Le 2 février 2012, le département politique de la Commission de la défense nationale (CDN) de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a posé des questions ouvertes aux autorités sud-coréennes sur les conditions d'une reprise du dialogue intercoréen. Alors que la préparation des prochains exercices conjoints américano - sud-coréens Key Resolve et Foal Eagle contredit les déclarations de la Corée du Sud qui se dit disposée à reprendre les échanges Nord-Sud, les questions posées par la CDN méritent d'être examinées en détail, dans la mesure où elles posent les bases pour renouer le dialogue intercoréen. Mais le pouvoir en place à Séoul acceptera-t-il de passer des paroles aux actes, et de saisir - enfin - la main tendue par Pyongyang ?
La première question posée par la CDN porte sur l'attitude des autorités sud-coréennes après la mort du dirigeant Kim Jong-il, laquelle a heurté les sentiments du peuple coréen de la RPD de Corée. En particulier, les médias conservateurs et pro-gouvernementaux ont répandu des rumeurs sur de prétendues sanctions à l'encontre des Nord-Coréens qui n'auraient pas manifesté leur affliction.
La propagation de rumeurs par les médias conservateurs sud-coréens n'est pas nouvelle : alors qu'elle semblait appartenir au passé politique sud-coréen, quand les militaires tenaient le haut du pavé à Séoul, elle avait toutefois déjà resurgi après la participation du Cheollima à la Coupe du monde de football en Afrique du Sud, en 2010. Dans le cas cette fois du deuil ayant suivi la disparition du Président Kim Jong-il, les médias nord-coréens ont toutefois jugé nécessaire de publier un démenti.
La deuxième question porte sur la volonté, ou non, des autorités sud-coréennes de manifester publiquement leur soutien aux déclarations conjointes du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007, signées par les deux gouvernements coréens et qui impliquent donc chacun des gouvernements au-delà des changements de majorité politique.
Cette demande a été réitérée de manière constante par la RPD de Corée depuis le retour au pouvoir des conservateurs à Séoul en 2008. Le gouvernement Lee Myung-bak, tout en se prétendant ouvert au dialogue intercoréen, a remis en cause les acquis de la politique "du rayon de soleil" de ses prédécesseurs démocrates, mais sans rejeter clairement les déclarations Nord-Sud de 2000 et du 2007 qui bénéficient toujours d'un très large soutien de l'opinion publique sud-coréenne.
La troisième question porte sur l'arrêt d'une instrumentalisation par Séoul des incidents du Cheonan et de l'île Yeonpyeong. La Corée du Sud continue en effet de considérer que des excuses de Pyongyang sont le préalable à une reprise du dialogue intercoréen.
La RPD de Corée a toujours nié toute implication dans le dramatique naufrage de la corvette sud-coréenne Cheonan. Alors que l'enquête officielle a suscité de nombreuses interrogations, notamment d'un ancien membre de l'équipe d'enquête choisi par l'opposition sud-coréenne et de membres de la Marine russe pourtant invités par la Corée du Sud à examiner les "preuves" prétendument recueillies, il convient de rappeler que le Conseil de sécurité des Nations Unies a pris une position équilibrée évitant toute sanction.
La CDN de RPDC a rappelé, par ailleurs, que la proposition de Pyongyang de coopérer à une enquête commune pour établir la vérité avait été rejetée par Séoul.
S'agissant des graves incidents au large de l'île Yeonpyeong en novembre 2010, les deux gouvernements coréens se renvoient la responsabilité des affrontements.
La quatrième question porte sur l'arrêt des exercices militaires conjoints contre la RPD de Corée. Selon la commission de la défense nationale de la RPD de Corée, "s'asseoir en face de son ennemi avec un poignard à la ceinture tout en parlant de paix n'a pas de sens". Si le pouvoir sud-coréen "veut vraiment le dialogue et l'amélioration des relations, il doit d'abord enlever son poignard et créer une atmosphère favorable" à la discussion.
La cinquième question porte sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne et les conditions pratiques d'atteindre cet objectif.
L'arme nucléaire nord-coréenne a, selon la RPDC, un rôle de dissuasion alors que le gouvernement Lee Myung-bak a introduit le concept de "dissuasion nucléaire élargie" en plaçant la Corée du Sud sous le parapluie nucléaire américain : dans ce contexte, Pyongyang ne peut pas envisager de désarmement nucléaire unilatéral.
La sixième question porte sur l'arrêt de la guerre psychologique menée par la Corée du Sud à l'encontre de la RPD de Corée. Les thématiques d' "urgence" et de "changement de régime" au Nord sont ainsi répétées à l'envi par Séoul.
La septième question porte sur la volonté, ou non, de Séoul de reprendre les projets de coopération Nord-Sud, dans l'intérêt national, de la paix et de la prospérité. L'essor de la zone industrielle de Kaesong - qui vient de franchir le cap des 50 000 travailleurs nord-coréens, mais dont le développement est bien moins rapide qu'initialement prévu - et la reprise du tourisme intercoréen des monts Kumgang sont des exemples tangibles de projets bénéficiant à l'ensemble de la Corée.
La huitième question porte sur le remplacement de l'accord d'armistice de 1953 par un mécanisme qui garantirait la paix dans la péninsule coréenne, qui n'a été que trop endeuillée par des affrontements intercoréens. Or la consolidation de l'alliance américano - sud-coréenne par le gouvernement du Président Lee Myung-bak n'a pas oeuvré en ce sens.
La neuvième question porte sur l'abrogation de la loi de sécurité nationale, qui interdit tout contact entre le Nord et le Sud et a été utilisée pour réprimer les activités en faveur de la réunification de la Corée.
Tout en adoptant un ton très critique vis-à-vis du pouvoir conservateur à Séoul, le communiqué de la CDN de la RPD de Corée multiplie les thèmes sur lesquels la Corée du Sud peut apporter concrètement des garanties et relancer ainsi le dialogue Nord-Sud.
Sources principales : AAFC, KCNA (dépêche du 2 février 2012).
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