Sous le titre "Est-il temps d'accepter la Corée du Nord comme une puissance nucléaire ?", la journaliste de CNN Paula Hancocks donne la parole à plusieurs experts de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) qui estiment que la position des Etats-Unis et de leurs alliés (une dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible de la Corée du Nord), qui aussi celle du Conseil de sécurité des Nations unies, ne correspond plus à la réalité. Dans ce contexte, il conviendrait de reconnaître la RPD de Corée comme une puissance nucléaire et s'efforcer plutôt de contrôler et de limiter le développement de son programme nucléaire militaire. Cette logique s'inscrirait dans une limitation globale des arsenaux militaires des différentes protagonistes, par un accord international. Elle n'a rien de nouveau ni d'exceptionnel - c'est ce qu'avaient négocié les Etats-Unis et l'URSS pendant la détente, à la fin de la guerre froide - mais a été jusqu'à présent refusée par les Etats-Unis et leurs alliés vis-à-vis de Pyongyang, tout en acceptant en revanche qu'Israël, l'Inde et le Pakistan soient des puissances nucléaires.
Alors qu'un nouveau essai nucléaire nord-coréen est considéré comme imminent par un certain nombre d'experts, et que les sanctions contre le programme nucléaire et balistique nord-coréen n'en ont pas empêché les progrès, la journaliste de CNN donne la parole à des spécialistes qui appellent à changer de politique.
Selon Jeffrey Lewis, professeur adjoint au centre James Martin des Etudes de Non-Prolifération à l'Institut Middlebury d'études des relations internationales à Monterey, il convient de reconnaître au moins implicitement (comme pour l'Inde et Israël) la Corée du Nord en tant que puissance nucléaire :
Je pense qu'une étape fondamentale que le (président américain Joe Biden) doit franchir est qu'il doit être clair, tant pour lui que pour les Etats-Unis, que nous n'allons pas conduire la Corée du Nord à désarmer et que nous devons fondamentalement accepter la Corée du Nord comme un Etat nucléaire. Vous n'avez pas nécessairement besoin de le reconnaître légalement.
Selon le Professeur Andreï Lankov, de l'Université Kookmin, la guerre en Ukraine a rappelé que "les armes nucléaires sont la seule garantie fiable de sécurité", et que dans ces conditions Pyongyang ne peut pas accepter de discuter de sa dénucléarisation.
Pour le Professeur Cheong Seong-chang, de l'Institut Sejong, les efforts pour empêcher la Corée du Nord de se doter de l'arme nucléaire ont échoué, et continuer de rechercher la dénucléarisation de la Corée du Nord revient à "courir après un miracle".
Selon les chercheurs cités par CNN, le gel par Pyongyang de son programme nucléaire, en contrepartie de la levée d'une partie des sanctions, doit ainsi être envisagé - ce qui revient à retourner à la voie des négociations où s'était engagé Donald Trump, mais dans des conditions moins favorables aujourd'hui qu'en 2019.
C'est dans ce contexte qu'un appel à négocier un contrôle des armements et une réduction des risques sécuritaires a été ouvertement exprimé, lors d'une conférence le 27 octobre 2022, par Bonnie Jenkins, sous-secrétaire d'Etat pour le contrôle des armements :
S'ils voulaient discuter avec nous... un contrôle des armements peut souvent être une option si vous avez deux parties désireuse de s'asseoir à la table des négociations et de discuter (...) Et il ne s'agit pas seulement de contrôle des armements mais de réduction des risques - tout ce qui conduit à un traité classique de contrôle des armements avec les différents aspects de ce contrôle que nous devons avoir avec eux. Nous avons dit très clairement à la RPDC (...) que nous sommes prêts à discuter avec eux - nous n'avons pas de conditions préalables.
Ces déclarations ont soulevé une levée de boucliers - à commencer par le département d'Etat américain, dont le porte-parole a déclaré qu'il n'y avait aucun changement dans la position de l'administration américaine sur la dénucléarisation de la RPDC.
Mais dans un contexte où de plus en plus d'experts soulignent l'impasse des sanctions, n'est-il pas temps de réellement envisager de changer de politique ? Car ce qui est en jeu est aussi la paix dans la région la plus fortement militarisée au monde : la dangereuse escalade à laquelle nous assistons ne peut que nous inciter à ne pas balayer d'un revers de main toute proposition réaliste pour empêcher qu'un nouveau conflit meurtrier endeuille l'Asie du nord-est et, au-delà, n'ait des répercussions sur la planète tout entière.
Sources :
Analysis: Is it time to accept North Korea has the bomb?
As a statement of intent, it was about as blunt as they get.
US official's suggestion of 'arms-control' talks with North Korea raises eyebrows | CNN
The United States said on Friday its policy towards North Korea had not changed after a senior US official responsible for nuclear policy raised some eyebrows by saying Washington would be willing ...
https://us.cnn.com/2022/10/29/asia/us-north-korea-nuclear-policy-unchanged-intl-hnk/index.html
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