Accueilli par des manifestations hostiles à Séoul les 5 et 6 août 2008, le président américain George W. Bush n'a cependant pas changé d'un iota sa politique envers la Corée du Sud, dont il attend un soutien indéfectible dans le cadre de sa "guerre contre le terrorisme". Les diatribes proférées contre Pyongyang à cette occasion demandent par ailleurs de s'interroger sur la bonne foi des Américains dans leurs négociations avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord).
Le comité d'accueil était à la hauteur des manifestations qui scandent la vie politique en Corée du Sud depuis mai, malgré la répression : en visite à Séoul les 5 et 6 août, avant d'assister à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Pékin, George W. Bush a été reçu par la 90ème manifestation aux chandelles organisée par le Conseil populaire de contre-mesures contre la maladie de la vache folle depuis l'annonce du président Lee Myung-bak, à Washington, de lever l'embargo sur les importations de boeuf américain.
A gauche, une manifestation contre la visite du président Bush.
A droite, une manifestation de soutien, organisée notamment par les vétérans de la guerre de Corée. (source : Hankyoreh)
D'autres manifestations avaient été organisées, l'une contre la ratification de l'accord de libre-échange américano - sud-coréen, dont la reprise des importations de boeuf américain constituait le préalable exigé par Washington, l'autre par les organisations pacifistes et pour la réunification de la Corée, dont le groupe Solidarité pour la paix et la réunification de la Corée.
Apès la récente volte-face de l'administration américaine sur la souveraineté des îles Dokdo, George W. Bush n'a toutefois pas changé une note d'une partition jouée d'avance :
- en plaidant pour la ratification de l'accord bilatéral de libre-échange, incertaine au Congrès américain, mais dont le président Lee Myung-bak s'est toutefois engagé à ce qu'elle intervienne au Parlement sud-coréen d'ici la fin de l'année, en prétendant qu'un tel accord sera un facteur favorable à l'économie coréenne, alors qu'il menace des pans entier d'activité comme l'agriculture et le cinéma en les soumettant à la concurrence internationale ;
- en exhortant à l'envoi de personnels sud-coréens en Afghanistan et au maintien des troupes coréennes en Irak, malgré l'opposition de l'opinion publique à Séoul.
De même, Washington s'est totalement rangé aux côtés de Séoul dans l'émotion qui a gagné le sud de la péninsule après la mort d'une touriste sud-coréenne tuée par un soldat dans les monts Kumgang, au Nord, symboles de la coopération intercoréenne. La fin de non-recevoir opposée par Pyongyang à la demande d'une enquête commune intercoréenne a suscité l'incompréhension au Sud, alors que le Nord s'indigne de la décision prise de suspendre les circuits touristiques dans les monts Kumgang. Dans un contexte d'escalade, les autorités nord-coréennes ont annoncé le retrait, du complexe touristique, des personnels sud-coréens dont la présence n'apparaît plus nécessaire. Pour sa part, le ministère sud-coréen de la réunification a interdit à des syndicalistes enseignants de se rendre au Nord, malgré les protestations de ces derniers.
La vraie surprise du voyage de George W. Bush en Corée du Sud a été la violence de ses attaques contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Tout en réaffirmant que la RPDC faisait toujours partie des "pays de l'Axe du mal", il a dénoncé la situation des "droits de l'homme", ce que la Corée du Nord peut considérer comme une ingérence dans ses affaires intérieures, sans rapport avec l'objectif de dénucléarisation de la péninsule coréenne. A cet égard, en mettant des conditions au retrait de Pyongyang de la liste des Etats soutenant le terrorisme, à savoir la vérification de la liste des activités nucléaires remises par la RPDC, il est apparu durcir soudainement la position américaine, alors que dans le cadre des négociations à six parties qui ont repris le 10 juillet, la RPDC s'est engagée à compléter d'ici fin octobre les mesures de désactivation du réacteur nucléaire de Yongbyon.
Ce changement de ton n'est pas une maladresse de George W. Bush, puisqu'une position globalement analogue a été tenue par le négociateur américain avec la Corée du Nord, Christopher Hill, lors d'une audition par le Congrès américain le 31 juillet. Les commentateurs se perdent en conjectures sur une telle volte-face : s'agit-il de faire monter les enchères vis-à-vis de Pyongyang ? Faut-il y voir un succès de la ligne dure défendue par les faucons de l'administration américaine, qui n'ont pas hésité à manipuler les informations recueillies par les services de renseignement à propos de la Corée? L'AAFC avance une dernière hypothèse : à la veille de l'élection présidentielle américaine de novembre, l'administration Bush peut ne pas vouloir engager le futur chef de l'Etat, à l'instar de Bill Clinton fin 1999 alors que les négociations bilatérales avec la Corée du Nord étaient sur le point d'aboutir... Dès lors, tenir à nouveau les propos sur "l'axe du mal", à l'origine de la dégradation des relations avec Pyongyang, peut n'être qu'une manoeuvre pour pousser la RPD de Corée à la rupture, et lui faire endosser le mauvais rôle de celui qui refuse de négocier. Assurément, ce ne serait pas la première manoeuvre de George W. Bush vis-à-vis de l'opinion publique américaine. (Sources : AAFC, Hankyoreh, Asia Times online, Times of India).
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