIA américaine qui fabrique les superbillets dans une imprimerie secrète où les machines nécessaires à leur fabrication sont censées être installées. Grâce à ces faux billets, l'agence de renseignement américaine pourrait financer des opérations secrètes en échappant au contrôle du Congrès et en faisant "porter le chapeau" à la Corée du Nord alors que les  négociations en cours sur son programme nucléaire ne font pas l'unanimité au sein de l'administration américaine.

Les sanctions américaines, alternative à une solution militaire

Pendant les quinze ans qui ont suivi leur première apparition en 1989 aux Philippines, les superbillets de 100 dollars n’ont intéressé que les spécialistes. En accusant officiellement la RPDC pour la première fois, George W. Bush a fait du sujet une des clefs de sa politique à l’égard de la Corée. L'administration américaine prétend avoir des "preuves indiscutables" quant à l'origine des superbillets, mais ne les divulgue pas, prétendument pour des raisons de sécurité.

C'est sur la base de ces accusations que des sanctions financières ont été adoptées par les Etats-Unis contre la RPDC en septembre 2005, au lendemain d'une déclaration conjointe sur le nucléaire nord-coréen, signée le 19 septembre 2005, qui soulevait de grands espoirs. Mais les sanctions américaines, comme le blocage de fonds nord-coréens dans une banque de Macao, ont entraîné un regain de tensions. [2] La RPDC, qui a toujours nié les accusations américaines, a vu les sanctions américaines comme une agression et a exigé leur levée comme préalable à un retour à la table des négociations.

De leur côté, les néo-conservateurs de l'administration américaine avouent eux-mêmes  que les sanctions prises à l'égard de la Corée du Nord constituent une alternative à la solution militaire visant à entraîner la chute du "régime de Pyongyang". Ainsi John Bolton, ambassadeur américain aux Nations Unies d’août 2005 à décembre 2006 et membre éminent du centre de réflexion néo-conservateur American Enterprise Institute, reconnaissait en mars 2007 que l'objectif était bien "de faire pression [...] et d’isoler davantage la Corée du Nord pour, à la fin, résoudre vraiment la question des armes nucléaires nord-coréennes, éliminer le régime nord-coréen et réunifier la péninsule coréenne". [3]

L'administration américaine revenant à davantage de pragmatisme, une nouvelle session des pourparlers à six réunissant, outre la Corée du Nord et les Etats-Unis, la Corée du Sud, la Chine, le Japon et la Russie, s'est tenue à Pékin du 8 au 13 février 2007 et a abouti à un accord américano-nord-coréen aux termes duquel "La RPDC et les États-Unis commenceront des négociations bilatérales visant à résoudre les problèmes en cours et à progresser vers des relations diplomatiques complètes."  Dans l'accord du 13 février 2007, les États-Unis envisagaient la levée des sanctions financières prises à l'encontre de la RPDC en contrepartie de la fermeture des installations nucléaires nord-coréennes de Yongbyon.

L'accord du 13 février a ouvert la voie à des discussions bilatérales entre les Etats-Unis et la RPDC qui se sont entendus le 19 mars 2007 pour que les fonds nord-coréens bloqués sur les comptes de la Banco Delta Asia (BDA) de Macao soient restitués à Pyongyang. Cette restitution a finalement eu lieu en juin 2007, même si l'interdiction faite aux institutions financières américaines de traiter avec la BDA a été maintenue. Cette opération permettait néanmoins de mettre en œuvre l'accord du 13 février 2007 et d'envisager la désactivation du réacteur de Yongbyon. Mais une probable manipulation servant les intérêts des néo-conservateurs américains aura fait perdre deux ans à la paix. 

 

[2] Ignacio Ramonet, "Tensions en Corée", Le Monde Diplomatique, octobre 2006
[3] Extrait d'un discours prononcé par John Bolton devant la Conservative Political Action Conference, le 1er mars 2007 à Washington.
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16 février 2008 6 16 /02 /février /2008 10:55

La course à l'investiture pour l'élection présidentielle américaine fait ressortir les profondes divergences entre les principaux candidats républicains et démocrates en politique étrangère : si le bilan de la guerre d'Irak domine les débats en ce domaine, les relations avec les Etats-Unis et la Corée constituent un autre point d'achoppement.

Au cours du mandat de George W. Bush, les relations entre les Etats-Unis et les deux Corée ont spectaculairement évolué : si la Corée du Sud reste un allié majeur de Washington en Extrême-Orient, la Corée du Nord a initialement été classée parmi les pays de "l'axe du mal", avant que l'accord signé à Pékin, le 13 février 2007, ne signifie un engagement des différentes parties en vue d'une dénucléarisation complète de la péninsule coréenne. 

La Corée du Nord a suspendu les activités de son principal réacteur nucléaire, à Yongbyon, en contrepartie de la fourniture d'énergie par les Etats-Unis. Un an après l'accord de Pékin, la non-livraison par les Etats-Unis du pétrole promis en février 2007 et la demande, par Washington, que Pyongyang lui fournisse une liste plus complète de ses installations nucléaires que celle qui lui a déjà été communiquée, constituent les principales questions en suspens pour la poursuite de la mise en oeuvre de l'accord du 13 février 2007.
  

Dans ce contexte, les divergences entre les principaux candidats à l'élection présidentielle américaine de cette année reproduisent la ligne de clivage entre démocrates et républicains.

Le principal candidat républicain, John Mc Cain apparaît comme le continuateur de la politique suivie par George W. Bush. Les experts s'attendent à ce qu'il envisage de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord en cas de divergences persistantes sur la liste des installations nucléaires fournie par Pyongyang.

Pour les démocrates, l'essai nucléaire auquel a procédé la Corée du Nord, le 9 octobre 2006, témoigne selon eux de l'échec de la politique de confrontation suivie par l'administration de George W. Bush. Ils considèrent que l'objectif de la dénucléarisation de la péninsule coréenne ne pourra être atteint que par le dialogue.

Dans une contribution au numéro de juillet-août 2007 de la revue Foreign Affairs, Barack Obama a déclaré qu'il serait prêt à rencontrer le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il pour résoudre la question nucléaire. Pour sa part, Hillary Clinton envisage notamment un dialogue conjoint avec la Russie sur ce sujet.

L'accord de libre-échange entre les Etats-Unis et la Corée du Sud constitue un autre point d'achoppement entre démocrates et républicains. Alors que Hillary Clinton et Barrack Obama soulignent les risques de cet accord sur l'emploi aux Etats-Unis, John Mc Cain s'est déclaré partisan d'une pleine application de l'accord de libre-échange.

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