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1 novembre 2018 4 01 /11 /novembre /2018 22:52

C'est le dernier rapport sur les droits de l'homme en Corée du Nord dont les médias français (de France 2 dans son journal télévisé de 20h, le 1er novembre 2018, au Figaro) jugent utile de rendre compte sans porter la moindre appréciation critique sur la façon dont le travail d'enquête a été mené : selon Human Rights Watch, des violences sexuelles seraient commises de manière systématique et sans protection ni réparation des victimes. L'Association d'amitié franco-coréenne a mené, pour sa part, le travail d'investigation qui constitue la base du métier de journaliste. 

La conclusion du rapport est sans appel : les viols et autres violences sexuelles contre les femmes seraient monnaie courante, acceptés socialement et le fait de hauts fonctionnaires et autres personnes en position d'autorité. Selon Human Rights Watch

Le rapport de 86 pages, intitulé « ‘You Cry at Night, but Don’t Know Why’: Sexual Violence against Women in North Korea » (« ‘Vous pleurez la nuit sans savoir pourquoi’ : Violence sexuelle à l’égard des femmes en Corée du Nord »), décrit les contacts sexuels non désirés et la violence sexuelle qui sont devenus si courants en Corée du Nord qu’ils en sont venus à être acceptés comme faisant partie de la vie ordinaire. De nombreux Nord-Coréens – hommes et femmes – ont déclaré à Human Rights Watch que lorsqu’un responsable en position de pouvoir « sélectionnait » une femme, elle n’avait d’autre choix que de céder à toutes ses exigences, qu’elles soient sexuelles, pécuniaires ou autres. Les femmes interrogées ont déclaré que ces prédateurs sexuels comprenaient de hauts responsables du parti, des gardes et interrogateurs des prisons et d’autres lieux de détention, des policiers et agents de la police secrète, des procureurs et des soldats. Craignant de subir déchéance sociale et représailles, et sans presque aucune voie de recours, les Nord-Coréennes dénoncent rarement les abus.

Human Rights Watch

Sur quels éléments se base cette conclusion, dans un rapport au titre sensationnaliste à souhait (comme si la force des mots devait pallier le manque d'éléments tangibles incontestables) ? Les récits, encore et toujours, d'une poignée de réfugiés nord-coréens, dont on sait pourtant que nombre d'entre eux sont employés et rémunérés par les services de renseignement, qu'ils soient sud-coréens ou - plus rarement - ceux de pays occidentaux. A contrario les propos de réfugiés nord-coréens qui, eux, ne cherchent pas à attirer la lumière sont rejetés dans l'ombre. Le film (Madame B. Histoire d'une Nord-Coréenne) retraçant le récit d'une réfugiée nord-coréenne ordinaire, dont l'AAFC a soutenu la diffusion, ne parle ainsi pas tant des violences faites aux femmes (bien que le héros du documentaire soit une héroïne) que des violences et des discriminations qu'encourent les Nord-Coréens candidats à l'asile politique en Corée du Sud puis une fois sur place, à commencer par les interrogatoires inhumains qu'ils subissent dans les centres de rétention gérés par les autorités sud-coréennes. Mais cette violence-là, elle documentée de manière incontestable, n'a pas droit de cité : elle ne cadre pas avec les schémas de la presse occidentale.

Car qui retrouve-t-on comme grands témoins du rapport de HRW ? Choi Seong-guk, dont les dessins illustrent l'article de HRW cité plus haut : coïncidence, M. Choi travaillait pour les services de propagande du Nord, avant de passer au Sud... où il poursuit, comme nombre d'anciens agents du Nord ayant fait défection, le même travail de conditionnement des opinions publiques, mais naturellement à fronts renversés. Que notre interlocuteur ne présente pas les garanties de crédibilité minimums qu'est en droit d'attendre le lecteur n'effleure pas le moins du monde les salariés de HRW, qui jugent même bon d'ajouter comme commentaires de son dessin : "ce dessin n’est pas un portrait de personnes réellement observées, mais illustre une situation typique décrite par des femmes ayant vécu ce genre de situation." Il ne s'agit pas "de personnes réellement observées", mais doit-on considérer qu'il s'agit d'une fiction ? Plus fondamentalement, accepterait-on comme récit indubitable de prisonniers de Guantanamo le reportage d'une ancienne victime de la torture américaine à Guantanamo passée dans les rangs des communicants de Daech ? A tout le moins, un caveat serait émis. Rien de tel, naturellement, dans le cas de la Corée du Nord, qui pour le journaliste occidental moyen a forcément tort, car elle est la Corée du Nord.


Autres témoignages : ceux de "commerçantes". Que les femmes soient les principales commerçantes en Corée du Nord pourrait déjà, en soi, susciter un débat sur le rôle qu'elles jouent dans une société où l'argent occupe une place de plus en plus importante (et un excellent observateur de la Corée du Nord comme Philippe Pons a bien relevé, dans Corée du Nord : Un Etat-guérilla en mutation, qu'il s'agissait d'un élément montrant une émancipation des femmes dans la période récente). Mais là n'est pas le débat : ces commerçantes parlent de rapports sexuels forcés - commis par ceux qui contrôlent les marchés généraux de biens et de services où elles opéraient. Que de tels rapports coercitifs et de violence existent est probable vu l'étendue des marchés généraux en Corée du Nord, mais qu'ils soient présentés comme la norme est un raccourci saisissant, surtout si l'on recontextualise les propos de ces anciennes commerçantes. En Corée du Nord, ces détenteurs de l'autorité ainsi mis en cause sont fréquemment haïs - ils concentrent le ressentiment de larges pans de la population, et l'image qu'ils véhiculent est, peu ou prou, celle du contrôleur du fisc ou de l'huissier de justice en Occident. Si l'on ajoute que les commerçant-e-s ayant fui la Corée du Nord ont souvent commis des infractions graves qualifiées de crimes dans les législations dans tous les pays du monde, quelle valeur accorder à ces témoignages, qui combinent le ressenti et la vengeance personnels avec le besoin de se valoriser par des récits extraordinaires ? Ce biais ("plus mes propos narrent des choses horribles, plus ils ont de valeur") est bien connu des chercheurs sud-coréens qui travaillent sur les difficultés, pourtant réelles, vécues par les réfugiés nord-coréens, et qui cherchent ainsi à approcher la vérité. Pourtant, à aucun moment ce biais n'a été pris en compte par les salariés de HRW. Pire, les propos témoignant des violences les plus graves ont été considérés comme les plus crédibles, au point de servir de titre au rapport mené. 

Or les violences faites aux femmes constituent précisément, parce qu'il s'agit d'un point sur lequel les vérifications sont difficiles, l'un des cas les plus fréquents de distorsion entre la réalité vécue par les réfugiés et ce qu'ils expriment, et qui aurait ainsi mérité un travail plus sérieux sur un sujet éminemment important. La jeune et photogénique Park Yeonmi, dont les affabulations ont été démontées par une journaliste australienne peu suspecte de sympathies pour la Corée du Nord, Mary Ann Jolley, parlait ainsi de violences sexuelles dans un centre pour réfugiés en Mongolie où, selon des sources fiables, de telles pratiques n'existent pas.

Mais là où l'enquête de HRW pêche le plus fortement réside dans ses affirmations à l'emporte-pièce selon lesquelles il n'y aurait pas de politique de protection des droits des femmes par les autorités nord-coréennes, à commencer par la répression des crimes sexuels, ce qui revient donc à faire l'Etat et de son appareil judiciaire un complice (quand il n'est pas l'auteur des crimes, par les personnes dépositaires de l'autorité publique ouvertement mises en cause de par leurs fonctions, du reste assez floues). Pourtant, c'est le contraire qui ressort du discours des officiels nord-coréens (que les auteurs n'ont d'ailleurs pas jugé utile d'interroger, instruisant exclusivement un procès à charge). Ainsi, lorsqu'elles démontent les mensonges du réfugié Shin Dong-hyuk (qui a ensuite décidé de se mettre en retrait, après avoir présenté ses excuses pour n'avoir pas dit la vérité), le célèbre faux Rescapé du camp 14, les autorités nord-coréennes soulignent que ce dernier aurait commis une agression sexuelle, à l'origine de son emprisonnement. Qu'elle soit vraie ou fausse, étayée ou de circonstance, l'accusation des Nord-Coréens envers Shin Dong-hyuk révèle néanmoins un point important : les crimes sexuels sont pris au sérieux par la justice nord-coréenne, et ce malgré les dénégations de HRW. 


Mais pourquoi cet intérêt spécifique pour les droits des femmes, et les crimes sexuels en particulier, et maintenant ? Il convient tout d'abord de rappeler qu'il s'agit d'une préoccupation constante des services de renseignement sud-coréens, grands pourvoyeurs d'éléments de langage prêts à l'emploi sur les droits de l'homme en Corée du Nord, surtout au moment où le mouvement #MeToo touche - plus que d'autres - la société sud-coréenne. De ce point de vue, renvoyer la Corée du Nord aux vicissitudes de la Corée du Sud est un expédient utile, surtout en ces temps où le rapprochement inter-coréen ne fait pas que des heureux - et comme à chaque fois en semblables circonstances, la question des droits de l'homme en Corée du Nord resurgit opportunément. Le rapport de HRW tombe à pic, et il n'est pas étonnant qu'un média public comme France 2 lui accorde une couverture maximale en y consacrant un reportage de son journal télévisé de 20 heures, alors que les autorités françaises ont encore récemment démontré qu'elles étaient arc-boutées sur une position hostile à tout dialogue avec la Corée du Nord

Si Human Rights Watch a donc abordé un sujet important, il est extrêmement regrettable que les conditions de son travail d'enquête l'invalident. Les droits des femmes en Corée du Nord méritent mieux qu'un rapport de circonstance, conduit à charge et sans esprit critique, fortement influencé par des acteurs qui ont un intérêt à présenter la Corée du Nord telle qu'ils voudraient qu'elle soit et non telle qu'elle est.

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29 septembre 2018 6 29 /09 /septembre /2018 22:18

Mois après mois, l'agence de presse sud-coréenne Yonhap rend désormais compte des statistiques relatives au nombre de naissances et à l'indice synthétique de fécondité (ISF) - en chute continue, faisant de la République de Corée un des pays où l'ISF est parmi les plus bas au monde (seuls Singapour, Macao, Taïwan et Hong Kong affichent des niveaux d'ISF plus bas). L'attention des médias sur la dénatalité traduit ce qui est désormais une préoccupation publique majeure, exigeant davantage que des politiques de subventions publiques pour changer les comportements dans une société restée fondamentalement machiste.

L'inquiétant effondrement de la natalité en Corée du Sud

En 2017, selon les statistiques nationales 357 800 bébés sont nés en Corée du Sud - soit une très forte baisse (de 48 500 naissances, soit 11,9 %) par rapport à 2016, et la plus importante depuis 2002, faisant passer le nombre de naissances annuelles sous le seuil de 400 000. L'indice synthétique de fécondité (c'est-à-dire le nombre d'enfants par femme) s'est élevé à 1,05 (contre 1,25 en 2015 et 1,17 en 2016), très en-dessous du seuil de 2,05 à 2,10 pour assurer le renouvellement des générations.

Toujours en 2017, les femmes étaient âgées en moyenne de 32,6 ans lors de la naissance de la premier enfant (contre 32,4 ans en 2016).

Cette tendance s'est poursuivie, à peine ralentie, au cours des six premiers mois de l'année 2018, avec une diminution du nombre de naissance de 8,8 % par rapport au premier semestre de l'année 2017. L'ISF devrait ainsi passer sous la barre des 1 en 2018, soit un niveau qui n'était traditionnellement observé qu'en période de guerre ou de famine.

Pour enrayer cette évolution le gouvernement a mis en place des politiques de primes à la naissance (un peu plus de 7 milliards d'euros par an depuis 2006), dont l'efficacité est mise en cause face à la pesanteur des comportements sociaux : il est fréquent que les femmes qui travaillent soient mises à la porte quand elles demandent un congé maternité. Dans une société fortement patriarcale qui manquent de structures d'accueil pour la petite enfance, où les tâches domestiques restent assumées à près de 80 % par les femmes et où le coût de l'éducation scolaire est parmi les plus élevés de l'OCDE, des faits divers dramatiques ont souligné que la dénatalité n'était pas seulement une question de moindre compétitivité économique et de charges sociales accrues pour l'ensemble de la société : la mort d'épuisement d'une mère de trois enfants âgée de 34 ans, qui avait réussi un difficile concours d'entrée dans la fonction publique, avait choqué. A son retour de congé maternité, elle avait multiplié les journées de travail de 12 heures, week-end compris - elle était retournée travailler le dimanche à 5 heures du matin.

Beaucoup de femmes sud-coréennes ont fait un choix radical : pas de mariage, pas de vie de couple, pas d'enfants - et embrasser une carrière professionnelle plutôt que d'être des machines à faire des enfants.

Sources :

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25 juillet 2018 3 25 /07 /juillet /2018 20:34

Un aperçu précis et dérangeant sur la vie d'ouvrières d'usine en travail posté de nuit

Le quotidien progressiste sud-coréen Hankyoreh a envoyé une journaliste enquêter sur le travail de nuit des ouvrières : elle s'est faite embaucher et en a livré un récit édifiant sur les conditions d'emploi dans un des pays industrialisés où les journées de travail sont les plus longues et le salaire minimum le plus bas. Le reportage qui suit, en quatre volets, a été traduit de l'anglais pour l'AAFC par YB. 

Les plus bas échelons du travail dans la Corée du Sud au 21e siècle.

"Connaissons nous vraiment le travail ?" En partant de cette question, quatre reporters sont allés en 2009 voir le travail des plus bas échelons de la société sud-coréenne. A travers une série d’articles dans l’hebdomadaire Hankyoreh 21, sous le titre « Le travail ORZ » ils ont partagé avec leurs lecteurs des images d'ouvriers humiliés par les frustrations. (“ORZ” est un pseudo-acronyme qui représente la forme d'une personne rampant sur ses mains et ses genoux.)

Pour son 30e anniversaire, le quotidien Hankyoreh a décidé de revenir sur cette même question. Quel est le vrai visage des ouvriers d’aujourd'hui dans une ère d'innovations éblouissantes représentée par les expressions comme la “Quatrième Révolution Industrielle” et “la société superconnectée ?” Beaucoup aujourd'hui se battent pour survivre en dépit d'un travail dur et ils peuvent être encore plus diminués qu'auparavant.

Les reporters du Hankyoreh se sont attaqués directement à des contradictions profondes qui ne peuvent pas être exprimées dans des logos ou des slogans, des statistiques ou des politiques. “Le travail ORZ ” dépeint un tableau détaillé d'ouvriers sud-coréens qui sont tombés plus bas que jamais auparavant. Les premières images viennent d'une compagnie industrielle de la région Gyeonggi/Incheon.

Le visage inconnu de l'industrie cosmétique

Il n'y avait pas la moindre déviation. La machine a inséré l'essence dans les paquets de masques avec les feuilles à l'intérieur, les a cachetés en haut et les a laissés tomber sur la bande transporteuse avec un “clac”. Il a fallu moins d'une seconde pour que trois des paquets voyagent sur la bande transporteuse et tombent au poste de travail. Intervalles inclus, cela a signifié un total d'environ 70 paquets atteignant la station à chaque heure. Mon travail était d’être assise là et de les inspecter en vérifiant pour voir si le produit avait été correctement cacheté, la date d'expiration clairement imprimée et l'autocollant “produit authentique” placé au bon endroit. J'étais l'assistante de la machine en enlevant les articles défectueux.

Pendant les mois de février et de mars, j'ai travaillé tantôt le jour et tantôt la nuit dans des compagnies industrielles de cosmétique et de circuits imprimés dans les régions d'Incheon et de la province de Gyeonggi. Le travail posté de jour et de nuit signifiait des séances de travail de 12 heures chacune. Le travail de l'équipe de jour durait de 8h30 à 17h30 ; avec les heures supplémentaires habituelles je quittais l’usine vers 20h30. Le poste de nuit commençait à 20h30, avec les ouvriers quittant vers 8 heures le matin suivant après les heures supplémentaires. Les postes de jour et de nuit étaient inversés toutes les deux semaines.

Trouver un autre emploi en travail posté dans la région d'Incheon n'était pas difficile. Une recherche sur un site de recherche d'emploi d’un travail alterné jour/nuit m’a proposé environ 300 annonces d’emploi. J'ai choisi l’une d'entre elles, ainsi libellée : “Ouvrier emballant des paquets de masque demandé, prime de 100 %, travail alterné jour/nuit.” J'ai appelé l'agence d'intérim et une heure et demie plus tard j'étais en route pour un entretien. L'entretien a duré 18 minutes. C'était un travail au salaire minimum de 7,530 won (6.74 US$) à heure, mais il y avait beaucoup de candidats.

Le processus entier était fait de décisions rapides prises sans l'hésitation d'un moment. En moins de deux heures, j'étais une ouvrière temporaire d’une compagnie de cosmétique. La compagnie où j'ai pointé pendant presque un mois comme intérimaire était une entreprise bien établie faisant des paquets de masque des produits cosmétiques de base. “Inspection et emballage” dans une usine cosmétique à Incheon était le type le plus facile de travail pour une ouvrière sans compétence spécialisée.

J'ai d'abord commencé ce travail par un poste de nuit le 5 mars. Le métro dans lequel je suis montée était bondé ce soir-là.

Certains des passagers se détendaient sur leur trajet de retour à la maison et parlaient avec les collègues de leurs patrons ; d'autres étaient à leur téléphone pour confirmer où se rencontrer cette nuit. Je suis descendue du métro et ai monté l'escalier de la sortie numéro 5 d'une station sur la ligne 1 du métro d'Incheon. Le bus de banlieue était garé au-dessous d'un ciel nocturne éclairé par les enseignes néon.

Avez-vous dormi un peu ?

Je n'ai pas dormi du tout aujourd'hui.

J'ai causé avec “Jeong-a”, une étudiante de 25 ans, quand nous sommes montées dans le bus. La télévision à bord montrait la fin d’un feuilleton qui avait commencé à 7h15. Le bus s'est arrêté en différents points du centre-ville d’Incheon avant d'entrer dans l’obscurité.

Quand le temps est venu pour les ouvriers de l'équipe de jour de passer le relais à l'équipe de nuit, un vestiaire mesurant un peu plus sept pyeong (23 m2) a été rempli d' "eonnis" - littéralement “les grandes sœurs”, le nom habituellement utilisé par les collègues pour s'adresser entre elles - qui changeaient leurs uniformes contre leurs vêtements ordinaires. Dès que nous avons mis nos vêtements antistatiques bleus décorés avec des rayures noires et nos casquettes d'hygiène, masques et bottes de sécurité, nous étions prêtes à y aller. Nous avons marché devant le vestiaire dans la zone de travail, où il y avait un rassemblement de cinq minutes conduit par la chef d’équipe.

Sa voix, qui devait retransmettre des ordres à travers le bruit des machines, était toujours aigüe et sonore. À 8h30 pile – le matin ou le soir – les machines se remettent à cliqueter. Parmi la vingtaine de machines, mon travail était l’assistance à la machine N° 9 ou N° 11.

Pour mon premier jour de travail le 27 février, j'étais avec N° 11. Les inspections ne sont pas seulement visuelles. Vous devez ramasser le paquet de masques et le tourner dans l'autre sens, en déplaçant le poids de votre corps et en appuyant avec vos avant-bras jusqu'à ce que vous entendiez un son de craquement pour vous assurer qu’il n’y a aucune fuite. Pour économiser du temps, nous accumulons environ dix paquets pour vérifier tout d'un coup ; nous avions environ 10 secondes pour vérifier dix points, y compris savoir si l'étiquette était au bon endroit ou si le paquet avait été correctement cacheté. Nous enlevons les articles défectueux et alignons 350 bons articles placés sur deux rangs dans une boîte. Quand notre temps de travail journalier prend fin nous avons répété les mêmes mouvements environ 2 500 fois et vérifié environ 30 000 paquets.

Un flot interminable de paquets de masques crachés par une machine implacable.

Les paquets continuent à descendre la bande transporteuse avant que je puisse finir d'inspecter la dizaine dans mes mains. Les articles attendant l'inspection ont commencé à s'accumuler et à tomber de la station de travail. Même quand je suis allée les ramasser, encore plus de paquets descendaient et s'accumulaient à mon poste. J'ai balayé furtivement les articles dans une boîte à côté. Je pouvais sentir le regard furieux de la femme faisant fonctionner la machine. Le haut de mon uniforme était trempé de sueur.

La machine n'a attendu personne. Même avant que j'aie eu la chance d'inspecter les paquets dans mes mains, la machine en mettrait de nouveaux sur le tapis, comme si elle me criait d’aller plus vite. Je n'avais aucun temps disponible pour régler ma posture ou me gratter le nez. J'ai commencé doucement à marmonner des jurons mais à personne en particulier. “Diable. Allez au diable.” À ce moment, je me suis sentie chanceuse de porter un masque.

Quelques fois, je croyais par erreur entendre comme si la machine faisait une pause

Deux ouvriers temporaires dans leur quarantaine se sont pointés pour travailler pour la première fois ce jour-là, mais ont disparu après le déjeuner. “Je ne peux même pas respirer. Il y en a vraiment trop à inspecter, n'est-ce-pas ? Même les gens qui sont ici depuis un certain temps se battent pour maintenir le rythme.” Le jour suivant, deux femmes de vingt ans qui étaient venu main dans la main avec leur ami ont aussi disparu.

Le jour suivant était absente une femme de 23 ans qui a expliqué qu'elle avait ses règles, mais avait peur de dire qu'elle devait aller aux toilettes. Même une règle non écrite et illégale stipulant que vous deviez travailler au moins trois jours pour être payé ne suffisait pas à les faire rester. J'ai essayé de compter le nombre de gens qui ont arrêté en une semaine, mais j'ai finalement renoncé. Chaque poste vacant était immédiatement comblé.

Ko Han-sol, journaliste

 

Postes par alternance de 12 heures de jour et de nuit : la tête flanche pendant les dernières heures.

 

Personne ne connaissait la vitesse exacte des machines. Un collègue qui avait été là près de quatre mois a dit que les vitesses des machines N° 1 à N° 10 ont été toutes réglées à “25”, mais elle partageait juste une “légende”. La plupart des femmes faisant marcher les machines ne savaient pas où trouver le bouton qui règle la vitesse. Le maximum, le minimum et les vitesses moyennes ont tous été nimbés de mystère. Et ainsi les machines ont traité chacune pareillement. Un collègue qui avait été là pendant un semestre travaillait au même rythme qu’une jeune recrue comme moi. Les machines n'établissaient pas de discrimination.

Blessures de travail courantes.

Le 2 mars, je travaillais avec N° 11 et la bande transporteuse avait été arrêtée pour une inspection de la machine. Quand j'ai soulevé le tapis et l'ai tiré à droite, mon majeur et mon annulaire droits ont fini happés là où la bande fait une boucle en arrière. Mon cri a été couvert par les sons des machines autour de moi. La chair sous l'ongle de mon annulaire a été tirée sèchement d'environ 3 centimètres et le sang coulait dans ma main. La femme qui surveillait la machine a enroulé autour la moitié d’un rouleau de bandages, en créant un pansement d’expédient. “Je me suis fait mal de la même façon auparavant. Il a fallu environ trois semaines pour guérir”, a-t-elle dit. Avec mes doigts hésitants, ma vitesse de travail est tombée encore plus lentement, le nombre d'articles non traités faisant un monticule sur le convoyeur.

Choquée par cette vision, ma collègue m'a dit, “je baisserai la vitesse d'environ cinq points.” C'était alors que j'ai appris pour la première fois que la machine avait vraiment une possibilité d'adaptation de la vitesse que les ouvrières pourraient utiliser. Seules la chef d'équipe et quelques-unes qui avaient été là un semestre savaient comment régler le rythme.

Dès que je me suis rodée au travail, l'ennui survenait parfois. A travers les essais et les erreurs j’ai appris à éliminer les mouvements superflus, j'ai commencé à travailler avec mes mains, plutôt qu'avec ma tête. À ces moments où la machine et moi sommes devenus un, c'est devenu pénible de rester consciente du temps qui passe.

Hee-jin, une collègue de 22 ans, a vu la montre sur mon poignet gauche et a demandé, “Pourquoi portez-vous une montre ? Cela ne vous embête pas de voir l’heure ?”

Évidemment, de telles langueurs ne nous étaient pas souvent permises. Juste quand je croyais que je m'étais acclimatée, le rythme de la machine s'est accéléré. Jeon Sook-hee, un collègue de 45 ans, m'a dit : “Je suis assez bonne dans mon travail, donc je la mettais toujours à toute allure. Auparavant, au bout de trois tours mon bras ne montait pas quand cela allait vite. Ces jours-ci, je fais juste un tour et je ne peux pas déplacer mon bras.”

À 1h00 le 12 mars, je m'accroupissais dans le vestiaire pour prendre un moment de repos après “le déjeuner” quand j'ai trouvé un kyste d'environ 3 mm de haut sur mon poignet droit. J'ai tourné mon poignet il était aussi gonflé au centre. Dès que je suis sortie du travail à 9h00, je suis allée dans une clinique. Il y avait une clinique près du complexe qui s'est spécialisée exclusivement dans le traitement des mains qui avaient été coupées ou écrasées par les machines. Après m’être assoupie dans la salle d'attente, je me suis dirigée dans le cabinet de consultation. C'était un kyste ganglion, on m'a dit que cela qui provenait de l'effort prolongé. Au final, le mouvement constant de mon corps supérieur, de mes épaules, bras, poignets et doigts en empilant et tournant les paquets dans mes mains avait entraîné un gonflement. En chemin mon téléphone cellulaire a refusé de reconnaître mes empreintes digitales pour sa fonction d'ouverture. Le kyste est resté environ un mois même après terminé le travail.

Dans une enquête auprès de 109 opérateurs de production, 90 pour cent ont signalé un symptôme musculo-squelettique qui a perduré au moins une semaine (cf l’étude « Worker 119 Project Group for Namdong Industrial Complex Rights, 2016 »). Les problèmes musculo-squelettiques sont des questions sérieuses qui résultent de l'utilisation impropre et répétée d'une partie du corps. Ils apparaissent dans les nerfs et les muscles des épaules, les bras et les jambes. Quand je m’installais, épuisée, pour manger mon déjeuner, mes bras tremblaient tellement que je pouvais à peine attraper mon riz. Le chef d'équipe, qui au self se servait à la louche de la soupe, a ri et a dit, “Oh, vous êtes encore plus lente pour attraper votre cuillère de riz que moi une louche de soupe.”

Il était 2h30 le 6 mars quand le bâillement a commencé. C'était ma première fois au poste de nuit. J'avais commencé le travail vers 8h30 le 5 mars ; minuit été passé. Quand j'ai regardé attentivement dans les paquets de masques, mes paupières ont coulé lourdement. Suivant mes habitudes de sommeil, pour rester éveillée à cette heure il aurait fallu que je regarde un film. Il me restait six heures à faire avant que je puisse pointer dehors.

Les habitudes de style de vie subissent un changement de 180 degrés avec le travail posté.

Les femmes avec de l'expérience travaillant de nuit étaient restées debout toute la nuit du 4 mars et avaient dormi l'après-midi avant d'arriver le 5 mars. Mais moi je n'avais pas eu une minute de sommeil avant de travailler. Vers 4h30, mon manque de sommeil me traquait. Ma tête est tombée avant que je puisse m'y opposer. Cela ne va pas pour travailler, je pensais que je n’allais pas y arriver. J'ai essayé de travailler en me levant, mais alors c’est mon dos qui a commencé à me faire souffrir. Vers 5h30 lorsque, ainsi, j'ai commencé à bourdonner la chanson “Comme OOH-AHH” et par deux fois je me suis levée pour travailler.

Les sons de la chanson ont été réduits en fragments par le bruit des machines. À ce moment, ma main droite a touché la partie de la machine où mon doigt avait été attrapé. Comme j'ai senti le métal froid, la douleur de ce jour m'est revenue comme un mauvais rêve et mes yeux se sont ouverts. Mais même cela n’a été que momentané. Le cauchemar terrifiant s'est transformé en doux rêve et j'ai fait un signe de tête sans enthousiasme. Quand on a demandé aux ouvriers de l’acier combien de fois ils avaient été réellement ou pratiquement blessés sur leur lieu de travail, le taux d'occurrence était deux fois plus élevé pour ceux en travail posté que pour ceux en horaires fixes (cf le Syndicat des Ouvriers Coréens de la Métallurgie coréens en 2013).

Les habitudes de vie subissent un changement à 180 degrés pour les ouvriers en travail posté : le matin devient le soir et vice versa. Pendant mes deux semaines sur le poste de nuit, je n'ai jamais dormi plus de quatre heures en semaine. J'étais incapable aussi de dormir profondément. Quatre heures de sommeil dans la journée se distinguent qualitativement de quatre heures de sommeil la nuit. Si un sommeil profond marque une séparation ferme entre hier et aujourd'hui, ce somme ressemble plus à un trait flou en pointillé entre un jour de travail et le suivant. Quand nous quittions le travail, mes collègues disaient, “A demain” – et corrigeaient ensuite en riant : “Je veux dire à bientôt.”

Le sommeil n'était pas la seule chose dont nous étions dépossédées. Il y avait aussi le manque de conversation. Lors de mon travail dans le complexe industriel d’Incheon, je suis restée chez une amie à Bucheon. La maison était toujours vide quand je suis revenais à la maison après le poste de nuit. C'était le midi et le studio était tranquille.

J'ai envoyé un message à mon amie sur KakaoTalk, mais elle devait être occupée parce qu'elle n'a pas répondu pendant un certain temps. Naturellement, je devais annuler tous mes plans le soir les jours de semaine. J'ai repoussé trois rendez-vous et m’en suis occupée le dimanche. N'étant pas synchrone avec mes amis ils m'ont forcé à renoncer à plus que ce que je m'étais attendue.

“Ahn Hee-jung – ceci peut-il réellement arriver ?” Pendant que je prenais une pause vers minuit le 5 mars, j'ai reçu l'impression que quelque chose de grand était arrivé pendant que je lisais en retard et en diagonale mes SMS. Mais avant que je ne puisse satisfaire ma curiosité, je devais retourner travailler. Les téléphones mobiles ne sont pas permis au poste de travail et il n'y avait pas d'accès Internet dans le vestiaire. C'était comme si j'avais été coupée du monde la moitié du jour, à partir du moment où je rentrais dans l'usine à 20h00 jusqu'à ce que je parte à la maison à 8h00. Personne n'a mentionné Ahn Hee-jung (l'ancien gouverneur de la province du Chungcheong du Sud) à l'usine ce jour-là. Je n'ai pas appris qu'il avait été accusé de viol qu'en montant dans le métro le matin suivant.

Ko Han-sol, journaliste

 

Épuisée mais incapable de dormir


La machine continue à tourner sans arrêt, même la nuit. On m'a dit que la machine a coûté plus de 1 milliard de wons (892,000 US$). Une machine immobile est juste un morceau de métal. Plus la machine coûte cher, plus la compagnie maintient la pression pour la maintenir en fonctionnement 24 heures par jour, 365 jours par an, pour récupérer la valeur de l’argent investi. Il est moins coûteux de faire fonctionner 10 machines 24 heures par jour que 20 machines 12 heures par jour. C’est plus rentable même si cela veut dire de payer en plus des heures normales la moitié du temps de travail en heures supplémentaires. Et pour les ouvriers qui doivent compter chaque sou, les heures supplémentaires sont une tentation à laquelle il est difficile de résister. C'est le misérable rapport « gagnant-gagnant » entre les ouvriers et les machines.

“Je m’allonge juste là”, disent les femmes à l'usine Cela signifie qu'elles continuent à essayer de s'endormir, même si le sommeil ne vient pas. Choi So-yeon, 35 ans, compte sur les protège tympans et un masque de sommeil. Avec un diseur de bonne aventure à l’étage en-dessous elle ne peut pas dormir sans bouchons anti-bruit, dit-elle. Une autre ouvrière intérimaire, Woo ye-ji, 25 ans, a des difficultés à dormir profondément en dépit de rideaux masquant ses fenêtres. En plaisantant elle décrit cette situation malsaine : quand sa camarade de chambre, qui elle arrivait à s'endormir immédiatement, lui demandait si elle dormait, elle répondait, oui je dors. Choi Ji-suk, 43 ans, lave à grande eau une assiette de kimchi aigre avec une bouteille de soju avant de se coucher. Une étude a constaté que six métallurgistes sur dix alternant des postes de nuit et de jour souffrent d’insomnie (“ Rapport et faits sur les désordres du sommeil”, Institut Coréen de Sécurité et de Santé au Travail 2011).

Le 8 mars, Park Min-ju, 45 ans, bâille. Tous les mercredis, son fils, qui est à l'école primaire, sort plus tôt de l'école et revient à la maison vers 13h00. “Mon fils a continué à papoter au sujet de ce qui était arrivé à l'école et je ne suis pas arrivée à dormir un tant soit peu”, dit Park, en souriant.

Avec les nuits et les jours inversés, le corps transmet sa gêne par son “maillon le plus faible.” L'heure du déjeuner pendant le poste de nuit de 12 heures est à 0h30. Les organes digestifs qui doivent se reposer dans le milieu de la nuit sont mis en présence d'un repas salé et gras, du porc frit ou des nouilles de haricot noir, par exemple. Jeon Suk-hui saute typiquement les plats d'accompagnement et prend son plateau directement à la fontaine réfrigérée, en trempant son riz avec l'eau et en l'aspirant bruyamment. Une autre femme ayant dit avoir été en poste alterné depuis dix ans garde toujours du soda citron dans son casier. Pendant un mois entier, je ne l'ai jamais vue porter une paire de jean qui lui allait. Elle saute les déjeuners et pique un petit somme dans le vestiaire. La mauvaise digestion chronique est une routine pour toutes ces femmes.

"En travaillant en poste de nuit ma peau s'est enflammée", elle devait mettre quelquefois de la pommade sur sa peau au lieu de maquillage avant de venir au travail. Shin Ji-ae, 38 ans, une ouvrière régulière que j'ai rencontrée à Ansan, la Province de Gyeonggi, a dit qu'elle a eu des périodes irrégulières six mois après avoir commencé le travail de nuit. “Vous savez, j'ai toujours été toujours une couche-tard. Mais il y a une différence entre une nuit de détente et une nuit de travail”. Elle m'a conseillé de ne pas vivre près d'une école primaire si j'étais destinée à travailler longtemps de nuit. Elle était réveillée par le bruit des enfants à l'extérieur pendant les heures scolaires.

Après avoir englouti nos repas, le vestiaire se transformait en jeu d’évitement des obstacles, tant de personnes étant allongées dans le vestiaire (qui était le seul lieu de pause) que c'était un défi de ne pas marcher sur elles. En étendant un tapis de yoga et une petite couverture au plancher, j'ai essayé de sommeiller 15 ou 20 minutes. Mais je ne pouvais jouir seulement que de bribes de sommeil à cause des gens s'excusant en m’enjambant pour arriver à leurs casiers. Ji-suk, qui était allongée à côté, a essayé de faire une plaisanterie en regardant le plafond fixement : “En travaillant de nuit, notre jour ouvrable s'étend à travers deux jours de semaine — lundi et mardi, mardi et mercredi et caetera. Je suppose que le travail du poste de nuit accélère le processus de vieillissement.” La plaisanterie n'a pas reçu de réponse, cependant, et Ji-suk ne semblait pas en attendre une.

 

Les coupures

Une fois toutes les deux heures, j’avais une petite pause. Pendant le temps de coupure, la porte menant au vestiaire se transformait en goulot d’étranglement. En supposant que le bus de la navette me dépose au travail à 20h00, la séance de travail était divisée en cinq périodes : 20h30 à 22h30, 22h40 à 0h30, déjeuner, 1h30 à 3h30, 3h40 à 5h30 et 5h40 à 8h00. On nous donnait environ 10 minutes de temps de coupure toutes les deux heures. Le 12 mars, on nous a donné de nouvelles tenues de travail. Nos tenues antistatiques blanches ont été remplacées par des bleues, aussi antistatiques, avec un uniforme gris foncé que nous devions porter chaque fois que nous n'étions pas au poste de travail, à la cafétéria par exemple. La vieille règle était d'enlever notre tenue de travail antistatique avant de quitter le vestiaire, mais maintenant nous devions mettre l'uniforme gris foncé après avoir enlevé la tenue de travail. Nous devions quitter le vestiaire pour aller aux toilettes ou à la fontaine réfrigérée et il fallait trois minutes pour enlever ma tenue de travail et mettre mon uniforme, trois minutes pour aller et trois minutes pour me changer à nouveau. C'était particulièrement agaçant pour les fumeurs. Pour fumer une cigarette, ils devaient monter deux étages pour aller sur le toit. Pendant qu'ils fumaient, ils devaient surveiller leur montre.

Ko Han-sol, journaliste 
 

Un droit du travail faible et inefficace

 

Mais la situation n'était pas trop mal, comparée avec celle de l'usine où j'avais travaillé en février, à Ansan dans la Province de Gyeonggi, qui fabriquait des plaques de circuit imprimé. Cette usine laissait une coupure de 10 minutes le matin, 40 minutes pour déjeuner et 10 minutes l'après-midi. La coupure pour le repas du soir était seulement de 30 minutes, ce qui signifiait qu’une fois englouti le repas et après avoir fumé une cigarette c'était déjà l’heure de retourner au poste de travail.

Quand le déjeuner, il y a un an, avait été raccourci d'une heure à quarante minutes, Ji-ae avait même feuilleté le code du travail “La loi dit que l'on doit permettre aux ouvriers qui travaillent depuis huit heures d'avoir au moins une heure. Cela ne m'a pas donné d’appui pour me plaindre”, a-t-elle dit. Le “minimum” autorisé par la loi se révèle toujours être le “maximum” sur le lieu de travail.

Chaque jour, le chef d’équipe tapait sur l’épaule des gens pour voir s'ils restaient pour les heures supplémentaires. “Heures supplémentaires ? ” ou quelquefois “Faisons des heures supplémentaires” demandait-elle. Quand le tout-puissant chef d’équipe disait, “Faisons des heures supplémentaires” (pas même “quelques heures supplémentaires ?”), il était difficile de dire non. Dans l'annonce de travail les heures supplémentaires et le travail de week-end n'étaient pas obligatoires, mais quand l'usine avait une date limite, il y avait peu de liberté de choix, à moins que vous ne vouliez plus du tout de ce travail.

Les heures supplémentaires constituent la norme

Et je savais que si je renonçais, quelqu'un d'autre devrait les faire. Une autre raison pour laquelle vous ne pouviez pas sortir des heures supplémentaires consistait en ce que le bus de la navette ne circulait pas à 5h30 à l’heure officielle de fin de travail. La seule autre option était de marcher 10 minutes jusqu’à un arrêt d'autobus public, attendre ensuite que le bus se manifeste et change ensuite deux fois, ce qui prenait 40 ou 50 minutes pour aller seulement jusqu’à la station de métro.

Il y avait encore une raison du difficile refus du travail le week-end et en heures supplémentaires. En travaillant seulement les huit heures régulières par jour cela donnait 208 heures et 1,573,770 wons (1,404 US$) par mois. C'est juste un peu plus de la moitié de 2,68 millions de wons (2,391 US$) qui est le montant minimal pour faire vivre une famille de quatre personnes en 2017 (60 pour cent du revenu médian). Par conséquent, les ouvrières font face au choix de deux heures et demie d’heures supplémentaires matinales et d’un gain de 30,120 wons de supplément ( 26.87 US$) (7,530 : 150 % x 2.5 heures + 7,530 50 % x 0.5 heures), ou de partir à temps et d’affronter le problème de trouver un bus public seulement pour arriver un peu tôt dans leur sombre maison. Il n'y avait aucune hésitation à propos de la réponse, mais les deux options laissaient beaucoup à désirer.

La même chose jouait concernant une absence au travail. En sautant un jour de travail sans avertissement préalable on ne perdait pas seulement les salaires d'un jour mais aussi plus de 300,000 wons (267 US$) au titre de la paie du week-end, de la prime d'assiduité et des primes selon les normes, lois et règles propres au lieu de travail. Cela pouvait représenter un loyer mensuel pour un ouvrier ou les frais scolaires pour un enfant. C'était pourquoi ces femmes se décidaient pour le travail même quand elles étaient si malades qu’elles pouvaient à peine se lever du lit.

 

Le 9 mars, alors que nous devions rentrer à la maison “à temps” parce qu'il n'y avait aucun travail supplémentaire à effectuer, une femme a dit, “Si je ne saisis pas l'occasion pour me détendre, quand recevrai-je une autre chance ?” Mais bientôt elle est partie à la recherche d'une compagnie qui proposait plus de travail le week-end et davantage d'heures supplémentaires.

L'agence d'intérim pour laquelle je travaillais incluait cette formule dans son annonce de travail : “ouvrière 1,573,770 wons [1,404 US$] en rémunération de base + prime (100 pour cent) + prime d'assiduité + prime de jour férié + heures supplémentaires (150 pour cent) + travail de week-end (150 pour cent) + le travail tardif (50 pour cent).”

Si vous étiez concernée par tous ces critères, l'annonce disait que vous pourriez ramener chaque mois à la maison 3 millions de wons (2 676 US dollars). C'était la somme qui pouvait être gagnée en faisant des heures supplémentaires pour atteindre 10,5 heures chaque jour et en travaillant les week-ends sans repos ni les samedis ni les dimanches, soit 303 heures par mois (comme en mars).

Entre le 27 février et le 18 mars, j'ai travaillé les week-ends et j'ai aussi fait autant d’heures supplémentaires que possible, sauf pendant quatre jours. Pendant ce temps, j'ai reçu un total de (1,450 US$) – qui incluait deux jours de paie de jour férié et la valeur de neuf jours pour l'allocation du repas du matin

Fête de fin des nuits avec un bol de nouilles ramen (plat local)

Le dernier jour en poste de nuit le 16 mars, les femmes ont apporté chacune à l'usine un bol de nouilles ramen. “Le poste de nuit finit aujourd'hui, n'est ce pas ? Nous devons faire la fête avec un plat ramen”, a dit Hui-suk, 45 ans. La soupe chaude fait des merveilles pour un estomac dérangé, mais la soupe qui nous était servie pour le dîner était toujours tiède. Les femmes ont apporté une boîte de thon et ont fait tomber le thon dans les nouilles instantanées. C'était une façon assez simple de célébrer la fin du poste de nuit. Autour de la table, je pouvais entendre les gens aspirant bruyamment leurs nouilles.

Les femmes ont raconté les histoires des usines où elles avaient été auparavant et s'étaient consolées avec la pensée que “au moins c'est mieux ici.”

“Au moins nous arrivons à travailler en nous asseyant. Ces femmes qui doivent manipuler les machines doivent être debout tout le temps. “

“La dernière usine dans laquelle j'ai travaillé était au bord de la disparition. Cet endroit semble être décent, c'est propre, au moins.”

“Vous savez, les femmes qui travaillent sur les usines de production d’automobiles doivent s’occuper de dix machines par personne. Elles doivent se remplacer à tour de rôle quand elles vont déjeuner.”

Les femmes ont ainsi partagé leurs expériences l'une avec l'autre. Quand presque deux semaines de poste alterné sont passés, mes bâillements ont commencé à venir de plus en plus plus tard. Ma qualité de sommeil s'améliorait progressivement, aussi. Je pouvais avoir l'impression que mon corps s'était adapté à ce nouveau programme. Mais la semaine prochaine, nous devrions commencer à travailler à 8h30 de nouveau. C'est une boucle infinie d'équipe de jour et de poste de nuit. Min-ju qui a travaillé depuis presque une année en trois équipes, sur deux postes alternés, a confié un de ses « trucs » pour inverser l'horloge interne dans une période courte : “Après la descente du travail samedi matin, faites n’importe quoi pour rester debout jusqu'à samedi soir et ensuite dormir jusqu'à dimanche matin.”

Cela voulait dire d'une façon ou d'une autre de réussir à veiller depuis plus de 30 heures, à partir de vendredi après-midi jusqu'à samedi soir. Alors que les femmes se changeaient dans le vestiaire ce jour-là, une rumeur non confirmée se promenait : “La semaine prochaine, j'entends dire qu'ils vont lancer le convoyeur à sa vitesse la plus haute. Il semble qu'il y ait une commande à satisfaire ». Quand ma mission « secrète » qui était censée durer un mois fut sur le point de se terminer, j'ai dit au revoir aux femmes sur le lieu travail et ai quitté l'usine. Comme si ce genre d’adieu leur était familier elles ont fait quelques plaisanteries stupides — “Faites nous savoir si vous entendez parler d'un bon travail” — mais elles n'ont pas demandé de détails.

L'agence d'intérim n'a pas répondu au téléphone, donc je leur ai envoyé un SMS : “suite à un impondérable il semble que je ne sois pas à même de travailler la semaine prochaine". Ils m'ont répondu une demi-heure plus tard : “Vous devez rendre votre uniforme à votre chef d'équipe. Si vous ne le faites pas, vous subirez une retenue sur salaire.” Il n'y avait aucune question à propos du pourquoi de ma cessation de travail ni aucun appel pour rester un peu plus longtemps. Le processus de départ était aussi rapide que le processus d’embauche.

Thwack, thwack, thwack... thwack, thwack, thwack...” Le son familier a sonné dans mes rêves cette nuit. Les paquets de masques laissés sur la bande transporteuse sont tombés sur la station de travail. Mais cela n'a pas dérangé la bande transporteuse, qui a continué à avancer. Comme dans mon rêve, la bande transporteuse roulant sans fin a ressemblé à une bande de Möbius par le biais d'une rotation sans fin de jour et de postes de nuit. J'avais accompli ma mission secrète et avais sauté de cette piste infinie. Je me suis trouvée à me demander si les femmes sortiraient pour manger de la lotte le jour de paie comme prévu. Était-ce le milieu de la nuit pour elles ou le milieu du jour ? J'étais sur le point de leur envoyer un message, mais je me suis arrêté en touchant mon téléphone cellulaire…

Ko Han-sol, journaliste

Traduction pour l’AAFC : YB

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18 mars 2018 7 18 /03 /mars /2018 17:43

Les Jeux paralympiques d'hiver de Pyeongchang - les plus grands dans l'histoire des Jeux paralympiques d'hiver, par le nombre de nations et d'athlètes y ayant participé - se sont terminés le 18 mars 2018, après dix jours de compétition. Pour la première fois, la République de Corée (Corée du Sud) a obtenu une médaille d'or aux Jeux paralympiques d'hiver - grâce à la performance réalisée par Sin Eui-hyun, tandis que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a signé sa première participation à des Jeux paralympiques d'hiver - sans remporter de médailles. Certes symboliques sur la plan de la question sociale du handicap, ces premières olympiades tendent toutefois à favoriser l'évolution des mentalités dans (toute) la Corée, sur le long chemin de la pleine intégration sociale des personnes handicapées, qu'il convient d'encourager. 

Image de la cérémonie de clôture.

Image de la cérémonie de clôture.

La cérémonie de clôture était sans faute, à l'image de l'ensemble de l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques qui, sur le plan diplomatique, ont permis un rapprochement intercoréen riche d'espoirs et l'annonce inédite d'une rencontre pour la première fois entre un président américain en exercice et le dirigeant suprême nord-coréen. 

Intitulée "Nous faisons bouger le monde", la cérémonie de clôture - comme la cérémonie d'ouverture - a été le fruit du travail de Lee Moon-tae, président de la Fondation coréenne pour les arts du spectacle traditionnels (KoTPA), et de ses équipes.

La clôture des Jeux paralympiques a aussi conduit à la remise par le Comité international paralympiques du
 prix Whang Youn-dai  au skieur alpin néo-zélandais Adam Hall et à la skieuse de fond finlandaise Sini Pyy. Remis par Mme Whang Youn-dai, le prix récompense deux athlètes paralympiques - une homme et une femme - qui symbolisent l'esprit et les valeurs des Jeux paralympiques. Le prix Whang Youn-dai a été attribué pour la première fois en 1988, lors des Jeux paralympiques de Séoul. Il porte le nom de la docteur en médecine Mme Whang Youn-dai qui, après avoir contracté la poliomyélite à l'âge de trois ans, s'est consacrée au développement des sports paralympiques en Corée et dans le monde.

Au centre, à la tribune, le docteur Whang Youn-dai, lors de l'annonce le 16 mars 2018 des lauréats du prix qui porte son nom

Au centre, à la tribune, le docteur Whang Youn-dai, lors de l'annonce le 16 mars 2018 des lauréats du prix qui porte son nom

Défilé de la délégation sud-coréenne lors de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques.

Défilé de la délégation sud-coréenne lors de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques.

Au tableau des médailles, la République de Corée a terminé 16e ex aequo avec la Finlande et la Nouvelle-Zélande, dans un classement dominé par les Etats-Unis (13 médailles d'or, 15 médailles d'argent et 8 médailles de bronze), suivis, dans cet ordre, par les athlètes russes (8 médailles d'or, 10 médailles d'argent et 6 médailles de bronze), le Canada, la France, l'Allemagne et l'Ukraine. 

Si les athlètes coréens n'ont pas tout à fait atteint leurs ambitieux objectifs d'avant les Jeux (1 médaille d'or, 2 médailles d'argent et 2 médailles de bronze), ils peuvent avoir la satisfaction d'avoir remporté une médaille d'or pour la première fois aux Jeux paralympiques d'hiver depuis que la République de Corée a participé aux Jeux paralympiques d'hiver à Albertville en 1992. Les Coréens doivent ce résultat à Sin Eui-yun : le porte-drapeau de la délégation sud-coréenne a remporté, à près de 38 ans (il est né le 1er avril 1980), l'épreuve de 7,5 km assis en ski de fond, doublant l'exploit en décrochant une médaille de bronze, toujours en ski de fond, en 15 km assis (aux épreuves de biathlon des Jeux de Pyeongchang, il s'est classé trois fois 5e, sur les distances de 7,5 km, 12,5 km et 15 km assis).

Emu aux larmes, l'athlète a tenu à remercier sa mère. Comme l'a observé Yonhap, Sin Eui-yun est un exemple de courage et de volonté, après avoir perdu ses jambes dans un accident à la veille de la cérémonie de remise de diplômes : 

Sin, âgé de 37 ans, a perdu ses jambes dans un accident automobile, la veille d'une cérémonie de remise de diplômes. Il a commencé le sport en 2009 en jouant au basket-ball en fauteuil et a également pratiqué le hockey sur luge.

Sin Eui-yun a décroché l'or à l'épreuve de 7,5 km assis en ski de fond.

Sin Eui-yun a décroché l'or à l'épreuve de 7,5 km assis en ski de fond.

La troisième médaille sud-coréenne des Jeux, en bronze, a été obtenue en hockey sur luge, à l'issue d'un match victorieux contre l'Italie (1-0, grâce à un but de Jang Dong-shin en troisième période). L'équipe médaillée olympique a été formée de Cho Byeong-seok, Cho Young-jae, Choi Kwang-hyouk, Choi Si-woo, Han Min-su, Jang Dong-shin, Jang Jong-ho, Jung Seung-hwan, Kim Dea-jung, Kim Young-sung, Lee Hae-man, Lee Jae-woong, Lee Ji-hoon, Lee Jong-kyung, Lee Ju-seung, Lee Yong-min et Yu Man-gyun. 

Les joueurs sont été salués par leur entraîneur Seo Kwang-suk, qui a souligné le prix des larmes : 

Leur sueur, leur sang et leurs larmes d’un environnement si difficile, venir ici avec la confiance seulement, (...) mes larmes expriment ma gratitude à leur égard.

L'équipe para-olympique sud-coréenne médaillée en hockey.

L'équipe para-olympique sud-coréenne médaillée en hockey.

La tenue des Jeux paralympiques de Pyeongchang est porteuse d'espoirs pour l'intégration des personnes handicapées, dans une société coréenne où un formalisme pesant issu d'une culture néo-confucéenne a longtemps tendu à cacher et à maltraiter les personnes handicapées - qui faisait ainsi partie des éléments sociaux indésirables envoyés dans les camps de concentration par le régime militaire sud-coréen il y a encore seulement une génération. Mais les mentalités évoluent, et la mobilisation a permis peu à peu d'améliorer - entre autres - l'accessibilité aux transports, à commencer par l'accès aux Jeux paralympiques, comme l'a observé le journaliste du Monde Phlippe Mesmer dans une enquête publiée le jour de la cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques. Pour autant, un tiers des personnes handicapées sud-coréennes ne sortiraient encore jamais de chez elles.

En Corée du Nord, où les moyens financiers manquent de surcroît, la participation d'athlètes pour la première fois à des Jeux paralympiques d'hiver a représenté un signal positif, dans une société où l'intégration des personnes handicapées marque toujours un grand retard. En 2017, un expert de la Commission des droits de l'homme des Nations unies a pu visiter la RPD de Corée et, de l'avis des spécialistes, le handicap est l'un des domaines où des progrès visibles sont enregistrés en matière de droits de l'homme en Corée du Nord. De fait, des ONG travaillent sur la question du handicap en RPDC. L'Association d'amitié franco-coréenne a également apporté sa contribution en organisant l'accueil en France, en février 2015, d'une délégation de la Fédération (nord-)coréenne des personnes handicapées : de jeunes artistes handicapés, hébergés en France à l'Institut national des jeunes sourds, et dont la visite en France était prise en charge par l'ONG britannique DULA, ont ainsi donné de très beaux spectacles à Paris.

Si la voie pour la pleine intégration sociale des personnes handicapées est encore longue en Corée, au Nord comme au Sud, les progrès réalisés sont appréciables, et méritent d'être encouragés : l'humanité d'une société s'apprécie selon la manière dont elle protège ses éléments les plus faibles, au premier rang desquels les personnes handicapées.

Principales sources : 

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9 mars 2018 5 09 /03 /mars /2018 23:38

La cérémonie d'inauguration des Jeux paralympiques de Pyeongchang s'est tenue le 9 mars 2018 : la douzième édition des Jeux paralympiques d'hiver, qui s'achèveront le 18 mars, marque un record par le nombre de participants, tant en nombre de nations présentes (49) que d'athlètes (570), concourant pour 80 médaille d'or. L'Association d'amitié franco-coréenne revient sur un événement chargé d'émotion. 

Ouverture des Jeux paralympiques de Pyeongchang
Ouverture des Jeux paralympiques de Pyeongchang

La cérémonie d'ouverture, mise en scène par Kim Moon-tae, avait pour thèmes la passion - la passion qui mène à l'égalité et à l'harmonie, valeur confucéenne qui a occupé une place majeure dans les représentations - et la coexistence entre les peuples. Mêlant thématiques traditionnelles et traitements modernes, elle a notamment mis en lumière l'artiste Shin Myeong-jin, qui a des prothèses aux jambes et au bras et a exécuté sur un tambour traditionnel de grandes dimensions une interprétation de la cérémonie bin-rye, cérémonie d'accueil traditionnelle en Corée quand des visiteurs importants arrivaient à la cour royale.

Comme l'a souligné l'agence sud-coréenne Yonhap, les thèmes abordés ont manifesté la puissance du rêve paralympique et des espoirs qu'il soulève : 

Un segment a (...) reflété les rêves et visions des personnes handicapées. Une jeune fille atteinte d'un handicap visuel a dessiné un monde imaginaire rempli d'espoir. Des enfants et athlètes paralympiques ont dansé sur une chanson en langue des signes, communiquant le message que PyeongChang est un endroit où le rêve de ne faire qu'un devient réalité.

A la différence de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques, les délégations nord et sud-coréennes ont défilé séparément - faute d'avoir pu parvenir à un accord sur le drapeau de la Corée unifiée, où ne figurait pas la représentation des îles Dokdo (revendiquées par le Japon), ce que n'a pas accepté le Nord. Le Sud-Coréen Choi Bogue et le Nord-Coréen Ma Yu-chol ont toutefois porté ensemble la flamme olympique. Il s'agit de la première participation de la République populaire démocratique de Corée aux Jeux paralympiques d'hiver - de même que pour la Géorgie et le Tadjikistan.

De haut en bas : défilés des délégations sud et nord-coréenne ; Choi Bogue et Ma Yu-chol portent ensemble la flamme olympique
De haut en bas : défilés des délégations sud et nord-coréenne ; Choi Bogue et Ma Yu-chol portent ensemble la flamme olympique
De haut en bas : défilés des délégations sud et nord-coréenne ; Choi Bogue et Ma Yu-chol portent ensemble la flamme olympique

De haut en bas : défilés des délégations sud et nord-coréenne ; Choi Bogue et Ma Yu-chol portent ensemble la flamme olympique

Après les discours  de Lee Hee-beom, président du comité d'organisation des Jeux de Pyeongchang, et Andrew Parsons, président du Comité international paralympique, les Jeux ont officiellement été déclarés ouverts par Moon Jae-in, président de la République de Corée. 

La flamme paralympique a enfin été allumée, après avoir parcouru 2 018 kilomètres et été relayée par 800 porteurs de flambeau. Puis la "sphère de la coexistence" s'est transformée en un soleil rouge puis en une lune blanche, tandis que se produisaient la chanteuse Sohyang et la soprano Sumi Jo.

En haut : le Président Moon Jae-in salue la foule.
En haut : le Président Moon Jae-in salue la foule.

En haut : le Président Moon Jae-in salue la foule.

Sources : 

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2 mars 2018 5 02 /03 /mars /2018 21:22

Le 27 février 2018, la commission du travail et de l'environnement de la République de Corée (Corée du Sud) a réduit la durée maximale hebdomadaire de travail de 68 heures à 52 heures, dans le cadre d'un accord entre la majorité progressiste et l'opposition conservatrice. Les discussions ont notamment porté sur le taux de majoration des heures supplémentaires, alors que la durée annuelle de travail en Corée du Sud est l'une des plus élevée parmi les pays industrialisés membres de l'OCDE (en 2016, 2 069 heures par an, contre 1 763 heures en moyenne dans l'OCDE). 

La Corée du Sud réduit le temps de travail

L'accord trouvé au Parlement le 27 février 2018 permet au Président Moon Jae-in d'honorer l'une de ses promesses de campagne : réduire la durée du travail pour laisser plus de temps libre aux salariés, mais aussi engager un processus de partage du temps de travail en augmentant les embauches dans une économie en phase de ralentissement (selon certaines estimations, la mesure créerait entre 600 000 et 700 000 emplois). D'autres effets positifs sont escomptés - comme relancer le taux de natalité, l'un des plus bas au monde (en moyenne, 1,2 enfant par femme), mais en ce domaine d'autres mesures joueront un effet plus décisif (en particulier, la réduction des frais - très élevés - liés à l'éducation, et la mise en place d'un système de protection sociale plus ambitieux dans le cadre d'une politique nataliste). 

Dans le droit actuel, la durée hebdomadaire de travail est de 40 heures, auxquelles peuvent s'ajouter 12 heures supplémentaires et 16 heures de travail le week-end, soit 68 heures. Désormais, les heures de week-end seront incluses dans le total des heures supplémentaires, soit une durée maximale de travail de 52 heures.

Par ailleurs, le jour de la Libération (le 15 août) et la fête nationale de l'Indépendance (le 1er mars) deviennent des jours fériés payés.

La nouvelle réglementation entrera progressivement en vigueur : à compter de juillet 2018 pour les entreprises comptant au moins 300 salariés, de janvier 2020 pour les entreprises de 50 à 299 salariés et de juillet 2021 pour les entreprises de moins de 50 salariés. Cinq secteurs (contre vingt-six auparavant) pourront déroger à la durée légale : les transports et la santé. 

La réforme a soulevé des critiques, tant à gauche qu'à droite. A gauche, les syndicats demandaient que la majoration des heures supplémentaires soit de 100 %, et non - comme voté - de 50 % pour les 8 premières heures et de 100 % pour les 4 heures suivantes. Le régime actuel de majorations étant plus favorable, il en résultera des baisses de salaires. A droite, il est mis en avant la corrélation de cette mesure avec l'augmentation du salaire minimum de 16,4 % intervenue le 1er janvier 2018 : la hausse du coût du travail et les conséquences de la baisse du temps de travail en termes d'embauche sont dénoncées comme des entraves à la compétitivité des entreprises.

Sources : 

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24 février 2018 6 24 /02 /février /2018 22:04

Le 24 février 2018, à l'issue du cours d'initiation à la langue et à la civilisation coréennes qu'organise l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) tous les quinze jours rue Bezout dans le quatorzième arrondissement de Paris, une réception a eu lieu à l'occasion du nouvel an lunaire (appelé Seollal en Corée), autour d'un buffet franco-coréen, avec les professeurs et les élèves du cours de coréen.

 

L'AAFC célèbre le nouvel an lunaire

La fête de Seollal, qui marque le premier jour de l'année dans le calendrier lunaire (et appelée improprement nouvel an chinois, car sa célébration dépasse les limites de la Chine), est célébrée - selon les années - entre le 21 janvier et le 20 février. En 2018, l'entrée dans le nouvel an lunaire a eu lieu le 16 février. Comme l'année solaire comporte une dizaine de jours de plus que les douze mois du calendrier lunaire, sept mois intercalaires sont ajoutés par période deux-neuf ans, afin d'assurer une cohérence avec le calendrier solaire.

A l'occasion de Seollal, les Coréens s'inclinent, vêtus de l'habit traditionnel, devant leurs parents en signe de respect (pratique du jeol), avant que les familles ne se rendent sur les tombes de leurs ancêtres. La commémoration de Seollal donne ainsi lieu à d'importants mouvements de populations à l'intérieur de la péninsule coréenne, notamment des zones les plus urbanisées (qui concentrent une plus forte proportion de jeunes) vers les moins grandes villes et les zones rurales. 

Des cadeaux sont également échangés à l'occasion du Seollal.

Des plats traditionnels du nouvel an lunaire sont la soupe de riz gluant (tteokguk) et la soupe de boulettes de viande ou de légumes, souvent cuites à la vapeur, appelées mandu (la soupe de mandu s'appelant manduguk).

Le nouvel an lunaire est l'occasion de pratiquer des jeux traditionnels comme yutnori, un jeu de plateau où les pions où des bâtons marqués de croix sont les équivalents des dés dans les jeux de plateau occidentaux. 

A l'occasion du nouvel an lunaire, les Coréens s'intéressent au signe astrologique chinois qui est celui de leur année de naissance : les années se suivent par cycle de douze ans, chaque année correspondant à un animal - le rat, le boeuf, le tigre, le lièvre, le dragon, le serpent, le cheval, le mouton, le singe, le coq, le chien et le cochon. L'année 2018 est celle du chien. 

L'AAFC célèbre le nouvel an lunaire

Source : 

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16 février 2018 5 16 /02 /février /2018 22:55

A l'occasion de la Fête de l'Etoile Brillante, qui commémore en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) la naissance du Dirigeant Kim Jong-il le 16 février 1942, plusieurs manifestations à caractère culturel sont organisées : non seulement des floralies de kimjongilia, du nom de la variété de bégonia rouge créée par l'horticulteur japonais Kamo Mototeru en février 1988, mais aussi une - moins connue - compétition nationale annuelle de cuisine, dont la huitième édition s'est tenue dans la Maison des nouilles de Pyongyang (les nouilles froides étant par ailleurs l'une des spécialités de la capitale nord-coréenne), du 12 au 14 février 2018.  

Selon les médias nord-coréens, plus de 300 cuisiniers, serveurs et serveuses ont pris part à la compétition 2018 - répartis entre plusieurs catégories (bureau général du service public de restauration, service des affaires étrangères, ministères et agences nationales, municipalité de Pyongyang et services d'alimentation des villes et des provinces).

Le jury a départagé les concurrents d'une compétition qui a une nouvelle fois attiré un public nombreux.

La participation des serveurs et serveuses rappelle que, en France également, la distinction de meilleur ouvrier de France distingue, parmi les métiers de la restauration et de l'hôtellerie, une catégorie dédiée aux fonctions du maître d'hôtel, du service et des arts de la table. 

L'agence AFP, désormais basée à Pyongyang, a tourné une vidéo de l'édition 2018

Les médias nord-coréens ont réalisé des films d'éditions plus anciennes, comme ici dans ce reportage de près de trois minutes de 2015 de la télévision nationale : 

Source : Naenara

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28 janvier 2018 7 28 /01 /janvier /2018 12:20

Dans la matinée du 26 janvier 2018, un incendie a ravagé un hôpital à Miryang, dans la province du Gyeongsang du Sud, causant au moins 37 morts et 130 blessés - dont 18 dans un état grave, faisant craindre un alourdissement de ce bilan. Cette catastrophe liée à un incendie n'est malheureusement pas la première en République de Corée (Corée du Sud), posant ainsi la question du retard dans l'adoption de normes de sécurité qui traduisent les exigences légitimes de la population dans l'un des pays les plus riches d'Asie. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) présente ses condoléances aux familles des victimes et à leurs proches, dont nous comprenons et partageons la colère : une vraie enquête doit être menée pour déterminer les causes de la catastrophe et les responsabilités éventuelles des intervenants, parallèlement à un renforcement de la réglementation (y compris en termes d'exploitation-maintenance des équipements) afin que de tels drames ne se reproduisent plus.

Dramatique incendie dans un hôpital à Miryang : ce qui va changer, ce qui doit changer

C'est vers 7h30 que l'incendie s'est déclenché au rez-de-chaussée, dans le vestiaire des infirmières, près d'une salle d’urgence de l’hôpital Sejong. Le feu ne s'est pas étendu à d'autres étages. Les pompiers ont maîtrisé l'incendie vers 9h30 et l'ont éteint environ une heure plus tard.  

Les 37 morts à ce jour (et non 41, comme indiqué dans un premier bilan erroné, certaines victimes ayant été comptabilisées deux fois) auraient inhalé des gaz toxiques. Il s'agirait principalement de femmes âgées, ainsi que de trois membres du personnel. Tous se trouvaient dans l'hôpital, qui comportait une unité de soins intensifs au troisième étage - même si la plupart des victimes se trouvaient aux étages inférieurs. Environ 200 personnes étaient présentes dans l'établissement lors du déclenchement de l'incendie, soit une proportion élevée de victimes (y compris les blessés légers) de 80 %. Plusieurs victimes sont décédées lors de leur transport à l'hôpital.

Des images spectaculaires des opérations de secours ont été diffusées, comme celles d'un patient accroché à une corde lancée par un hélicoptère volant au-dessus de l'hôpital.

L'incendie aurait été causé par des câbles électriques défectueux, notamment dans les plafonds du premier étage abritant des provisions, posant les questions du niveau des dispositifs de maintenance et de la vérification périodique des équipements. Lors d'une conférence de presse le 27 janvier, un responsable local a indiqué que l'incendie s'était propagé de haut en bas pour ravager le rez-de-chaussée et que les câblages électriques du plafond donneraient lieu à une analyse approfondie.

Dramatique incendie dans un hôpital à Miryang : ce qui va changer, ce qui doit changer

Les responsables de l'hôpital ont présenté leurs excuses, en indiquant que l'établissement répondait aux normes de vigueur : c'est exact (y compris du point de vue de l'engagement, sur ce point, de la responsabilité de l'équipe dirigeante de l'hôpital), mais soulève la question cruciale de l'adaptation de la réglementation. Dans un hôpital de la taille de celui Sejong à Miryang, ce n'est qu'à partir de juin 2018 que la présence d'extincteurs automatiques deviendra obligatoire. Ces équipements, qui auraient permis de sauver des vies, faisaient défaut à Miryang. Comme l'a déclaré avec acuité le Président Moon Jae-in, qui s'est rendu dans un mémorial installé dans un gymnase de Miryang pour rendre hommage aux victimes :

Je suis effondré qu'un désastre de ce genre puisse encore se produire alors que les gouvernements ont maintes fois promis de travailler à construire un pays sûr.

La catastrophe est d'autant plus navrante que ce n'est pas la première fois que des incendies meurtriers endeuillent la Corée : un mois plus tôt, 29 personnes sont mortes dans un incendie à Jecheon, faute notamment d'issues de secours. Dans une période moins récente, l'incendie d'un entrepôt avait causé 40 morts à Incheon en 2008 et un autre incendie - celui-ci volontaire - 192 morts dans le métro de Daegu en 2003.

Dans une optique strictement néolibérale, les dépenses au titre de la sécurité sont considérées comme des charges excessives. Lors du dramatique naufrage du ferry Sewol, le manque d'investissements en matière de sécurité avait déjà été pointé. Il est plus que temps que la République de Corée abandonne les dogmes néolibéraux, qui tuent - au sens propre - des hommes, des femmes et des enfants. La protection des populations fait partie des missions régaliennes : l'AAFC espère que l'administration Moon Jae-in mettra pleinement en œuvre les mesures qui s'imposent, après 9 ans de présidences conservatrices (2008-2017) qui se sont traduites concomitamment par un renforcement de l'Etat répressif et un affaiblissement des services publics.

Dramatique incendie dans un hôpital à Miryang : ce qui va changer, ce qui doit changer

Sources :
- Ouest France (articles en date des 26 et 28 janvier 2018) ;

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21 décembre 2017 4 21 /12 /décembre /2017 08:23

La République de Corée (Corée du Sud) et, plus largement, les nombreux fans de la musique pop (K-Pop) à travers le monde, sont en deuil : Kim Jong-hyun, du boys band SHINhee, a été retrouvé inconscient dans son appartement de Séoul le 18 décembre 2017 et a déclaré mort peu après son admission à l'hôpital, à la suite manifestement d'une intoxication au monoxyde de carbone. Un mot qu'il a laissé fait ressortir l'hypothèse d'un suicide. Il n'avait que 27 ans. L'AAFC présente ses condoléances à sa famille, ses proches et ses fans.

 

Kim Jong-hyun, du groupe musical SHINhee

Kim Jong-hyun, du groupe musical SHINhee

Le message qu'a laissé Kim Jong-hyun à sa soeur avant de mourir est particulièrement touchant : 

C'est mon dernier au revoir (...) Les choses ont été si difficiles (...) S'il te plait laisse-moi partir et dit que j'ai fait du bon boulot

Le chanteur, qui a fait état dans son message d'adieux qu'il avait subi des épisodes dépressifs, était l'une des figures les plus connues de la scène pop coréenne contemporaine depuis une dizaine d'années (son groupe SHINhee, produit comme beaucoup d'autres par SM Entertainment, avait été formé en 2008), où les groupes musicaux ne restent généralement au sommet de leur gloire que pendant trois ou quatre ans. Dans un univers ultra-compétitif, où les sociétés de production sont particulièrement exigeantes vis-à-vis de jeunes femmes ou de jeunes hommes parfois à peine sortis de l'adolescence, la pression que subissent les stars conduit trop souvent à des suicides, tandis que leurs faits et gestes les propulsent sur le devant de la scène médiatique - révélant d'autres questions de la société coréenne, comme le service militaire obligatoire pour tous les jeunes hommes, que d'aucuns cherchent à fuir (comme Yoo Seung-jun, ainsi devenu citoyen américain). 

Cette violence, dont le suicide est la forme la plus patente, a été mise en exergue par Philippe Mesmer, correspondant du Monde à Tokyo : 


 

Les suicides ne sont pas rares dans cette industrie violente qui va au-delà de la K-pop. En 2015, la chanteuse Ahn Sojin a mis fin à ses jours à l’âge de 22 ans après avoir échoué à intégrer le célèbre groupe féminin Kara. Le chanteur Park Yong-ha a fait de même en 2010 à 32 ans à cause de problèmes professionnels. En 2009, l’actrice Jang Ja-yeon s’est elle aussi suicidée, laissant derrière elle un journal intime dans lequel elle détaillait les « services » qu’elle dut rendre à des hommes influents du milieu pour faire avancer sa carrière.

Dans notre édition du 3 octobre 2010, nous avions souligné que le suicide était l'un des fléaux de la société sud-coréenne, en citant aussi le cas moins médiatisé de la disparition, en 2008, du mannequin et acteur Kim Ji-hoon, acteur et mannequin en butte aux réactions hostiles d'une société homophobe : 

Le suicide est ainsi un révélateur de la société. Par exemple, le 6 octobre 2008, le mannequin et acteur Kim Ji-hoon s'est suicidé après avoir rendu publique son homosexualité, en butte à des agressions homophobes et à la décision de son employeur de ne pas renouveler son contrat après l'annulation de sa participation à des défilés de mode et à des émissions de télévision.

Notre voeu est que le drame subi par Kim Jong-hyun - et d'autres avant lui - puisse aussi être le révélateur qui favorise une plus grande ouverture de la société sud-coréenne, et déclenche une prise de conscience des conséquences souvent terribles de l'exploitation mercantile, dans un univers économique déréglementé, qu'y connaissent les vedettes de la musique, du cinéma  et de la mode.

Le suicide de Kim Jong-hyun, révélateur de la face sombre de la K-Pop

Source principale : 

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