Le 5 mars 2015, à Séoul, l'ambassadeur américain en Corée du Sud a été attaqué au couteau par un assaillant présenté comme le chef d'un groupe progressiste, Woori Madang, déjà condamné en 2010 à une peine de prison de deux ans (avec sursis) pour avoir lancé une pierre en direction de l'ambassadeur du Japon. Si cette attaque reste un geste isolé, elle vient rappeler le contentieux existant entre une large frange de l'opinion sud-coréenne et les États-Unis qui stationnent toujours près de 30 000 soldats dans le pays. Le 5 mars, ce contentieux a donc dégénéré de manière violente, au lendemain du début des exercices militaires américano-sud-coréens et de déclarations de la sous-secrétaire d'État américaine pour les affaires politiques, complaisantes à l'égard du révisionnisme historique des autorités japonaises actuelles. Les passions anti-américaines risquent encore de croître à l'approche du 70e anniversaire de la libération de la Corée et du début de sa division à l'initiative des États-Unis. La méfiance - pour ne pas dire plus - d'une partie des citoyens sud-coréens vis-à-vis des grandes puissances, au premier rang desquelles les États-Unis, est un phénomène suffisamment important et profond pour que le colonel Jiyul Kim, directeur des études asiatiques à l’US Army War College, y consacre, en 2005, un article dont l'Association d'amitié franco-coréenne propose ici une traduction. Si l'AAFC ne partage pas toutes les idées exprimées par le colonel Kim, elle souscrit pleinement à l'avertissement lancé il y a dix ans par cet officier de l'armée américaine : « Les Américains devraient se soucier de la ferveur émotionnelle qui accompagne aujourd’hui le débat public sur le passé en Corée du Sud notamment, mais pas seulement, au sujet de la période du colonialisme japonais et du rôle des États-Unis dans l’histoire de la Corée moderne, pendant la Guerre de Corée et la période de la dictature allant des années 60 au milieu des années 80. »
Manifestation le 9 mars 2009 à Seongnam, Corée du Sud, contre les manoeuvres américano-sud-coréennes "Key Resolve"/"Foal Eagle"
Le nationalisme pan-coréen, l’opposition aux grandes puissances et les relations entre les États-Unis et la Corée du Sud
Jiyul Kim*
Japan Focus - 13 décembre 2005
L’attention accordée généralement à la question nucléaire nord-coréenne semble avoir empêché un examen minutieux de la relation entre les États-Unis et la Corée du Sud alors que celle-ci entre dans une période de transition profonde.1 Les tendances et dynamiques actuelles de la politique sud-coréenne exigeront de reconsidérer les fondements de cette relation. On peut prévoir une mutation majeure des caractéristiques de cette alliance, spécialement de ses aspects miliaires. Cependant, une telle transformation ne doit pas être vue comme nuisant aux États-Unis.
Nouvelles idéologies de l’identité coréenne
Deux tendances idéologiques majeures sont en train de gagner du terrain en Corée du Sud, le nationalisme pan-coréen et l’opposition aux grandes puissances, ce qui amènera un changement significatif dans la position et les intérêts du pouvoir politique. Ces tendances ne sont pas nouvelles, mais ce qui les rend particulièrement fortes aujourd’hui est l’impact du changement de génération et du phénomène de « rupture historique », selon l’expression de Sheila Miyoshi Jager et Rana Mitter, résultat de la fin de la Guerre froide et de la démocratisation survenues toutes les deux presque simultanément en Corée du Sud à la fin des années 80.2
Le nationalisme pan-coréen et l’opposition aux grandes puissances sont étroitement associés à des notions d’identité et de nationalisme en pleine évolution. Ce sont des courants idéologiques soumis à des facteurs culturels comme le symbolisme de l’expérience historique ou, plus précisément, la mémoire de cette histoire. Ce qui arrive de nos jours dans la politique sud-coréenne est un combat qui tient autant au passé qu’à l’avenir.
Le nationalisme pan-coréen est le terme que j’utilise pour décrire le sentiment national coréen englobant le nord et le sud en Corée du Sud. L’opposition aux grandes puissances se réfère au désir des Coréens d’échapper à l’exploitation et la persécution, réelles ou perçues, de la part des grandes puissances, dont la péninsule coréenne a fait l’expérience depuis la seconde moitié du XIXe siècle. Ces deux idées sont étroitement liées, mais la façon d’envisager ce lien et de l’exprimer en politique, basée sur la manière avec laquelle l’histoire est rappelée et devrait être rectifiée, a provoqué une profonde division entre jeunes et vieux. Le principal fossé entre générations s’est ouvert entre ceux qui se souviennent de la Guerre de Corée et les autres.
La jeunesse tend à imaginer et comprendre la situation de la péninsule après la Guerre de Corée en fonction du statu quo de l’après-Guerre froide dans lequel la Corée du Nord n’est plus l’agresseur malfaisant, mais tout aussi victime de la politique des grandes puissances. Cela a forgé une nouvelle terminologie, « conflit sud-sud » (nam-nam kaltung) décrivant la profonde division et désunion qui existe maintenant entre les jeunes, dont beaucoup embrasseraient et aideraient le Nord, et les vieux, qui adhèrent à la ligne anti-communiste et anti-Corée du Nord remontant à la Guerre de Corée. Il existe bien sûr des exceptions, par exemple l’apparition récente de la Nouvelle Droite qui rassemble des jeunes Coréens du Sud rejetant aussi bien la gauche jugée anti-démocratique et anti-capitaliste, que la droite traditionnelle jugée corrompue. Mais de telles exceptions ont encore peu de poids politique et restent relativement marginales.3
La Corée du Sud est donc dans une période de transition. La génération qui a suivi la Guerre de Corée a mûri et est prête à assumer la direction politique. L’élection de Roh Moo-hyun au poste de président en 2002 était dans une grande mesure le premier pas de cette transition. Ils rejettent par dessus tout le paradigme politique qui avait fonctionné auparavant sous l’égide de la Guerre froide et était fondé sur des liens intimes avec les États-Unis. Ils cherchent à réaliser le vieux rêve de parvenir à l’autodétermination, une Corée maîtresse de son sort et de sa destinée, une destinée prometteuse de grandeur. A leurs yeux, une telle destinée peut seulement s’affirmer grâce à une réunification pacifique.
Le nationalisme pan-coréen
La fin de la Guerre froide a excité des forces qui ont abouti à l’apparition de formes profondément modifiées de nationalismes dans toute l’Asie de l’Est. Chez les principaux protagonistes asiatiques de la Guerre froide, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, le Vietnam et Taïwan, la résurgence et la redécouverte de mémoires et de lectures du passé réprimées par les politiques de Guerre froide leur ont permis de retrouver une image plus libre et peut-être plus puissante d’eux-mêmes en tant que peuples et nations. Ce nouveau nationalisme a aussi lourdement pesé sur les relations non seulement entre eux, mais surtout avec les États-Unis, en raison du rôle prépondérant de ces derniers dans la défaite du Japon pendant la Seconde Guerre mondiale puis tout au long de la Guerre froide. Peu, si ce n’est aucun, des décideurs et intellectuels américains ne comprennent l’intensité et l’ampleur de cette mutation qui aura indubitablement de profonds impacts sur les relations des États-Unis avec l’Asie de l’Est. Tout comme l’année 1945 interrompit le cours précédent de l’histoire et fit entrer dans un nouvel ordre mondial, la fin de la Guerre froide a provoqué une rupture historique fondamentale qui génère maintenant une nouvelle logique de l’identité nationale et de nouvelles relations internationales.4 La globalisation contribue certainement à la nouvelle équation, mais la nouvelle forme du nationalisme est-asiatique a peut être une place tout aussi grande. Le monde de l’après-Guerre froide est paradoxal car il est davantage interconnecté grâce à la globalisation, mais a stimulé en même temps les particularismes et les nationalismes tournés vers l’intérieur fondés sur l’ethnie, la religion et d’autres bases culturelles.
Ce qui est remarquable en Asie de l’Est c’est que, sur le chemin de l’édification du nouvel ordre mondial, ce combat est autant un combat pour la résolution de l’histoire que pour l’avenir. La démocratisation de pays comme la Corée du Sud et Taïwan a rendu possible l’ouverture à la discussion et au débat public d’une histoire refoulée et réprimée durant la Guerre froide. Les Américains devraient se soucier de la ferveur émotionnelle qui accompagne aujourd’hui le débat public sur le passé en Corée du Sud notamment, mais pas seulement, au sujet de la période du colonialisme japonais et du rôle des États-Unis dans l’histoire de la Corée moderne, pendant la Guerre de Corée et la période de la dictature allant des années 60 au milieu des années 80. Il n’est pas fortuit que le Président Roh Moo-hyun ait pris pour thème principal de ses allocutions du Jour de la Libération d’août 2004 et 2005 le « nettoyage de l’histoire ».5 Pour Roh et beaucoup de ses collègues, l’histoire de la rivalité entre les grandes puissances et du conflit autour de la Corée est la cause principale des malheurs de la Corée que sont la colonisation, la division, la guerre, une modernité et un développement tortueux, et, peut-être plus que tout, d'être privée du pouvoir de choisir sa voie et sa destinée. Le résultat, tel que communément perçu, fut une souffrance incommensurable du peuple coréen victime de la colonisation, des guerres et des crimes des troupes d’occupation, et versant son sang au Vietnam en y en envoyant des soldats en échange de gains matériels.
Les premiers agents des tourments passés et contemporains de la Corée sont ainsi vus comme étrangers plutôt que nationaux, externes plutôt qu’internes. Le siècle d‘oppression et de soumission du peuple coréen pris à la fin du XIXe siècle dans le jeu des grandes puissances suivi par quarante années de colonisation japonaise, puis enfermé dans les polémiques et conflits de la Guerre froide par des dirigeants autoritaires et dictatoriaux, a créé une pression immense pour chercher à résoudre l’exploitation, l‘injustice et un sort de victime de l’histoire. Comprendre les conséquences politiques de ce mouvement est crucial pour comprendre l’avenir de la Corée du Sud, l’avenir de la péninsule coréenne et celui des relations entre les États-Unis et la Corée du Sud.
Le 15 septembre de cette année [2005], 55e anniversaire du débarquement d’Incheon qui a inversé le cours de la Guerre de Corée, une dispute couvant autour d’une statue relativement inoffensive du Général MacArthur à Incheon a éclaté en une confrontation violente opposant 4 000 Coréens du Sud voulant déboulonner la statue et 4 000 policiers anti-émeutes soutenus par un millier de citoyens partisans de la statue. Le mouvement pour déboulonner la statue de MacArthur qui avait débuté ce printemps par une petite campagne de citoyens s’est intensifié pour devenir une bataille symbolique entre les nouvelles et anciennes générations. Le mouvement anti-MacArthur est une branche d’un mouvement anti-américain plus large qui a identifié la statue comme symbole d’une des plus grandes trahisons américaines vis-à-vis de la Corée. Un dirigeant du mouvement expliquait ainsi le raisonnement : « Il est temps de réévaluer le rôle de MacArthur dans l’histoire. Si elle n‘était pas là pour lui, notre pays n’aurait pas été colonisé et divisé comme il l’a été. » En fait certains membres du groupe anti-MacArthur seraient prêt à croire que l’unification par la Corée du Nord aurait été une bonne chose et qu’elle a été tragiquement contrecarrée par l’intervention des États-Unis.6 Une telle position est aussi, bien sûr, un défi fondamental pour la légitimité de l’État sud-coréen que ces critiques voient essentiellement comme une colonie de l’Empire américain issu de la Guerre froide. Bien que cette opinion soit encore minoritaire, la position ambiguë du parti Uri au pouvoir indique qu’il est enclin à soutenir cette position révisionniste. C’est seulement la dernière manifestation publique d’un anti-américanisme croissant jugé si perturbant par le Congrès des États-Unis qu’il a adressé une lettre de protestation au Président Roh en lui offrant de déplacer la statue vers une place d’honneur à Washington.7
L’opposition aux grandes puissances
La conscience anti-américaine en Corée du Sud va grandissante. Bien qu’il ait existé dans les années de Guerre froide, ce sentiment, spécialement parmi les plus jeunes génération de l’après-Guerre de Corée, a fait brutalement irruption sur la place publique avec les révélations sur les accusations de massacres délibérés de civils perpétrés par les troupes américaines à Nogun-ri et dans beaucoup d’autres lieux pendant la Guerre de Corée. En 2002 la mort de deux jeunes filles renversées et tuées par un véhicule blindé américain pendant un exercice a provoqué des démonstrations de masse au cours desquelles des drapeaux américains furent brûlés. Dans le sillage de démonstrations si crues perçues par le Congrès des États-Unis comme une marque d’ingratitude de la part du peuple coréen, le Congrès ignorait en 2003 une résolution marquant le 50e anniversaire du Traité de sécurité mutuelle entre les États-Unis et la Corée du Sud tandis qu’il adoptait des résolutions pour reconnaître le 150e anniversaire des relations diplomatiques établies en 1853 entre les États-Unis et le Japon et le 25e anniversaire de l’Acte de relation avec Taïwan de 1979. Cette rebuffade du Congrès ne reçut que peu d’attention en Corée du Sud.8
L’anti-américanisme n’est qu’une partie d’un mouvement culturel plus large qui pourrait être qualifié d’opposition aux grandes puissances et dont les racines remontent au milieu du XIXe siècle si ce n’est avant. Peu après la Guerre de l’opium, la Corée faisait partie du jeu des grandes puissances en Asie de l’Est. Dans l’historiographie coréenne et dans la mémoire populaire c’est là l’origine de plus d’un siècle de victimisation coréenne par les grandes puissances. Dans ce récit, le Japon occupe une grande place non seulement parce qu’il fut le premier à obliger la Corée à s’ouvrir en 1876, par l’affermage de deux nouveaux ports dont il proclame l’extraterritorialité grâce à la diplomatie de la canonnière, mais plus sûrement à cause du legs de quatre décennies de colonialisme. En grande partie réprimé pendant la Guerre froide, l’anti-japonisme a fleuri avec la rupture historique marquant la fin de la Guerre froide à mesure que le débat public et de nombreuses affaires judiciaires s’intéressaient aux questions de l’oppression des « femmes de réconfort » pour l’armée et de la main-d’œuvre esclave coréenne.
Quand l’ambassadeur du Japon déclara en février 2005 que l’île de Tokdo/Takeshima dans la mer de l’Est/du Japon était un territoire sous souveraineté japonaise, il suscita une vague massive et générale d’activisme anti-japonais chez les citoyens qui tourna en ridicule la déclaration bilatérale officielle faisant de 2005 l’année de l’Amitié nippo-coréenne.9 Un récent sondage effectué entre fin août et début septembre [2005] par le quotidien national JoongAng Ibo révélait de façon étonnante que 62 % des Coréens haïssaient le Japon. Le pourcentage était de 9 % pour la Corée du Nord et de 14 % pour les États-Unis. Un sondage pour le quotidien national Hanguk Ilbo et le quotidien japonais Yomiuri montrait en mai [2005] que 57,2 % des Coréens voyaient le Japon comme une menace militaire tandis que seulement 6,2 % des Japonais éprouvaient la même chose au sujet de la Corée du Sud. Le compte-rendu du Yomiuri sur le même sondage soulignait des chiffres encore plus dérangeants. Un chiffre record de 90 % des Coréens du Sud disaient se méfier du Japon et 89 % pensaient que les relations bilatérales étaient négatives. Par contraste 59 % des Japonais disaient faire confiance à la Corée du Sud et 60 % pensaient que les relations bilatérales étaient positives. Quand ils furent interrogés sur les facteurs qui contribuaient à une relation négative, 94 % des Coréens du Sud et 65 % des Japonais citèrent l’affaire Tokdo/Takeshima.10
L’ironie presque tragique de cette situation est que l’énorme vague de culture populaire sud-coréenne déferlant au Japon, surtout les films, les pièces de théâtre et les chanteurs, a fait des Japonais les touristes les plus nombreux en Corée du Sud. Les rues de Séoul et d’autres destinations touristiques essentielles se spécialisent ainsi dans la satisfaction des visiteurs japonais à un moment d’hostilité croissante des Coréens à l’égard du Japon. L’anti-japonisme ne s’est heureusement pas traduit par des actions violentes, mais les sentiments sont profonds, forts et animés par la persistance des questions autour de la compensation pour le colonialisme, surtout le travail forcé, les « femmes de réconfort » et les victimes de la bombe atomique11, autour de la protection, des positions privilégiées et de la promotion des collaborateurs, autour du débat interminable sur les textes des livres d’histoire japonais, autour de la controverse suscitée par la visite du Premier ministre japonais au sanctuaire Yasukuni, et plus récemment, autour de l‘affaire de la souveraineté de l’île de Tokdo/Takeshima.
Même la mémoire de Park Chung-hee, le président à poigne de fer de la plus grande partie des années 60 et 70 largement considéré comme le principal responsable de la transformation économique de la Corée du Sud, est entachée par son passé d’instituteur et d’officier au service du Japon impérial. Le mouvement anti-Park a réussi quelques actions absurdes mais hautement symboliques comme la décision de retirer le panneau avec sa calligraphie à Gwanghwamun, le cœur politico-culturel de Séoul, et de le remplacer par un ensemble de caractères dessinés par un roi de la dynastie Choson dont les références nationalistes sont sans doute moins contestées.12
Les exemples de la colère dirigée contre les États-Unis jalonnent le long XXe siècle, mais c’est seulement dans l’ère de l’après-Guerre froide que ces affaires sont passées au premier plan. Ici, aussi, c’est une longue suite de griefs. Un des résultats de la médiation de Théodore Roosevelt pendant la guerre russo-japonaise en 1905 fut l’accord secret Taft-Katsura par lequel les États-Unis et le Japon reconnaissaient mutuellement la primauté des intérêts de l’autre en Corée et aux Philippines. Cela autorisa le Traité de protectorat qui fit de la Corée une colonie japonaise en 1905. Beaucoup se souviennent aujourd’hui de la libération survenue en 1945, avec la défaite du Japon, comme de la répression par les États-Unis des mouvements nationalistes de gauche en zone américaine et de l’instauration d’une division permanente de facto de la péninsule.
Il faudrait noter qu’après avoir refusé pendant des décennies de reconnaître les nationalistes de gauche comme des combattants pour l’indépendance, la Corée du Sud a décidé cette année [2005] de les reconnaître et de les honorer, bien qu’une proposition d’y inclure Kim Il-sung ait été rejetée.13 La Guerre de Corée, la plus grande tragédie de l’histoire de la Corée moderne, est maintenant largement vue comme une guerre par procuration entre les États-Unis d’un côté, et l’Union Soviétique et la Chine de l’autre. Dans cette perspective, les Coréens, au nord et au sud, furent seulement les pions et les victimes d’une guerre désastreuse. L’implication américaine est relevée même avant la Guerre de Corée dans la répression sanglante du soulèvement de Jeju au printemps de 1948. La trahison a continué à être perçue pendant la Guerre froide avec la tolérance, l’acceptation et le soutien des États-Unis pour les régimes autoritaires et dictatoriaux successifs. Le coup d’État de Park Chung-hee qui renversa en 1961 un régime démocratique de moins d’un an, s’il inquiéta d’abord les Américains, reçut rapidement leur soutien.
Le soutien à grande échelle apporté par la Corée du Sud pendant la Guerre du Vietnam, avec le maintien d’une force de 50 000 hommes, de loin la force non américaine la plus importante engagée dans la guerre, est maintenant vu par beaucoup comme un pacte avec le diable visant à échanger du sang contre de l’argent et du matériel. En 1965, le traité de normalisation avec le Japon, une mesure de plus en plus considérée comme un contrat humiliant pour que le peuple renonce à son droit de demander les justes réparations et dédommagements pour les souffrances du colonialisme, fut signé grâce à la pression exercée par les Américains sur les Japonais et les Coréens. Quand le Président Nixon visita la Chine continentale en 1972, le choc et le sentiment de trahison en Corée du Sud (tout comme au Japon) frôlèrent l’accablement. Presque toute une nuit, un allié résolu des États-Unis et du monde libre dans la Guerre froide, Taïwan, fut écarté, tandis que le Japon et la Corée furent informés de ce grand revirement stratégique seulement après l’événement. En Asie, le sentiment d’une trahison de ses alliés par l’Amérique fut encore renforcé par la perception de la trahison du Vietnam du Sud forcé d’accepter, fin 1972, les Accords de paix de Paris, et par la décision de Nixon de retirer de Corée du Sud presque la moitié des forces américaines terrestres sensiblement au même moment, en vertu de la doctrine de Guam nouvellement proclamée. La visite du Président Chun Doo-hwan, premier chef d’État à rencontrer la nouvelle administration Reagan en 1981, moins d’un an après sa répression sanglante du soulèvement démocratique de la population de Kwangju en mai 1980, un épisode glaçant où certains voient la complicité et le soutien des États-Unis, et après le coup d’État de Chun de décembre 1980, est considéré par beaucoup comme une preuve de la politique cynique des États-Unis démentant la rhétorique de promotion de la liberté et de la démocratie.
Dans cette série de trahisons américaines perçues par le peuple coréen, la dernière, et le début de la vague actuelle d’activisme anti-américain, a pour point de départ le changement abrupt de politique vis-à-vis de la Corée du Nord en 2001 quand George Bush est entré à la Maison Blanche. L’an 2000 avait été une année exceptionnelle pour la concrétisation des espoirs d’unification. Le Président Kim Dae-Jung, propulsé par sa populaire politique du rayon de soleil, fit en juin une visite triomphale à Pyongyang. La secrétaire d’État Albright suivit à l’automne et il y eut des rumeurs crédibles quant à une visite du Président Clinton en Corée du Nord.
Cette promesse et ce rêve furent, dans l’esprit du peuple coréen, brisés par l’administration Bush qui suspendit immédiatement pour six mois la politique envers la Corée du Nord avant de démontrer clairement qu’elle traiterait la Corée du Nord avec suspicion, méfiance et même hostilité, la qualifiant de membre de l'« axe du mal », visant donc ainsi à renverser son régime. La fin de la Guerre froide et la politique du rayon de soleil de Kim Dae-Jung avaient inscrit dans le cœur des Coréens du Sud la possibilité de s’imaginer et même de vivre dans l’époque de l’après-Guerre de Corée. L’après-Guerre de Corée peut être vue comme emblématique d’une opinion ne considérant plus le Nord comme un ennemi, responsable de la Guerre de Corée, mais comme un frère qu’il faut prendre dans ses bras et aider. La fin de la Guerre froide, une confiance née de l’accession de la Corée du Sud au rang de puissance régionale qui contrastait de manière spectaculaire avec l’effacement de la Corée du Nord tout comme l’amélioration de la situation politique sous les administrations Clinton et Kim Dae-Jung, firent de l’idée d’une Corée unifiée et de la notion de nationalisme pan-coréen quelque chose de réalisable et de tangible.
La raison pour laquelle l’année 2005 a revêtu une telle charge symbolique est qu’elle vit coïncider les anniversaires de trois événements essentiels : le 100e anniversaire du traité de protectorat japonais, le 60e anniversaire de la libération et de la division de la Corée et le 40e anniversaire du traité de normalisation avec le Japon.
Ces événements éclairent la mémoire historique dominante et les forces qui déterminent les nouvelles tendances politiques et lignes de fracture : l’anti-japonisme, l’anti-américanisme et le nationalisme pan-coréen. Il est à mettre au crédit de la maturité de la démocratie sud-coréenne, peut-être la démocratie la plus vivante en Asie de l’Est, que le débat et discours sur ces sujets controversés soit porté dans l’arène publique, ce qui aboutit parfois à une confrontation physique.
Suivant l’appel du Président Roh Moo-hyun à « nettoyer l’histoire » dans son allocution d’août 2004, l’Assemblée nationale a voté une série de lois établissant un grand nombre de commissions pour la vérité afin d’examiner beaucoup de questions historiques essentielles de la période coloniale comme de l’ère du pouvoir militaire entre 1961 et la fin des années 80.14 Il est ainsi frappant de voir que les points les plus controversés du débat portent davantage sur le Japon que sur les États-Unis, spécialement sur le sujet des travailleurs forcés et des « femmes de réconfort ».
Sur le plan intérieur on se focalise sur les collaborateurs de l’ère coloniale et les droits de l'homme sous le régime militaire. Les deux sujets sont intimement liés surtout en la personne de Park Chung-hee, qui jette un pont conceptuel direct entre la collaboration et les violations des droits de l'homme par le régime militaire. Cela a des implications politiques depuis que la propre fille de Park, le député Park Geun-hye, dirige le Grand Parti national conservateur et figure en tête des candidats pour l'élection présidentielle de 2007. [NdT : le candidat conservateur sera finalement Lee Myung-bak] Ainsi, Park Geun-hye ne se bat pas seulement pour sa vision de l’avenir de la Corée du Sud, mais aussi pour la mémoire historique de son père, symbole de la subordination au conquérant japonais pour certains, père du développement coréen pour d’autres.
Certains ont fait le lien entre les commissions pour la vérité, qui ont réouvert d’anciennes et cruelles blessures dans la psyché coréenne, et le processus pour la vérité et la réconciliation en Afrique du Sud. Peut-être cela aboutira-t-il finalement à enterrer le passé, mais une telle issue est douteuse. L’Institut privé pour la recherche sur les activités collaborationnistes (minjok munje yonguso) s’est engagé à publier une liste complète des collaborateurs d’ici la fin de 2007.15
Son but n’est pas seulement de discréditer les collaborateurs, parmi lesquels plusieurs jouèrent un rôle éminent surtout comme politiciens, hommes d’affaires et chefs militaires dans le développement de la Corée du Sud, mais aussi d’ôter à leurs descendants l’opportunité de profiter de ce qui est vu comme les profits matériels mal acquis de cette collaboration tels que la richesse et la terre accumulées grâce à leurs affaires et positions dans le gouvernement colonial. Plusieurs de ces personnes ont acquis une telle place dans l’histoire et la société que plane la menace d’un grand tremblement de terre faisant bouger les lignes de fracture politiques. Plusieurs Coréens du Sud ont à l’esprit les premières purges de « collaborateurs » en Corée du Nord dans les années précédant la Guerre de Corée. Dans cette optique, la Corée du Sud est donc vue par les partisans du nettoyage comme accusant un retard de près de 60 ans dans une entreprise vitale destinée à retrouver une pure identité coréenne.
La transformation des relations entre les États-Unis et la Corée du Sud
Quelles sont les conséquences de cette période tumultueuse pour l’avenir des relations entre les États-Unis et la Corée du Sud et de l’alliance? Consécutivement à la Seconde Guerre mondiale, l’entrée des États-Unis en Corée, la décision de diviser la péninsule, l’intervention américaine pendant la Guerre de Corée et le stationnement des troupes américaines qui se poursuit six décennies après l’« indépendance » sont des produits de la Guerre froide. La question est : quel est le rôle des États-Unis dans une Corée de l’après-Guerre froide?
Il y a presque un siècle, le Président Wilson a enthousiasmé les peuples soumis dans le monde avec sa vision idéaliste de la liberté et de l’autodétermination de tous les peuples. Un nombre croissant de Coréens du Sud croient aujourd’hui qu’ils peuvent parvenir à cette autodétermination avant de créer une Corée unifiée qui peut tracer son propre chemin. L’opinion est de plus en plus répandue que le temps est venu pour la Corée du Sud de transcender le passé colonial et celui de la Guerre froide pour entrer dans l’époque de l’après-Guerre de Corée et réaliser le rêve si longtemps chéri d’une Corée unie qui n’est plus la victime des grandes puissances. L’idéologie sous-jacente est la notion de Restauration nationale (minjok chunghung), concept et expression qui trouve ses racines dans la période coloniale et en particulier chez Park Chung-hee au début des années 1960.16
La stratégie actuelle des États-Unis pour leur sécurité nationale obéit à trois intérêts nationaux principaux : la défense du pays, la prospérité économique et la promotion de la démocratie. Aucun de ces trois intérêts ne requiert un traité bilatéral de sécurité mutuelle entre les États-Unis et la Corée et une alliance militaire s’appuyant sur la présence de soldats américains en Corée du Sud. La nécessité stratégique pour les États-Unis d’établir à travers le monde les bases de corps expéditionnaires pour parer de manière flexible à toute éventualité ne sera pas mise en péril si les forces militaires des États-Unis ne stationnent pas en Corée du Sud puisque l’armée américaine restera sûrement ancrée au Japon, à Guam et partout dans le Pacifique. En effet, la déclaration du Président Roh Moo-hyun indiquant plus tôt cette année [2005] que la Corée du Sud n’appuierait pas le déploiement en Corée de forces américaines destinées à être engagées dans des conflits régionaux, montre qu’il peut être désavantageux de chercher à maintenir une large présence militaire en Corée du Sud. Même si l’éventualité d’un retrait militaire américain de Corée du Sud est presque impensable pour beaucoup d’analystes, une telle action doit être mise en parallèle avec la fin de l’alliance et les très importantes relations économiques. Les sondages les plus récents révèlent que le nombre de Coréens du Sud favorables à un retrait des forces américaines a régulièrement augmenté ces dernières années au point de sembler constituer une majorité.17 Dans ces circonstances, on peut dire qu’ôter cette épine des relations entre les États-Unis et la Corée contribuerait à consolider les bases de leurs relations économiques et stratégiques.
Si la Corée du Sud souhaite la réduction et même la disparition de la présence militaire américaine, il nous revient de superviser le repositionnement de ces forces à nos conditions et sous notre contrôle. L’accord récent à l’initiative des États-Unis ramenant de 37 000 à 25 000 les forces américaines en Corée pour les concentrer sur les bases au sud de la rivière Han pourrait être le préliminaire à une redéfinition des relations sécuritaires, même si certains Coréens du Sud interprètent la décision comme une ruse américaine visant à lancer une attaque préventive sur le Nord.18 Nous ne devrions pas être inquiets de la réussite du processus si c’est ce que veut le peuple sud-coréen. Il est même possible d’imaginer que le retrait américain facilitant l’unification des deux Corées pourra contribuer à surmonter l’énigme nord-coréenne en tant que défi sécuritaire permanent pour la région. Il faut pour cela un changement de perception en Chine pour laquelle une Corée unifiée sans la présence militaire américaine, une Corée unifiée férocement indépendante, pourrait constituer un meilleur État-tampon que la Corée du Nord. La Chine détient la carte d’atout de l’unification par le simple fait qu’elle assure seule l’existence de la Corée du Nord. Elle apprécie aussi les bonnes relations avec la Corée du Sud. La possibilité d’avoir une Asie du Nord-Est plus stable fondée sur l’équilibre d’un bloc continental composé de la Chine et d’une Corée unie pro-chinoise d’un côté, et d’un bloc maritime arrimé à l’alliance formée par les États-Unis et le Japon de l’autre, est peut-être une issue favorable.19
En conclusion, la politique sud-coréenne est dans une profonde période de transition due à un changement de génération, à la fin de la Guerre froide, à la démocratisation et à une confiance en soi croissante. Parmi les forces politiques émergentes, celles qui sont en train de dessiner les lignes de fracture politiques majeures sont les idéologies du nationalisme pan-coréen et de l’opposition aux grandes puissances. Ces tendances pourraient bien signifier la fin de l’alliance telle que nous la connaissions entre les États-Unis et la Corée du Sud. Plus important, un tel résultat, qui pourrait finalement aboutir à un retrait militaire complet des États-Unis, n’a pas besoin de signifier l’arrêt d’une relation étroite entre les deux pays. En effet, il pourrait très bien résoudre certaines des questions sécuritaires les plus épineuses pour la région. Surtout, nous pouvons être rassurés de savoir qu’une telle échéance pour la Corée du Sud et la péninsule coréenne satisferait le vieil idéal wilsonien d’un monde organisé selon le principe de l’autodétermination, mais encouragerait aussi l’extension de la démocratie et de la liberté en accord avec la réalisation de ce principe. C’est un résultat à souhaiter et non à redouter.
* Le colonel Jiyul Kim est le directeur des études asiatiques à l’US Army War College. Cet article ne reflète ni les positions, ni la politique du gouvernement des États-Unis, du département de la Défense ou de l’armée des États-Unis.
Notes :
1 Je remercie Sheila Miyoshi Jager de l’Oberlin College, qui a été ma principale partenaire intellectuelle et une conseillère écoutée depuis plus d’une décennie spécialement pour les questions traitant de la Corée. Beaucoup des points soulevés dans le présent article proviennent directement de notre effort commun et, comme tels, sont autant son œuvre que la mienne. On peut se reporter aux articles suivants de Japan Focus sur les questions évoquées : "Korean Collaborators : South Korea’s Truth Committees and the Forging of a New Pan-Korean Nationalism" ; "Rewriting the Past / Re-Claiming the Future : Nationalism and the Politics of Anti-Americanism in South Korea".
2 Sheila Miyoshi Jager et Rana Mitter, Ruptured Histories : War, Memory and the Post-Cold War in Asia, Harvard University Press, 2007
3 La Nouvelle Droite semble être un mouvement politique en plein essor bien qu’il puisse transformer le paysage politique sud-coréen en créant une troisième alternative par la création d’un nouveau courant politique alliant des conservateurs modérés de gauche et des réformateurs modérés de droite. Pour le contexte, se reporter à l’article de Kim So Young , "Korea : New Conservative Groups Band Against Roh, Uri Party", The Korea Herald, 30 novembre 2004
4 Le présent développement s’appuie largement sur l’ouvrage de Jager et Mitter mentionné précédemment, Ruptured Histories
5 Une version en anglais de l’allocution de 2005 est disponible sur le site du Nautilus Institute.
6 Donald Kirk, "Korea’s Generational Clash : A Statue of Gen. MacArthur Has Drawn Fire from Leftists and Support from War Vets", The Christian Science Monitor, 8 août 2005. Barbara Demick, "MacArthur Is Back in the Heat of Battle", Los Angeles Times, 15 septembre 2005. "What Is the Ruling Party’s Position on the Incheon Landing?", Digital Chosun, 12 septembre 2005
7 Lettre de la Commission des relations internationales de la Chambre des représentants à Roh Moo Hyun, 15 septembre 2005
8 Résolution marquant le 150e anniversaire des relations diplomatiques entre les États-Unis et le Japon, H.CON.RES.418, adoptée par la Chambre le 22 juillet 2004 ; résolution marquant le 25e anniversaire de l’Acte de relation avec Taïwan, H.CON.RES.462, adoptée par la Chambre le 15 juillet 2004 ; résolutions marquant le 50e anniversaire du Traité de défense mutuelle entre les États-Unis et la République de Corée, H.RES.385, présentée le 1er octobre 2003, et S.RES.256, présentée le 31 octobre 2003 au 108e Congrès. Seul compte-rendu coréen de cette affaire : "U.S. Congress Killed Korea Resolution", Digital Chosun, 25 mars 2005.
9 Kim Hyun, "Seoul Frowns at Tokyo Approach over Occupied Islets", Yonhap News, 24 février 2005. Voir aussi les publications suivantes de Japan Focus présentant les points de vue sud-coréen et japonais sur l’affaire Tokdo/Takeshima pour un aperçu des facteurs historiques et techniques qui en ont fait une question symbolique affectant et déformant les perceptions japonaise et sud-coréenne à l'égard de l’autre : "Takeshima/Tokdo and the Roots of Japan-Korea Conflict", 28 mars 2005 ; Kosuke Takahashi, "Japan-South Korea Ties on the Rocks", 28 mars 2005 ; Wada Haruki, "A Plea to Resolve a Worsening Dispute", 28 mars 2005 ; Lee Sang-tae, "Dokdo is Korean Territory", 28 juillet 2005.
10 Le sondage du JoongAng Ibo faisait partie d’un sondage national sur des questions variées destiné à marquer le 40e anniversaire du journal et a été effectué entre le 24 août et le 10 septembre 2005. Les résultats ont été publiés le 22 septembre 2005. Un résumé en anglais des principaux résultats du sondage est disponible sous le titre "Majority Opposes U.S. Troop Presence" du 22 septembre 2005. Le sondage du Hanguk Ilbo et du Yomiuri, destiné à marquer le 51e anniversaire du Hanguk Ilbo, a été effectué simultanément en Corée et au Japon pour évaluer la perception et l’opinion que chaque pays avait de l’autre ainsi que d’un certain nombre de sujets politiques clefs pour la région. L’analyse coréenne des résultats a été publiée le 11 juin 2005 par le Hanguk Ilbo. L’article du Yomiuri consacré au sondage a été repris par Japan Focus sous le titre "South Korean Mistrust of Japan : Poll", le 10 juin 2005.
11 Selon certaines évaluations 20 à 30 000 des tués ou 10 à 20 % du total des décès immédiatement dus au largage de la bombe atomique sur Hiroshima étaient Coréens. Il y avait environ 50 000 Coréens à Hiroshima. Voir Lisa Yoneyama, "Memory Matters : Hiroshima’s Korean Atom Bomb Memorial and the Politics of Ethnicity", Public Culture 7.3, printemps 1995, p. 502. Le mémorial des victimes coréennes d’Hiroshima indique que 20 000 des 200 000 tués furent des Coréens. A Nagasaki on estime que 10 000 Coréens vivaient parmi la population quand la bombe fut lancée. Je n’ai pas pu trouver d’estimation précise des Coréens morts, mais un article récent évoque « des milliers ». Voir Kathleen E. McLaughlin, "Foreign A-Bomb Victims are all but Forgotten", San Francisco Chronicles, 10 août 2005. Cependant, la bonne question ne concerne pas tant ceux qui furent tuées que les compensations du gouvernement japonais pour les survivants. Voir Andreas Hippin, "The End of Silence : Korea’s Hiroshima, Korean A-Bomb Victims Seek Redress", The Japan Times, 2 août 2005. Cet article cite une estimation coréenne de 50 000 tués et 80 à 120 000 « victimes » de la seconde génération qui devraient recevoir des compensations.
12 Le 24 janvier 2005, le quotidien national Hangyoreh a été le premier à rapporter l’histoire du panneau de Gwanghwamun sous le titre « Trace de la dictature militaire, le panneau de Gwanghwamun est à changer » (kunsa tokje ui olluk, Kwanghwamun hyon’pan pakkwinda). La nouvelle calligraphie du panneau repose sur un décalque de caractères tracés par le roi Jeongjo (1776-1800).
13 Dans deux articles du Korea Times, Seo Dong-shin dresse un bon tableau d’ensemble de l’initiative destinée à reconnaître les nationalistes de gauche et des actions entreprises pour reconnaître 214 personnes de gauche à l’occasion du 60e anniversaire de la libération le 15 août 2005 : "Independence Activists to Get Posthumous Honors", The Korea Times, 1er février 2005, et "Leftist Independence Activists to Get Honors", The Korea Times, 3 août 2005. La contrepartie de l’action en reconnaissance des nationalistes de gauche est le mouvement civique réclamant l’enlèvement des tombes de « collaborateurs » des cimetières nationaux où ils sont honorés comme des patriotes. Voir par exemple Yang Hui-sun, « Qui sont les combattants pour l’indépendance dans l’histoire? » (Nuga yoksa ui toknip t’usainga?), OhmyNews.com, 2 mars 2005. La controverse « Kim Il-sung, combattant pour l’indépendance » a surgi quand Kang Man-gil, historien éminent et président du Comité national pour la célébration du 60e anniversaire de la libération de la Corée, déclara à des journalistes qu’il voyait les actions de la guérilla anti-japonaise de Kim Il-sung comme faisant partie du mouvement pour l’indépendance. Le professeur Han Hong-gu de l’université de Sungkonghoe et membre de la commission pour la vérité historique mandatée par le gouvernement avait écrit en 2004 que Kim Il-sung était un « nationaliste du XXe siècle ». Voir "Kim Il-sung a Freedom Fighter, Committee Chair Says", Digital Chosun, 11 avril 2005, et Seo Dong-shin, "Kim Il-sung Legacy Controversial in S. Korea", The Korea Times, 8 juillet 2005.
14 Norimitsu Onishi, "Korea’s tricky task : digging up past treachery", The New York Times, 5 janvier 2005. "S. Korea’s Spy Agency Picks 7 Cases for Reinvestigation", Yonhap, 3 février 2005.
15 Le site internet de l’Institut apporte un regard complet sur le mouvement et les efforts pour débusquer les collaborateurs en Corée du Sud (www.minjok.or.kr). Entamée en 2001, la liste des collaborateurs doit être achevée et publiée en décembre 2007 [NdT : une liste de 5 207 noms a finalement été publiée en novembre 2009]. Les détails sur le projet, tels que son contexte, ses objectifs, sa chronologie et ses membres peuvent être trouvés sous l'onglet « Répertoire des collaborateurs » (ch’inil inmyong sajon).
16 Je remercie Bruce Cumings d’avoir précisé les origines coloniales de cette expression.
17 Les résultats les plus récents sont ceux du sondage effectué pour le JoongAng Ibo en août et septembre 2005, référencés dans la note 10. Il a révélé que 54 % des sondés voulaient voir partir les forces des États-Unis tandis que 30 % souhaitaient les voir rester « pendant longtemps » et seulement 16 % étaient favorables à une présence permanente.
18 C’est bien sûr absurde.
19 La présente conception d’un équilibre régional bipolaire fut suggérée en premier par Robert Ross ("The Geography of the Peace : East Asia in the Twenty-first Century", International Security, Vol. 23, No. 4, printemps 1999, 81-118). J’ai développé davantage cette notion dans mon étude des conséquences de certains facteurs et tendances clefs pour la sécurité à long terme en Asie du Nord-Est ("Continuity and Transformation in Northeast Asia and the End of American Exceptionalism : a Long-Range Outlook and US Policy Implications" , The Korean Journal of Defense Analysis, Vol. 13, No. 1, automne 2001, 229-261).
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