Overblog Tous les blogs Top blogs Politique Tous les blogs Politique
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MENU
16 octobre 2025 4 16 /10 /octobre /2025 17:17

Alors que la France semble renouer avec les Gouvernements fragiles à la durée incertaine, l’histoire institutionnelle française renvoie à des situations où des contextes ont fragilisé la stabilité de certains cabinets. En 1950, la France, qui est déjà impliquée dans la Guerre d’Indochine, suit de près le conflit qui vient de débuter dans la péninsule coréenne. La situation politique est marquée par la « Troisième force », coalition qui unit plusieurs partis allant des socialistes aux indépendants du CNI, mais qui exclut à la fois les communistes et les gaullistes. Depuis 1947, l’exclusion des ministres communistes de la scène gouvernementale intervient avec la Guerre froide en arrière-fond. Le contexte diplomatique et géopolitique va peser, avec des degrés variables, sur les Gouvernements qui doivent aussi se former selon des dosages aussi subtils que délicats. Cela explique ainsi les prudences des socialistes, résolument membres de la coalition, mais qui doivent aussi ménager leurs électeurs qui pourraient être tentés par le vote communiste. D’où des démarches contradictoires entre la volonté de peser, quitte à admettre un relatif glissement sur la droite des coalitions gouvernementales, et celle de se démarquer, mais avec le risque de laisser l’exécutif aller encore plus à droite. Or la SFIO, sans retirer son soutien aux coalitions, est de plus en plus réticente à y participer ne serait-ce qu’en ne désignant plus de ministres. C’est le début de la fin de la « Troisième Force », laquelle surviendra en 1951.

Un contexte politique perméable aux crises internationales

 

Georges Bidault a été nommé en 1949. Mais s’il est l'« homme des américains », il a aussi été sensible à certaines relations avec le bloc communiste, à commencer par l’URSS. Celui qui a été ministre des Affaires étrangères à plusieurs reprises entre 1944 et 1954 a même rencontré Staline. Ainsi, en 1944, il signe avec Viatcheslav Molotov, commissaire du peuple aux Affaires étrangères, le traité d’alliance entre la France et l’URSS. Mais en 1950, l’OTAN a un an et les Américains sont sourcilleux de l’alchimie gouvernementale française. La peur du communisme est aiguisée par l’avènement des démocraties populaires qui coupe ainsi l’Europe en deux. Bidault a été nommé président du Conseil parce qu’il peut « rassurer » Washington. Le début des hostilités en Corée, le 25 juin 1950, va aussi avoir des conséquences sur la stabilité gouvernementale. Georges Bidault est renversé le 24 juin 1950 à l’Assemblée nationale par 350 voix contre 230, soit un jour avant le début des hostilités. Cette fois-ci, le Gouvernement a été régulièrement renversé, à la majorité absolue des députés, et non sur leur simple humeur. 

 

Henri Queuille est pressenti. Mais il doit d’abord s’incliner devant la candidature de Bidault à nouveau mise sur le tapis par le président de la République, Vincent Auriol. Mais le maître du jeu, Guy Mollet, leader de la SFIO, ne l’entend pas de cette oreille : Bidault a été fraîchement renversé et il n’est pas question qu’il soit à nouveau nommé. Finalement, Henri Queuille est à nouveau en lice. Il a déjà démontré des capacités à gouverner entre 1948 et 1949 et on lui attribue - peut-être avec exagération - une habilité à ne pas trancher les sujets quand ils deviennent brûlants. Le radical-socialiste corrézien sera donc nommé à Matignon. Stabilité en vue ? En réalité, si Henri Queuille a été investi par 363 voix contre 208 le 28 juin 1950, il est renversé quelques jours plus tard, le 4 juillet, par 334 voix contre 221. Son Gouvernement ne comportant pas de socialistes penchait trop à droite : une tare flagrante pour la SFIO.

 

La Guerre de Corée s’invite dans le jeu politique français

 

Au regard de ces circonstances, on se focalise sur le jeu interne. Mais la situation internationale de la France a nécessairement pesé sur une vie politique agitée. La Guerre de Corée a nécessairement eu un rôle dans la crise ministérielle qui se poursuit au début de l’été 1950. Les tensions déjà vives se sont accrues conduisant les communistes à être davantage défiants, en poussant les socialistes à soutenir encore plus mollement une coalition à laquelle ils participaient originellement. Indirectement, la Guerre de Corée s’est invitée dans une crise politique française. D’autres sujets relatifs à la politique étrangère de la France vont s’immiscer dans la situation politique du pays, comme la Communauté européenne de défense (CED), dont le rejet va conduire à une nouvelle crise en 1954.

 

La crise ministérielle n’a cependant pas empêché pas la France d’envoyer des troupes dans la péninsule coréenne et de participer à la coalition des Nations Unies. Le bataillon français, constitué le 25 août 1950 sous le Gouvernement de René Pleven, débarque à Busan le 29 novembre 1950. Il est vrai que le contexte de bipolarisation mondiale, marquée par la peur de l’expansion communiste, jouera fortement. Les Gouvernements se suivront, seront renversés, mais ils ne remettront pas en cause l’effort de guerre français. Il en sera ainsi jusqu’à l’armistice du 27 juillet 1953 mettant fin aux combats en Corée. En revanche, le régime de la IVe République s’est davantage fragilisé, ce qui à terme conduira à son effondrement en 1958. Mais ceci est une autre histoire… En tout état de cause, après 1950, et surtout après 1953, la Corée ne s’invitera plus dans des affaires de stabilité gouvernementale française passant même au second plan des coalitions politiques de la IVe république, puis des majorités politiques successives de la Ve république. Il aura fallu la brève existence du Gouvernement « Lecornu I » du 5 au 6 octobre 2025 pour rappeler un passé constitutionnel encore proche marqué par des situations surprenantes. La comparaison s’arrête là, même si quelques jours plus tard, le même chef du Gouvernement sera renommé le 10 octobre. Georges Bidault n’aura pas eu cette chance, probablement en raison du renversement de son Gouvernement qui devait ainsi peser pour la suite. D’une instabilité ministérielle l’autre.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Association d'amitié franco-coréenne
  • : Soutenir la paix en Corée, conformément à l'aspiration légitime du peuple coréen et dans l’intérêt de la paix dans le monde
  • Contact

"Les leçons sympathiques et utiles"

Recherche

D'où venez-vous?