En septembre 2008, lors de son voyage en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), la délégation de l'AAFC a eu le privilège de visiter l'Académie médicale et scientifique Koryo – du nom de l'ancien royaume de Corée - qui abrite un hôpital et des centres de recherche et de formation spécialisés en médecine traditionnelle. Confrontée depuis 1950 à un embargo et à des sanctions diverses qui font aussi sentir leurs effets dans le secteur de la santé publique, la RPDC a dû compter sur ses propres forces et déployer des trésors d'ingéniosité. Pour traiter nombre d'affections, le pays a depuis longtemps recours à la médecine traditionnelle qui est même devenue un des domaines où excelle la Corée du Nord. Alors que le monde se tourne de plus en plus vers les médecines alternatives, le pays exporte maintenant cette science. Un Centre de médecine traditionnelle koryote s'est ainsi ouvert en 2008 au Yémen, nouvel exemple de la coopération que la RPDC entend développer avec les pays "du Sud".
Au Yémen, le Centre de médecine traditionnelle orientale du Koryo est une institution médicale privée née d'un partenariat entre le Docteur Ayed Al-Sohiri, directeur du centre, et le gouvernement nord-coréen qui fournit au centre le personnel qualifié. Il y a aujourd'hui quatre docteurs (trois hommes et une femmes)diplômés en médecine générale et chirurgie aussi bien qu'en médecine traditionnelle koryote, assistés par deux infirmières spécialisées en médecine traditionnelle. "La présence d'une femme dans l'équipe médicale convient assez à la culture conservatrice du Yémen où on préfère que les patientes soient examinées par une femme médecin", explique Zakiya Ahmad Al-Haddad, réceptionniste et gestionnaire du centre. Cette équipe médicale coréenne a déjà travaillé dans d'autres pays arabes, comme la Libye et la Jordanie, et peut donc communiquer sans problème avec les patients et l'administration.
"L'idée a germé quand j'ai rencontré des ingénieurs nord-coréens ayant participé à des projets de construction à l'occasion de l'anniversaire de l'unité du Yémen célébré en 2007 à Ibb [sud-ouest du Yémen]", explique le Docteur Al-Sohiri à propos du centre. "Lorsque j'ai évoqué avec eux l'absence de centres de médecine traditionnelle, ils m'ont conseillé de m'adresser au Bureau économique coréen à Sanaa [la capitale yéménite] en vue d'établir un partenariat."
Depuis son ouverture, le centre a traité plus de 600 cas. La plupart des patients viennent sur recommandation de leur médecin, après avoir été traités pour des affections cardiaques ou nerveuses, ou ont été conseillés par d'anciens patients dont la santé s'est améliorée grâce aux traitements reçus dans le centre. Les patients, en majorité des femmes, souffrent surtout de problèmes de dos et des articulations, ou se remettent d'un accident ou d'une attaque cérébrale. La physiothérapie coréenne les aide à retrouver certaines fonctionnalités.
Un examen à des fins diagnostiques coûte 1.000 riyals yéménites (environ 4 euros) et le prix d'une séance de soin d'au moins une heure se situe entre 3.500 et 5.000 riyals (de 13 à 18,5 euros), certains traitements demandant jusqu'à trente séances.
Parmi les traitements offerts par le centre, on trouve la réflexothérapie à l'aide d'aiguilles, l'acupuncture, les massages thérapeutiques, l'utilisation de lasers, l'électrothérapie, les massages par électricité, la thérapie fonctionnelle, la kinésithérapie et la moxibustion. La moxibustion est un traitement pas la chaleur du feu destiné à stimuler des points d'acupunture spécifiques. Le American Journal of Chinese Medicine rapporte que, utilisée avec l'acupuncture, la moxibustion peut s'avérer très efficace dans le traitement de plusieurs affections telles que les douleurs lombaires, la raideur musculaire, les maux de tête, les migraines, les tendinites, l'arthrite, les troubles digestifs, l'anxiété, et d'autres problèmes de santé comme les crampes menstruelles, les règles irrégulières et l'infertilité.
Selon le Docteur Al-Sohiri, près de 90% des handicaps dus à des blessures, à des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ou à des complications chirurgicales auraient pu être évités s'ils avaient été traités immédiatement. Pourtant, le manque d'informations sur la santé et l'absence d'installations médicales adéquates rendent certains handicaps permanents.
Quand il dirigeait le département des établissements médicaux au ministère de la Santé du Yémen, le Docteur A-Sohiri avait pris conscience du besoin de se doter d'un centre de médecine traditionnelle coréenne ou chinoise capable d'aider beaucoup de Yéménites souffrant de maladies que la science moderne échoue ou prend plus de temps à soigner.
"J'ai réalisé que nous avions besoin de la médecine traditionnelle d'Asie orientale pour aider les Yéménites à surmonter des désordres fonctionnels temporaires sans qu'ils aient à voyager à l'étranger ou à suivre des traitements coûteux", se rappelle Al-Sohiri.
Les médecins mettent en garde les Yéménites contre plusieurs habitudes qui nuisent à leur santé. Ainsi, les Yéménites, y compris les plus jeunes, sont de plus en plus victimes d'accidents vasculaires cérébraux en raison de la consommation régulière de produits alimentaires contenant des matières grasses hydrogénées dangereuses pour la santé car elles accroissent le taux de cholestérol et augmentent les risques d'AVC.
"La qualité de la nourriture en conserve est assez mauvaise au Yémen et pourrait être à l'origine de divers problèmes de santé, à cause de l'irresponsabilité des fabricants et des importateurs de produits alimentaires", affirme le Docteur Al-Sohiri. "Voilà pourquoi les jeunes et les enfants, en plus des personnes âgées, connaissent de plus en plus de problèmes de santé."
Khaled Mohammed, un homme de 56 ans originaire de la ville de Taiz (sud-ouest du Yémen) qui souffrait d'un trouble du nerf facial lui déformant le visage, a suivi durant des mois un traitement dans un centre de physiothérapie dépendant du ministère de la Santé, sans trop d'améliorations. Au Centre de médecine traditionnelle orientale du Koryo, après trente séances avec le Docteur Jo Jong-gil, Khaled Mohammed a partiellement retrouvé le contrôle de sa bouche. Puis le Docteur Jo a demandé à Mohammed de rester au repos pendant deux semaine avant d'entamer la deuxième phase du traitement.
"Dans le cas de Khaled Mohammed, un accident vasculaire cérébral avait affecté les nerfs commandant la bouche et il souffrait gravement dès qu'il avait froid. Il a aujourd'hui retrouvé un sourire presque normal et ne souffre plus autant", explique le Docteur Jo. Le traitement suivi par Mohammed combinait l'acupuncture coréenne, des injections de vitamine B et une thérapie par l'électricité et la chaleur. Il n'y a eu ni chirurgie, ni prise de médicaments par voie orale.
Autre mauvaise habitude de beaucoup de Yéménites, rester assis pendant des heures dans la même position pour mâcher du khat, une plante aux vertus euphorisantes souvent qualifiée de drogue.
Muhanad Dawod, étudiant de 20 ans originaire du port de Hudeidah, sur la mer Rouge, est arrivé au Centre de médecine koryote à cause de son mal de dos. Le premier diagnostic a permis aux médecins de déceler une irritation musculaire entre l'omoplate et l'arrière de la cage thoracique, due à un effort ou à une mauvaise position prolongée. Il s'agit d'un mal courant chez les personnes travaillant de longues heures sur un ordinateur. Il convient alors de suivre des séances d'acupuncture et de soins par la chaleur mais aussi de changer son mode de vie.
Le Docteur Al-Sohiri s'inquiète aussi des habitudes de construction, particulièrement à Sanaa où les bâtiments sont si proches les uns des autres que l'air y circule mal et les rayons du soleil n'y pénètrent pas. Il n'y a ni balcons, ni cours permettant d'aérer correctement les logements. Cela peut provoquer de l'arthrite ou des rhumatismes, en particulier si les maisons sont froides ou si les pièces sont humides.
Le Centre de médecine koryote a reçu de nombreux patients souffrant de rhumatismes et dont l'état s'est amélioré après quelques séances. Cependant, de l'avis des médecins, ces patients doivent modifier leurs conditions de vie pour rester en bonne santé.
Les femmes yéménites résidant en ville éprouvent davantage de problèmes de santé que les femmes des campagnes car, devant se couvrir entièrement quand elles sortent, elles ne sont pas assez exposées aux rayons du soleil. De même, quand elles sont à la maison, elles doivent fermer les portes et rester à l'écart des fenêtres.
En outre, tous les Yéménites, hommes et femmes, exercent peu d'activités physiques, ce qui est à l'origine de nombreux problèmes musculaires. Une femme de 35 ans souffrait ainsi d'une crampe musculaire chronique dans la jambe droite. Après quelques séances de massage électrique et de moxibustion, sa crampe s'est calmée et la douleur a diminué de façon remarquable.
D'autres affections, comme l'ostéoporose, ont pour cause le manque de minéraux dans l'alimentation mais aussi les grossesses trop fréquentes. Un régime alimentaire néfaste et un trop grand stress pourraient aussi provoquer des dérèglements de l'organisme. Le Docteur O Song-suk cite ainsi l'exemple d'une de ses patientes âgée de 30 ans souffrant de règles irrégulières et qui a été guérie après sept séances d'un traitement combinant application localisée de chaleur, massages et moxibustion.
Mauvaise alimentation, manque d'activité physique, stress... Les sources de nombreux maux dont souffrent les Yéménites - et auxquels la médecine koryote apporte une solution - sont bien connues dans les pays occidentaux. Ceux-ci oseront-ils reconnaître le savoir-faire de la RPDC et établir avec ce pays un partenariat profitant d'abord à la santé des citoyens? (source : AAFC, Yemen Times)