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10 mars 2015 2 10 /03 /mars /2015 22:35

Le samedi 14 mars 2015, de 10h à 18h30 à la Maison des Mines (270 rue Saint-Jacques, 75005 Paris), l'Alliance coréenne et l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) co-organiseront la quatrième conférence internationale sur la Corée, intitulée "La Corée au coeur des enjeux contemporains : entre universalisme et particularisme", avec la participation du Comité d’initiative contre la répression politique en Corée du Sud, le Forum mondial des alternatives et le Comité européen pour l'application de la Déclaration commune Nord-Sud du 15 juin. L'AAFC présente le programme de cette conférence. Entrée libre et gratuite, dans la limite des places disponibles. 

Dans le monde entier, la crise financière s’aggrave, des forces extrémistes émergent et les contradictions sociales s’intensifient. L’année 2015 marque le soixante-dixième anniversaire de l’indépendance et de la division de la Corée. Dans le même temps, en Corée même, l’oppression gouvernementale sous couvert de sécurité publique s’accélère, avec l’interdiction d’un parti politique représenté au Parlement dans des conditions non conformes aux standards démocratiques internationaux, tandis que les tensions militaires s’exacerbent. La Corée reste ainsi confrontée à des enjeux qui lui sont propres, et dans le même temps elle doit répondre à des questions contemporaines de portée universelle, ce qui entraîne des situations complexes aux solutions difficiles. En confrontant les particularités coréennes aux problèmes de notre époque de portée universelle, nous examinerons la situation actuelle de la démocratie sud-coréenne, ainsi que les progrès possibles et nécessaires vers la paix et la réunification de la péninsule coréenne afin d’envisager des principes d’action et d’identifier les voies de résolution de ces questions.

Programme

10h – 12h Exposés et discussion

Samir Amin : Vers un renouveau de l'esprit de Bandoung

Jean Salem : Oppression politique et enjeux démocratiques

12h – 14h Pause

14h – 16h Exposés et discussion

Roland Weyl : Les deux Corée et le droit international

Robert Charvin : L’indépendance de la Corée après soixante-dix ans de division

16h – 16h30 Pause

16h30 – 18h30 Exposés et discussion

Patrick Kuentzmann : Enjeux coréens, répression mondiale : quelle solidarité internationale

Stephen Cho : La crise politico-économique et l’institutionnalisation de l’oppression par la sécurité publique

Animateur : Benoît Quennedey

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7 mars 2015 6 07 /03 /mars /2015 22:31

Le 7 mars 2015, Stephen Cho, directeur de l'Institut de recherches coréennes du XXIe siècle, était le conférencier invité à l'Université de la Sorbonne dans le cadre du séminaire "Marx au XXIe siècle, l'esprit et la lettre", organisé avec le soutien du CERPHI (École normale supérieure de Lyon) et du Cercle universitaire d’études marxistes (CUEM). Devant une centaine de personnes, Stephen Cho est intervenu sur les luttes sociales et politiques contemporaines en Corée, à la lumière des analyses marxistes. L'AAFC rend compte de cette conférence-débat.

Stephen Cho, intervenant du colloque "Marx au XXIe siècle" à la Sorbonne

Conformément au principe du séminaire qui vise à une confrontation avec les textes de Marx et du marxisme dans une perspective transdisciplinaire, Stephen Cho a tout d'abord resitué les luttes sociales et politiques en République de Corée (Corée du Sud) suivant une grille de lecture marxiste. De même que le succès de la Révolution d'Octobre en Russie s'était inscrit en porte-à-faux avec les prévisions de Karl Marx selon lesquelles un succès du socialisme devait déjà être envisagé dans les pays les plus anciennement industrialisés, la Corée a connu, après la colonisation japonaise (1910-1945), des transformations sociales et politiques profondes alors qu'elle était encore marquée par des structures féodales. Mais si le Nord a connu une révolution socialiste, au Sud les collaborateurs du pouvoir japonais (puis de l'occupant américain) et leurs familles ont continué de dominer économiquement et politiquement jusqu'à aujourd'hui, malgré les mouvements sociaux qui, avec le soutien des intellectuels et des étudiants, ont mené des batailles politiques victorieuses, en 1960, en abattant le régime de Syngman Rhee, et en 1987, en obtenant le rétablissement de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct.

L'important développement économique et industriel de la Corée du Sud après 1960 s'est inscrit dans le cadre d'une domination économique par le capital étranger, et d'une déformation des structures productives, caractérisée par un essor inégal des différents secteurs économiques (agriculture, industrie légère et industrie lourde). L'injection massive de capitaux étrangers, d'abord américains et japonais, a visé à faire du pays, très en retard économiquement au sortir de la guerre de Corée (1950-1953), une vitrine du capitalisme en Asie du Nord-Est, pour faire pièce aux progrès du socialisme en Asie et dans le Nord de la péninsule coréenne.

Dominée économiquement, la Corée du Sud l'est aussi politiquement, par la présence de bases américaines jusqu'au coeur même de la capitale, et par l'approbation - , explicite ou tacite - par les autorités américaines de tous les changements politiques qu'a connus le pays. L'accession au pouvoir d'administrations démocrates (1998-2008) a cependant permis un assouplissement politique. Un parti issu de la classe ouvrière et du syndicat indépendant KCTU, le Parti démocratique du travail (PDT), devenu le Parti progressiste unifié (PPU), a ainsi été créé en 2000 et un rapprochement Nord-Sud a eu lieu, sur la base des positions communes aux propositions confédérales (du Nord) et d'appartenance à une même communauté coréenne (du Sud), aboutissant aux Déclarations du 15 juin 2000 et 4 octobre 2007.

Le combat actuel des militants politiques et syndicaux en Corée du Sud vise à la défense des droits des travailleurs, à la réunification de la Corée, à la paix, à l'arrêt des ingérences extérieures, ainsi qu'à l'établissement d'un régime pleinement démocratique, alors que la loi de sécurité nationale, instaurée en 1948, est utilisée de manière accrue pour réprimer l'opposition de gauche et, en général, toute voix discordante en Corée du Sud. Stephen Cho en est un symbole vivant, ayant été emprisonné pendant sept ans (de 1992 à 1999) avant d'être aujourd'hui pourchassé par la police politique sud-coréenne, dans un contexte où un parti ayant obtenu plus de 10 % des voix aux dernières élections législatives en 2012, le Parti progressiste unifié, a été interdit. C'est que qu'a rappelé le professeur Jean Salem, organisateur du séminaire, qui s'est rendu à plusieurs reprises en Corée du Sud dans la période récente et préside par ailleurs un Comité d'initiative contre la répression politique en Corée du Sud, basé à Paris et composé de militants, de juristes et d'intellectuels originaire de plusieurs pays (France, Belgique, Italie, Liban, Sénégal...).

La conférence a été suivie d'une riche discussion, portant notamment sur les classes sociales en Corée du Sud, la domination américaine et la concurrence entre les puissances impérialistes, ainsi la structure du capital dans les entreprises sud-coréennes : à cet égard, si le capitalisme sud-coréen a d'abord consisté en la formation de conglomérats (chaebols) sur une base familiale, la diversification de leur actionnariat, à la faveur de leur entrée en bourse, en fait désormais des groupes clairement multinationaux.

Rendez-vous a été donné aux participants pour poursuivre ces échanges et organiser la solidarité avec les militants progressistes sud-coréens : après le colloque du 12 avril 2014, l'Alliance coréenne co-organisera avec l'Association d'amitié franco-coréenne un nouveau colloque international sur la Corée, le samedi 14 mars 2015 de 10h à 18h, à la Maison des Mines de Paris (270 rue Saint Jacques, Paris 5e), sur le thème "La Corée au coeur des enjeux contemporains : entre universalisme et particularisme".

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28 février 2015 6 28 /02 /février /2015 00:56

Au lendemain de l'approbation par l'Assemblée nationale de M. Lee Wan-koo au poste de Premier ministre, Mme Park Geun-hye, Présidente de la République de Corée (Corée du Sud), dont la cote de popularité est tombée à 30 %, a poursuivi le remaniement de l'équipe de ses collaborateurs en nommant au poste de chef de cabinet, le 27 février 2015, le directeur du service national de renseignement (National Intelligence Service, NIS), M. Lee Byung-kee. Le parcours de ce dernier témoigne des liens étroits, parmi les conservateurs sud-coréens héritiers de la junte militaire sud-coréenne longtemps dirigée par le propre père de Mme Park, entre politique, business et renseignement. Sa nomination à un poste clé de l'exécutif témoigne que la récente condamnation de l'ancien directeur du NIS pour l'implication de ses services dans la victoire électorale de Mme Park à l'élection présidentielle de décembre 2012 n'a en rien réduit le rôle majeur des services de renseignement comme acteur politique en Corée du Sud - en méconnaissance flagrante du principe de neutralité de l'administration.

M. Lee Byung-kee avec la Présidente sud-coréenne Mme Park Geun-hye, en juillet 2014.

M. Lee Byung-kee avec la Présidente sud-coréenne Mme Park Geun-hye, en juillet 2014.

M. Lee Byung-kee est un pur produit de l'establishment sud-coréen, d'une fidélité sans faille à la junte militaire et à ses héritiers au sein du camp conservateur : officiellement diplomate de carrière à partir de 1974, mais suivant un parcours l'ayant amené à effectuer de fréquentes incursions dans l'agence de renseignement, il est entré en politique en 1985 dans le contexte de la montée en puissance de l'opposition démocratique, alors violemment réprimée, en choisissant de devenir secrétaire du général Roh Tae-woo. Roh Tae-woo était Président du Parti démocratique de la justice (au pouvoir) et sera ensuite chef de l'Etat (1988-1993). Ambassadeur au Japon (2013-2014), Lee Byung-kee a défendu les positions nationales coréennes, notamment sur la nécessaire reconnaissance par le Japon du préjudice subi par les anciennes esclaves sexuelles ("femmes de réconfort") de l'armée nippone pendant la Seconde guerre mondiale.

Engagé aux côtés du très droitier Lee Hoi-chang (battu) lors de l'élection présidentielle de 2002, il a été accusé par l'opposition d'avoir été l'artisan d'un financement illégal massif de la campagne de ce dernier. Lors des campagnes présidentielles de 2007 et 2012, il a fait partie de l'équipe de Mme Park Geun-hye, fille du très autoritaire général Park Chung-hee, au pouvoir à Séoul entre 1961 et 1979, et peut être considéré comme l'un de ses proches conseillers et inspirateurs.

Lee Byung-kee ne sera resté que huit mois directeur du Service national de renseignement (NIS), où lui succède le directeur adjoint de l'agence. Le nouveau chef de cabinet de la Présidence de la République a une longue carrière officielle dans les services de renseignement, qui ont été très impliqués dans les milliers de morts causés par le régime militaire : il a été responsable du département international du NIS, et directeur adjoint du NIS durant la présidence (conservatrice) de M. Kim Young-sam (1993-1998), témoignant de la symbiose entre diplomatie et renseignement en Corée du Sud.

Lee Byung-kee, qui a été au centre d'une polémique selon laquelle il aurait menti pour échapper au service militaire, est vu par l'opposition comme étant à l'image du Gouvernement de Mme Park Geun-hye et du parti Saenuri (conservateur, au pouvoir) : partisan du contrôle de la presse et de méthodes fortes de gouvernement, il s'est très fortement enrichi après son entrée en politique, à la faveur d'opérations immobilières.

Sources :

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19 février 2015 4 19 /02 /février /2015 22:37

Le 17 février 2015, Patrick Kuentzmann, par ailleurs secrétaire général de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), devait débarquer à l'aéroport d'Incheon-Séoul, à l'invitation du Conseil national des pasteurs pour la paix et la justice de la République de Corée (Corée du Sud). Mais il n'a jamais franchi les limites de l'aéroport, car les autorités sud-coréennes ne l'ont pas autorisé à débarquer, invoquant - avec un minimum de justification digne des régimes les plus autoritaires - des motifs de sécurité publique. Au-delà du secrétaire général de l'AAFC, cette mesure inique, attentatoire à la liberté d'expression et à la liberté de réunion, vise bien l'Association d'amité franco-coréenne dans son ensemble en tant qu'organisation luttant pour la paix, la justice et la réunification en Corée. Alors qu'une terrible répression s'abat aujourd'hui sur les forces progressistes en Corée du Sud, les autorités sud-coréennes ont fait le choix délibéré de cibler à présent des personnalités et des organisations non coréennes qui agissent de manière totalement pacifique et dans un cadre parfaitement légal. Patrick Kuentzmann revient dans un entretien sur ce nouvel épisode noir du tournant autoritaire qu'a imprimé la présidente sud-coréenne Park Geun-hye : face à l'injustice et à la répression, l'AAFC ne doit pas se taire et ne se taira pas!

La très lacunaire explicitation du refus d'entrée en Corée du Sud de Patrick Kuentzmann

La très lacunaire explicitation du refus d'entrée en Corée du Sud de Patrick Kuentzmann

AAFC - Tu avais été invité à participer en République de Corée (Corée du Sud) à diverses manifestations par le Conseil national des pasteurs pour la justice et la paix, mais tu as été refoulé à l'entrée du territoire sud-coréen, alors que la France fait partie des pays dont les ressortissants sont dispensés de visa pour entrer en Corée du Sud. Peux-tu nous dire comment s'est déroulée ton arrivée à l'aéroport d'Incheon? Quelles explications les autorités sud-coréennes t'ont-elles données?

PK - Le 16 février, à mon départ de France, l'enregistrement à l'aéroport s'est déroulé sans problème. Mais à mon arrivée à l'aéroport d'Incheon, le 17 février vers 14h, dès le contrôle de mon passeport, j'ai été retenu dans le bureau de l'immigration pour des vérifications supplémentaires. Il s'avère que je suis inscrit sur une "liste noire" (c'est le terme employé) à l'initiative d'une "agence gouvernementale" sud-coréenne (on n'a pas voulu me dire laquelle), ce que j'ignorais en partant de France.

En conséquence, on m'a signifié mon refus d'entrer en Corée du Sud en application des articles 11 et 12 de la loi sud-coréenne sur l'immigration et ma "déportation" (c'est aussi le terme employé) vers la France dès le lendemain. Le responsable du bureau de l'immigration a quand même bien voulu me préciser, oralement, que je suis plus particulièrement visé par le troisième alinéa du premier paragraphe de l'article 11 de la loi : pour le ministre de la Justice de Corée du Sud, je suis "une personne au sujet de laquelle il existe de grands motifs d'inquiétude quant à la possibilité qu'elle commette des actes nuisant à l'intérêt national ou à la sécurité publique de la République de Corée". Je tiens à dire que les fonctionnaires du bureau de l'immigration ont été très courtois à mon égard, mais les mots servant à justifier mon interdiction d'entrer en Corée sont d'une violence assez inouïe! En répondant à l'invitation du Conseil national des pasteurs pour la justice et la paix, je n'avais, faut-il le préciser, aucune intention de commettre des actes nuisant à l'intérêt national ou à la sécurité publique de la République de Corée.

J'ai contacté l'ambassade de France à Séoul pour tenter d'en savoir plus sur cette décision du gouvernement sud-coréen. Il s'agit bien sûr d'une décision souveraine, mais je veux savoir quels faits précis me sont reprochés pour être ainsi considéré comme un criminel en Corée du Sud! Le 18 février, avant mon départ d'Incheon, l'ambassade m'a dit ne pas avoir pu obtenir davantage de précisions de la part du ministère sud-coréen de la Justice.

 

AAFC - Dans quelles conditions s'est passée l'attente en Corée du Sud, et le vol retour vers la France?

PK - Une fois l'ordre de "déportation" signifié, on m'a rendu ma valise et remis un billet de retour par le vol de 12h30 le 18 février. En revanche mon passeport a été confisqué et ne m'a été restitué qu'à Paris par la Police de l'air et des frontières (la PAF). Les fonctionnaires du bureau de l'immigration voulaient que je quitte tout de suite le bureau pour la zone de transit afin d'y attendre mon départ du lendemain. Mais j'ai obtenu de pouvoir rester dans le bureau jusqu'à sa fermeture à 20h. En fait, j'espérais que la situation s'arrange, ce qui n'est pas arrivé.

Une fois dans la zone de transit, j'ai choisi de prendre une chambre d'hôtel pour passer les douze prochaines heures. Ca m'a permis de me laver, de communiquer par Internet avec mes amis et ma famille et de me reposer (un peu). Et le 18 février à 8h30, j'ai pris place devant la porte d'embarquement numéro 47, toujours avec ma valise qu'il fallait bien mettre en soute à un moment. J'ai été rejoint par un couple d'amis coréens qui prenaient un autre vol et, grâce à eux, l'attente a été un moment agréable. J'étais même triste de les quitter. On a pris le petit déjeuner ensemble, mon premier repas depuis une vingtaine d'heures, mais, avec tous ces événements, je ne pensais même plus à manger. Et, à midi, ma valise et moi avons enfin embarqué pour Paris. Inutile de dire que, pendant le vol, le personnel de bord avait mission de s'assurer que j'étais bien à ma place.

A Paris, j'ai été remis dans les mains de la Police de l'air et des frontières qui doit toujours procéder à quelques vérifications en pareil cas. Les policiers de la PAF ont été plutôt surpris de mon aventure, surpris aussi que mon passeport n'ait été accompagné d'aucun document explicatif. J'étais refoulé de Corée du Sud, c'est tout.

AAFC - Ce refus d'entrée est-il exceptionnel? Comment expliques-tu que tu aies pu visiter à plusieurs reprises la Corée du Sud par le passé, mais plus maintenant?

PK - Je ne connais pas les statistiques sur les refus d'entrée en Corée du Sud. Mais, dans la période récente, il y a eu quelques cas spectaculaires d'expulsion de Corée du Sud, assorties d'interdiction de séjour. En mars 2012, notre compatriote Benjamin Monnet a été expulsé en raison de sa participation, aux côtés des habitants de l'île de Jeju, aux manifestations contre le projet de base militaire sur l'île. Il avait même été emprisonné pour ça. Le mois dernier, Shin Eun-mi, Américaine d'origine coréenne, a été expulsée pour avoir tenu, lors d'une conférence sur ses voyages en Corée du Nord, des propos violant la loi sud-coréenne de sécurité nationale. Pourtant, Mme Shin avait déjà écrit un livre consacré à ses voyages en Corée du Nord, livre qui avait bénéficié d'une large diffusion en Corée du Sud, avec l'appui des pouvoirs publics!

En mai 2009, quand j'ai visité la Corée du Sud pour la dernière fois, je faisais déjà partie de l'Association d'amitié franco-coréenne, avec toute la visibilité qu'offrait le site Internet de l'AAFC, et je n'ai rencontré aucun problème. Toutefois, pendant mon séjour à Séoul, il y eut une vague de répression contre les associations pro-réunification avec l'arrestation de plusieurs membres de Alliance pan-coréenne pour la réunification. Le site Internet de l'AAFC en avait d'ailleurs rendu compte.

En six ans, il y a eu un double mouvement : d'une part, en France, les activités de l'AAFC en faveur de la paix et de la réunification de la Corée ont pris de l'ampleur, et j'en suis devenu le secrétaire général, avec les responsabilités que cela implique ; d'autre part, la loi de sécurité nationale de 1948, qui réprime déjà durement ceux qui, en Corée du Sud, militent pour la paix et la réunification et sont ainsi accusés d'être "pro-Nord", est de plus en plus utilisée par les autorités sud-coréennes pour faire taire toute voix discordante, notamment dans le domaine des luttes sociales. A sa manière, l'Association d'amitié franco-coréenne se retrouve donc visée par la loi de sécurité nationale de Corée du Sud avec l'application de cette fameuse disposition de l'article 11 de la loi sur l'immigration. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est la rançon du succès.

AAFC - Comment a réagi le Conseil national des pasteurs pour la justice et la paix, qui t'avait invité, à l'annonce de ton refus de séjour?

PK - En tant qu'invitant, le Conseil national des pasteurs pour la justice et la paix a tout de suite été averti de mon interdiction par les autorités sud-coréennes. En discutant avec le directeur du bureau de l'immigration de l'aéroport d'Incheon, le Conseil a obtenu une information intéressante : mon inscription sur la "liste noire" remonte à 2013. Il est exact que l'année 2013 a été particulièrement chargée en activités de l'AAFC susceptibles de déplaire aux autorités sud-coréennes, avec, entre autres, en octobre, la rencontre à Paris avec les villageois de l'île de Jeju en lutte contre la base militaire, en novembre et décembre, la couverture des manifestations parisiennes des résidents sud-coréens en France contre la Présidente Park Geun-hye dont l'élection en décembre 2012 est entachée de fraude, ou encore, en novembre, ma participation à la conférence internationale de Potsdam sur la paix et la réunification de la péninsule coréenne, réunissant responsables associatifs et universitaires de divers pays. Il est à noter que les participants sud-coréens de la conférence de Potsdam, l'avocat Jang Kyung-uk et le pasteur Lee Jeok, ont ensuite été inquiétés dans leur pays.

Dès mes ennuis connus, la mobilisation de nos amis coréens a été étonnante et même émouvante. Des militants de plusieurs organisations ont immédiatement pris la direction de l'aéroport pour une petite manifestation improvisée dans le hall. Ils avaient même l'espoir de pouvoir me rencontrer, ce qui était impossible. Des messages de soutien ont été postés sur les réseaux sociaux. Je sais aussi que le Conseil national des pasteurs pour la justice et la paix a saisi un député de l'opposition pour qu'il interpelle le gouvernement sud-coréen sur cette affaire qui porte préjudice au Conseil, bien sûr, mais aussi à l'image de la République de Corée. Il y a eu d'autres signes de solidarité, notamment le 18 février devant l'ambassade du Japon à Séoul, lors de la manifestation hebdomadaire en faveur des anciennes "femmes de réconfort", où il était prévu que je prenne la parole. Mais, à ce moment précis, j'étais dans l'avion du retour.

Les Coréens sont formidables et nous avons vraiment de la chance d'avoir de tels amis.

AAFC - Que comptes-tu faire à présent pour faire connaître la réalité du gouvernement sud-coréen actuel?

PK - Je vais continuer mon travail au sein de l'Association d'amitié franco-coréenne, plus que jamais, ai-je envie de dire. Il convient d'alerter les autorités françaises sur ma mésaventure des 17 et 18 février, mais elles le sont déjà via l'ambassade de France à Séoul. Je vais quand même adresser une lettre à Monsieur le Président de la République qui a récemment annoncé qu'il se rendrait en Corée du Sud cette année. J'espère qu'il prendra le temps de faire part, directement, à la Présidente Park Geun-hye de notre préoccupation face à la dérive autoritaire dans ce pays. Il est scandaleux qu'un responsable d'une association française, menant ses activités en France dans les strictes limites des lois françaises, soit ainsi traité comme un criminel. Mais ce n'est pas mon cas personnel qui importe. Pour ce qui me concerne, je suis tranquillement installé à Paris pour mener mes activités associatives, même si nous ne sommes pas à l'abri des calomnies et autres diffamations. Je m'inquiète surtout pour les Sud-Coréens qui subissent la répression parce qu'ils luttent, par des moyens pacifiques, pour la paix et la justice dans leur pays, et la division imposée à la Corée depuis 70 ans est la première des injustices. A l'AAFC, nous sommes bien placés pour savoir que la paix en Corée détermine largement la paix du monde et donc la nôtre. Au moins pour ça, on ne peut pas se désintéresser du sort de ces gens. Il se trouve, en plus, que ce sont nos amis. C'est le nouvel an lunaire et je leur souhaite de tout coeur une très très bonne année!

 

AAFC - Merci

Patrick Kuentzmann, secrétaire général de l'AAFC, refoulé de Corée du Sud
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30 janvier 2015 5 30 /01 /janvier /2015 22:55

La République de Corée (du Sud) poursuit sa dérive autoritaire : prétextant l'interdiction du Parti progressiste unifié, selon une procédure contraire aux standards démocratiques internationaux qu'elles ont elles-mêmes initiée, les autorités du pays préparent l'adoption d'un nouvel arsenal sécuritaire pour réprimer l'opposition de gauche -  y compris par un élargissement des dispositions de la loi de sécurité nationale (LSN). La LSN est un legs des régimes autoritaires, maintenue après le rétablissement d'un régime parlementaire suite au mouvement démocratique de 1987. Le renforcement de la LSN est un symbole puissant, puisqu'avant même le retour récent, à Séoul, aux méthodes du passé, la LSN avait toujours été considérée par les organisations de défense des droits de l'homme, comme par le Département d'Etat américain, comme un des obstacles majeurs à un régime pleinement démocratique. Revue de détail de ce qui se prépare à présent au Sud du 38e parallèle, dans des références apparemment explicites pour de nombreux observateurs occidentaux mais qui s'inscrivent plus sûrement dans une tradition politique sud-coréenne dont Mme Park Geun-hye se place comme l'héritière.

Manifestation aux chandelles à Séoul, le 19 décembre 2014, à l'appel d'organisations sociales et syndicales, pour protester contre la Présidente Mme Park Geun-hye et l'interdiction du Parti progressiste unifié

Manifestation aux chandelles à Séoul, le 19 décembre 2014, à l'appel d'organisations sociales et syndicales, pour protester contre la Présidente Mme Park Geun-hye et l'interdiction du Parti progressiste unifié

Les nouvelles mesures politiques envisagées, et leur contenu idéologique, ont été présentés dans un rapport du ministère de la Justice le 21 janvier 2015 au siège de la présidence sud-coréenne, et devant huit agences publiques, suite à la demande de la Présidente Mme Park Geun-hye d'assurer le respect des "valeurs constitutionnelles" et "l'application stricte de la loi".

Dans la poursuite de leur acharnement judiciaire contre les membres du Parti progressiste unifié, les autorités sud-coréennes prévoient désormais la "possibilité préventive" (sic) de bloquer les activités ou d'empêcher la formation de groupes reconnus par les tribunaux comme "aidant l'ennemi" ou "anti-Etat". Après les mesures répressives a posteriori, il s'agit maintenant d'empêcher en amont l'expression d'opinions d'opposition. Plus précisément, il s'agirait manifestement d'empêcher les anciens membres du PPU de se réorganiser sous une forme ou une autre, en violation manifeste des règles de base inhérentes à la liberté d'association et à la liberté d'expression. Rappelons en outre que, quand des pays démocratiques occidentaux interdisent une formation politique, c'est au regard de son recours à des procédés extra-légaux (qui restent à démontrer dans le cas du PPU), et que ces mesures exceptionnelles ne privent jamais les anciens membres de ces partis de tout moyen d'action politique dans un cadre légal. La loi de sécurité nationale pourrait ainsi être amendée pour prévoir le cas où des organisations interdites ne respecteraient pas l'ordre de dissolution. 

Le contrôle accru des activités dites "pro-Corée du Nord" passerait par une surveillance plus étroite d'Internet et des pouvoirs renforcés de contrôle des forces de sécurité, parallèlement à une augmentation du nombre de fonctionnaires.

Dans un glissement sémantique significatif de la "sécurité nationale" à "l'établissement" d'une "identité nationale", selon les termes mêmes du ministère de la Justice, l'arsenal sécuritaire serait complété par une formation des fonctionnaires aux valeurs qu'ils doivent servir.

Après avoir entendu ce rapport, la Présidente Park Geun-hye a vu ses paroles reprises par les médias officiels, s'affirmant ainsi comme le guide traçant la voie à suivre pour le peuple sud-coréen : 

"Le soutien institutionnel est important pour que l'opinion comprenne l'importance de la loi et de l'ordre et que les valeurs constitutionnelles sont fermement établies (...) Il doit y a avoir une stricte application de la loi et ses principes quand les gens défient la loi."

 

 

Ordre, autorité, nation : tel pourrait être le triptyque qui résume les valeurs de l'Etat nouveau sud-coréen qu'entend bâtir Mme Park Geun-hye, dans des références idéologiques à peine voilées aux valeurs du régime Yushin (littéralement : "régénération") établi par feu son père le général Park Chung-hee. Le régime le plus autoritaire qu'ait jamais connu la République de Corée.


Source :

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17 janvier 2015 6 17 /01 /janvier /2015 22:54

Le 10 janvier 2015, l'Américaine Shin Eun-mi a été expulsée de la République de Corée (Corée du Sud) et interdite de séjour dans le pays pendant cinq ans, suite à une décision prise par le service sud-coréen de l'immigration, sur une requête du ministère de la Justice. Mme Shin, qui a voyagé trois fois en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) en 2011 et 2012, est accusée d'avoir tenu, lors d'une conférence, des propos violant la loi de sécurité nationale (LSN). Le 7 janvier 2015, le ministère sud-coréen de la Culture, des Sports et du Tourisme a exigé le retrait des librairies et autres lieux publics, d'ici la fin du mois, du livre de Shin Eun-mi faisant le récit de ses voyages en RPD de Corée. Cette mesure d'urgence a été prise dans le cadre d'une enquête en cours quant à la conformité à la LSN d'Une Coréenne Américaine d'âge moyen va en Corée du Nord. En 2013, ce livre avait pourtant bénéficié d'une large diffusion en République de Corée, avec l'appui des pouvoirs publics, après avoir été qualifié d' "excellent ouvrage de littérature" par la Fondation culturelle du livre. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) condamne cette nouvelle violation de la liberté d'expression qui a touché, cette fois, une citoyenne américaine, et soulevé des critiques publiques du département d'Etat américain, en dépit de l'alliance politico-militaire entre Washington et Séoul. L'AAFC exhorte les opinions publiques et l'ensemble des gouvernements occidentaux à ne plus se taire face aux atteintes de plus en plus graves aux libertés publiques qui sont commises en Corée du Sud depuis l'élection à la présidence de la République, en décembre 2012, de Mme Park Geun-hye.

Couverture de l'ouvrage de Shin Eun-mi, "Une Coréenne Américaine d'âge moyen va en Corée du Nord", naguère un ouvrage de référence en Corée du Sud, aujourd'hui mis à l'index par la censure

Couverture de l'ouvrage de Shin Eun-mi, "Une Coréenne Américaine d'âge moyen va en Corée du Nord", naguère un ouvrage de référence en Corée du Sud, aujourd'hui mis à l'index par la censure

L'expulsion et l'interdiction de séjour de Mme Shin Eun-mi signe une nouvelle page tragique dans l'histoire des libertés publiques en Corée du Sud.


Mme Shin est accusée par le ministère sud-coréen de la Justice d'avoir fait "l'éloge" de la RPD de Corée lors d'une récente conférence-débat, dont l'une des co-organisatrices, Mme Hwang Seon, a par ailleurs été placée sous mandat d'arrêt, pour avoir loué, encouragé et aidé l'ennemi en contradiction avec la loi de sécurité nationale, au regard des propos qu'elle aurait tenus pendant la conférence. Le Parquet entend également interroger, dès son retour de l'étranger, Mme Lim Soo-kyung, députée du Parti progressiste unifié (PPU) récemment déchue de son mandat, suite à l'interdiction du PPU qui a soulevé une vague d'indignation parmi les organisations de défense des droits de l'homme. Mme Hwang Seon était porte-parole du PPU, ce qui inscrit cette nouvelle vague de répression dans le cadre en cours contre le PPU et ses dirigeants. 

Le retrait de l'ouvrage de Mme Shin sur ses voyages au Nord de la Corée, qui a perdu son label d'ouvrage recommandé par les autorités sud-coréennes, a soulevé la stupeur dans les milieux professionnels. Après avoir reçu l'ordre gouvernemental le 14 janvier 2015, l'employé d'une bibliothèque de Séoul, cité par le quotidien Hankyoreh, a déclaré : "Nous avons été gênés quand le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme nous a soudain demandé de leur renvoyer le livre." Un représentant du ministère a déclaré : "Nous avons décidé de rappeler le livre dès lors que sa désignation comme un excellent ouvrage de littérature avait été révoquée. Si les bibliothèques avaient continué de proposer cet ouvrage, cela aurait créé une confusion ou une incompréhension inutiles." Au-delà de la douteuse pratique d'interdire l'expression de certaines opinions, il semble donc ne plus avoir de demi-mesure entre un ouvrage recommandé et un ouvrage interdit : en d'autres termes, si les autorités sud-coréennes vont au bout de leur logique, elles s'arrogent le droit d'interdire tout livre qui n'a pas ou plus leur imprimatur, sans autre forme de procès. La liberté d'expression est tombée à son plus bas niveau en Corée du Sud depuis l'époque révolue du régime miltaire, il y a une génération.

Dans un article publié le 12 janvier 2015 sur le site Sino NK, Steven Denney a cité un entretien donné par Shin Eun-mi au site de jounalisme participatif Ohmynews, très populaire en Corée du Sud : il en ressort une vision optimiste de la Corée du Nord, considérant que les Coréens forment un seul peuple, engagée en faveur de la réunification. Cette appréciation peut être qualifiée de "naïve" selon Steven Denney mais, toujours d'après ce dernier, elle ne constitue en aucun cas une quelconque menace à la sécurité nationale sud-coréenne, alors que Shin Eun-mi peut estimer à juste titre avoir été trahie par les autorités sud-coréennes qui, jusqu'à présent, recommandaient le récit de ses voyages en Corée du Nord :

"[Cet entretien] suggère également qu'elle a le sentiment justifié que, d'une certaine manière, le gouvernement sud-coréen l'a trahie ; en d'autres termes, elle apparaît difficilement comme une vraie menace à la sécurité nationale."

 

Mais de quel crime Shin Eun-mi s'est-elle rendue coupable ? Alors que les médias publics et conservateurs sud-coréens se gardent de détailler le contenu des propos reprochés à Mme Shin durant une conférence publique à Séoul en novembre 2014, en se contentant ainsi de souligner les motifs infâmants de l'administration sud-coréenne selon laquelle elle aurait enfreint la loi de sécurité nationale en louant la RPD de Corée, l'agence américaine AP observe que Shin Eun-mi a fait état de la volonté de défecteurs nord-coréens de retourner au Nord (ce que, du reste, au moins des centaines d'entre eux ont déjà fait) et de leurs espoirs de changements après l'accession au pouvoir du Maréchal Kim Jong-un. Mme Shin a aussi loué le goût de la bière nord-coréenne et la propreté des fleuves en Corée du Nord.

Shin Eun-mi, en pleurs après son expulsion

Shin Eun-mi, en pleurs après son expulsion

Une expulsion assortie d'une interdiction du territoire sud-coréen suivant de tels motifs a soulevé, une fois n'est pas coutume, des critiques ouvertes du département d'Etat américain, malgré l'étroite relation alliance politico-militaire entre Washington et Séoul. Mme Jen Psaki, porte-parole du département d'Etat, a ainsi déclaré à la presse :

"Nous sommes préoccupés que la loi de sécurité nationale, telle qu'elle est interprétée et appliquée dans certains cas, limite la liberté d'expression et restreigne l'accès à Internet."

 

Signe de l'intolérance croissante en Corée du Sud, en décembre 2014 un jeune sud-coréen de 18 ans avait jeté une bombe artisanale lors d'une conférence de Mme Shin Eun-mi, blessant deux personnes.

 

Sumit Galhotra, du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), a souligné dans une étude approfondie que la mesure d'exception prise à l'encontre de Mme Shin s'inscrit dans un contexte de menaces croissantes vis-à-vis des journalistes de la part du pouvoir présidentiel, qui apparaît ainsi comme étant directement à l'origine des atteintes de plus en plus fortes à la liberté d'expression - ce qui soulève, de fait, des interrogations sur l'indépendance de la justice sud-coréenne. Après un article publié le 28 novembre 2014 dans le quotidien sud-coréen Segye Ilbo, des conseillers de la présidence mis en cause ont intenté une action en diffamation. En octobre 2014, des poursuites ont aussi été engagées à l'encontre de Tatsuya Kato, chef du bureau à Séoul du quotidien japonais Sankei Shimbun, au motif qu'il aurait propagé des rumeurs sur l'absence de la Présidente Park Geun-hye pendant sept heures après le dramatique naufrage du Sewol, en avril 2014, dont la gestion de crise a par ailleurs donné lieu à des mouvements de protestation diffamés par les autorités sud-coréennes. Le procès de M. Kato a commencé fin novembre, et son interdiction de voyager, prise en août 2014, a été prolongée depuis cette date.

Signe de l'intolérance croissante en Corée du Sud, en décembre 2014 un jeune sud-coréen de 18 ans avait jeté une bombe artisanale lors d'une conférence de Mme Shin Eun-mi, blessant deux personnes.

Sources :

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26 décembre 2014 5 26 /12 /décembre /2014 12:13

Après l'interdiction le 19 décembre 2014 du Parti progressiste unifié (PPU, gauche) en République de Corée (Corée du Sud), suivant une procédure et des principes contraires à toutes les normes démocratiques, la répression s'étend à présent à ses dirigeants et aux militants pro-réunification. Aujourd'hui comme hier, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) est pleinement solidaire du combat pour la démocratie, les libertés et les droits des travailleurs en Corée du Sud. L'AAFC exige la libération immédiate de tous les prisonniers politiques, ainsi que l'abandon des poursuites engagées sur la base de la loi dite de sécurité nationale, suite aux plaintes déposées par des groupes d'extrême-droite qui agissent en sous-main du gouvernement sud-coréen. L'AAFC souligne l'impérieuse nécessité que le PPU soit autorisé à se reconstituer et ses députés rétablis dans leurs mandats et droits. Enfin, l'AAFC demande aux militants des organisations sociales et politiques françaises de ne pas se taire face à la dérive autoritaire en Corée du Sud : le silence est la meilleure arme de ceux qui, consciemment ou insconsciemment, choisissent d'être complices des autorités sud-coréennes. Notre vigilance s'étend à l'Europe, et tout particulièrement à l'Angleterre, où il apparaît que les agents du Service national de renseignement sud-coréen (National Intelligence Service, NIS) violent de plus en plus ouvertement les lois nationales et internationales.

Prononcée (hasard ou coïncidence?) par la Cour constitutionnelle le jour du deuxième anniversaire de l'élection de Mme Park Geun-hye à la présidence de la République en Corée du Sud, le 19 décembre 2014, l'interdiction du Parti progressiste unifié a enhardi les forces de police et les juges sud-coréens à lancer un vaste coup de filet, préparé de longue date, contre les militants pro-réunification. Leur action se fonde encore et toujours sur les dispositions de la loi sud-coréenne dite de sécurité nationale qui, en violation ouverte des principes démocratiques de base, sert depuis plus de soixante ans à réprimer les forces d'opposition en Corée du Sud, au nom d'une collusion, réelle ou fastasmée, avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord).

Manifestation à Séoul du Parti progressiste unifié et d'autres organisations progressistes contre la Présidente Park Geun-hye, élue il y a deux ans, le 19 décembre 2014  (source : "Hankyoreh")

Manifestation à Séoul du Parti progressiste unifié et d'autres organisations progressistes contre la Présidente Park Geun-hye, élue il y a deux ans, le 19 décembre 2014 (source : "Hankyoreh")

Après avoir qualifié fallacieusement le PPU de groupe "pro-Nord", dont l'existence serait contraire à la loi de sécurité nationale, l'appareil militaro-policier sud-coréen cherche à présent à frapper les organisations et militants pro-réunification comme "aidant l'ennemi", dans l'instruction des plaintes déposées en ce sens par des groupes d'extrême-droite qui servent souvent de faux-nez au gouvernement sud-coréen et à ses agents du NIS. Après l'interdiction du PPU, une plainte a été déposée à l'encontre de Mme Lee Jung-hee, présidente du PPU, et des cinq députés du PPU déchus de leurs mandats suite à la décision de la Cour constitutionnelle, en vue de les condamner comme "aidant l'ennemi" : non seulement la déchéance d'élus de la nation est une violation manifeste des règles de base de la démocratie parlementaire, en particulier de l'inviolabilité du mandat de législateur, mais cette attaque ciblée s'inscrit dans le cadre d'une persécution des minorités, condamnée par les tribunaux pénaux internationaux. 

Le 22 décembre 2014, une descente de police a eu lieu dans les locaux de l'Alliance coréenne, les domiciles de neuf de ses membres et chez un pasteur qui milite pour la paix, au motif qu'il aurait rencontré des Nord-Coréens lors d'un colloque qui s'était tenu en novembre 2013 à Potsdam. Bien sûr, la loi de sécurité nationale, qui interdit aux Sud-Coréens tout contact avec des Nord-Coréens, ne s'applique pas en dehors de la péninsule coréenne, mais les autorités sud-coréennes ont pris l'habitude de tenter de faire prévaloir une interprétation de cette loi contraire au principe de territorialité, pourtant l'un des fondements du droit international.

La police a avoué que l'enquête sur l'Alliance coréenne avait commencé dès le milieu de l'année 2012. Elle reconnaît ainsi que les coups de filet n'ont rien de spontané mais obéissent à un scénario ourdi de longue date, avant que l'interdiction du PPU ne serve de déclencheur face à l'apathie de la majorité des citoyens sud-coréens, mais aussi d'une fraction des démocrates prêts à collaborer avec les autorités conservatrices en acceptant l'interdiction du PPU. Cette situation est extrêmement inquiétante quant à l'avenir de la démocratie sud-coréenne, conquise de haute lutte après la mort de milliers de Sud-Coréens dans les années 1970 et 1980 : le manque de courage - ou la simple résignation - du plus grand nombre, ainsi que les jeux troubles de certains opposants pour accéder au pouvoir en s'engageant sur la voie de la collaboration, ont été, de tout temps et sur tous les continents, les adjuvants indispensables à la mise en place des dictatures.

C'est suivant la même logique que les agents du  Service national de renseignement sud-coréen sont de plus en plus fréquemment impliqués dans des actions illégales visant, cette fois, des non-Coréens qui militent pour la réunification de la péninsule, ou des Coréens à l'étranger. En France, l'Association d'amitié franco-coréenne est une cible pour le NIS, en raison de la solidarité de l'AAFC avec les Sud-Coréens en lutte pour la démocratie et la paix. Au Royaume-Uni, le NIS aurait agi de sorte que le représentant local de la Korea Friendship Association (KFA) doive quitter son emploi après des attaques ad hominem dans la presse britannique. De tels agissements du gouvernement sud-coréen et du NIS, ainsi que l'utilisation de réfugiés nord-coréens par le NIS, ont lieu dans d'autres pays d'Europe. Malgré les grandes divergences entre l'AAFC et la KFA, l'Association d'amitié franco-coréenne condamne avec la plus extrême fermeté les actions menées en violation du droit britannique et des lois internationales.


Sources :

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19 décembre 2014 5 19 /12 /décembre /2014 09:22

Alors que la République de Corée (Corée du Sud) constituait naguère l'une des démocraties parlementaires les plus vivantes d'Asie, l'élection à la présidence de la République des conservateurs Lee Myung-bak, en 2007, et surtout Park Geun-hye, en 2012, ont conduit à saper un par un les fondements de la démocratie sud-coréenne : intimidations et sanctions à l'encontre des médias ; chasse aux sorcières contre les opposants de gauche tous accusés (contre l'évidence) de soutenir la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) sur la base de la très antidémocratique loi de sécurité nationale ; discriminations contre les minorités ; ingérences de plus en plus fortes dans les institutions de la police politique (le Service national de renseignement, NIS)... La dérive autoritaire de la Corée du Sud ne fait malheureusement aucun doute, sous la férule de Mme Park Geun-hye, fille du général Park Chung-hee - qui avait établi le régime le plus autoritaire qu'ait jamais connu la Corée du Sud - dont elle a hérité des conseillers et, manifestement, du style de pouvoir. Le dernier rapport du département d'Etat américain, peu suspect d'antipathie à l'égard du pouvoir sud-coréen, a ainsi dressé un tableau particulièrement sombre de l'évolution politique de la Corée du Sud. Dans ce contexte, une nouvelle étape vers l'abolition du régime parlementaire a été franchie le vendredi 19 décembre 2014 : suite à une demande présentée par le Gouvernement, la Cour constitutionnelle a déclaré que le Parti progressiste unifié (PPU, gauche), troisième force politique lors des dernières élections législatives de 2012 après avoir recueilli plus de 10 % des suffrages, était désormais illégal au motif qu'il soutiendrait la Corée du Nord, ce qui a également entraîné l'invalidation de ses députés. Plus tôt cette année, un député de l'aile gauche du PPU, Lee Seok-ki, avait été condamné sur la base d'un procès truqué, fomenté par le NIS, où il avait été accusé d'avoir constitué une organisation révolutionnaire clandestine... Par amalgame, le Gouvernement sud-coréen avait profité de cette occasion pour engager une procédure d'interdiction à l'encontre du PPU, renouant avec une méthode antidémocratique du régime militaire tombée en désuétude depuis un quart de siècle. Toujours aux côtés des démocrates sud-coréens, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) appelle chacune et chacun à se mobiliser contre l'impunité et pour que le combat des milliers de Coréens morts pour la démocratie ne soit pas vain. Car ceux qui se taisent sont complices des atteintes aux libertés commises par le régime Park Geun-hye.

La dirigeante du PPU, désormais interdit, Lee Jung-hee a dénoncé dans la décision autoritaire de la Cour constitutionnelle l'avènement d'une "ère sombre" pour la Corée du Sud.

La dirigeante du PPU, désormais interdit, Lee Jung-hee a dénoncé dans la décision autoritaire de la Cour constitutionnelle l'avènement d'une "ère sombre" pour la Corée du Sud.

La décision de la Cour constitutionnelle est scandaleuse et ouvertement contraire à tous les standards démocratiques internationaux tant sur la forme que sur le fond.

Sur le fond - faut-il le rappeler ? - le Parti communiste et l'expression d'opinions marxistes sont toujours formellement interdits en Corée du Sud, et le PPU a ainsi été interdit pour des positions qu'il ne défend pas... La vieille ficelle de l'amalgame a servi de cache-sexe à la farce judiciaire qu'a jouée la Cour constitutionnelle.

Sur la forme, interdire un parti pour faire taire ses opposants n'a aucun équivalent dans la Corée du Sud de l'ère post-militaire. Ajoutons que l'opposition démocrate, qui réunit pratiquement autant de voix que la majorité, s'est opposée à la dissolution du PPU, et que dans toute démocratie digne de ce nom des décisions aussi lourdes de conséquences que l'interdiction d'une des principales forces politiques - en l'occurrence, le PPU - devraient au moins recueillir un consensus (c'était par exemple le cas lors de l'interdiction du Parti communiste en RFA pendant la guerre froide). Les méthodes expéditives du régime Park Geun-hye n'en ont bien évidemment cure : la chef de l'Etat n'avait jamais digéré que la candidate du PPU à l'élection présidentielle, Mme Lee Jung-hee, mette en cause ce qu'elle était (la fille du dictateur Park Chung-hee) et ce dont elle était le nom, lors d'un débat télévisé d'avant-scrutin : désormais, Mme Park Geun-hye peut espérer ne plus jamais être confrontée à ce type de situation. La meilleure façon de verrouiller le débat n'est-elle pas de fixer par avance les limites à ne pas franchir pour l'opposition ?

A l'iniquité de leur décision (rendue par huit voix contre une), les "juges" constitutionnels sud-coréens ont cru bon d'ajouter la désinvolture : le président de la Cour constitutionnelle Park Han-chul s'est félicité que soit ainsi clos un débat idéologique qui n'aurait été que trop consommateur de temps... Nous suggérons au Président Park Han-chul d'aller jusqu'au bout de sa logique : pourquoi ne prônez-vous pas, M. le Président de la Cour constitutionnelle, l'interdiction pure et simple de toute critique contre la politique de la Présidente Park Geun-hye et de son Gouvernement, afin de gagner du temps et de faire cesser des querelles vaines à vos yeux ?

Décidément très en verve, le président de la Cour constitutionnelle a aussi estimé qu' "il n'y avait pas d'autre choix que d'interdire le parti... car ses principes et ses activités mettent en danger notre ordre démocratique". Exprimées dans un cadre entièrement légal et de manière totalement pacifique, les critiques du PPU mettaient indéniablement en cause l'ordre du régime Park Geun-hye, mais certainement pas un quelconque ordre démocratique : la démocratie consiste au contraire à permettre l'expression d'opinions différentes. Faire passer la Corée du Sud pour une démocratie à protéger était déjà le mensonge proféré par la Corée du Sud du général Park Chung-hee, tout particulièrement après la promulgation de la Constitution Yusin : les gardiens des institutions désormais autoritaires de la République de Corée ont été formés à bonne école, et ont bien retenu les procédés de leurs aïeux.

Les associations de défense des droits de l'homme ont très vivement réagi, et pas seulement en Corée du Sud où elles sont déjà soumises à une surveillance policière accrue.

Directeur de recherche pour l'Asie de l'Est d'Amnesty International, Roseann Rife a déclaré dans un communiqué que "l'interdiction du PPU soulevait de sérieuses inquiétudes quant au respect par les autorités des libertés d'expression et d'association".

Selon Phil Robertson, directeur adjoint pour l'Asie de Human Rights Watch, "le Gouvernement de la Présidente Park ne devrait pas utiliser la très extensive loi de sécurité nationale pour réduire les libertés publiques et politiques fondamentales, et interdire l'expression d'opinions politiques opposées (...) Cette stratégie politique draconienne est le genre de choses qu'on peut attendre d'un régime autoritaire comme celui de son père il y a des décennies, pas du dirigeant du pays moderne et démocratique qu'est devenue la Corée du Sud au vingt-et-unième siècle". Mais Mme Park Geun-hye a officié comme "la première dame" sous la présidence de son père, et à l'instar des émigrés d'Ancien régime revenus sous la Restauration elle n'a rien appris ni rien oublié. Comme naguère du temps des généraux en Corée du Sud, nous devons, à l'AAFC et au-delà, renouer avec la mobilisation internationale qui avait permis la libération de l'opposant Kim Dae-jung. Il faut que s'exerce la pression des opinions publiques occidentales sur leurs propres gouvernements, pour que ceux-ci fassent comprendre à Mme Park qu'elle a franchi les limites qui séparent la démocratie et de l'autoritarisme. Seuls notre courage et notre engagement permettront d'éviter la mort de la démocratie parlementaire sud-coréenne, aujourd'hui dans un état clinique.

Principale source (hors AAFC) :

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2 novembre 2014 7 02 /11 /novembre /2014 01:14

Parler d'extrême-gauche en République de Corée (Corée du Sud) peut sembler une gageure, ce concept étant lui-même sujet à controverses en Occident. En effet, la scène politique sud-coréenne est traditionnellement divisée entre les progressistes et les conservateurs, et la gauche ne constitue elle-même qu'une minorité du camp progressiste, dominé par les démocrates. Nous appelons ici extrême-gauche les mouvements situés à la gauche de la gauche sud-coréenne (où aujourd'hui trois partis ont, ou ont eu, des représentants élus aux échelons de pouvoir locaux et nationaux : le Parti progressiste unifié, le Parti du travail ou Parti travailliste - issu de la fusion du Nouveau parti progressiste et du Parti socialiste - et le Parti des Verts), en excluant volontairement de notre présentation les organisations souterraines pro-Corée du Nord qui n'ont pas d'activité légale publique. A titre préliminaire, il convient d'observer qu'il n'y a pas à notre connaissance de partis ou d'organisations politiques ouvertement marxistes, marxistes-léninistes ("maoïstes") ou, plus généralement, communistes, ce qui est la conséquence de la loi de sécurité nationale propre à la Corée du Sud et qui interdit toute expression publique considérée comme pro-Corée du Nord. 

Trotskystes et marxistes

L'organisation Solidarité des travailleurs (plus connue sous son nom anglais, Workers' solidarity) a été créée en mars 2014, sur la base d'activités conduites depuis décembre 2001 par le collectif "Tous ensemble", qui avait organisé des forums annuels sur le marxisme. Solidarité des travailleurs est affiliée à une internationale trotskyste, la tendance socialiste internationale. Elle dispose d'un journal sur Internet, Gauche 21 (Left 21). Dénonçant l'URSS et les démocraties populaires comme relevant d'un capitalisme d'Etat, elle est active dans la dénonciation des guerres d'agression américaines et a vivement critiqué l'envoi de troupes par la Corée du Sud en Irak. Elle s'oppose aussi fortement à la politique israélienne de massacres de civils en Palestine. S'agissant des luttes sociales, Tous ensemble puis Solidarité des travailleurs ont été présents notamment dans le mouvement de Kiryung Electronics en 2006, et ont pris la défense depuis 2005 d'un universitaire, le professeur Kang Jeung-ku, attaqué pour avoir présenté la guerre de Corée comme une lutte pour la réunification de la péninsule.

A côté de Solidarité des travailleurs qui pourrait compter jusqu'à 1.000 membres, d'autres organisations se définissant comme marxistes et révolutionnaires sont nettement moins nombreuses et encore en voie de structuration. En particulier, deux d'entre elles ont pris appui sur la lutte de travailleurs de la société de cours privés Jaeneung, licenciés pour avoir fait grève en vue d'obtenir une hausse de leurs salaires - ils ne s'étaient pas vu reconnaître les droits qui seraient attachés en Occident au statut de salarié. La première a organisé depuis décembre 2007 des rencontres pour la formation d'un parti révolutionnaire des travailleurs. La seconde, issue du Comité conjoint d'action pour la construction d'un parti socialiste des travailleurs, est devenue le 9 mai 2010 le Comité pour un parti politique de la classe ouvrière. Comme son nom l'indique, elle vise à constituer un parti propre à la classe ouvrière et a été présente dans les luttes sociales, du groupe Hyundai et de Samsung, ainsi que dans la dénonciation du naufrage du ferry Sewol.

Réunion du groupe trotskyste "Tous ensemble " (aujourd'hui Solidarité des travailleurs), le 23 septembre 2013

Réunion du groupe trotskyste "Tous ensemble " (aujourd'hui Solidarité des travailleurs), le 23 septembre 2013

La nébuleuse anarchiste

Il est difficile d'identifier des organisations anarchistes en Corée du Sud : si le drapeau noir est présent dans les manifestations et les luttes sociales, il semble surtout le fait de militants agissant à titre individuel.

Mais les idées anarchistes - sinon des militants - sont bien présents. Ainsi, Asunaro regroupe six sociétés locales (à Gwangju, Séoul, Suwon, Incheon et Changwon) et quatre autres en voie de constitution (à Gumi, Daejon, Seongnam et Ulsan), qui regroupent officiellement 9.000 membres, souvent impliqués dans les mouvements de défense des droits individuels. Les sociétés affiliées à Asunaro sont des regroupements volontaires d'adolescents et de jeunes adultes dans des communes basées sur le principe de l'autogestion et refusant une organisation hiérarchique. Asunaro a une maison d'édition, Asurajang.

Plusieurs écoles alternatives - au système national d'éducation - se fondent sur des valeurs inspirées de l'anarchisme. Les cursus qu'elles proposent portent sur l'enseignement primaire et secondaire. Parmi ces écoles alternatives l'une, l'école Gandhi, s'inspire des idées et des principes du père de l'indépendance de l'Inde.

Les relais de la nouvelle gauche

Un panorama complet doit enfin prendre en compte les mouvements dits de la nouvelle gauche, bien représentés dans les pays anglo-saxons dont la culture politique a inspiré la République de Corée.

N'ayant pas des organisations politiques à proprement parler (sinon celles de la gauche traditionnelle), la nouvelle gauche a des relais dans les médias, comme News Cham, quotidien régional du Sud-Est de la Corée rédigé par des handicapés et défendant les droits des personnes handicapées et, plus largement, des minorités, tout en se faisant l'écho des luttes sociales et politiques.

Certaines communautés alternatives reprennent également des thématiques de la nouvelle gauche, comme Suyunomo (littéralement "Au-delà de Suyu", du nom d'un quartier de Séoul) qui donne une éducation soucieuse de la protection de la nature.

 

Liens vers les sites des organisations et médias (en coréen) :

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12 octobre 2014 7 12 /10 /octobre /2014 09:23

Le 10 octobre 2014, le ministre de la Justice de la République de Corée (Corée du Sud) a déclaré qu'un étudiant chinois - que nous appellerons Song - avait été expulsé du territoire sud-coréen en août et interdit définitivement d'y entrer pour avoir "aidé la Corée du Nord". Cette application exceptionnelle à un étranger de la loi de sécurité nationale (LSN) sud-coréenne plaide une fois encore pour l'abrogation d'une législation dénoncée comme contraire aux droits de l'homme, héritage des régimes autoritaires. La LSN interdit tout contact entre le Nord et le Sud de la péninsule et est toujours largement utilisée pour réprimer les mouvements d'opposition, au prétexte que leurs activités favoriseraient la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) - même si, dans l'immense majorité des cas, il n'y a aucun lien entre ces opposants et la Corée du Nord.

Tout d'abord, que s'est-il exactement passé ? La seule version des faits dans la presse a été donnée par le très conservateur quotidien sud-coréen Chosun Ilbo, que les services de renseignement sud-coréens (National Intelligence Service, NIS) privilégient comme leur porte-voix et comme instrument de leurs campagnes de désinformation sur la Corée du Nord. Ce scoop du Chosun Ilbo n'est donc pas surprenant, eu égard à ses liens aujourd'hui quasi-organiques avec le NIS : le quotidien puise ses informations à bonne source et en donne une lecture conforme aux intérêts du NIS.

Selon le Chosun Ilbo, "Song" est originaire de la province de Guangdong. Il est arrivé en Corée du Sud fin 2012 pour apprendre le coréen. Pendant son séjour, il aurait posté des messages sur Facebook critiquant les autorités sud-coréennes et faisant l'éloge du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Le quotidien sud-coréen, prétendant avoir accès à une source gouvernementale (aveu quasi-implicite que ces informations viennent du NIS, alors que le ministère de la Justice a refusé de donner des détails), a ajouté que les messages, écrits en coréen et en chinois, donnaient "uniquement le point de vue nord-coréen" et continueraient d'être publiés même après son expulsion de la péninsule.

L'amalgame, vieille ficelle des services de renseignement du monde entier, fonctionne ici à plein régime : d'un regret que Song donne un point exclusivement nord-coréen nous glissons à l'éloge supposée du Maréchal Kim Jong-un, ce qui n'est évidemment pas la même chose. Naturellement, aucune preuve ni aucune citation des messages en question n'est fournie, permettant au NIS et au Chosun Ilbo de donner leur version exclusive des faits.

Mais pourquoi avoir choisi de communiquer ? La LSN est vivement critiquée par les ONG, le gouvernement américain, allié de la Corée du Sud, et la commission des droits de l'homme des Nations Unies comme contraire à l'exercice des libertés publiques. Quel est l'intérêt des autorités sud-coréennes, en pointe dans la dénonciation des droits de l'homme en Corée du Nord, de prêter elles-mêmes le flanc à la critique sur ce même terrain des droits de l'homme ?

Non seulement le NIS et la droite sud-coréenne, obsédées par le danger que constituent à leurs yeux la Corée du Nord et le "communisme", ne sont pas conscientes des atteintes aux droits de l'homme commises au nom de la LSN (ou les minimisent), mais elles les revendiquent comme un élément fondamental du respect de l'ordre et des institutions sud-coréennes. C'est grâce à la LSN, par exemple, qu'est interdit le débat sur les véritables causes du naufrage du Cheonan, ou que le député Lee Seok-ki a été déchu de son mandat et condamné à une peine de prison ferme en violation du principe universel d'inviolabilité du mandat parlementaire, fondement de la séparation des pouvoirs dans les démocraties parlementaires.

Le cas Song est d'autant plus inquiétant qu'il applique la sinistre LSN à un étranger, ce qui semble sans précédent, du moins dans l'époque récente. Par ailleurs, Song n'avait pas participé à des manifestations, ni mené des actions publiques : c'est bien l'expression de ses opinions qui était jugée inacceptable, révélant par ailleurs un contrôle toujours accru d'Internet et des réseaux sociaux par les autorités sud-coréennes.

Le but n'est-il pas d'intimider les étrangers vivant en Corée du Sud ? Mais pas seulement : l'article de presse déplore que ces messages continuent d'être postés... à l'étranger ! Or la loi de sécurité nationale, comme toute loi nationale, ne s'applique pas en dehors des frontières sud-coréennes. Et ce n'est malheureusement pas la première fois que les services secrets sud-coréens feignent de l'ignorer : il a été rapporté à l'AAFC que le NIS avait dénoncé des Français vivant en France au motif qu'ils violeraient la LSN. Les actions du NIS étaient clairement illégales, entraînant l'ouverture d'enquêtes judiciaires et une réaction du contre-espionnage français pour défendre la souveraineté nationale de notre pays et l'intégrité de ses ressortissants et des personnes placées sous la protection des lois françaises.

Face à ces expressions d'une évolution autoritaire en Corée du Sud, l'AAFC juge urgente l'abrogation de la loi de sécurité nationale ainsi que l'instauration qu'un contrôle politique du NIS, incluant l'opposition, comme dans toutes les démocraties parlementaires, pour mettre fin aux dérives de cette agence de renseignement qui confond sécurité nationale et intérêts partisans.

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