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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 22:05

Le 16 septembre 2014, la présidente sud-coréenne Park Geun-hye a appelé à l'adoption rapide par le Parlement de la dernière version du projet de loi visant à créer une commission spéciale pour enquêter sur les causes du dramatique naufrage du ferry Sewol en avril dernier - qui a causé 304 victimes, en majorité des adolescents qui étaient en voyage scolaire. Cette réaction d'autorité est vivement dénoncée comme autoritaire par l'opposition et les familles des victimes, lesquelles ont engagé un mouvement de protestation pour exiger que la commission créée par la loi spéciale sur le Sewol ait non seulement des pouvoirs d'enquête, mais également d'accusation. Par ailleurs, l'implication in fine de la chef de l'Etat - qui avait initialement jugé que cette question relevait de la compétence du Parlement - apparaît comme un revirement de position, difficilement explicable autrement que par l'irritation de Mme Park Geun-hye face à la colère des familles des victimes - aisément compréhensible, mais qu'elle perçoit comme une mise en cause de sa propre autorité. Au final, son brutal rappel à l'ordre pour que cessent les discussions parlementaires n'est-elle pas un aveu de faiblesse ?  

La montagne parlementaire va-t-elle accoucher d'une souris ? Le doute est permis au regard du refus du parti Saenuri (conservateur, au pouvoir) d'accepter de prendre en compte les demandes des familles des victimes pour l'adoption de la loi spéciale suite au naufrage du Sewol - comme le propose l'opposition démocrate, qui a menacé de boycotter les travaux parlementaires tant qu'un compromis acceptable ne serait pas trouvé.

Au coeur du débat figure l'étendue des pouvoirs de la commission d'enquête indépendante qui serait créée sur le naufrage du ferry Sewol : à des pouvoirs d'enquête les familles des victimes demandent que s'ajoutent des pouvoirs de mise en accusation. La présidente sud-coréenne a répondu "non", en estimant qu'il y aurait là une confusion des pouvoirs et un non-respect de l'indépendance de la justice. Ses détracteurs rétorquent que la commission d'enquête telle qu'elle est proposée risque de ne pas avoir les moyens de conduire des travaux qui lui permettent de faire toute la vérité sur cette tragédie, ni d'éviter qu'une telle situation se reproduise à l'avenir.

Pour se faire entendre, des membres des familles des victimes - ensuite rejointes par des représentants de groupes civiques, d'églises et de partis politiques - ont établi des tentes à proximité de la Maison bleue, siège de la présidence de la République, et engagé un mouvement de grève de la faim. Parmi eux, Kim Young-oh, père d'une des jeunes filles disparues lors de la catastrophe, a conduit une grève de la faim pendant 46 jours. Lorsqu'il a mis fin à sa grève de la fin, le 28 août, des centaines de Coréens ont alors suivi son exemple en décidant à leur tour de ne pas manger.

Kim Young-oh, père d'une des victimes du naufrage du "Sewol", en discussion avec Park Young-sun, représentante du comité de l'opposition démocrate

Kim Young-oh, père d'une des victimes du naufrage du "Sewol", en discussion avec Park Young-sun, représentante du comité de l'opposition démocrate

Plusieurs leçons sont à tirer de ce bras-de-fer courageux et opiniâtre, qui rappelle l'engagement jusqu'à la mort de ceux qui, naguère, luttèrent contre le régime militaire et pour la démocratie au Sud de la péninsule.

 

Le jusqu'au-boutisme de la Présidente de la République, qui refuse une nouvelle fois le compromis, est une source majeure de tensions dans la société coréenne. De surcroît, en assimilant toute opposition à des manoeuvres subversives où elle croit déceler la main de l'opposition, Mme Park se trompe de cible : l'émotion créée par la catastrophe nécessite de dépasser les clivages partisans et de cesser de rejeter par principe les propositions de l'opposition démocrate - dont les précédents compromis avaient toutefois été très mal reçus par les familles des victimes. Si la loi est adoptée par égard aux victimes et à leurs familles, ne doit-on pas parvenir à une forme de consensus avec ces dernières ?

Enfin, derrière les postures, se pose une question fondamentale : les autorités sud-coréennes entendent-elles revenir sur une déréglementation qui a rendu possible le drame du Sewol, et promet de nouvelles catastrophes similaires à l'avenir si rien ne change ?


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7 août 2014 4 07 /08 /août /2014 22:29

Le 5 août 2014, le chef d'état-major de l'armée de terre Kwon Oh-sung a remis sa démission après les révélations sur la mort d'un conscrit suite à des sévices, en avril dernier, que l'armée sud-coréenne avait alors tenté de maquiller en accident. L'opposition a mis en cause la responsabilité du ministre de la Défense de l'époque, Kim Kwan-jin, aujourd'hui conseiller en charge des affaires de défense de la Présidente Park Geun-hye. Alors que ce drame n'est pas isolé, il est temps que l'armée sud-coréenne abandonne ses pratiques héritées de l'époque où la junte militaire était au pouvoir à Séoul. Mais qui peut croire que l'actuelle chef de l'Etat aura la volonté de mener à bien la démocratisation de l'appareil militaire sud-coréen, alors qu'elle porte l'héritage du général Park Chung-hee qui a mis en place le régime le plus autoritaire qu'ait jamais connu la Corée du Sud, et qu'elle-même a imprimé un tournant autoritaire aux institutions de son pays ? L'opinion publique et les médias internationaux doivent faire pression sur les gouvernements occidentaux pour qu'ils usent de leur influence sur Séoul afin de stopper la dérive autoritaire au Sud de la péninsule. Telle est l'une des tâches majeures de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) qui, aujourd'hui comme hier, est pleinement engagée pour la défense de la démocratie et des droits des travailleurs en Corée du Sud.

Pour l'opposition sud-coréenne, le chef d'état major de l'armée de terre Kwon Oh-jun qui a remis sa démission sert de fusible...

Pour l'opposition sud-coréenne, le chef d'état major de l'armée de terre Kwon Oh-jun qui a remis sa démission sert de fusible...

... pour protéger le puissant Kim Kwan-jin, qui fait partie de la garde rapprochée de la Présidente Park Geun-hye, ministre de la Défense au moment des faits.

... pour protéger le puissant Kim Kwan-jin, qui fait partie de la garde rapprochée de la Présidente Park Geun-hye, ministre de la Défense au moment des faits.

Un homme est mort le 7 avril 2014. Le première classe Yoon (pour reprendre le surnom qui lui a été donné) est mort des suites d'actes de barbarie - la cause immédiate de son décès étant les coups qu'il avait reçus. Et l'affaire, d'abord présentée par l'armée comme une mort accidentelle, serait restée à jamais étouffée sans la vigilance du Centre pour les droits de l'homme des militaires en Corée, qui a révélé le 31 juillet les sévices dont avait été victime Yoon. En juin, c'était un sergent qui, victime de harcèlements, ouvrait le feu sur ses camarades - en en tuant cinq et en en blessant sept, avant d'être arrêté à l'issue d'une chasse à l'homme ayant mobilisé des dizaines de milliers de soldats. Enfin, ces derniers jours, ce sont deux nouveaux suicides de soldats également jugés fragiles psychologiquement - et donc non protégés - qui se sont ajoutés à la longue liste, pour l'essentiel cachée et inconnue, des victimes d'un système militaire opaque, fonctionnant en vase clos et disposant de ses propres juridictions pour étouffer les morts suspectes et le scandale de mauvais traitements qui sont monnaie courante - selon les résultats d'une enquête réalisée par le Centre pour les droits de l'homme des militaires en Corée, 8,5 % des soldats interrogés reconnaissent avoir été battus.

Informé de la mort du conscrit Yoon, Kim Kwan-jin, alors ministre de la Défense et aujourd'hui le plus proche conseiller à la sécurité et à la défense de la Présidente Park Geun-hye, affirme n'avoir ensuite plus été tenu au courant de l'enquête interne... Peut-on réellement croire que l'armée sud-coréenne fonctionnerait en unités closes, dissimulant la réalité au gouvernement qu'elle est censée servir ? L'opposition demande logiquement la démission de Kim Kwan-jin, protégé et défendu au titre qu' "il ne savait pas" - contre l'évidence - par la présidence de la République, le parti Saenuri au pouvoir et les médias qui lui sont affidés. Car l'institution militaire est trop précieuse aux yeux des conservateurs pour pouvoir être mise en cause, qui plus est à travers un homme-lige de la droite qui incarne l'institution militaire après en avoir occupé toutes les fonctions : Kim Kwan-jin a été chef d'état major des armées, puis ministre de la Défense et est maintenant directeur du bureau de la sécurité de la Présidente. En effet, c'est l'armée comme institution et son corollaire - le service militaire de deux ans, auquel n'échappe aucun Sud-Coréen - qui sert de colonne vertébrale pour inculquer une solide culture anticommuniste contre le Nord, en prétextant l'absence de traité de paix depuis la fin de la guerre de Corée pour justifier le pouvoir exorbitant de l'appareil militaire et de sa branche de renseignement, le National Intelligence Service (NIS), de sinistre réputation. L'armée est l'un des piliers de contrôle des populations dans le système social et politique sud-coréen.

Mais rien ne saurait justifier la place et le statut exorbitants de l'armée en Corée du Sud, qui en font une anomalie parmi les démocraties. Car dans quelle autre démocratie libérale serait-il considéré comme normal que n'existe aucune forme civile de service national, alternative au service militaire ? La Corée du Sud dispose toujours de tribunaux militaires (abolis en France depuis 1981) qui sont utilisés comme un instrument pour protéger l'appareil bureaucratico-militaire. Alors que son armée est l'une des plus violentes au monde, la Corée du Sud refuse obstinément de reconnaître l'objection de conscience - ce qui a d'ailleurs entraîné la reconnaissance du statut de réfugié politique pour des objecteurs de conscience sud-coréens dans plusieurs pays occidentaux. Enfin, le poste de ministre de la Défense est systématiquement occupé par un militaire, l'armée pouvant ainsi rester un Etat dans l'Etat, n'ayant de compte à rendre à aucune autorité civile, comme l'a prouvé l'affaire du première classe Yoon.

 

En France, dans un contexte quelque peu similaire à celui de la Corée quant au rôle éminent assigné à l'armée pour préparer la "revanche" contre l'Allemagne, l'affaire Dreyfus avait - il y a déjà plus d'un siècle - réveillé les consciences, les Français n'acceptant plus que l'armée soit une zone de non-droit. L'Allemagne, elle aussi divisée dans un contexte de guerre froide, avait accepté de reconnaître l'objection de conscience. Les exemples abondent qui montrent que les autorités sud-coréennes ne peuvent pas s'abriter derrière le prétexte nord-coréen pour continuer à ne pas appliquer dans l'armée les droits humains fondamentaux.

Sources :

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1 août 2014 5 01 /08 /août /2014 09:54

Le 30 juillet 2014, quinze élections législatives partielles avaient lieu en République de Corée (Corée du Sud), suite aux démissions entraînées par les élections locales de juin. Un vingtième des sièges du Parlement étaient ainsi renouvelés, ce qui était de nature à remettre en cause la courte majorité parlementaire du parti Saenuri (conservateur) au pouvoir. Mais les résultats se sont au contraire soldés par un recul de l'opposition, qui n'a remporté que quatre sièges contre six auparavant, donnant du même coup une majorité plus nette aux conservateurs pour mener leur politique. Les co-présidents de l'Alliance de la nouvelle politique pour la démocratie (ANPD, centre-gauche), Kim Han-gil et Ahn Cheol-soo, ont remis leur démission dès le lendemain - suivant un usage établi en Corée du Sud quand une formation échoue aux élections. Toutefois, l'ANPD ne pourra se contenter d'un changement de dirigeant si elle veut accéder au pouvoir, alors que les électeurs ont sanctionné son absence tant de projet politique que de dirigeant clairement identifié.

Le 31 juillet 2014, Ahn Cheol-soo et Kim Han-gil ont tenu une conférence de presse à l'Assemblée nationale où ils annoncé leur démission de la direction de l'Alliance de la nouvelle politique pour la démocratie (ANPD), largement défaite lors des élections législatives partielles de la veille

Le 31 juillet 2014, Ahn Cheol-soo et Kim Han-gil ont tenu une conférence de presse à l'Assemblée nationale où ils annoncé leur démission de la direction de l'Alliance de la nouvelle politique pour la démocratie (ANPD), largement défaite lors des élections législatives partielles de la veille

Organisées en plein été, les quinze élections législatives partielles du 30 juillet 2014 étaient déterminantes pour la majorité parlementaire en Corée du Sud. Malgré l'enjeu, le taux de participation n'a atteint que 32,9 %, en-deçà de la participation moyenne aux élections législatives partielles depuis 2000 (35,3 %).

Annoncés serrés après le coude-à-coude entre la majorité conservatrice et l'opposition démocrate aux élections locales du 4 juin dernier, les résultats ont finalement marqué un succès sans appel pour les conservateurs. Non seulement ces derniers remportent deux sièges supplémentaires (totalisant ainsi onze sièges sur les quinze en jeu), mais ils se paient le luxe de remporter une circonscription en jeu dans le Cheolla, bastion traditionnel de l'opposition. Défait dans la circonscription C de Suwon, dans le Gyeonggi, Sohn Hak-kyu, un des leaders de l'ANPD, a annoncé son retrait de la vie politique. Enfin, le Parti de la justice a été défait dans la circonscription de Dongjak-B (47 % contre 52 %), à Séoul : soutenu par les démocrates, son candidat, l'ancien député Roh Hoe-chan, était pourtant l'une des figures les plus connues de la gauche sud-coréenne.

Sohn Hak-kyu s'incline après sa défaite, suite à laquelle il a annoncé son retrait de la vie politique

Sohn Hak-kyu s'incline après sa défaite, suite à laquelle il a annoncé son retrait de la vie politique

L'opposition peut incriminer la faible participation - alors que les électeurs conservateurs, plus âgés, se rendent plus facilement aux urnes. Mais de l'avis des médias sud-coréens, et d'abord de ceux favorables aux progressistes, c'est bien l'absence de projet politique et le curieux attelage formé par un duo à la tête du parti (révélateur de ses dissensions) qui est à blâmer : de fait, Kim Han-gil et Ahn Cheol-soo ont tiré les conséquences du scrutin en annonçant leur démission de la direction de l'ANPD.

Plutôt que de développer son propre projet, l'ANPD a mené une campagne essentiellement négative, basée sur la gestion désastreuse du dramatique naufrage du ferry Sewol par l'administration conservatrice de la présidente Park Geun-hye. Après une incapacité à organiser les secours de manière optimale, cette dernière avait coordonné une vaste chasse à l'homme - jusqu'à 50.000 policiers avaient été mobilisés - pour traquer le vrai propriétaire de la compagnie, le sulfureux Yoo Byeong-eon, très proche des conservateurs. Las, il était annoncé le 22 juillet que le corps d'un homme trouvé le 12 juin, initialement soupçonné appartenir à un SDF, était celui de l'homme d'affaires. Le corps était pourtant situé dans un rayon relativement proche (2,5 kilomètres) d'une demeure de Yoo Byeong-eon. Comme il était dans un état de décomposition avancée, les causes du décès n'avaient ensuite pu être établis. De nombreux Sud-Coréens ne croient pas le récit officiel, soupçonnant les autorités sud-coréennes d'avoir laissé M. Yoo fuir à l'étranger, sa mort permettant d'éviter un déballage public préjudiciable aux conservateurs. 

La mauvaise gestion du naufrage du "Sewol" avait par ailleurs entraîné la démission du Premier ministre Chung Hong-won. Mais après que des scandales eurent empêché l'entrée en fonctions de deux autres candidats ensuite pressentis - l'ancien magistrat Ahn Dae-hee, pour trafic d'influence, puis le journaliste Moon Chang-guk, qui avait suscité la polémique en décrivant la colonisation japonaise puis la division de la Corée comme une conséquence de la volonté divine - c'est finalement le Premier ministre démissionnaire qui est resté en fonctions.

Alors que les premières auditions des adolescents survivants du naufrage du ferry - qui a causé plus de 300 morts, majoritairement des lycéens - coïncidaient avec la tenue des législatives partielles, l'ANPD n'a pas su créer un courant de sympathie en sa faveur, après avoir tenté - en vain - de faire adopter une proposition de loi devant prévenir de tels accidents.

Le problème de l'opposition démocrate est qu'elle gère une rente de situation - disposant d'un important groupe parlementaire et de positions dans les exécutifs locaux - sans porter de réel projet alternatif. Quand elle refuse toute alliance aux élections locales avec les partis de gauche - sous la pression notamment du magnat de l'industrie Ahn Cheol-soo - elle valide implicitement la ligne gouvernementale qui considère la gauche comme factieuse et donc infréquentable, alors qu'est engagée une répression sans précédent contre une partie de la gauche depuis le départ des militaires du pouvoir à Séoul. Le retrait du candidat de l'ANPD en faveur du dirigeant du Parti de la Justice, Roh Hoe-chan, lors de la partielle du 30 juillet, apparaissait ainsi comme une prise de conscience bien tardive - et insuffisante, vu le résultat - du caractère suicidaire d'une telle ligne politique, dans un mode de scrutin uninominal à un tour qui exige un regroupement des progressistes.

D'ores et déjà acquis au libéralisme économique (et par conséquent peu crédibles sur le terrain des réformes sociales), les démocrates sont par ailleurs de plus en plus sensibles aux sirènes conservatrices sur la question des relations intercoréennes - alors que la popularité de la "politique du rayon de soleil" d'ouverture au Nord des présidents Kim Dae-jung et Roh Moo-hyun avait constitué un des marqueurs politiques de l'identité démocrate.

 

Reste l'héritage de la défense de la démocratie et des droits de l'homme, fierté des démocrates, quand les conservateurs se rangent du côté des héritiers du régime militaire. Mais alors que les menaces sur la démocratie sud-coréenne n'ont jamais été aussi fortes, les dirigeants de l'ANPD ne sont pas à hauteur de la réputation de courage de leurs illustres prédécesseurs, en évitant soigneusement d'apparaître comme potentiellement alliés avec les opposants radicaux à Mme Park Geun-hye, fille du général Park Chung-hee qui a établi le régime le plus autoritaire qu'ait jamais connu la Corée du Sud. Le risque est que, à force de prudence et faute de porter des projets concrets d'amélioration des conditions de vie de la population, l'opposition démocrate soit incapable de représenter une alternative majoritaire, dans un pays culturellement ancré dans le conservatisme politique, social et économique.

Principales sources :

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12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 12:25

Depuis 2008, les habitants de Miryang, dans la province de Gyeongsang du Sud en République de Corée (du Sud), refusent l'implantation de tours à haute tension de 765 kV le long des lignes électriques desservant Ulsan au District de Changnyeong dans la province de Gyeongsang du Sud. La motivation de ces habitants - majoritairement des personnes âgées, et parmi elles de nombreux agriculteurs - est double : les risques que font peser ces tours sur leur santé, et les pertes de terres agricoles mal indemnisées. Le sujet a pris une ampleur nationale en Corée du Sud depuis le suicide d'un habitant, M. Lee Chi-woo, qui s'est incendié le 16 janvier 2012. Une autre habitante, Mme Yoo Han-sook, s'est à son tour suicidée le 6 décembre 2013, en buvant des pesticides - et une autre tentative de suicide a eu lieu le 13 décembre 2013. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) est solidaire du combat des habitants de Miryang, rejoints par des militants politiques : il n'est que trop temps que leurs revendications soient entendues et qu'un dialogue puisse enfin s'instaurer.

La lutte des habitants de Miryang est symptomatique des maux politiques et sociaux dont souffre la Corée du Sud : une entreprise (en l'occurrence, Korea Electric Power Corporation, ou KEPCO) qui refuse le dialogue ; un gouvernement qui recourt à la méthode forte en assimilant la légitime contestation démocratique à des formes de désobéissance, voire de subversion ; enfin, des habitants qui, désespérés, choisissent de faire le sacrifice de leur vie pour réveiller les consciences de leurs concitoyens.

Car depuis la décision gouvernementale de l'implantation des tours à haute tension en 2007, les protestations continues des habitants - depuis juillet 2008 - n'ont, semble-t-il, que conduit à un durcissement des positions gouvernementales. la suspension de la construction en 2012 est apparue a posteriori comme une manoeuvre dilatoire, après qu'un premier suicide avait soulevé l'indignation dans l'ensemble du pays.

Plus grave encore, alors que la Corée du Sud souffre d'un très fort exode rural, les études conduites en 2009, et concluant que les seuls risques sur la santé pèseraient sur les villageois de Miryang et des environs, est révélatrice d'un mépris pour les populations rurales. Le développement industriel forcé - qui, en Corée du Sud, a pris la forme du choix de l'électricité nucléaire, comme dans le cas d'espèce - a accentué les déséquilibres régionaux et réduit les zones rurales à une lente mort économique, corrélative à un dépeuplement sans perspective de retournement de tendance.

La répression s'est accentuée ces derniers jours. Le 9 juin 2014, les autorités locales de Miryang ont annoncé l'exécution de la décision d'expulser de force les protestataires. Ce sont au total 2 000 policiers qui ont été déployés le 11 juin, et ont délogé les contestataires dans un accès de violence inacceptable, en détruisant les tentes mises en place.

Il est temps de connaître et faire connaître, en France, le juste combat des habitants de Miryang, dans un mouvement de solidarité internationale.

Le combat des habitants de Miryang : une lutte exemplaire
Le combat des habitants de Miryang : une lutte exemplaire
Les contestataires de Miryang ont été délogés de force par la police le 11 juin 2014

Les contestataires de Miryang ont été délogés de force par la police le 11 juin 2014

Source :

Source des images et sur l'intervention des forces de police le 11 juin 2014 :

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5 juin 2014 4 05 /06 /juin /2014 00:22

Les élections locales du 4 juin 2014 en République de Corée (du Sud) constituaient un test très attendu pour la Président Mme Park Geun-hye et son parti (Saenuri, conservateur), un an et demi après son élection. Les résultats donnent une courte avance à l'Alliance de la nouvelle politique pour la démocratie (ANPD, opposition, progressiste). 

Sur cette carte, les régions gagnées par les démocrates (progressistes) sont en bleu et celles remportées par les conservateurs en rouge.

Sur cette carte, les régions gagnées par les démocrates (progressistes) sont en bleu et celles remportées par les conservateurs en rouge.

Ni sanction, ni blanc-seing : tel pourrait être le bilan des élections locales qui ont eu lieu le 4 juin 2014 en Corée du Sud. Si le parti Saenuri (conservateur, au pouvoir) se félicite de ne pas avoir subi de désaveu après la désastreuse gestion du naufrage du ferry Sewol, qui a entraîné une forte chute de popularité de la présidente Park Geun-hye - par ailleurs contestée pour sa gestion autoritaire de l'Etat qui fait peser une menace sur la démocratie au Sud de la péninsule - la droite aurait tort de se réjouir de résultats qui, selon les données disponibles à l'heure où nous publions cet article, donnent une courte avance à l'opposition progressiste de l'ANPD.

La participation électorale a atteint 56,8 %, soit le taux le plus élevé à des élections locales depuis 1995.

L'ANPD a remporté 9 des postes de gouverneur ou de maire de villes métropolitaines (en progression d'un poste par rapport aux précédentes élections) : dans les villes de Séoul, Daejeon, Sejong, Gwangju, dans les deux provinces du Chungcheong (Nord et Sud) et du Jeolla (Nord et Sud), ainsi que dans la province de Gangwon. Le Parti Saenuri l'a emporté dans 8 provinces et villes métropolitaines : Incheon, Daegu, Pusan et Ulsan, et dans les provinces de Gyeongsang (Nord et Sud), de Gyeonggi et l'île de Jeju. La partition traditionnelle du pays, entre l'Est conservateur et l'Ouest plus progressiste, est une fois encore respectée, les résultats révélant aussi des niveaux électoraux très proches pour chacune des deux grandes formations politiques - comme c'était déjà le cas aux élections législatives et à la présidentielle de 2012, mais alors remportées par les conservateurs. Pour les démocrates, le refus global d'alliance avec les petites formations de gauche (Parti progressiste unifié, Parti de la justice, Parti travailliste, Verts), divisées et soumises à la répression gouvernementale, a pesé sur les résultats finaux, serrés.

Dans la capitale, la nette réélection de Park Won-soon (56 % contre 42 % à Chung Mong-joon, conservateur, 7 fois élu député et ancien vice-président de la fédération de football), le positionne en candidat potentielle pour l'élection présidentielle de 2017. Dans la province de Gyeonggi, qui entoure la capitale, le conservateur Nam Gyeong-pil remporte l'élection d'une courte tête (50,4 %), ce qui en fait également un des espoirs de son parti pour les prochains scrutins.

Dans l'attente des résultats pour les élections municipales, les postes de recteurs d'académie ont été largement remportés par les progressistes (13 sièges sur 17, contre 4 sièges pour les conservateurs, vainqueurs seulement à Daejeon, Daegu, Ulsan et dans le Gyeongsang du Nord.
 

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28 mai 2014 3 28 /05 /mai /2014 22:51

Le 28 mai 2014, Ahn Dae-hee a présenté sa démission comme Premier ministre six jours seulement après avoir été choisi par la présidente sud-coréenne Mme Park Geun-hye, avant même son audition par le Parlement. Ce retrait est la conséquence de l'aveu implicite de l'impétrant qu'il avait perpétué la détestable tradition sud-coréenne du jeongwanyewu, un système de collusion des hauts magistrats auquel la Présidente Park avait promis de s'attaquer.

Le Premier ministre qui n'était resté que six jours en fonctions

Le jeongwanyewu est un terme coréen - qui peut être traduit par "traitement honorable des prédécesseurs" - désignant la corruption sous forme de collusion entre les anciens juges et leurs collègues toujours en fonctions : les premiers deviennent avocats et usent de leurs réseaux d'influence auprès des seconds.

Le Premier ministre Ah Dae-hee avait été choisi il y a six jours par la présidente sud-coréenne pour insuffler de nouvelles pratiques après ce qu'avait révélé comme dysfonctionnements le dramatique naufrage du ferry Sewol.

Mais avant même son audition par les parlementaires Ahn Dae-hee a remis sa démission, suite aux soupçons pesant sur cet ancien juge à la Cour suprême qu'il avait perpétué la pratique inacceptable du jeongwanyewu. Ahn Dae-hee n'a d'ailleurs pas démenti ces mises en cause, en déclarant qu'il était "désolé d'avoir déçu le peuple avec le jeongwaenyewu et d'autres suspicions".


Ahn Dae-hee aurait touché 1,6 milliard de won (soit 1,56 million d'euros) moins de six mois après avoir ouvert son cabinet d'avocats, en juillet 2013, en tirant notamment profité du jeongwanyewu - ce qui avait soulevé un tollé de protestations de l'Alliance de la nouvelle politique pour la démocratie (ANPD, principal parti d'opposition, centriste). Ahn Dae-hee avait tenté de désamorcer les critiques en annonçant qu'il ferait don de 1,1 milliard de won à des oeuvres caritatives. Après son retrait, l'ex-Premier ministre n'avait pas précisé s'il maintiendrait sa promesse.

Ce dernier épisode reflétant la corruption au sein de l'élite administrative et politique sud-coréenne est un nouveau coup dur pour la Présidente Mme Park Geun-hye, à la veille d'élections locales - le 4 juin prochain - qui se présentent sous un jour défavorable après qu'elle eut été mise en cause pour la gestion catastrophique du naufrage du Sewol : en effet, le scandale Ahn Dae-hee - alors que le Premier ministre avait une réputation d'intégrité - éclaire à nouveau l'oubli à ce jour des promesses de campagne de la candidate, qu'il s'agissait de la sécurité des personnes - en l'espèce, pour le transport de voyageurs - ou de la lutte contre la corruption.

Le même jour, la faiblesse du réseau de services publics a été révélée par un incendie à l'hôpital Hyosarang, dans le comté de Jangseong, qui a causé la mort d'au moins 21 personnes. N'est-il pas temps pour la Corée du Sud de tourner enfin le dos à une déréglementation libérale qui n'a tué que trop de victimes innocentes ? N'est-il pas temps d'insuffler des principes de justice et d'équité dans une société gangrénée par la corruption et le clientélisme, qui ont partie liée avec l'insuffisance des services publics, comme en a témoigné le naufrage du Sewol ?

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24 mai 2014 6 24 /05 /mai /2014 09:08

Le 22 mai 2014, la Présidente sud-coréenne Mme Park Geun-hye a choisi Ahn Dae-hee pour occuper les fonctions de Premier ministre, après la démission de son prédécesseur Chung Hong-won suite à la gestion catastrophique du naufrage du ferry Sewol, laquelle a entraîné une forte chute de la popularité de la présidente Mme Park Geun-hye - dont le parti Saenuri (conservateur) est désormais en mauvaise posture à la veille des élections locales du 4 juin prochain. La portée du changement de Premier ministre doit cependant être relativisée, dans la mesure où le chef de l'Etat concentre la réalité du pouvoir exécutif en République de Corée (du Sud), et que l'équipe de proches conseillers dont s'est entourée Mme Park Geun-hye est restée inchangée.

Ahn Dae-hee au siège du Gouvernement, le 22 mai 2014

Ahn Dae-hee au siège du Gouvernement, le 22 mai 2014

Ancien juge à la Cour suprême, le nouveau Premier ministre sud-coréen Ahn Dae-hee nommé le 22 mai 2014 devra, selon le communiqué de la présidence sud-coréenne, engager une réforme administrative et gouvernementale, afin de lutter contre la "bureaucratie" et certaines pratiques irrégulières, perçues comme les causes du drame du naufrage du ferry Sewol et de sa mauvaise gestion. De fait, Ahn Dae-hee a immédiatement présenté ses condoléances aux familles des victimes.

Si le nouveau Premier ministre a une réputation d'honnêteté, les termes employés - visant la "bureaucratie" - laissent perplexes : une leçon majeure de la catastrophe du Sewol est le besoin d'une re-reglémentation, et pas une nouvelle dérégulation dont les administrations conservatrices sud-coréennes, très liées au pouvoir des conglomérats, sont friandes. Mais peut-être s'agit-il simplement d'un slogan à visées électoralistes, peu avant les scrutins locaux du 4 juin, alors qu'un large consensus existe - y compris dans la presse de droite - sur le besoin de renforcer les contrôles administratifs pour assurer la sécurité des citoyens en matière de transports ?

 

Deux bonnes nouvelles pour la démocratie sud-coréenne sont les démissions de deux autres figures controversées : le directeur de l'agence de renseignement (NIS), Nam Jae-joon, conséquence logique des scandales auxquels le NIS a été mêlé, et de Kim Jang-soo, qui dirige le Conseil de sécurité nationale. Mais ces changements de têtes seront-ils synonymes d'une nouvelle ligne politique ?

 

Car l'opposition progressiste, à l'instar du quotidien Hankyoreh proche d'elle, souligne que le tout-puissant secrétaire général de la présidence de la République reste en place : âgé de 72 ans, Kim Ki-choon figurait déjà parmi les collaborateurs du général Park Chung-hee, père de l'actuelle chef de l'Etat, et qui avait instauré le régime le plus autoritaire qu'ait jamais connu la Corée du Sud, jusqu'à son assassinat en 1979. Il a été mêlé en 1992 à un scandale faisant apparaître un favoritisme régional - l'une des plaies politiques et économiques de la Corée du Sud, largement favorisée par le général Park Chung-hee, et alors que le nouveau Premier ministre est originaire de la région de Yeongnam, dans le Sud-Est, comme nombre des nouveaux hommes forts du régime. Par ailleurs, Kim Ki-choon est décrit par la très officielle agence de presse Yonhap comme faisant partie des sept conseillers les plus proches qui "comprennent le mieux la philosophie politique de la Présidente Park Geun-hye". Et c'est bien cela qui fait peur, car les signes se multiplient d'une filiation avec les orientations néo-libérales et antidémocratiques de feu son père, dont elle avait été la première dame après l'assassinat de sa mère.

 

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14 mai 2014 3 14 /05 /mai /2014 00:14

La calamiteuse gestion par l'administration sud-coréenne du dramatique naufrage du ferry Sewol atteint la présidente sud-coréenne elle-même, Mme Park Geun-hye, qui avait fait d'une société plus sûre l'une de ses promesses de campagne. Le 9 mai 2014, alors que les familles des victimes ont demandé à être reçues par la chef de l'Etat, celle-ci n'a envoyé que des représentants de l'administration présidentielle - tandis que le camp conservateur fustigeait la présence d'éléments à ses yeux "subversifs" dans les manifestations. Cette réaction est une nouvelle manifestation du tournant autoritaire en Corée du Sud qui vise à discréditer les forces d'opposition, en tendant ainsi à remettre en question la liberté d'expression et le droit de manifester.

Emmenés par les familles des victimes, les manifestants se sont vus bloquer l'accès à la Maison Bleue par les forces de l'ordre, le 9 mai 2014.

Emmenés par les familles des victimes, les manifestants se sont vus bloquer l'accès à la Maison Bleue par les forces de l'ordre, le 9 mai 2014.

Pour exprimer leur colère et être reçues par la Présidente Park Geun-hye, les familles des victimes étaient arrivées à proximité de la Maison Bleue - du nom du siège de l'administration présidentielle - à 4h du matin ce vendredi 9 mai. Mais il leur a fallu attendre cinq heures et demie pour qu'une délégation des familles soit reçue au niveau seulement de membres de l'administration présidentielle.

Car l'affolement a gagné les rangs du camp conservateur. Min Kyung-wook, porte-parole de la présidence de la République, a suscité l'indignation en déclarant qu'il n'était pas possible de négocier avec des personnes qui n'étaient pas les représentants des familles endeuillées. Doit-on comprendre que seules ces dernières sont autorisées à s'exprimer sur une question majeure de politique publique ?

Mme Park Geun-hye, ancienne première dame de son père, le général Park Chung-hee - qui a mis en place le régime le plus autoritaire qu'ait jamais connu la Corée du Sud - a manifestement gardé le goût d'un refus de la contestation (qualifiée par la droite sud-coréenne de "subversion"), sous le prétexte d'une plus grande efficacité de l'économie libérale, tout en menaçant de nouvelles atteintes à la liberté de la presse sous couvert de "désinformation". Les propos que la chef de l'Etat a tenus sont ahurissants au regard de la responsabilité de l'administration dans la gestion du désastre. Comment Mme Park Geun-hye ose-t-elle exploiter une telle situation de tragédie pour faire taire les voix discordantes ? 

"Les comportements qui entraînent de l'agitation sociale et de la division ont un effet négatif sur notre économie (...). Il y a des fausses rumeurs et des informations déformées qui circulent, et j'espère que tous ici vous travaillez dur pour y arriver, favoriser la compréhension, et redonner espoir dans notre société. Je ne sais pas ce qu'il adviendra de notre pays si les choses continuent ainsi".

Ces propos interviennent moins de deux semaines après des consignes données aux administrations que les fonctionnaires ne devaient pas se joindre aux manifestations du 1er mai, qui ont pris en compte le drame du Sewol - alors que le naufrage est la conséquence d'une déréglementation libérale assumée, que la fête des travailleurs est l'occasion de dénoncer dans tous les pays du monde, mais visiblement pas en Corée du Sud.

 

Le programme développé par Mme Park, appuyée par les médias conservateurs qui sont la caisse de résonance du Parti Saenuri au pouvoir, entonne, un refrain connu : promotion des "bons" médias, refus de la contestation syndicale et politique, appel à l'unité autour du dirigeant dans une négation des différences de classes et d'intérêts... Il s'agit d'une résurgence des idéaux politiques du père de Park Geun-hye, le général Park Chung-hee. Si les forces de sécurité, les médias publics et de droite et les Eglises évangélistes conservatrices sont engagées dans un marathon de longue haleine pour consolider  le pouvoir du parti Saenuri, les élections locales du 4 juin prochain peuvent encore permettre aux Coréens de donner un coup d'arrêt à l'actuelle dérive de la démocratie sud-coréenne. Rarement des élections locales auront-elles été aussi lourdes de sens et d'implications sur l'avenir politique du pays.

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27 avril 2014 7 27 /04 /avril /2014 13:18

Suite au dramatique naufrage du ferry Sewol (302 morts et disparus, et des chances désormais très faibles de retrouver vivants les disparus), les dirigeants administratifs et politiques sud-coréens - au premier rang desquels la présidente Park Geun-hye - ont fui leurs responsabilités en chargeant l'équipage du navire, effectivement coupable de graves erreurs, mais sans s'interroger sur les conséquences des choix politiques opérés : la dérégulation mise en œuvre par les administrations Lee Myung-bak et Park Geun-hye a non seulement permis à des compagnies douteuses, comme l'entreprise Chonghaejin qui était propriétaire du ferry, de sacrifier la sécurité des passagers sur l'autel des profits des actionnaires, mais a aussi conduit à une désorganisation des services de secours au nom d'une croyance toute libérale dans la supériorité du modèle des agences. Alors que le Premier ministre Chung Hong-won a présenté sa démission le 27 avril 2014 pour, selon ses mots, "avoir mal géré un tas de problèmes, des mesures préventives avant l'accident jusqu'aux réponses initiales et mesures de suivi du Gouvernement après l'accident", l'heure est à revoir la gestion des crises, ce qui relève de la responsabilité directe de la chef de l'Etat - qui a déclaré qu'elle accepterait la démission du Premier ministre quand les opérations de sauvetage auront été achevées et qu'auront été "gérées" (sic) les "conséquences de l'accident". Mais c'était Mme Park Geun-hye qui s'était faite élire sur la promesse de faire de la sécurité de ses concitoyens l'une de ses priorités, et pas le Premier ministre Chung Hon-won.

Chung Hong-won

Chung Hong-won

"La société coréenne s'est uniquement focalisée sur le développement rapide, considérant les règles de sécurité comme des entraves". Ce constat lacunaire et sans appel, au lendemain de la gestion catastrophique du drame du ferry Sewol, n'est pas celui d'une officine d'opposition, mais du très conservateur quotidien sud-coréen Chosun Ilbo. De fait, les observateurs sont unanimes : ayant fait le choix de la déréglementation libérale, la Corée du Sud est devenue incapable de gérer de façon optimale des catastrophes majeures, et "le pays est aujourd'hui en tête du classement des pays de l'OCDE en termes de décès par accident", comme l'a observé le journaliste du Monde Philippe Mesmer.

 

S'il existe bien en Corée du Sud des règles de sécurité maritime, les manquements ne sont pas sanctionnés, ce qui équivaut à une absence de règles pour les entreprises. Sous ce régime réglementaire ultralibéral, le ferry Sewol est un cas d'école : surcharge du navire, absence d'exercices de sécurité, statut précaire du capitaine du navire (68 ans) et d'une dizaine de membres d'équipage - qui ont donné des consignes de sécurité contraires à celles qu'aurait commandé la bonne gestion de l'accident... Tous les membres d'équipage ont, depuis la catastrophe, été mis en examen.

 

Alors que dans tous les pays du monde, l'Etat au plus haut niveau est le premier sollicité en cas de catastrophe majeure touchant à la sécurité des citoyens, le chef de la sécurité nationale de la présidence sud-coréenne, Kim Jang-soo, et son porte-parole, Min Kyung-wook, ont répondu que leur service "n'était pas une tour de contrôle pour les réponses aux désastres". Comme l'a observé le quotidien d'opposition Hankyoreh, ils n'ont même pas reconnu le problème que posait en soi l'absence de "tour de contrôle" - en étant d'abord soucieux de "sauver leur peau" (et accessoirement, celle de la Présidente) en cherchant à évacuer la question de leur responsabilité.

 

Le drame du Sewol vient de loin. Car il existait, sous l'administration Roh Moo-hyun (2003-2008), un Conseil de sécurité nationale chargé des réponses en cas de crise. Le Président Lee Myung-bak avait choisi, suivi en cela par l'actuelle chef de l'Etat Mme Park Geun-hye, de confier ces missions à un ensemble d'agences qui se sont ensuite renvoyées la responsabilité d'une mauvaise gestion de la récente catastrophe - tout en obéissant scrupuleusement aux consignes du Gouvernement, qui a cherché à accréditer l'idée (par médias conservateurs et/ou à capitaux publics interposés) que tout était mis en oeuvre pour sauver les victimes. Pour sa part, ne s'impliquant pas directement elle-même, la Présidente Mme Park semblait ailleurs qu'à suivre, heure par heure, l'une des pires tragédies maritimes de l'histoire récente de la Corée, cherchant à blâmer les responsables de la compagnie propriétaire du ferry, certes eux-mêmes impliqués dans des affaires douteuses. Mais l'existence même de telles sociétés, bénéficiant de protections au plus haut niveau de l'Etat, n'est-elle pas le symbolisme de la faillite du modèle capitaliste sud-coréen - marqué par des catastrophes en série, depuis le naufrage - déjà - d'un ferry (le Seohae) le 10 octobre 1993 (292 morts), l'effondrement du grand magasin Sampoong le 29 juin 1995 (502 morts), suite au non-respect des normes de construction, et l'incendie du métro de Daegu le 18 février 2003 (198 morts) ? 

 

Face aux défaillances des pouvoirs publics, ce sont des plongeurs volontaires - et pas les gardes-côtes ou des marins professionnels - qui ont récupéré les premiers corps. L'armée, qui dispose de moyens qui lui sont propres, n'a pas engagé le Tongyeong, son principal navire de sauvetage en mer, livré en 2012 et qui aura coûté la bagatelle de 110 millions d'euros. Ce sont ces erreurs multiples qui ont conduit le Premier ministre à la démission, mais n'est-il pas temps de remettre en place un authentique service public de secours et une réglementation de la sécurité maritime digne de ce nom ?

 

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12 mars 2014 3 12 /03 /mars /2014 09:38

nam-jae-joon_spy-chief_NIS_Korea.jpgAyant acquis une sinistre réputation sous le régime militaire, les services de renseignement sud-coréens (National Intelligence Service, NIS) sont au coeur du scandale, après une lourde ingérence dans l'élection présidentielle de décembre 2012 et la tentative de suicide d'un de leurs informateurs, ayant mis en cause le NIS et impliqué dans une affaire de falsification de documents officiels chinois pour créer de toutes pièces un faux espion nord-coréen. Les scandales touchent la direction même du NIS.

Comme l'observe l'AFP, ce n'est plus seulement l'opposition qui demande la démission du nouveau directeur du NIS, Nam Jae-joon : l'écoeurement atteint aussi les rangs du Parti Saenuri (conservateur, au pouvoir), à la veille des élections locales du 4 juin prochain qui s'annoncent serrées. En effet, un député du Parti Saenuri, Shim Jae-chul, lors d'une réunion de la direction du parti, s'est déclaré "consterné" par la falsification de documents officiels chinois et les tentatives du NIS de se protéger en couvrant l'affaire. Pour Shim Jae-chul, il est évitable que Nam Jae-joon (photo à gauche, source) prenne la responsabilité de cette affaire.

Le directeur du NIS a été nommé par la Présidente Park Geun-hye il y a seulement un an. Son prédécesseur, Won Sei-hoon, a été condamné pour corruption le 22 janvier 2014 à une peine de 2 ans de prison et une amende de 160 millions de won, suite à la lourde implication de ses services dans l'élection présidentielle disputée ayant vu la victoire de la candidate conservatrice Mme Park Geun-hye. Les tentatives d'entrave au  bon fonctionnement de la justice dans cette très grave affaire ont jeté une lumière crue sur les dysfonctionnements des institutions sud-coréennes du fait des pouvoirs exorbitants du NIS qui, par son fonctionnement actuel, fait peser l'une des plus lourdes menaces sur la démocratie sud-coréenne, et soulève la question de la responsabilité politique des conservateurs au pouvoir à Séoul : dans son rapport de 2013 sur les droits de l'homme, le département d'Etat américain a mentionné, à propos de la Corée du Sud, les questions soulevées par le NIS - ce qui montre que les Etats-Unis ont choisi d'exercer publiquement des pressions sur le gouvernement sud-coréen à propos des atteintes aux droits de l'homme, sur une série de sujets incluant également la liberté d'expression et l'accès à Internet, sous le régime notamment de la loi de sécurité nationale, l'emprisonnement des objecteurs de conscience, les discriminations contre les minorités (ethniques, sexuelles) et/ou leur absence de protection, ainsi que les restrictions aux droits des travailleurs, notamment le droit de grève.

Source : AFP (repris par Yahoo).

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