Le 1er juillet 2015, place du Trocadéro, a eu lieu à Paris un rassemblement identique à ceux organisés tous les mercredi, dans la péninsule coréenne, par le Conseil coréen pour les femmes requises pour l'esclavage sexuel militaire du Japon (dites "femmes de réconfort"). Constitué en 1990, le Conseil coréen milite pour la reconnaissance par le Japon du crime commis contre les femmes asiatiques forcées de se prostituer pour l'armée impériale japonaise - du début des années 1930 à 1945 - et en vue de leur indemnisation, en organisant à cette fin une campagne visant à la collecte de 100 millions de signatures. Plus largement, il dénonce les violences sexuelles faites aux femmes dans tous les conflits. La 1185ème Manifestation du mercredi qui a eu lieu exceptionnellement à Paris était co-organisée par l'association "Papillons de l'espoir" qui, pour la troisième année consécutive, organise, du 25 juin au 14 juillet 2015, un voyage pour la paix en Europe de jeunes Coréens, lequel coïncide cette année avec le soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale.L'exigence d'un monde de paix et de prospérité, en Asie du Nord-Est et dans le monde, est plus que jamais d'actualité.
Des orateurs japonais ont pris la parole pour exprimer leur solidarité avec le combat du Conseil coréen pour les "femmes de réconfort", témoignant qu'il s'agit d'une question de principe qui transcende les clivages nationaux, et déplorant le nationalisme et le révisionnisme du Gouvernement Abe. Gérard Halie a pris la parole au titre du Mouvement de la paix et Patrick Kuentzmann au nom de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC). L'AAFC est pleinement solidaire du combat en faveur des "femmes de réconfort", depuis septembre 2013 et la visite en France de l'une des survivantes, Mme Kim Bok-dong, puis à l'occasion des actions menées en janvier 2014 et en avril 2014 dans le cadre de la campagne de pétition internationale, et enfin lors de la visite en France, en juin 2014, d'une autre survivante, Mme Kil Won-ok. Il convient de poursuivre la sensibilisation de l'opinion publique internationale, ainsi que des décideurs politiques, pour que plus jamais de tels crimes ne se reproduisent.
A l'occasion du rassemblement organisé à Paris le 1er juillet 2015, les jeunes pacifistes de l'association "Papillons de l'espoir" ont adopté une déclaration pour la résolution de la question de l'esclavage sexuel militaire japonais :
Nous sommes venus en Europe pour la paix et pour l'espoir. 2015 marque à la fois le soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale et de la libération de la Corée. Nous, participants du voyage en Europe pour la paix, nous sommes lancés dans ce voyage afin d'exprimer notre opposition à la guerre, tout en espérant la résolution du problème de l'esclavage sexuel par l'armée japonaise pendant la Seconde guerre mondiale. Les blessures de la Seconde guerre mondiale ne pourront être cicatrisées tant qu'il ne sera pas mis fin au problème de l'exploitation sexuelle (...)
Nous, jeunes amoureux de la paix, nous adressons aux Européens et à tous dans le monde entier. Avançons ensemble contre la guerre. Accomplissons ensemble des pas sur le chemin de la paix. Nous avons besoin d'être soutenus pour que le problème de l'esclavage sexuel par l'armée japonaise - problème jamais abordé depuis la fin de la guerre - soir résolu et qu'un système garantissant la paix se construise dans la péninsule coréenne. Que les papillons qui volent à tire-d'aile ici et maintenant deviennent de véritables messagers de la paix pour tous les hommes du monde.
- Nous exigeons du gouvernement japonais qu'il reconnaisse la vérité sur les crimes sexuels de guerre des militaires japonais, qui sont un crime contre l'humanité violant le droit international !
- Nous exigeons du gouvernement japonais qu'il présente des excuses sincères aux victimes de l'esclavage sexuel et qu'il les dédommage !
- Nous sommes contre toutes les guerres et contre les violences sexuelles dans le monde !
Photos : Conseil coréen pour les femmes requises pour l'esclavage sexuel militaire du Japon.
Le 29 juin 2015, à Paris, Benoît Quennedey, vice-président de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) chargé des actions de coopération, a prononcé une conférenceintitulée : "Du refus de la guerre de Corée en France au combat pour un traité de paix : retour sur les victimes de la manifestation contre le général Ridgway, le 28 mai 1952", que nous reproduisons ci-après. Cette conférence a pris place dans le cadre des activités menées par l'AAFC à l'occasion du mois de solidarité avec le peuple coréenqui, tous les ans, entre le 25 juin (début de la guerre de Corée en 1950 ) et le 27 juillet (armistice en 1953), permet de rappeler le combat pour un traité de paix en Corée, en lieu et place de l'accord d'armistice.
Premier conflit ouvert de la guerre froide, la guerre de Corée, du 25 juin 1950 jusqu’à l’armistice du 27 juillet 1953, a opposé pour la première fois les deux camps – occidental et socialiste – lors de combats dont la portée a largement dépassé la péninsule coréenne.
Pour cette conférence, nous nous sommes appuyé sur un ouvrage de Michel Pigenet publié en 1992 aux éditions L’Harmattan, Au cœur de l’activisme communiste des années de guerre froide : « La manifestation Ridgway », qui a servi de source à un article d’André Narritsens sur le site de la section d’Aubervilliers du Parti communiste français (PCF). Un roman de Louis Aragon, Blanche ou l’oubli, publié par Gallimard en 1967, revient également sur la manifestation du 28 mai 1952 contre « Ridgway la peste » (par référence à l’utilisation en Corée d’armes chimiques par les troupes des Nations Unies sous commandement américain). Par ailleurs, un membre de la direction du PCF d’Aubervilliers, Bernard Orantin, a mis à notre disposition plusieurs documents d’archives, principalement des coupures de presse du Journal du canton d’Aubervilliers, communiste, et nous tenons à l’en remercier vivement, ainsi que pour le temps qu’il a bien voulu nous consacrer et pour ses démarches auprès, notamment, de familles de victimes de la manifestation.
Le refus d’un conflit effroyable – qui a causé des millions de victimes – a d’abord été porté, en France, par le Mouvement de la paix et le PCF qui, à plusieurs reprises, ont appelé à manifester contre la guerre dans la péninsule coréenne, engendrant une sévère répression :
le 24 janvier 1951, la police a procédé à 3 267 arrestations à proximité de l’hôtel Astoria, où séjournait le général Eisenhower, qui dirigeait alors l’OTAN, tandis que les cars de manifestants étaient bloqués aux portes de Paris ;
le 12 février 1952, plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées « à titre préventif » et gardées pendant une journée dans la cour de l’ancien hôpital Beaujon.
La manifestation contre le général Ridgway, le 28 mai 1952, à l’occasion d’une visite en France (où il avait débarqué la veille) dans le cadre d’un séjour en Europe, revêt une signification particulière : ce dernier a commandé les troupes américaines en Corée avant de prendre la tête, fin avril 1952, des troupes de l’OTAN. Le nom du général Ridgway avait été conspué dans les cortèges du 1er mai, et lors d’une première manifestation le 23 mai 1952 la police avait procédé à 279 interpellations (dont 42 suivies de maintiens en état d’arrestation et d’inculpations). Dans un paroxysme de grand peur anticommuniste, la plupart des manifestations en France étaient alors interdites – et pour la manifestation contre le général Ridgway du 28 mai il ne sera même pas sollicité d’autorisation. Au demeurant, le préfet de police Jean Baylot avait interdit, par un arrêté en date du 27 mai, les rassemblements sur la voie publique.
« Grande journée de lutte du prolétariat et du peuple parisien », selon l’expression utilisée par François Billoux lors de la réunion du Comité central du PCF de décembre 1952, la journée de manifestation du 28 mai 1952 à Paris a ainsi mis aux prises manifestants et policiers, les seconds reculant à plusieurs reprises sous la pression des premiers qui entrent dans Paris par colonnes de plusieurs milliers de militants, sans parvenir toutefois à tenir le rassemblement initialement prévu place de la République. Quelques chiffres rendent compte de la puissance de l’affrontement : officiellement, 372 blessés (dont 27 grièvement) du côté des forces de l’ordre ; 718 interpellations du côté des 20 000 manifestants (pour retenir une estimation intermédiaire entre les chiffres des organisateurs et ceux de la police), fréquemment accompagnées de passages à tabac, et le registre d’information du parquet a compté jusqu’à 170 noms. Les 22 derniers inculpés, non plus pour le motif d’atteinte à la sécurité intérieure (dénué de fondement), mais pour « rébellions et insultes à agents », « port d’armes » et « coups et blessures », sont convoqués le 24 novembre 1955 : 12 seront condamnés à de courtes peines de prison avec sursis. Une interpellation mobilise tout particulièrement l’opinion, notamment communiste : celle du secrétaire général par intérim Jacques Duclos, en marge de la manifestation, le soir même, avec deux pigeons morts dans sa voiture, destinés à la casserole mais que la propagande anticommuniste présentera comme des pigeons voyageurs… Et surtout deux morts, lors d’échauffourées place Stalingrad, les seuls en France lors des manifestations contre la guerre de Corée : un ancien déporté et ancien conseiller municipal, Charles Guénard, grièvement blessé par balles au genou et décédé en mars 1953 lors d’une opération à la Pitié-Salpêtrière, et un ouvrier communal d’Aubervilliers d’origine algérienne, Hocine Belaïd. C’est sur ce dernier que nous souhaitons ici revenir, à partir notamment d’une exploitation inédite des documents d’archives transmis par Bernard Orantin, tout en l’inscrivant dans le combat mené par l’Association d’amitié franco-coréenne (AAFC) pour un traité de paix en Corée, en lieu et place de l’accord d’armistice de 1953. Cette situation de « ni guerre, ni paix » a malheureusement permis de nouveaux accrochages meurtriers, depuis un peu plus de 60 ans, entre les deux Corée.
Seuls quelques textes rendent compte des circonstances dans lesquels Charles Guénard a été grièvement blessé et Hocine Belaïd est tombé, alors que la colonne venue d’Aubervilliers était conduite par André Karman, secrétaire de la Fédération de la Seine du PCF, plus tard maire d’Aubervilliers (1957-1984). A partir notamment de coupures de presse, ainsi que d’une note du préfet de police de Paris du 29 mai 1952 et de citations de l’ouvrage de Dominique Desanti Les staliniens. Une expérience politique (Fayard, 1975), l’historien Michel Pigenet donne le récit suivant des événements (op. cit., p. 107) :
A l’heure de la rencontre avec les barrages que l’on a prévu de forcer, les manifestants ralentissent leur marche, se regardent et observent l’adversaire. Il revient alors au chef de colonne de dissiper ce flottement en payant de sa personne. Place de Stalingrad, A. [André] Karman se détache et, à demi tourné, le bras tendu, retrouve le geste de la célèbre Marseillaise de Rude pour hurler : "En avant, camarades !" A toutes fins utiles, les militants les plus résolus, souvent d’anciens résistants, garnissent les premiers rangs […] Surpris et secoué, le cordon de police cède en désordre mais n’évite pas des pertes, si lourdes qu’il faudra, l’orage passé, replier les gardiens désemparés sur le commissariat du 10e arrondissement. Pris de panique, un brigadier, se voyant isolé, a tiré. Belaïd Hocine s’écroule non loin du magasin de vêtements "A l’ouvrier". D’abord porté devant un hôtel de la rue du Faubourg-Saint-Martin, puis amené en voiture à la Polyclinique des Bluets, le malheureux mourra sans avoir repris connaissance. Un second militant d’Aubervilliers, ancien conseiller municipal, s’est affaissé au cours de la fusillade. Déporté pendant la guerre, travaillant à la Manufacture d’allumettes de la localité, membre du comité de section de Dugny, Charles Guénard est blessé au genou. La débandade policière ajoute à la colère l’illusion de l’invincibilité .
Selon le Journal du canton d’Aubervilliers, le lieu où a été transporté Hocine Belaïd est l’hôtel du garage Citroën, 272 rue du Faubourg Saint-Martin, où « il reste sans connaissance, étendu dans l’entrée de l’hôtel, la tête sur l’escalier, plus d’une demi-heure. Un membre de la direction de l’hôtel, sous la protection des policiers, interdisait aux assistants de porter secours au blessé, répétant qu’il téléphonait à Police-Secours. Aucune ambulance n’arrivant, la foule indignée put imposer que le blessé soit transporté par un automobiliste bénévole à la Polyclinique des Métaux. Mais il était trop tard, le malheureux avait perdu trop de sang. Il est mort au cours de son transfert ». Selon la déclaration des docteurs citée par le journal, « il est mort d’une grosse hémorragie. Des soins immédiats auraient dû permettre de faire une hémostase et une transfusion de sang qui l’aurait sans doute sauvé ». Revenant à plusieurs reprises sur la mort d’Hocine Belaïd, que le journal qualifie d’assassinat, il s’interroge : où veut en venir la police ? Le gouvernement du « vichyste » Antoine Pinay est mis en cause, dans une comparaison implicite avec la période de la guerre (un autre article ne proclame-t-il pas « Nous ne sommes plus en 39 !!! » ?).
Que Hocine Belaïd ait été d’origine algérienne n’est pas dépourvu de signification : les militants communistes nord-africains et vietnamiens, engagés ou bientôt engagés dans des luttes de libération nationale, étaient particulièrement sensibles à la cause coréenne. Leur présence dans la manifestation sera d’ailleurs stigmatisée peu après par Raymond Marcellin, secrétaire d’Etat à l’Information, les « coups de main » auxquels il résume la manifestation étant selon lui le fait « des Nord-Africains, des étrangers et des jeunes gens », dans l’action selon lui « la plus violente qui ait eu lieu depuis l’affaire Sacco et Vanzetti en 1927 » (cité par Michel Pigenet, op. cit., p. 7).
Que sait-on de Hocine Belaïd, mortellement touché par trois balles ? Il était né à Maillot, en Algérie, le 14 septembre 1915 selon le registre d’état civil du 11e arrondissement de Paris (où se trouve la clinique dans laquelle sa mort a été constatée ; le Journal du canton d’Aubervilliers affirme, lui, que Hocine Belaïd est né le 15 septembre 1916) – et dont une copie nous a été transmise par Bernard Orantin. Il était arrivé en France dix ans plus tôt. Ouvrier municipal communiste d’Aubervilliers (le registre de décès précise qu’il était « aide-ponceur »), domicilié 56 rue Hémet dans la même ville, il avait pris pour compagne – sans être marié, suivant l’état civil qui précise qu’il était célibataire – une Européenne, prénommée Louise (ou Louisette). Le couple avait quatre enfants, et sa femme devait bientôt accoucher, en août, d’un cinquième enfant, une petite fille. Des milliers de personnes furent présentes à ses obsèques le 13 juin, décrites dans le Journal du canton d’Aubervilliers – à la une de l’édition du 20 juin 1952, sous le titre « Plus de 15.000 personnes ont fait d’émouvantes et solennelles obsèques à Hocine Belaïd, Héroïque Combattant de la Liberté et de la Paix » :
Le silence est tombé sur la place du Marché-Central d’Aubervilliers, illuminée d’un soleil d’orage, sur les visages où la douleur ne se mêle d’aucune résignation, sur les visages noués de colère, sur les poings serrés.
Drapé de rouge, le cercueil d’Hocine Belaïd, héros et martyr de la paix, est porté devant la tribune de deuil.
Depuis le matin, les habitants d’Aubervilliers sont venus saluer le compagnon assassiné par les balles de la police parce qu’il marcha, le 28 mai, derrière une pancarte disant "Nous voulons la paix."
De leur cœur jaillissaient la même haine des assassins, la même volonté de gagner la paix.
Dans le taudis où le soleil ne peut que jouer sur le seuil de la porte, Louisette Belaïd, notre nouvelle camarade (première adhérente de la promotion Hocine Belaïd du Parti communiste français), était entourée d’amis hier inconnus. Ses enfants sont vraiment devenus les enfants d’Aubervilliers.
Dans les entreprises, les quartiers, les magasins d’Aubervilliers, la solidarité ne cesse de grandir.
Plus tard, assise près du catafalque avec son père, retraité de la RATP, et sa mère qui vivent pauvrement dans leur village de l’Aveyron, Louisette revit sa dernière heure avec celui qu’elle aime, dont elle a repris la lutte sitôt qu’il fut tombé.
Hocine est rentré du travail et a embrassé sa femme et ses petits. Sur les 6 500 francs du salaire de la semaine, ce vendredi 28 il reste trois pièces de dix francs.
- Prends-les, dit Louisette à Hocine. On ne sait jamais, quand on sort comme ça, on peut avoir besoin d’argent…
Hocine Belaïd est parti. Il sait de toute sa conscience de syndicaliste, de communiste, que pour lui, Algérien, père de quatre et bientôt six enfants, la lutte contre le tueur en chef de Corée était l’acte le plus important, le plus urgent à accomplir.
Les bombes de la guerre voulue par Ridgway et ses complices ne distingueront pas entre les enfants d’Hocine et les enfants des policiers ; pourtant, les exécutants du préfet de police ont tué le combattant de la paix.
Pour subvenir aux besoins de sa veuve et de ses enfants, un « comité de défense et de soutien pour la famille de Belaïd Hocine » organise une collecte, ayant permis de réunir près de 350 000 francs. Des couples proposèrent d’adopter ou de parrainer les orphelins.
Reprenant le flambeau du combat politique de son mari, Louise adhéra en effet au Parti communiste dont la promotion prit le nom du défunt, et porta plainte pour homicide volontaire et assassinat. Mais comme l’a précisé Michel Pigenet (op. cit., p. 154), « une règle non écrite, mais toujours confirmée, veut que les manifestants tués ou blessés lors d’une manifestation interdite soient tenus pour responsables de leurs malheurs ».
Quelle a été la postérité de la mort d’Hocine Belaïd et Charles Guénard ? Il est traditionnellement considéré qu’ils sont tombés dans l’oubli. Dans un article consacré à la manifestation Ridgway du 28 mai 1952, paru dans le numéro de la revue L’Histoire de juillet-août 1980, l’historien Pierre Milza, cité par Michel Pigenet (op. cit., p. 163), s’exclame ainsi : « Qui se souvient encore de Belaïd Hocine ? ». Michel Pigenet, en conclusion de son ouvrage, arrive peu ou prou à la même conclusion d’un même oubli progressif, du moins dans la mémoire du Parti, qui se démarque progressivement de la ligne tactique adoptée au tournant des années 1940 et 1950, Hocine Belaïd n’étant cité, après le premier anniversaire de sa disparition, que dans deux articles du quotidien L’Humanité, dans ses éditions du 29 mai 1956 et du 31 mai 1962. Mais une exception prévaut chez les militants locaux : la section PCF d’Aubervilliers continue de fleurir, fin mai, les tombes de Hocine Belaïd et Charles Guénard. Significatif de ce relatif oubli, on ne sait d’ailleurs plus, a posteriori, quels sont les prénom et nom de Hocine Belaïd, souvent intervertis, y compris sous la plume de Michel Pigenet.
La cellule d’Aubervilliers a écrit à Louise Belaïd : « nous tenons à vous faire connaître le serment que nous avons fait tous ensemble d’agir en sorte que le sacrifice de notre camarade Belaïd Hocine ne soit pas vain ». Pour sa part, l’Association d’amitié franco-coréenne est née, en 1969, du constat que la division imposée à la Corée et la situation d’armistice ne pouvaient nullement satisfaire les militants épris de paix. C’est pourquoi nous devons nous affirmer comme les dignes héritiers de ceux qui ont sacrifié jusqu’à leur vie pour la paix et la prospérité de la Corée – de toute la Corée. L’exigence d’un traité de paix est indissociable de celle de vérité sur l’usage, désormais avéré par les historiens ayant travaillé sur les archives de la CIA, que cette dernière a utilisé des armes bactériologiques en Corée, et que combattre « Ridgway la Peste » ne relevait pas d’une manipulation des militants pacifistes, comme veulent toujours le faire croire les croisés de l’anticommunisme et leurs alliés objectifs. Hocine Belaïd et Charles Guénard ne méritent pas moins le respect que les quelques 270 Français morts au champ de bataille au sein du bataillon français de Corée et qui ont, droit, eux à des monuments et des cérémonies. Pour rétablir une juste approche historique qui rappelle le combat de militants pacifistes refusant un usage des armes chimiques contraire au droit international, je vous propose que l’Association d’amitié franco-coréenne fasse les démarches nécessaires pour qu’une plaque honore leur mémoire, place de la bataille de Stalingrad, où ils sont tombés.
Le 27 juin 2015 une rencontre entre les membres du groupe Facebook (FB) de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a eu lieu à la brasserie "Le Twickenham" dans le 5ème arrondissement de Paris. Elle a été une occasion d'échanger et de débattre, alors qu'en six ans la page Facebook de l'AAFC aura su s'affirmer comme un espace d'échanges, de dialogue et d'informations sur toute la Corée. Nous invitons les lecteurs du blog de l'AAFC - qui ne l'auraient pas déjà fait ! - à s'inscrire sur FB et à devenir membres du groupe AAFC (vous êtes déjà 394 à ce jour).
La page Facebook ne reprend pas seulement les articles des différents blogs de l'AAFC - le blog national en français, celui en coréen et les blogs des comités régionaux Bourgogne et Nord - elle est aussi un espace d'informations, d'annonces et de débats. C'est sur la page Facebook qu'a ainsi été abordée - avant un article sur le blog - la question des arrangements avec la vérité du célèbre réfugié Shin Dong-hyuk... ou qu'il est fait état des soi-disant informations des services de renseignement sud-coréens (NIS) quant à la prétendue fin terrible d'un ministre de la Défense de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Face au scepticisme d'experts peu suspects de sympathie pour la RPDC, le NIS, expert en manipulations des médias et des opinions publiques, a dû reconnaître qu'il n'était finalement pas sûr de ce "scoop" énorme - qu'il avait pourtant lui-même distillé avec force détails à une commission parlementaire sud-coréenne.
Vous voulez apprendre le coréen, ou avoir un échange linguistique ? Coréen adopté, vous recherchez vos parents biologiques ? Autant de questions apparues au fil des discussions sur notre page FB et auxquelles nous avons répondu, grâce notamment à la participation de membres du groupe (que nous tenons à remercier) - et dont l'écrasante majorité ne sont par ailleurs pas membres de l'AAFC (car faire partie d'une communauté sur Internet ne remplace évidemment pas le paiement d'une cotisation !).
Nous invitons enfin tous les membres du groupe à continuer d'enrichir la page FB de l'AAFC en publiant des annonces : des concerts gratuits de percussions coréennes à Cenon à la publication du guide illustré sur la culture coréenne Sketches of Korea, il y a des informations pour tous les publics qui s'intéressent à la Corée - consacrant ainsi la place de l'AAFC comme l'association nationale la plus importante à ce jour pour développer les relations culturelles entre la France et l'ensemble de la péninsule coréenne.
La répression en cours contre l'Association générale des résidents coréens au Japon (Chongryon), proche de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), soulève une vague internationale de protestations, à laquelle s'est associée l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) qui a toujours dénoncé les discriminations dont sont victimes les Coréens du Japon. Nous publions ci-après la traduction en français d'un courrier en anglais adressé au Premier ministre japonais Shinzo Abe, le 23 mai 2015, par Guy Dupré, président de l'AAFC, au nom du bureau national de l'AAFC. Une copie de cette lettre a été remise en pièce jointe à un message de félicitations de Guy Dupré à M. Ho Jong Man, Président du Comité central de la Chongryon, alors que l'organisation a fêté son 60ème anniversaire le 25 mai 2015.
Paris, le 23 mai 2015
M. Shinzo Abe
Premier ministre
Service des relations publiques
Secrétariat du cabinet
1-6-1 Nagata-cho
Chiyoda-ku
Tokyo 100
8968 Japon
Monsieur le Premier ministre,
Les membres du bureau national de l’Association d’amitié franco-coréenne, qui défend depuis 46 ans une réunification pacifique de la Corée, sont profondément préoccupés par les discriminations en cours contre la communauté coréenne au Japon, tout particulièrement à l’encontre de l’Association générale des résidents coréens au Japon (Chongryon). Fin mars, les domiciles de plusieurs dirigeants de la Chongryon ont été fouillés par la police japonaise en méconnaissance des droits de l’homme, et tout particulièrement de leur droit de propriété. Par ailleurs, agir aussi ouvertement méconnaissait le principe de présomption d’innocence. Plus récemment, le fils du Président Ho Jong Man a également fait l’objet d’un harcèlement policier. Compte tenu du rôle joué par la Chongryon comme ambassade de fait de la République populaire démocratique de Corée au Japon, de telles actions doivent cesser immédiatement, dans la mesure où elles mettent en danger la paix et la stabilité en Asie du Nord-Est en créant de nouveaux contentieux avec la République populaire démocratique de Corée.
Votre gouvernement doit aussi s’excuser pour la colonisation japonaise de la Corée. Il a été porté atteinte à la dignité de millions de travailleurs coréens obligés de travailler pour les industries militaires pendant la Seconde guerre mondiale. De jeunes hommes coréens ont été conscrits de force dans l’armée impériale. Enfin, l’esclavage sexuel de celles qu’on appelle « les femmes de réconfort » a détruit la vie de centaines de milliers de femmes coréennes. Les membres du bureau national de l'Association d'amitié franco-coréenne sont vivement déçus que vous n’ayez mentionné aucun de ces sujets lors de votre récente visite aux Etats-Unis. Les victimes de l’impérialisme japonais attendent des excuses sincères, ce qui pourrait ouvrir la voie d’une réconciliation entre le Japon et la Corée 70 ans après la fin de la Seconde guerre mondiale.
Cette lettre sera rendue publique.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, mes salutations les meilleures.
Au nom du bureau national de l'Association d'amitié franco-coréenne,
Alors que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) célèbre le 15 avril 2015 le 103e anniversaire de la naissance de son fondateur, le Président Kim Il-sung, le bureau de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) a invité à dîner, le 13 avril 2015, S.E. Kim Yong-il, délégué général de la RPD de Corée en France, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire auprès de l'UNESCO, et M. Ri Ho-yong, conseiller. A cette occasion, Benoît Quennedey, vice-président de l'AAFC chargé des actions de coopération, s'est exprimé sur un aspect souvent méconnu en Occident, mais fondamental, de la diplomatie nord-coréenne, impulsé par le Président Kim Il-sung : le soutien aux mouvements de décolonisation et la participation active au Mouvement des non-alignés (MNA).
Les Présidents Sukarno et Kim Il-sung, en 1965
En Corée, la libération de l'occupation japonaise en 1945 a été synonyme de division du pays ; elle n'en a pas moins marqué l'accession à l'indépendance. La République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), en tant qu'Etat souverain fondé en 1948, a considéré que le soutien aux peuples encore colonisés pour se libérer du joug de la domination coloniale répondait au devoir de solidarité internationaliste, le nouvel Etat ayant lui-même veillé à s'affranchir de la domination des grandes puissances pour préserver son indépendance.
La RPD de Corée s'est toujours considérée comme un représentant des pays en développement. Après la qualification du Cheollima pour la Coupe du monde de football en 1966 - où l'équipe coréenne devait l'emporter sur l'Italie et permettre, pour la première fois, à une nation asiatique d'accéder en phase finale de la compétition - le Président Kim Il-sung avait rappelé aux joueurs qu'ils portaient les espoirs non seulement de la RPD de Corée, mais qu'ils étaient aussi les représentants des pays d'Asie, d'Afrique et d'Océanie.
Le soutien aux mouvements de décolonisation a été constant. La RPD de Corée a été le premier Etat non arabe à reconnaître le Gouvernement provisoire de la République algérienne, tout en apportant son soutien politique et militaire au FLN. Elle a aussi été le premier Etat non africain à reconnaître la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Quand les Sud-Vietnamiens étaient le principal allié des Américains dans la guerre du Vietnam, les pilotes nord-coréens appuyaient le Nord-Vietnam. Les Nord-Coréens ont appuyé le combat des Palestiniens et pesé dans la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud, en Namibie et en Rhodésie. Le Président du Zimbabwe Robert Mugabe a déclaré s'inspirer des idées du Juche de la RPD de Corée, et le président du praesidium de l'Assemblée populaire suprême de la RPDC Kim Yong-nam était l'invité des cérémonies du 18e anniversaire de l'indépendance de la Namibie. Dans ce contexte, les coopérations économiques et culturelles entre pays en voie de développement ("Sud-Sud") ont été prônées comme un moyen pour s'affranchir des tutelles néocoloniales. Les projets du groupe Mansudae Overseas Project en ont été une des manifestations dans le domaine architecturale, jusqu'à nos jours avec l'inauguration, en 2010, du Monument de la renaissance africaine à Dakar.
La participation au Mouvement des non-alignés (MNA) s'est inscrite dans la continuité du primat posé par la RPD de Corée à l'indépendance des pays nouvellement décolonisés, alors que l'époque a été présentée comme celle du djadjouseung, ou ère de l'indépendance des nations. Après que les ministres des Affaires étrangères des pays non-alignés eurent accepté à l'unanimité la candidature de la RPD de Corée lors de la conférence de Lima en 1975, le Président Kim Il-sung, dans un entretien donné à la revue argentine Le Guide du Tiers Monde, en date du 16 décembre 1975, a déclaré que "l'impérialisme et le colonialisme sont des foyers d'agression et de guerre et constituent l'obstacle principal au développement indépendant et au progrès social des nouvelles forces montantes". Les années 1980 ont été marquées par l'organisation, à Pyongyang, de nombreuses rencontres des non-alignés, dans des domaines diverses : économie, sport, culture... Les principes d'indépendance et de souveraineté nationale, de promotion de la coopération internationale et de refus des guerres néocoloniales ont continué d'être les fondements de la diplomatie nord-coréenne jusqu'à nos jours.
Du 16 au 19 mars 2015, l'ISEG Business and Finance School, à Paris, organisait la Semaine de l'International. Les 18 et 19 mars 2015, le département Techniques de commercialisation de l'Institut universitaire de technologie (IUT) de Sceaux dédiait à la Corée ses Journées internationales. Lors de ces deux manifestations, organisées par et pour les étudiants, des membres de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) ont été sollicités à titre d'experts des questions coréennes, lors d'interventions saluées et appréciées qui annoncent certainement d'autres coopérations avec les grandes écoles et les universités.
L'IUT de Sceaux
Dans le cadre de la Semaine de l'International de l'ISEG, Benoît Quennedey, fonctionnaire parlementaire et auteur de L'Economie de la Corée du Nord (Les Indes savantes, 2013), par ailleurs vice-président de l'AAFC chargé des actions de coopération, était l'un des trois intervenants de la conférence organisée le lundi 16 mars sur le thème du management interculturel en Asie, aux côtés de Laurent Amelot, doctorant à Paris IV, rédacteur en chef de la revue de géopolitique Outre-Terre, membre de Asie21, et Jean-Joseph Boillot, conseiller du Club du CEPII.
Alors que Laurent Amelot et Jean-Joseph Boillot ont évoqué principalement la Birmanie (Myanmar), la Chine et l'Inde, Benoît Quennedey a pris comme exemples la Corée et le Vietnam. S'agissant de la Corée, dont la moitié Sud a connu un développement économique spectaculaire en l'espace d'une génération, la société est restée beaucoup plus traditionnelle et les principes confucéens continuent d'imprégner fortement les mentalités : les Occidentaux amenés à travailler avec les Coréens doivent sortir des préjugés européo-centrés et apprendre à connaître leurs interlocuteurs dans une société très marquée par les réseaux et l'importance d'établir préalablement, plus encore qu'en Occident, une relation de confiance. Certains gestes - comme l'échange de cartes de visite ou l'inclination - seront attendus et appréciés. Pour établir des relations avec l'un des pays les plus dynamiques d'Asie, rencontrer la communauté étudiante coréenne en France offre la possibilité de nouer des relations d'égal à égal pour les étudiants d'écoles de commerce comme l'ISEG.
Les 18 et 19 mars 2015, les Journées internationales 2015 de l'IUT de Sceaux ont permis de découvrir les différentes facettes de la culture et de la société coréennes : cuisine, langue, cinéma, religion, Taekwon-Do... Aux côtés de Patrick Kuentzmann, secrétaire général de l'AAFC, Benoît Quennedey, présent en qualité de vice-président de l'AAFC, est intervenu le jeudi 19 mars sur la géopolitique de la Corée. Revenant sur les origines de la division de la péninsule coréenne, ayant abouti à la guerre de Corée (1950-1953) dans le contexte de la Guerre froide, il a souligné les enjeux toujours actuels que représentent la paix et la réunification dans la péninsule, pour lesquels milite l'AAFC depuis sa fondation en 1969. Alors que l'homogénéité culturelle des Coréens sous-tend leur aspiration à recouvrer l'unité de leur nation pluri-millénaire, les progrès réalisés sur le chemin du dialogue et de la réconciliation Nord-Sud pendant la décennie de la politique du "rayon de soleil" (1998-2008) ont malheureusement connu un sévère coup d'arrêt avec le retour au pouvoir des conservateurs à Séoul. Par ailleurs, alors que la paix et la prospérité répondent à des objectifs partagés, le développement du programme nucléaire et balistique nord-coréen est la conséquence d'une absence de relations de confiance entre les acteurs de la région. Ayant établi vis-à-vis de la Corée du Nord le régime de sanctions le plus draconien au monde, la puissance américaine, qui se redéploie sur la région Asie-Pacifique pour endiguer la montée en puissance de la Chine, vit depuis plus de deux décennies dans l'illusion d'un effondrement prochain de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), maintes fois pronostiqué, jamais réalisé.
Les membres de l'AAFC remercient les organisateurs de l'ISEG et de l'IUT de Sceaux pour la qualité de leur accueil et la richesse des débats préparés par les étudiants.
Le 14 mars 2015, l'Alliance coréenne et l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) ont organisé une journée d'études et de débats dans le cadre de la quatrième conférence internationale de Paris sur la Corée. Alors que les atteintes de plus en plus graves aux droits de l'homme et aux libertés publiques en République de Corée (Corée du Sud) exigent une mobilisation internationale d'ampleur pour sauver la démocratie sud-coréenne, c'est dans une ambiance de lutte que les participants, français et coréens (dont une délégation de Coréens d'Allemagne), ont échangé sur les moyens nécessaires à la victoire dans le combat pour la paix, la réunification et les droits de l'homme dans la péninsule coréenne.
En ouverture de la conférence, Stephen Cho, directeur de l'Institut de recherches coréennes du XXIe siècle, a rappelé la gravité de la situation en Corée du Sud : après l'interdiction en décembre 2014 du Parti progressiste unifié, dont il était membre, les perquisitions au siège et aux domiciles de plusieurs membres de l'Alliance coréenne, co-organisatrice du colloque, témoignent d'un climat nouveau de répression dans la Corée du Sud de Mme Park Geun-hye, fille du général Park Chung-hee ayant dirigé la junte militaire au pouvoir à Séoul après le coup d'Etat qu'il avait fomenté en 1961 avec l'appui des troupes américaines présentes au sud de la péninsule. La récente agression de l'ambassadeur américain Mark Lippert, dans un contexte de manoeuvres américano-sud-coréennes faisant courir un risque de guerre dans la péninsule, sert ainsi de prétexte à un renforcement annoncé de l'appareil répressif policier-militaire au nom de la lutte contre le "terrorisme", utile fourre-tout pour réprimer les mouvements d'opposition.
Animateur des débats, Benoît Quennedey, vice-président de l'AAFC chargé des actions de coopération, a souligné le tribut versé par les militants pour la paix et la réunification en Corée - Stephen Cho ayant lui-même été emprisonné pendant sept ans de 1992 à 1999. Il a aussi rappelé le combat constant de l'AAFC pour la démocratie en Corée du Sud, et la nécessité d'organiser la solidarité en France et à l'étranger : tel est le rôle du Comité d'initiative contre la répression politique en Corée du Sud, constitué le 22 janvier 2015. Plus le comité s'élargira, plus il pourra peser pour la défense des droits politiques et sociaux en Corée du Sud.
L'économiste Samir Amin a resitué la question coréenne dans le contexte de l'évolution du système mondial depuis 1945 : il y a soixante ans, la conférence de Bandung, en avril 1955, a marqué l'émergence d'un monde multipolaire après la libération des peuples d'Asie et d'Afrique, en vue de compléter l'indépendance politique par l'indépendance économique. Des projets nouveaux ont été mis en place dans les différents pays non alignés : dirigés par des bourgeoisies à vocation nationale, ces projets ont été nationaux, mais pas démocratiques, dans le sens où il n'ont pas impliqué de participation active et autonome des classes populaires. Malgré ces limites, ils n'en ont pas moins permis des progrès économiques et sociaux significatifs, avant un reflux au lendemain de la conférence de Cancun, en 1981, qui a vu le retour des puissances impérialistes états-unienne et européennes. Mais les récentes insurrections populaires, comme en Egypte, ont marqué une volonté de reconquérir la souveraineté nationale, tout en amorçant des formes nouvelles de solidarité économique - au sein du groupe de Shanghaï, de l'ALBA ou du projet de banque des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).
Le professeur de philosophie Jean Salem a ensuite resitué ces enjeux internationaux pour la péninsule coréenne, en s'appuyant sur un article à paraître de Rémy Herrera, qui n'a pu être présent à la conférence. Si la Corée du Sud a accompli d'indéniables progrès économiques depuis 1960, les louanges sur la Corée du Sud de certains "ravis de la crèche" ignorent les failles grandissantes de la démocratie sud-coréenne. L'absence de participation populaire et les atteintes aux droits des travailleurs représentent des tares fondamentales, alors que la Corée du Sud reste un pays dominé économiquement, politiquement et militairement, la présence de près de 30 000 soldats américains se doublant du versement de 900 millions de dollars annuels par la Corée du Sud aux troupes d'occupation. Néanmoins, le puissant mouvement étudiant a créé les conditions d'un changement de perception des problèmes politiques et sociaux, qui a permis une démocratisation après 1987. Depuis l'élection controversée de la candidate conservatrice Mme Park Geun--hye en 2012, les symptômes d'une dérive autoritaire font courir un danger de mort clinique à la démocratie sud-coréenne conquise de haute lutte par les militants progressistes : interdiction du Parti progressiste unifié, représenté au Parlement, dans des conditions ignorant les standards démocratiques internationaux ; ingérence politique de l'agence nationale de renseignement (NIS) sanctionnée par la condamnation à une peine de prison ferme, en février 2015, de son ancien directeur ; atteintes au droit syndical et à la liberté d'expression. La solidarité internationale n'en apparaît ainsi que plus nécessaire.
L'avocat Roland Weyl, fondateur de l'Association internationale des juristes démocrates, a souligné la nécessité de rendre possible l'exercice par les Coréens de leur droit à la souveraineté nationale, bafoué par la division du pays en 1948. Ce combat doit s'inscrire dans le cadre du droit international public, et des principes consacrés par la Charte des Nations Unies en 1945 et trop souvent bafoués par les Nations Unies elles-mêmes. L'Etat n'est que l'instrument de l'exercice par les peuples de leur souveraineté. La réunification doit s'envisager en prenant en compte les moyens d'expression des deux parties du peuple coréen, pour qu'il recouvre son unité et sa souveraineté, alors que la guerre de Corée s'est soldée par un accord d'armistice dont l'article 4, inappliqué depuis plus de 60 ans, prévoyait la tenue d'une conférence sur la Corée dans un délai de trois mois.
Le professeur Robert Charvin, ancien doyen de la faculté de droit de l'Université de Nice, a mis en exergue la nécessité constante de dépasser les approches caricaturales qui continuent de prévaloir sur la Corée : ignorance des conséquences de l'embargo sur la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) ; illusion tenace, entretenue par les médias, que la Corée du Sud du régime militaire aurait été un pays "en voie de démocratisation", comme s'évertuait à le faire croire un grand quotidien du soir. Au-delà des faux prétextes du nucléaire et des droits de l'homme, utilisés comme des arguments à géométrie variable par les diplomaties occidentales, la péninsule coréenne a souffert de sa position géopolitique, qui l'a placée au coeur des rivalités d'intérêts entre les grandes puissances. Mais la coréanité traduit un attachement à la souveraineté nationale et un refus de l'uniformité qui est un facteur puissant d'essor et de développement pour le peuple coréen, que l'on retrouve tant dans l'unité monolithique du Nord, vilipendée par occidentalo-centrisme, que dans les luttes sociales et politiques des militants progressistes au Sud.
Récemment interdit d'entrée en Corée du Sud, Patrick Kuentzmann, secrétaire général de l'AAFC, a mis en exergue l'orchestration de la répression par les forces gouvernementales sud-coréennes, lesquelles suivent la "partition" d'une législation répressive anti-démocratique, la loi de sécurité nationale, adoptée en 1948 au lendemain du soulèvement dans l'île de Jeju, orchestrée par un appareil répressif surdimensionné, instrumentalisé à des fins politiques par les conservateurs qui ont dominé la scène politique sud-coréenne pendant six des sept décennies de l'après-1945 : l'actuelle agence nationale de renseignement (National Intelligence Service, NIS), est l'héritière d'une agence impliquée dans les enlèvements de citoyens sud-coréens à l'étranger, la torture et les meurtres d'opposants, tout au long d'une répression politique qui a conduit à l'élimination de milliers de militants, progressistes ou libéraux, pour la seule année 1980. Son programme d'action est inspiré de ses devanciers américains, le FBI et la CIA de la Guerre froide : propagande, contre-espionnage, rumeurs et désinformations, assassinats de dirigeants. Les opposants sud-coréens à l'étranger, comme les militants étrangers pour la réunification et la démocratie sociale et politique, sont, aujourd'hui comme hier, ses cibles privilégiées. La constitution à Paris du Comité d'initiative contre la répression politique en Corée du Sud a été la réponse nécessaire au danger accru que fait peser l'actuel gouvernement sud-coréen sur la démocratie et les libertés, sur le sol de la péninsule coréenne et dans le monde, et qui exige l'alliance la plus large de tous ceux qui refusent l'ingérence étrangère.
Intervenant au nom de l'Alliance coréenne, Stephen Cho a souligné que l'interdiction soudaine du Parti progressiste unifiée ne correspondait à aucun changement de ligne politique dans la gauche sud-coréenne, constituée en parti depuis 2000 (le Parti démocratique du travail, très lié au syndicat indépendant KCTU), et qui avait toujours respecté les limites imposées à la liberté d'expression par la loi de sécurité nationale. La chute de popularité de la présidente sud-coréenne, confrontée à une colère grandissante après la gestion désastreuse du naufrage du ferry Sewol le 16 avril 2014, et les scandales dans son entourage immédiat ont requis de détourner l'attention de l'opinion publique en ciblant l'opposition radicale. La décision d'interdiction du Parti progressiste unifié n'a reposé ni sur des bases juridiques solides, ni sur des faits matériels avérés, en l'absence de preuves quant à la prétendue existence de l'organisation révolutionnaire qu'aurait constituée un des députés du parti, déchu de son mandat et condamné pour complot contre l'Etat, Lee Seok-ki. Elle a révélé l'absence d'indépendance du pouvoir judiciaire et de l'exécutif, et a été le point d'orgue d'une répression commencée à Séoul dès l'accession au pouvoir du conservateur Lee Myung-bak, avec des condamnations de journalistes, un recours accru à la loi de sécurité nationale et l'interdiction de syndicats. La grève que lancera la KCTU, et les manifestations prévues prochainement un an après le naufrage du Sewol, témoignent néanmoins de la résistance du peuple sud-coréen face à l'arbitraire.
Tout au long d'un débat très riche, des discussions ayant ponctué les interventions des conférenciers, les participants ont souligné la nécessité de faire converger les luttes sociales et politiques, en Corée, en France et dans le monde. Ils ont aussi exprimé leur intention de peser sur les institutions nationales françaises, pour que ne soit plus ignorée l'inquiétante dérive autoritaire de la Corée du Sud, au moment où le Président François Hollande a annoncé son prochain déplacement à Séoul. Les années croisées France-Corée (septembre 2015 - décembre 2016), en mettant en lumière les relations franco-coréennes, constitueront une occasion privilégiée de mettre en exergue la dérive autoritaire à Séoul, de même que l'approche des Jeux olympiques de Séoul en 1988 avait conduit les autorités sud-coréennes à lâcher du lest alors que leurs violations des droits de l'homme avaient été ainsi mises sous les feux de la rampe.
Le samedi 14 mars 2015, de 10h à 18h30 à la Maison des Mines (270 rue Saint-Jacques, 75005 Paris), l'Alliance coréenne et l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) co-organiseront la quatrième conférence internationale sur la Corée, intitulée "La Corée au coeur des enjeux contemporains : entre universalisme et particularisme", avec la participation du Comité d’initiative contre la répression politique en Corée du Sud, le Forum mondial des alternatives et le Comité européen pour l'application de la Déclaration commune Nord-Sud du 15 juin. L'AAFC présente le programme de cette conférence. Entrée libre et gratuite, dans la limite des places disponibles.
Dans le monde entier, la crise financière s’aggrave, des forces extrémistes émergent et les contradictions sociales s’intensifient. L’année 2015 marque le soixante-dixième anniversaire de l’indépendance et de la division de la Corée. Dans le même temps, en Corée même, l’oppression gouvernementale sous couvert de sécurité publique s’accélère, avec l’interdiction d’un parti politique représenté au Parlement dans des conditions non conformes aux standards démocratiques internationaux, tandis que les tensions militaires s’exacerbent. La Corée reste ainsi confrontée à des enjeux qui lui sont propres, et dans le même temps elle doit répondre à des questions contemporaines de portée universelle, ce qui entraîne des situations complexes aux solutions difficiles. En confrontant les particularités coréennes aux problèmes de notre époque de portée universelle, nous examinerons la situation actuelle de la démocratie sud-coréenne, ainsi que les progrès possibles et nécessaires vers la paix et la réunification de la péninsule coréenne afin d’envisager des principes d’action et d’identifier les voies de résolution de ces questions.
Programme
10h – 12h Exposés et discussion
Samir Amin : Vers un renouveau de l'esprit de Bandoung
Jean Salem : Oppression politique et enjeux démocratiques
12h – 14h Pause
14h – 16h Exposés et discussion
Roland Weyl : Les deux Corée et le droit international
Robert Charvin : L’indépendance de la Corée après soixante-dix ans de division
16h – 16h30 Pause
16h30 – 18h30 Exposés et discussion
Patrick Kuentzmann : Enjeux coréens, répression mondiale : quelle solidarité internationale
Stephen Cho : La crise politico-économique et l’institutionnalisation de l’oppression par la sécurité publique
Samedi 28 février 2015, plusieurs membres de l’Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) étaient présents au Foyer rural de Tousson (Seine-et-Marne) pour une réunion autour du voyage effectué lors du 14e Festival international du film de Pyongyang (PIFF), du 17 au 24 septembre 2014. Ce festival, reconnu et apprécié, permet à différents réalisateurs de concourir, qu’ils soient connus ou non. Des membres de l'AAFC avaient déjà été accueillis à plusieurs reprises au Foyer rural de Tousson dans le cadre de manifestations culturelles dédiées à la Corée.
En attendant le début de la réunion, projection du concert donné par l'orchestre Unhasu à Paris, en mars 2012
Deux membres de la délégation française au 14e Festival international du film de Pyongyang, Patrick Kuentzmann, secrétaire général de l'AAFC, et Pierre Beltante, animateur du Foyer rural de Tousson, ont relaté ce séjour de l’AAFC. Autour de photos prises pendant le Festival, les participants ont pu constater que des diplomates étrangers étaient présents pour soutenir leurs « pousses ». Le Festival international du film de Pyongyang réunissait, en effet, des participants de 54 pays. À titre d’exemple, l’ambassadeur du Brésil en RPDC était présent pour soutenir Mauricio Osaki, que les membres de la délégation de l’AAFC ont longuement pu croiser lors de leur séjour. Le Festival international du film de Pyongyang est un évènement international, pas une rencontre isolée. Après la description du séjour par les reportages photos et une vidéo, les participants à la réunion organisée au foyer rural de Tousson ont assisté à la projection du court-métrage de Mauricio Osaki, My Father's Truck, qui narre le récit d'un camionneur vietnamien et de sa fille.
Les participants ont pu ainsi connaître un aspect méconnu de la RPDC. Le Festival international du film de Pyongyang est loin d’être un évènement convenu et de façade. Au contraire, c’est une véritable rencontre internationale qui permet aussi bien aux petits qu’aux grands réalisateurs de se faire connaître et de concourir. Une rencontre qui est loin d’être un évènement mondain ou pompeux. Ce n’est pas non plus un rassemblement à prétention idéologique ou militante, mais un véritable festival où les films récompensés le sont pour des raisons cinématographiques.
Après la projection de l’émouvant court-métrage brésilien, un (copieux) dîner coréen devait conclure cette réunion. Merci au Foyer rural pour son accueil toujours chaleureux ! Merci à Pierre Beltante pour sa convivialité et sa bonne humeur ! Merci, enfin, à tous nos amis toussonais pour l’intérêt qu’ils accordent aux activités de l’AAFC.
Du 2 au 27 mars 2015 se tient à Genève la vingt-huitième session du Conseil des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies. Est inscrit à l'ordre du jour l'examen d'un rapport de Marzuki Darusman sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), un an après la présentation, le 17 février 2014, des conclusions de la très controversée Commission d'enquête sur les droits de l'homme en RPD de Corée. Dans la continuité de la déclaration adoptée par le bureau de l'AAFC, le 19 décembre 2014, "La défense des droits de l'homme ne doit pas servir de prétexte à une guerre destructrice en Asie", après que l'Assemblée générale de l'ONU se fut prononcée, la veille, pour une saisine de la Cour pénale internationale de crimes contre l'humanité en RPD de Corée, le bureau de l'AAFC a décidé de réagir, en adressant la lettre ouverte ci-après au Président du Conseil des droits de l'homme, l'ambassadeur d'Allemagne M. Joachim Rücker.
Palais des Nations, à Genève, où se tient la 28e session du Conseil des droits de l'homme
Paris, le 1er mars 2015
Monsieur Joachim Rücker
Président du Conseil des droits de l'homme
Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme
Genève
Monsieur le Président,
Œuvrant depuis 1969 à la paix et à la réunification dans la péninsule coréenne, l'Association d'amitié franco-coréenne souhaite vous faire part de ses graves préoccupations sur les travaux de la Commission d'enquête sur les droits de l'homme en République populaire démocratique (RPD) de Corée, ainsi que sur leurs conséquences, alors qu'un rapport sera présenté par le rapporteur spécial, M. Markuzi Darusman, lors de la vingt-huitième session du Conseil des droits de l'homme.
Nous voulons vous faire part de nos sérieuses interrogations quant à l'impartialité et à la conformité aux standards internationaux des travaux de la Commission d'enquête sur les droits de l'homme en RPD de Corée : des auditions ont eu lieu de manière collective et non individuellement, en face à face ; les travaux ont été effectués en dehors du pays ; il n'a pas été donné suite aux propositions des autorités de la RPD de Corée d'accueillir les membres de la Commission. De même, le respect du principe du contradictoire eût dû inciter à présenter, préalablement à leur publication, les conclusions aux autorités de la RPD de Corée, en vue d'engager un dialogue respectueux tant des droits fondamentaux de la personne humaine que du respect de la souveraineté des États, fondement du droit international.
Nous déplorons également que les organisations non gouvernementales engagées dans un dialogue avec les autorités gouvernementales sur les droits de l'homme en RPD de Corée n'aient pas été suffisamment entendues, alors qu'elles auraient pu apporter leur expertise de terrain sur la situation actuelle, les évolutions en cours et les perspectives offertes par ce processus d'échanges auquel, pour notre part, nous adhérons pleinement, convaincus de la plus grande efficacité d'une politique de changements engagés en coopération avec les gouvernements, par rapport à une démarche d'admonestations.
S'agissant de la fiabilité des données recueillies, plusieurs témoins clés sont depuis un an revenus sur leur récit ou ont été pris dans leurs contradictions, notamment M. Shin Dong-hyuk et Mme Park Yeon-mi, dont la proximité avec les services de renseignement sud-coréens et/ou des militants politiques de la mouvance néoconservatrice aurait pourtant dû conduire à porter un regard critique sur l'exactitude matérielle de leurs récits en décalage avec ceux, bien moins spectaculaires, des dizaines de milliers de réfugiés nord-coréens anonymes. Au lieu de s'interroger sur les conditions de réalisation de leurs travaux, les membres de la commission d'enquête ont alors tendu à minimiser les révélations sur les conflits d'intérêts de ces témoins très médiatiques.
Il est très regrettable que les travaux de la Commission d'enquête aient négligé le respect des droits fondamentaux des réfugiés nord-coréens en République de Corée, sans davantage s'interroger sur les raisons pour lesquelles certains ont fait le chemin inverse d'un retour au nord de la péninsule, tout comme il n'est pas fait mention des atteintes aux droits de l'homme en République de Corée, qui préoccupent pourtant de plus en plus fortement les ONG internationales de défense des droits de l'homme.
Dans ces conditions, la conclusion de déférer les dirigeants de la RPD de Corée devant la Cour pénale internationale nous semble non seulement fondée sur des bases friables, mais aussi exposer gravement le Conseil des droits de l'homme aux critiques selon lesquelles il pourrait être l'instrument des politiques de certains États. En outre, le rapport publié il y a un an a conduit, à notre grand regret, à une aggravation du contexte de tensions dans la péninsule coréenne, éloignant encore les perspectives de paix et de réunification auxquelles aspire l'ensemble du peuple coréen.
En vous sollicitant pour que les futurs travaux sur les droits de l'homme en RPD de Corée puissent faire l'objet de travaux mieux étayés, en toute impartialité et dans le respect du principe du contradictoire, et nous tenant à votre disposition pour contribuer à l'atteinte de ces objectifs, nous vous souhaitons, Monsieur le Président, plein succès dans la conduite de votre mission.
Le Bureau national de l'Association d'amitié franco-coréenne