Dans notre édition du 13 janvier 2013, nous rendions compte des luttes en cours contre le travail précaire en Corée du Sud. A cet égard, le combat des travailleurs du groupe Hyundai a valeur d'exemple : l'AAFC reproduit ci-après un article, traduit du russe, de Vladimir Tikhonov, du département des langues orientales de l’université d’Oslo, en Norvège. Alors que la Corée du Sud a atteint un niveau de développement économique comparable à celui des pays occidentaux, il y a urgence à mettre en place un système de protection sociale à la hauteur de ceux de la France, de l'Allemagne ou de l'Italie. L'Association d'amitié franco-coréenne est pleinement solidaire du combat des travailleurs précaires de Hyundai, en appelant à signer et faire signer la pétition en faveur de Choe Byeong-seung et Cheon Ui-bong.
Cela fait plus de 100 jours que dure le combat tendu de deux ouvriers de la compagnie de fabrication d’automobiles de Hyundai, Choe Byeong-seung (38 ans) et Cheon Ui-bong (33 ans) pour la justice et les droits des travailleurs. Choe et Cheon protestent contre l’exploitation du travail précaire par la société Hyundai. Ils sont perchés sur un pylône de ligne électrique à haute tension non loin de la ville coréenne de Ulsan où se trouve l’usine principale de cette entreprise. La nuit, la température dans les environs de Ulsan descend jusqu’à moins vingt degrés et cette protestation « en hauteur » de plus de cent jours menace sérieusement la santé des deux travailleurs.
Mais ils n’ont pas d’autres moyens pour attirer l’attention des médias et de l’opinion publique en Corée du Sud. Les medias ne communiquent pratiquement jamais sur les grèves et les piquets. Il leur faut donc risquer leur santé et en fin de compte peut-être leur vie.
La raison d'une protestation aussi désespérée des travailleurs est simple. Plus de neuf mille travailleurs précaires de l’usine automobile Hyundai sont soumis à une discrimination systématique et sont cruellement exploités. La discrimination commence au niveau des symboles : les précaires reçoivent une tenue particulière permettant au premier coup d’œil de les différencier des autres travailleurs. N’importe quel collaborateur permanent de la firme les tutoie de manière habituelle, indépendamment de leur âge. Les travailleurs précaires sont placés dans les secteurs les plus durs des chaînes de montage et pourtant leur salaire est seulement de 40 à 60 % de celui des employés permanents. Le salaire de base mensuel est compris en moyenne entre un million et un million deux cent mille wons ( 900 à 1000 dollars américains, le salaire horaire est de 4 580 wons soit moins de 4 dollars américains). Mais il ne suffit pas pour nourrir la famille, éduquer les enfants et se soigner (ne parlons pas d’acheter un logement). Aussi il leur faut chaque jour effectuer 3 ou 4 heures supplémentaires, travailler également le samedi et parfois le dimanche. Ce qui fait de 60 à 65 heures par semaine. De plus, à la différence des employés permanents, les travailleurs précaires ne reçoivent pas de primes, qui, dans les revenus en Corée, occupent une place significative (les primes de fin d’année vont fréquemment jusqu’à l’équivalent de deux mois de salaire). Précisément la surexploitation de la force de travail des précaires est l’un des facteurs principaux qui permettent à la firme Hyundai de vendre ses automobiles à des prix inférieurs à ceux de Toyota et d’autres concurrents américains et européens et donc d’accroître sa part sur le marché mondial.
L’histoire du combat des travailleurs précaires est typique de la Corée du Sud de nos jours. D’abord parce que la compagnie peut ne pas respecter la loi et ensuite parce que « l’état de droit démocratique » inflige des sanctions dures aux travailleurs. Choe Byeong-seung a été renvoyé de son travail déjà en 2005 pour activité syndicale. En 2006 et 2009 il a été deux fois arrêté pour piquet « illégal » devant cette usine dont il a été licencié. En février 2012 le tribunal de la cour suprême de Corée, après 7 ans (!) de débats judiciaires dans toutes les instances possibles, a statué que le licenciement était illégal et illégal également le contrat de travail de Choe passé par l’intermédiaire d’un fournisseur de main d’œuvre. En substance, le tribunal a reconnu que la compagnie Hyundai réalisait un profit important par la surexploitation des travailleurs précaires, ce qui est illégal selon les propres lois sud-coréennes. La firme, cependant, a tout d’abord refusé de réintégrer Choe à son poste de travail.et ensuite, alors que la protestation sur le pylône électrique avait déjà commencé, a accepté de le prendre comme employé permanent … mais seulement Choe. Cependant Choe et Cheon ne se battent pas seulement pour eux mais pour les droits de leurs 9.000 camarades d'infortune. La compagnie refuse carrément d’en parler avec Choe et Cheon et par principe ne reconnaît pas le syndicat des travailleurs précaires en qualité de partenaire pour les négociations. Comme alternative la firme propose d’embaucher d'ici 2016 3.500 personnes comme travailleurs permanents, voulant ainsi diviser le syndicat des travailleurs précaires et continuer à exploiter la sueur de ceux qui n’obtiendront pas ce statut et qui seront la majorité.
Malheureusement le syndicat des travailleurs permanents soutient la proposition de la firme et n’apporte aucun soutien à leurs collègues précaires. Ceci est typique de la Corée du Sud avec son mouvement ouvrier divisé et où une partie significative des travailleurs syndiqués et bien payés s’inscrivent dans le système et s’expriment à partir du point de vue du trade-unionisme conservateur. Maintenant le tribunal local de Ulsan prescrit à Choe et Cheon de quitter la ligne à haute tension mais ils n’entendent pas céder. Seulement la solidarité et en particulier la solidarité internationale peut forcer Hyundai à faire des concessions, à accepter les demandes légales des travailleurs et à sauver Choe et Cheon d’une mort lente sous la ligne à haute tension. Pour ceux qui veulent exprimer leur solidarité avec le combat des travailleurs précaires de Hyundai voici l’adresse électronique de leur syndicat : hjbtw@jinbo.net et la page d’accueil de leur site internet : http://hjbtw.jinbo.net.
Source : site personnel de Vladimir Tikhonov. Traduction du russe par l'AAFC (YB). Photos.