Après Pak Jong-suk, c'est au tour d'un autre Nord-Coréen de témoigner, lui aussi passé au Sud avant finalement de choisir retourner vivre au Nord : Kim Kwang-hyok et son épouse ont fait part de leurs désillusions qui traduisent le sentiment d'un grand nombre de Nord-Coréens ayant quitté la République populaire démocratique de Corée après leur arrivée au Sud de la péninsule. Ce témoignage a été donné lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 8 novembre 2012, au Palais de la culture du peuple, à Pyongyang. Mais, pas davantage que pour Pak Jong-suk, le témoignage de Kim Kwang-hyok n'a retenu l'attention des médias occidentaux, qui préfèrent tendre leurs caméras et leurs micros vers l'infime minorité de Nord-Coréens ayant défection au Sud, et engagés aux côtés de l'extrême-droite sud-coréenne dans une croisade anticommuniste. Comme pour les Cubains de Floride, les clichés véhiculés par une presse accommodante ont décidément la vie dure.
La presse occidentale fait souvent grand cas des défecteurs nord-coréens qui franchissent les frontières de leur pays natal dans la perspective de vivre une vie - censée être meilleure - au Sud. La situation économique nord-coréenne, qui doit composer avec le plus vieil embargo au monde, une topographie peu propice à l’agriculture et des aléas climatiques particulièrement lourds, a connu en effet des périodes difficiles qui ont poussé une minorité de Nord-Coréens à fuir les difficultés économiques aggravées par l’étranglement américain.
Le traitement de ce phénomène - réel mais limité (à titre de comparaison, les Allemands de l'Est passés à l'Ouest étaient des dizaines de fois plus nombreux) - s’arrête souvent ici dans la presse occidentale. Peu abordent les agissements dans l’ombre des services secrets sud-coréens - acquis aux théories conservatrices prônant la fermeté politique à l’égard du Nord, celles-là mêmes incarnées par l'actuel président sud-coréen Lee Myung-bak. En effet, beaucoup sont attirés par toute une propagande d’Etat qui incite les Nord-Coréens à faire défection et ne sont gratifiés de la nationalité sud-coréenne qu’après avoir témoigné - à charge, forcément - contre la République populaire démocratique de Corée (RDPC, Corée du Nord). Ce fait à lui seul permet de relativiser la fiabilité des fameux ouvrages de défecteurs, racoleurs et privilégiant le spectaculaire à l’analyse politique, mais qui font aujourd'hui tabac en Occident, alors qu'ils restent assez confidentiels en Asie.
Kim Kwang-hyok et sa femme furent parmi ces Nord-Coréens qui, attirés au Sud par quelques « phrases-chocs » de la propagande sud-coréenne, ont décidé de franchir le pas. Cependant, la vie dans le Sud capitaliste où l’individualisme - pourtant assez contraire à la philosophie traditionnelle coréenne - règne de plus en plus en maître incontesté, n’est pas évidente pour ceux qui ont passé leur vie dans un pays ou « l’unité monolithique du peuple » est célébrée comme étant le ciment de la société. En effet, les transfuges du Nord n’ont pas vraiment une vie facile au Sud où ils sont ostracisés et incompris d’une population qui a été élevée contre le « frère ennemi » du Nord. C’est ainsi qu’en septembre 2012, après quatre ans passés au Sud, le couple décide de retourner dans son pays natal, comme il a pu le raconter lors d’une conférence de presse tenue à Pyongyang. A notre connaissance, un des rares médias occidentaux qui en a rendu compte à ce jour, en utilisant une dépêche de l'AFP, est le quotidien australien Herald Sun.
Cette fuite du Sud vers le Nord est à situer dans la lignée des derniers « retours au pays » qui n’ont eu droit qu’a un traitement minime dans l’actualité, comme le retour au Nord, en juin 2012, d’une autre femme nord-coréenne, Pak Jong-suk, après six années de vie au Sud. Enfin, rappelons que plusieurs étrangers comme l’ancien cuisinier japonais de Kim Jong-il ou le soldat américain James Dresnok (dépeint dans le film Crossing the Lines) sont retournés plusieurs fois à Pyongyang, James Dresnok s'étant même établi depuis plus de quarante ans dans la capitale de la RPDC.
Sources : AAFC, KCNA (dépêche du 8 novembre 2012, dont photo).
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