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16 juin 2014 1 16 /06 /juin /2014 10:39

Alors que les révélations suite au dramatique naufrage du ferry Sewol ont mis en évidence les liens entre certains milieux culturels français et l'évangéliste Yoo Byeong-eon, connu sous son nom de photographe Ahae, il existe d'authentiques artistes coréens contemporains, qui auraient mérité mille fois davantage d'être mis en lumière par les institutions publiques françaises. Portraits croisés d'un artiste reconnu, Lee Ufan, actuellement à l'honneur au château de Versailles, et d'un affairiste habile, Ahae, tombé en disgrâce, mais dont les soutiens intéressés n'ont pas quitté le devant le scène artistique parisienne.

Né en République de Corée (du Sud) en 1936, Lee Ufan a été en 1969 l'un des fondateurs, avec Nobuo Sekine, du mouvement artistique Mono-Ha - souvent traduit par "école des choses". L'accent porté sur la pureté des choses existantes à partir du matériau brut, dans une présence physique et sensible, n'est pas sans évoquer le minimalisme - contemporain de Mono-Ha. Mono-Ha a été représenté à la Biennale de Paris en 1971, et a été actif jusqu'au milieu des années 1970.

Peintre, Lee Ufan a ensuite mis en lumière la puissance évocatrice des monochromes. En tant que créateur d'installations, il choisit d'abord de s'imprégner du lieu pour - à la manière des architectes - créer un champ de perceptions nouvelles, par un travail approfondi sur le point et la ligne. Comme il l'a déclaré dans un entretien au quotidien Le Monde, "mon propos n'est pas d'installer des objets fabriqués par moi, mais d'inviter à regarder le lieu, le ciel, la nature". Dans les installations de Lee Ufan qui sont aujourd'hui à voir à Versailles (neuf dans le parc, une dans le château), du 17 juin au 2 novembre 2014, la tombe de Le Nôtre, à l'origine de l'aménagement du lieu et de la création du jardin à partir de 1662, ne se découvre qu'à proximité immédiate - en une grosse pierre noire, symbolisant et concentrant le temps. Mais l'oeuvre la plus spectaculaire et la plus emblématique est l'Arche qui, selon l'angle où se situe le spectateur, se fond ou non dans le ciel et absorbe la lumière. Car Lee Ufan n'est pas seulement artiste ou écrivain, comme philosophe, il donne à voir et à comprendre le monde.

Lee Ufan et l'arche installée dans le château de Versailles

Lee Ufan et l'arche installée dans le château de Versailles

Travailler sur la sensation et la perception, c'est aussi ce qu'a voulu faire Yoo Byeong-eon, dans une approche subliminale de Dieu (le pasteur Yoo vend beaucoup de livres) qui n'avait rien de très original, tant sur la forme que sur le principe. Au demeurant, les photos de Ahae ne sont pas le résultat d'une réflexion artistique : il s'agit plutôt des aimables clichés léchés d'un amateur, qui en a profité pour les vendre fort chers et développer des produits dérivés, à sa gloire et à celui de sa petite entreprise. Contre toutes les pratiques établies, Yoo Byeong-eon, malgré son absence de passé artistique, s'était vu catapulter dans des expositions au château de Versailles et au jardin des Tuileries (qui dépend du Louvre), entre autres expositions à New York et à Prague. Lors de la clôture de son exposition le 8 septembre 2013 à l'Orangerie, une fête somptueuse n'a-t-elle pas été l'occasion pour le compositeur Michael Nyman d'interpréter la Symphonie n° 6 "Ahae" ? Car l'homme a un épais carnet de chèques : n'a-t-il pas versé 1,1 million d'euros au Louvre ? Et n'est-il pas un des mécènes de Versailles ?

Après une demande d'asile politique en France, rejetée, Yoo Byeong-eon est traqué par la police sud-coréenne pour son implication dans le naufrage du ferry Sewol et des accusations de détournements de fonds : 50.000 policiers sont aux trousses de l'homme, introuvable, que l'on dit protégé par les membres de l'église qu'il dirige et qui compterait 20.000 adeptes. Sa fille, Yoo Somena, a été interpelée le 27 mai 2014 à Paris.

Au-delà de l'affaire Yoo Byeong-eon, des questions se posent sur le choix des artistes, d'une part, et le financement de la culture en France d'autre part : ne relève-t-il pas de la charte éthique du musée du Louvre de refuser les dons d'origine douteuse ? Si la Philharmonie de Paris a annulé les événements organisés autour de Ahae à l'occasion des années croisées France-Corée (2015-2016), le commissaire de l'année culturelle France-Corée est Henri Loyrette, ancien président du Louvre, qui a couvert de louanges Ahae, rejoint par Catherine Pégard, présidente de l'établissement public du château de Versailles. 

Il est temps de tirer toutes les conséquences de ce naufrage culturel et que les responsables impliqués rendent compte. C'est le sens de l'appel lancé par des Coréens en France dans une lettre ouverte à Mme Aurélie Filipetti, ministre de la culture, reproduite sur le site Louvre pour Tous - qui a été le premier à dénoncer, dans notre pays, l'imposture artistique qu'est Ahae.

Sources :

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