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15 septembre 2012 6 15 /09 /septembre /2012 09:07

SPITAELS Guy-2Guy Spitaels, ancien ministre-président de la région wallonne de 1992 à 1994, ancien président du Parti socialiste belge entre 1981 et 1992, est décédé à Uccle, dans la nuit du 20 au 21 août 2012, dans sa quatre-vingt-et-unième année. Celui qui a été unanimement salué comme l’un des plus grands hommes politiques wallons avait choisi de se consacrer aux questions internationales après son retrait de la vie politique en 1998. 

 

Avant de s’engager pleinement en politique, où il s’est illustré par la fermeté de ses convictions dans le refus du néo-libéralisme, Guy Spitaels avait commencé une carrière universitaire qui l’avait conduit à occuper un poste de professeur à l’Université libre de Bruxelles : docteur en droit de l’Université catholique de Louvain, il était également licencié de sciences politiques et sociales et diplômé en hautes études européennes du collège d’Europe à Bruges.

 

Lorsqu’il a décidé de se consacrer pleinement aux relations internationales, Guy Spitaels disposait déjà d’une solide expérience en ce domaine, ayant été président de l’Internationale socialiste. L’auteur de La triple insurrection islamique (Fayard, 2005), Chine, La fin de l’hégémonie américaine (Luc Pire, 2007), Obama président, la méprise (Luc Pire, 2008), L’hégémonie contrariée, Obama deux ans après (Luc Pire, 2011) avait conduit ses travaux avec une rigueur d’analyse héritée de sa formation universitaire, en confrontant les sources et les points de vue et en n’hésitant pas à s’atteler à des sujets controversés. C’est ainsi que, avant que ne soit publié Chine, la fin de l’hégémonie américaine, il avait choisi de visiter en 2006 la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) où il avait été reçu par Yang Hyong-sop, vice-président du praesidium de l’Assemblée populaire suprême, et Choe Thae-bok, secrétaire du Comité central du Parti du travail de Corée. 

 

Le chapitre qu’il consacre à la Corée du Nord dans son ouvrage précité de 2007, et dont nous reproduisons ci-après des extraits (pp. 154-156), rejoint en partie les analyses de l’Association d’amitié franco-coréenne sur la complexité des causes à l’origine de la guerre de Corée, les difficiles négociations sur la question nucléaire ainsi que la stratégie néo-conservatrice vis-à-vis de la RPDC utilisant l’ensemble des moyens disponibles (militaires, diplomatiques, économiques, médiatiques) pour précipiter un changement de régime, alors que les projets d’intervention militaire américaine – bien qu’irréalistes – se sont précisés. Prudent quant à l’avenir des mesures économiques conduites en RPDC, Guy Spitaels montre aussi l’importance de l’essor des échanges sino – nord-coréens, et le refus par la Chine de toute réunification par absorption du Nord qui conduirait à la présence de troupes américaines à la frontière sino-coréenne. En tant que vice-présidents de l’AAFC, nous saluons la mémoire et l’honnêteté intellectuelle de Guy Spitaels, en rendant hommage aux combats qu’il a menés et en présentant nos condoléances à sa famille, à ses proches et à ses camarades - Robert Charvin, Benoît Quennedey.

 

« En 1991, la RPDC adhéra à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et au Traité de non –prolifération (TNP). En 1992, les déclarations de Pyongyang à l’Agence et les équipements dont elle disposait sur le terrain furent jugés contradictoires. Se posait notamment le problème des centrifugeuses fournies par le Pakistan, livraison que le président Musharraf reconnut bien plus tard.

En mars 1993, la Corée du Nord fut le premier pays à utiliser l’article du TNP qui permet le retrait du Traité. Et l’administration Clinton d’envisager sérieusement des frappes chirurgicales contre les installations nucléaires de la Corée du Nord.

Néanmoins, en décembre 1994, les deux parties signaient à Genève un accord-cadre aux termes duquel la Corée du Nord acceptait de geler son programme nucléaire. Plusieurs dizaines d’inspecteurs civils américains s’installèrent ainsi dans les années 1990 à la centrale nucléaire de Yongbyon, autrement dit derrière les lignes ennemies, pour surveiller le lieu de fabrication du plutonium.

Les Etats-Unis s’engagèrent de leur côté à construire deux réacteurs de 1 000 MW à eau légère. Leur engagement portait en outre sur la fourniture à la Corée du Nord de 500 000 tonnes annuelles de carburant jusqu’à l’achèvement de la construction des réacteurs en 2004.

Selon Thérèse Delpech, de l’Institut stratégiques, chercheur bien informé des positions américaines, dans son ouvrage L’Ensauvagement cité par Robert Charvin, cet accord de 1994 n’aurait été signé qu’avec la conviction ferme qu’il n’y aurait plus de Corée du Nord dix ans plus tard. Toujours est-il que les réacteurs à eau légère ne furent jamais livrés. Afin de contourner un Congrès à majorité républicaine opposé au financement des centrales, un consortium international avait été mis sur pied incluant les Etats-Unis, la Corée du Sud, le Japon et l’Union européenne. Seul un tiers des travaux avait été réalisé lorsque l’accord de 1994 fut abrogé en 2002 par George W. Bush.

En 1997, se tient la première réunion des Four Party Talks, pourparlers effectivement limités alors aux deux Corée, aux Etats-Unis et à la Chine.

En octobre 2000, la secrétaire d’Etat Madeleine Albright, qui avait multiplié les contacts avec les autorités nord-coréennes, se rendit à Pyongyang.

De son côté, Cho Myong-rok visita les Etats-Unis et la venue de Clinton lui-même en République populaire démocratique de Corée fut envisagée. Epoque de détente donc, au cours de laquelle le Premier ministre de Suède se rendit aussi à Pyongyang.

Changement de cours en 2001, la nouvelle administration Bush refusa de continuer les pourparlers, classant la Corée du Nord comme un des Etats de l’ « Axe du mal ». En octobre 2002, le secrétaire d’Etat adjoint vint certes à Pyongyang, comme envoyé spécial du président mais pour accuser la Corée du Nord de réaliser des progrès dans l’enrichissement de l’uranium. Les Etats-Unis interrompirent dès lors la livraison de pétrole, menacèrent de lancer des frappes « préemptives » contre la République populaire et de la subvertir par la force pour imposer un changement de régime.

Projet sans doute utopique, si l’on a vu de combien d’embûches est semée la très large route menant du 38e parallèle vers Pyongyang, si l’on sait que le pays est truffé de tunnels, comme de casernes dans les montagnes, si l’on tient en mémoire aussi que chaque citoyen est un soldat et qu’au nord de la ligne de démarcation à peu près un million d’hommes, 40 000 canons, des missiles de courte et de moyenne portée sont à même de raser Séoul rapidement. Bref, bonne chance à qui s’attaquerait à ce super Sud-Liban.

Toujours est-il qu’en novembre 2002, la République populaire démocratique de Corée annonça qu’elle avait dû se doter d’armes nucléaires et d’autres armes puissantes, du fait de la menace nucléaire des impérialistes américains. Elle expulsa les inspecteurs de l’AIEA et annonça son retrait du Traité de non-prolifération, clamant haut et fort qu’ « il n’était pas possible de discuter avec un président américain comparable à Hitler pour son agressivité et à un débile mental pour son intelligence ».

De son côté, l’administration Bush, entendant contraindre la Corée du Nord à renoncer à son programme nucléaire, mit en œuvre une batterie de moyens :

- militaires, la proliferation policy initiative organisant la collaboration des flottes de plusieurs pays occidentaux et du Japon pour surveiller le théâtre maritime où apparaissaient des navires en direction et en provenance de la Corée du Nord ;

- financiers, notamment par un contrôle accru des trafics auxquels se livrerait Pyongyang (drogue, fausse monnaie) ;

- diplomatiques, en rendant plus aléatoire l’aide du Programme alimentaire mondial ; - médiatiques, en s’employant à diffuser l’image de la dangerosité du régime. »

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commentaires

A
<br /> Mes hommages à un grand homme !<br />
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